N° RG 16/04012 - N° Portalis DBVM-V-B7A-IUSX
DJ
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
la SELARL CDMF AVOCATS
la SELARL JURISTIA - AVOCATS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 30 OCTOBRE 2018
Appel d'un Jugement (N° R.G. 13/02915)
rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE
en date du 27 juin 2016
suivant déclaration d'appel du 17 Août 2016
APPELANTS :
Monsieur Patrice X...
né le [...] à SAINT GAUDENS
de nationalité Française
[...]
Tous représentés par Me Jean-Luc Y... de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me Marc Z..., avocat au barreau de BEAUVAIS
Monsieur Olivier A...
né le [...] à ROMANS SUR ISERE
de nationalité Française
[...]
Monsieur Pierre B...
né le [...] à ROUEN
de nationalité Française
Le Roignaix
[...]
Madame Mireille DD...
née le [...] à LYON
de nationalité Française
[...]
Monsieur Jean-Philippe C...
né le [...] Ã
de nationalité Française
Les Frasses
73600 SALINS LES THERMES
Monsieur Jean-Claude D...
né le [...] à THONON LES BAINS
de nationalité Française
[...]
Monsieur Pierre E...
né le [...] à SAINT JEAN DE MAURIENNE
de nationalité Française
Immeuble Agena
73300 LE CORBIER
Madame Marie-Jo F... CC... G...
née le [...] à VARENGUEBEC
de nationalité Française
MONTRIGON
[...]
Monsieur Jean-Pierre H...
né le [...] à INEZGANE (Maroc)
de nationalité Française
GAUTAN
[...]
Monsieur Jean-Marc I...
né le [...] à LYON
de nationalité Française
[...] France Résidence Les Tisserands
[...]
Monsieur Francis J...
né le [...] à PAU
de nationalité Française
Le Roignaix
[...]
Monsieur Bernard K...
né le [...] à GEMOZAC
de nationalité Française
Bié de Forgue
[...]
Monsieur Michel L...
né le [...] à CASABLANCA (Maroc)
de nationalité Française
[...]
Monsieur Baptiste M...
né le [...] à LA TRONCHE
de nationalité Française
[...]
Monsieur Richard N...
né le [...] à MARSEILLE
de nationalité Française
Le Village
05170 ORCIERES
Monsieur Jean-Marc O...
né le [...] à BRUNOY
de nationalité Française
Le Roignaix
[...]
Monsieur Alain P...
né le [...] à ROMANS SUR ISERE
de nationalité Française
Les Babos
26380 PEYRINS
Madame Corinne BB... Q...
née le [...] à LYON
de nationalité Française
[...]
Madame Sophie R...
née le [...] à NICE
de nationalité Française
[...]
Monsieur Guy S...
né le [...] à ARGELES
de nationalité Française
[...]
Monsieur Gérard T...
né le [...] à AVIGNON
de nationalité Française
Le Goupil
[...]
Monsieur Alain U...
né le [...] à SAINT DENIS
de nationalité Française
L'Orée des Arcs
[...]
Monsieur Jean-Claude V...
né le [...] à AIME
de nationalité Française
[...]
73210 MACOT LA PLAGNE
Monsieur Yves EE...
né le [...] à PEISEY NANCROIX
de nationalité Française
Le Moulin
73210 PEISEY NANCROIX
Monsieur Patrice W...
né le [...] à [...]
de nationalité Française
Le Prainan n° 15
[...]
Monsieur Michel XX...
né le [...] à SAINT JEAN DE MAURIENNE
de nationalité Française
Saint Sorlin d'Arves
[...]
Tous représentés par Me Jean-Luc Y... de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me Marc Z..., avocat au barreau de BEAUVAIS
INTIME :
Le SYNDICAT NATIONAL DES MONITEURS DE SKI FRANÇAIS demeurant [...] pris en la personne de son représentant légal domicilié [...]
représenté par Me Jean Damien FF... de la SELARL JURISTIA - AVOCATS, postulant et plaidant par avocat au barreau de GRENOBLE, Me Catherine GG..., avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Hélène COMBES, Président de chambre,
Madame Dominique JACOB, Conseiller,
Madame Joëlle BLATRY, Conseiller,
Assistées lors des débats de Madame Anne BUREL, Greffier
En présence de Monsieur YY... Alexis, avocat stagiaire
DEBATS :
A l'audience publique du 25 Septembre 2018, Madame JACOB a été entendue en son rapport.
Les avocats ont été entendus en leurs observations.
Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.
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EXPOSE DU LITIGE
Le Syndicat National des Moniteurs de Ski Français (le SNMSF) fondé en 1945 a institué, en 1963, un dispositif de retraite interne, le Fonds de Prévoyance, ouvert à ses adhérents.
En application du décret n° 77-1404 du 15 décembre 1977, l'affiliation au régime d'assurance vieillesse de base des professions libérales est devenue obligatoire, à compter du 1er janvier 1978, pour les professionnels exerçant une activité d'enseignement à titre libéral.
L'article 110 de la loi 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 et son décret d'application n° 2007-369 du 20 mars 2007 ont fixé les modalités de validation de la carrière des moniteurs de ski, à hauteur de deux trimestres par an entre le 1er janvier 1978 au 31 décembre 2006.
Soutenant que le SNMSF avait commis une faute en maintenant l'obligation de cotisation au Fonds de Prévoyance de 1978 à 2006 et que cette faute leur avait causé un préjudice consistant en une réduction de leurs droits à retraite, 33 moniteurs de ski ont assigné le SNMSF, par acte du 14 juin 2013, devant le tribunal de grande instance de Grenoble.
Par jugement du 27 juin 2016, le tribunal a constaté le désistement de Auguste ZZ... et Jean-François AA..., a débouté tous les autres moniteurs de leurs demandes et a condamné chacun d'eux à verser au SNMSF la somme de 80 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Les moniteurs de ski ont relevé appel de cette décision le 19 août 2016.
Dans leurs dernières conclusions du 8 juin 2017, ils demandent à la cour, au visa des articles 1382 et suivants du code civil, d'infirmer le jugement et de :
- déclarer le SNMSF entièrement responsable du préjudice subi du fait de leur absence d'affiliation à un régime obligatoire de retraite durant la période du 1er janvier 1978 au 31 décembre 2006,
- condamner le SNMSF à reconstituer les points et droits à retraite et prévoyance de chacun d'eux,
- dire qu'à défaut, le SNMSF devra réparer le préjudice subi sous forme de dommages-intérêts,
- condamner à titre provisionnel le SNMSF à payer à chacun d'eux la somme de 180.000 euros à titre provisionnel,
- condamner le SNMSF à leur payer la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- désigner tel Expert qu'il plaira, lequel aura pour mission de :
- se faire communiquer tous documents utiles, entendre les parties et tous sachants,
- se faire communiquer par le SNMSF ou à défaut par les requérants le montant exact des revenus perçus par chacun des requérants durant la période 1978 à 2006 ;
- déterminer le montant des droits à retraite que chacun des requérants aurait constitués s'il avait normalement cotisé au régime obligatoire, de base et complémentaire ;
- déterminer dans quelle mesure les points et droits de chacun des requérants peuvent être reconstitués ;
- déterminer le montant du préjudice que chacun des requérants a subi, subit et subira du fait qu'il a dû cotiser au Fonds de Prévoyance du SNMSF, et n'a pas cotisé au régime d'assurance vieillesse obligatoire ;
- donner son avis sur tous les chefs de préjudice subi par chacun des requérants suite à l'absence
d'affiliation de 1978 à 2006 au régime obligatoire d'assurance vieillesse, et en raison de l'absence de contrepartie aux cotisations au Fonds de Prévoyance qu'ils ont pu régler avant 1978, les décrire et les évaluer ;
- du tout dresser un rapport qui sera remis au Secrétariat Greffe du Tribunal de Grande Instance de Grenoble,
- condamner le SNMSF aux dépens.
Ils reprochent au SNMSF de les avoir contraints, de 1978 à 2006, à adhérer à un système 'dit de retraite' qui n'en était pas un, et ce malgré les dispositions impératives du décret du 15 décembre 1977.
Ils affirment que le SNMSF a exigé de leur part qu'ils cotisent au Fonds de prévoyance et leur a demandé de ne pas s'inscrire au régime obligatoire.
Ils ajoutent que le SNMSF n'avait pas le droit de gérer un tel fonds de prévoyance ; que jamais l'Etat n'a autorisé implicitement ce régime ; qu'il lui a, au contraire, rappelé l'obligation d'affiliation à une caisse d'assurance vieillesse.
Ils relèvent que la loi de 2006 n'a eu pour but que de contraindre le SNMSF à exécuter ses obligations et qu'elle a limité, dans une faible mesure, les conséquences des illégalités commises.
Ils répliquent que le prétendu 'combat' du SNMSF contre les pouvoirs publics n'avait aucun intérêt pour eux ;
que le SNMSF savait que seule l'affiliation à un régime obligatoire pourrait permettre à ses adhérents de percevoir une retraite décente ;
que malgré la mise en garde du ministre, dès 1980, il s'est refusé à appliquer la loi et, par cette faute grave, a compromis toute chance pour les moniteurs d'obtenir une retraite décente.
Ils reprochent également au SNMSF de ne pas avoir su gérer les fonds qu'il percevait et relèvent que, selon la commission des affaires sociales, le régime était en 2006 'confronté à une perspective de cessation de paiement'.
S'agissant de leur préjudice, ils indiquent qu'ils ne bénéficient, pour les années 1978 à 2006, que de deux trimestres d'assurance par an, alors que s'ils avaient cotisé au régime obligatoire, ils auraient obtenu chaque année au moins quatre trimestres, basés sur leurs revenus réels ; que ce préjudice est en lien de causalité avec la faute du SNMSF.
Ils ajoutent que les périodes antérieures à 1978 n'ont pas été validées, de sorte qu'ils n'auront pas de contrepartie aux cotisations qu'ils ont versées.
Dans ses dernières conclusions du 18 octobre 2017, le SNMSF demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner chaque appelant à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Il expose qu'en sa qualité de syndicat professionnel, il s'est battu, depuis 1978, pour obtenir des conditions d'affiliation des moniteurs au régime national d'assurance vieillesse qui ne remettent pas en cause leurs droits constitués ;
que cette affiliation n'a été organisée par les pouvoirs publics qu'en 2007, par l'article 110 de la loi du 21 décembre 2006 dont les dispositions ont été validées par le Conseil d'Etat, le 29 octobre 2008.
Il conteste avoir fait obstacle à l'application de la loi de 1978. Il explique que les dispositions du décret du 15 décembre 1977 n'étaient pas applicables en l'état aux moniteurs de ski et qu'il a oeuvré dès 1980 pour mettre en place les modalités de l'affiliation au régime général; qu'il a maintenu le régime professionnel créé en 1963, dans l'attente de la détermination de ces modalités pratiques.
Il précise que sa position était non contraignante, qu'il n'a pas fait interdiction aux moniteurs de s'inscrire à une caisse de retraite, que ceux-ci restaient libres de demander, à titre individuel, leur affiliation et qu'il les a toujours informés des discussions avec l'Etat sur la mise en place du nouveau dispositif.
Il relève qu'en réalité les appelants contestent les modalités issues de la loi du 21 décembre 2006.
Il conteste avoir commis des fautes dans la gestion du fonds de prévoyance expliquant que la gestion était confiée à une compagnie d'assurance et que l'IGAS, en 2003, n'a relevé aucune carence.
Il fait subsidiairement valoir que les appelants n'ont subi aucun préjudice au titre de la période de 1978 à 2006 puisque la loi de 2006 a eu un effet rétroactif, ni aucun préjudice au titre de la période antérieure à 1978 puisque l'ensemble des cotisations a été transféré aux caisses désormais compétentes et que tous les points acquis par les moniteurs avant et après 1978 ont été comptabilisés dans les nouveaux régimes.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.
Après avoir créé en 1945 une caisse de secours des écoles de ski, le SNMSF a mis en place en 1963 un fonds de prévoyance spécifique financé par des cotisations payées par les moniteurs de ski en activité.
Ainsi que cela ressort de la lettre adressée le 23 janvier 1978 par le président du SNMSF à la ministre de la santé, ce régime de prévoyance sociale assure à ses adhérents une retraite 'dès l'âge de 55 ans' en raison du 'caractère pénible et dangereux du métier de moniteur de ski'.
Le 1er janvier 1978, l'affiliation au régime de base et au régime complémentaire d'assurance vieillesse des professions libérales est devenue obligatoire pour les professionnels exerçant une activité d'enseignement à titre libéral.
Il n'est nullement contesté que les modalités d'intégration dans le régime légal n'étaient aucunement définies par le décret du 15 décembre 1977 alors que les moniteurs de ski relevaient d'un régime spécifique pour lequel ils avaient cotisé.
Le SNMSF a, dès le 23 janvier 1978, alerté les pouvoirs publics sur les spécificités de la situation des moniteurs de ski au regard du régime de prévoyance sociale instauré en 1964 et a, lors de négociations dont il est justifié par les pièces versées aux débats, cherché à préserver les droits constitués antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi de 1978.
Ainsi que l'a retenu le tribunal, le fait pour le syndicat d'avoir imposé à ses adhérents ' comme cela ressort des bulletins diffusés à partir de l'été 1978, en octobre 1979 et février 1980 ' de ne pas s'inscrire au régime légal obligatoire tant qu'il ne disposait pas de précisions sur les modalités du transfert, ne revêt pas un caractère fautif.
En effet, cette prise de position était légitime pour un organisme dont la vocation est notamment de veiller à la sauvegarde des intérêts de ses adhérents et à la préservation de leurs droits.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a dit que le maintien de l'affiliation des moniteurs de ski auprès du régime du fonds de prévoyance après le 1er janvier 1978 ne procédait d'aucune faute du SNMSF.
Pas plus qu'en première instance, les moniteurs de ski ne démontrent, par les pièces qu'ils versent aux débats, que le SNMSF aurait commis une faute dans la gestion des fonds perçus dans le cadre du régime spécifique de retraite, ni que cette faute serait en lien de causalité directe et certaine avec le préjudice qu'ils invoquent, à savoir la perte de leur droits constitués avant 1978.
Le jugement n'encourt donc aucune critique et sera intégralement confirmé.
RG N° 16/04012 page 8
Aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur du SNMSF, en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
- Condamne les moniteurs de ski aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Madame COMBES, Président, et par Madame BUREL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT