N° RG 05/03624 -
N° Portalis DBVM-V-B6V-D3JH
JB
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
à :
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE x2
la SELARL D... ET MIHAJLOVIC
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
1èRE CHAMBRE CIVILE
ARRET SUR RENVOI DE CASSATION
DU MARDI 30 OCTOBRE 2018
DECLARATION DE SAISINE DU 24 Août 2005
sur un arrêt de cassation du 26 janvier 2005
Recours contre un Jugement (N° R.G. 9601186)
rendu par le Tribunal de Grande Instance de DIGNE
en date du 26 novembre 1997
ayant fait l'objet d'un arrêt rendu le 9 janvier 2003
par la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE
APPELANTES :
L'ASSOCIATION CULTUELLE DU TEMPLE PYRAMIDE (ACTP) prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [...]
L'ASSOCIATION VAJRA TRIOMPHANT (AVT) prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [...]
Toutes les deux représentées par Me Y... Z... de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me Renaud-Jean A..., avocat au barreau de LYON
INTIMES :
L'ASSOCIATION INTERDÉPARTEMENTALE ET INTERCOMMUNALE POUR LA PROTECTION DE LA RETENUE DE FONTAINE L'EVEQUE dite LAC DE STE CROIX ET DE SON ENVIRONNEMENT DES LACS ET SITES DU VERDON ET DE SON ENVIRONNEMENT, prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[...]
[...]
[...]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2014/12221 du 18/12/2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)
Madame Jacqueline B... épouse C...
née le [...] à PERTHES EN GATINAIS
de nationalité Française
[...]
[...]
Monsieur Frédéric C...
né le [...] à LA BAUME CASTELLANE
de nationalité Française
[...]
[...]
Tous les trois représentés par Me Josette D... de la SELARL D... ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me Mireille E..., avocat au barreau de NICE substituée par Me L... Catherine, avocat au barreau de NICE
Madame Marie-Louise F... épouse G...
[...]
[...]
Monsieur Pascal G...
[...]
[...]
Défaillants
PARTIE APPELEE EN INTERVENTION FORCEE
LA FONDATION SA SAINTETÉ LE SEIGNEUR HAMSAH MANARAH, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[...]
LICHTENESTEIN
Représentée par Me Y... Z... de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE.
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:
Madame COMBES, Président de chambre
Madame JACOB, Conseiller
Madame BLATRY, Conseiller
En présence de Monsieur H... Y..., élève avocat
Assistées lors des débats de Madame Anne BUREL, Greffier
DEBATS :
A l'audience publique de renvoi de cassation tenue le 24 septembre 2018, Madame BLATRY, Conseiller a été entendue en son rapport, les avocats ont été entendus en leurs plaidoiries.
Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.
FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Le 16 avril 1992, le maire de la commune de [...] (04) a accordé à l'Association Cultuelle du Temple Pyramide (ACTP) un permis autorisant la construction d'un bâtiment destiné à abriter le Temple de l'unité de toutes les religions.
Par arrêt du 20 décembre 1994, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé ce permis de construire.
En raison de la durée de la procédure, les travaux ont reçu un commencement d'exécution, puis ont été laissés en l'état.
Par arrêt du 14 juin 1995, le Conseil d'Etat a rejeté le pourvoir formé par l'ACTP.
Le 22 août 1995, l'ACTP a transmis son patrimoine à l'Association Vajra Triomphant (AVT).
Déplorant de graves désordres survenus à l'occasion des travaux de construction du temple, l'Association Interdépartementale et Intercommunale pour la Protection de la Retenue de Fontaine l'Evêque (AIIPRFE), les époux Frédéric C... et les époux Pascal G... ont fait citer l'ACTP et l'AVT, devant le tribunal de grande instance de Digne, aux fins de remise en état des parcelles affectées par le projet.
Par jugement du 26 novembre 1997, cette juridiction a:
- déclaré recevable l'action des demandeurs,
- ordonné avant dire droit sur la réparation du préjudice, un transport sur les lieux avec l'assistance technique d'un expert.
Le 8 mars 1999, l'AVT a fait apport de ses biens immobiliers à l'association la Fondation sa sainteté le seigneur Hamsah Manarah (la Fondation).
Par arrêt du 9 janvier 2003, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé en son principe la décision portant sur la remise en état des lieux et sur la réparation du préjudice des demandeurs et, avant dire droit, a ordonné une mesure d'expertise confiée à Monsieur Pierre I....
Par arrêt du 26 janvier 2005, la Cour de cassation a cassé et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble au motif que la cour d'appel d'Aix-en-Provence n'avait pas recherché si les travaux effectués contrevenaient aux dispositions du Plan d'Occupation des Sols non atteintes par l'illégalité prononcée par la cour administrative d'appel de Lyon, privant sa décision de base légale.
La cour de renvoi a été saisie le 24 août 2005.
Par arrêt du 6 novembre 2007, la cour d'appel de Grenoble a confirmé le jugement déféré en ce qu'il a dit les demandes de réparation des préjudices des parties recevables et fondées et, avant dire droit, a ordonné une expertise confiée à Monsieur I... avec la mission suivante :
- décrire la nature des travaux entrepris par l'ACTP et l'AVT,
- décrire les travaux devant être effectués pour remettre les lieux en leur état naturel antérieur,
- en indiquer la durée et en chiffrer le coût,
- fournir tous éléments permettant d'évaluer les divers préjudices subis par les intimés.
Par arrêt du 24 mars 2009, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par l'ACTP et l'AVT contre la décision du 6 novembre 2007.
Diverses ordonnances juridictionnelles ont été rendues dont l'ordonnance du 15 décembre 2009, rectifiée par décision du 1er juin 2010, aux termes desquelles le conseiller de la mise en état a, notamment:
- délivré aux époux G... injonction de communiquer leur adresse, à défaut de quoi leurs conclusions seront irrecevables,
- condamné in solidum l'ACTP et l'AVT à payer aux époux C... et à l'AIIPRFE une provision ad litem de 12.000,00€ et une indemnité de procédure de 1.000,00€.
L'expert I..., ses opérations partiellement accomplies, a, sur injonction du conseiller de la mise en état, déposé un rapport le 30 juin 2009.
Par assignation du 23 février 2013, les époux C... et l'AIIPRFE ont appelé en la cause la Fondation.
Par arrêt du 28 janvier 2014, la cour d'appel de Grenoble a :
- condamné in solidum l'ACTP et l'AVT à payer à l'AIIPRFE la somme de 30.000,00€ à titre de provision,
- dit que les travaux de remise en état du site concernent les parcelles [...], [...], [...] et [...] lieudit [...] à [...], outre la voie d'accès,
- avant dire droit, ordonné une mesure d'expertise confiée à Georges Henri K... avec mission, notamment, de préconiser une ou plusieurs solutions de remise en état du lieu ou réhabilitation en prenant compte les impératifs écologiques concernant la faune, la flore et la nature sismique du site, et indiquer l'évolution de la situation depuis la précédente expertise.
Par arrêt du 7 juillet 2015, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par l'ACTP et l'AVT contre la décision du 28 janvier 2014.
L'expert K... a déposé son rapport le 29 février 2016.
Par ordonnance juridictionnelle du 14 février 2017, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande en communication de pièces d'ACTP et d'AVT.
Par conclusions récapitulatives du 25 juin 2018, l'Association Cultuelle du Temple Pyramide et l'Association Vajra Triomphant demandent à la cour de:
1) in limine litis :
- déclarer nulle l'expertise réalisée par M. K... en ce qu'il a manqué à ses obligations d'accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité,
- mettre hors de cause l'ACTP,
2) à titre principal :
- dire et juger qu'une remise en état n'est pas nécessaire en l'absence de préjudice subi par les intimés et au regard de l'atteinte à la liberté de religion, d'association et du droit de propriété,
- rejeter l'ensemble des demandes adverses,
3) subsidiairement :
- dire et juger que le champ du litige est circonscrit uniquement aux parcelles no [...], [...], [...] et [...] et aux seuls travaux réalisés sur ces parcelles sur le fondement du permis de construire annulé, soit à compter du 16 avril 1992,
- réévaluer le montant de la remise en état et dire que le montant de ce poste ne saurait excéder le montant préconisé par l'agence Géotechnique en retenant comme date de référence l'état du fonds tel qu'il existait au début de l'année 1992,
- dire que les travaux devront commencer dans un délai de 18 mois à compter de la décision à intervenir, sous réserve qu'elle devienne définitive et qu'ils devront être terminés dans un délai de 18 mois à compter du commencement des travaux, sans astreinte ou sous astreinte de 50,00€ par semaine de retard,
4) en tout état de cause :
- débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes,
- condamner l'AIIPRFE à restituer à l'AVT la somme de 42.000,00€ qu'elle a été condamnée à verser, à tort, à titre de provision,
- condamner les intimés à verser à l'AVT la somme de 30.000,00€ pour procédure abusive,
- condamner l'AIIPRFE, les époux C... et les époux G... à verser à l'AVT la somme de 20.000,00€, chacun, à l'AVT au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elles font valoir que :
- l'expertise doit être déclarée nulle au regard de la partialité de l'expert et de la méconnaissance du principe du contradictoire,
- l'ACTP a été dissoute et doit être mise hors de cause, l'AVT venant aux droits d'ACTP,
- les intimés n'ont produit aucun élément permettant d'évaluer un quelconque préjudice,
- les époux G... ont vendu leur SCI Grande Terre,
- ils n'ont subi aucun préjudice dans la mesure où les travaux n'ont entraîné aucune nuisance et ne sont même pas visibles de leur ex-parcelle,
- les époux G... ont d'ailleurs trouvé facilement de nouveaux acquéreurs, ce qui démontre l'absence de préjudice,
- de même pour les époux C..., il n'existe aucun préjudice visuel, ni d'ensoleillement ou de jouissance,
- en tout état de cause, aucune preuve n'est rapportée,
- l'objet social de l'AIIPRFE ne concerne pas la protection de l'environnement,
- l'AIIPRFE ne démontre aucun préjudice,
- le litige est circonscrit aux parcelles [...], [...], [...] et [...],
- le chiffrage de l'expert est manifestement disproportionné,
- la voie d'accès n'est concernée que s'il est démontré qu'elle a été réalisée antérieurement à l'introduction du litige, ce qui n'est pas le cas,
- la remise en état n'inclut pas la parcelle [...],
- le site supportant la plateforme doit être remis dans l'état où il se trouvait au moment de la délivrance du permis de construire, soit le 16 avril 1992,
- la plateforme existait avant la délivrance du permis de construire du 16 avril 1992,
- la voie d'accès sud est exclue de la remise en état,
- le chiffrage est manifestement erroné en l'absence de point de référence,
- il y a une atteinte manifeste à la liberté de religion et d'association.
Régulièrement citée conformément aux dispositions de l'article 683 du code de procédure civile (document remis en main propre le 23 avril 2013) la Fondation Sa Sainteté le Seigneur Hamsah Manarah, a constitué avocat le 8 octobre 2013.
Ses dernières conclusions au fond ont été notifiées le 10 octobre 2013.
Elle concluait au rejet des demandes de l'association interdépartementale et intercommunale pour la protection de la retenue de Fontaine L'Evêque et des époux C... et G....
Au dernier état de leurs écritures en date du 17 mai 2018, l'Association Interdépartementale et Intercommunale pour la Protection de la Retenue de Fontaine l'Evêque et les époux Frédéric C... /Jacqueline B... demandent à la cour de confirmer le jugement déféré sur la recevabilité de leurs demandes, l'infirmation pour le surplus et de :
- homologuer le rapport de l'expert K...,
- dire que l'ACTP et l'AVT devront solidairement procéder à la remise en état des lieux tels qu'ils étaient avant les travaux et ce sur les parcelles [...], [...], [...], [...] du lieudit [...] [...] à [...], voie d'accès comprise, conformément aux préconisations de l'expert,
- dire que les travaux devront être commencés par les deux associations appelantes dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir et ce sous astreinte de 1.600,00€ par jour de retard et qu'ils devront être terminés dans le délai de 12 mois et ce sous la même astreinte par jour de retard,
- condamner solidairement l'ACTP et l'AVT à leur payer la somme de 150.000,00€ à titre de dommages-intérêts pour les préjudices subis, et à 30.000,00€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire bien fondée l'assignation en intervention forcée de la Fondation et qu'elle devra solidairement avec l'ACTP et l'AVT être condamnée à procéder aux travaux sous la même astreinte et à leur verser la somme de 150.000,00€ à titre de dommages-intérêts,
- condamner la Fondation à leur verser 6.000,00€ d'indemnité de procédure.
Ils exposent que :
- la preuve de la partialité de l'expert n'est nullement rapportée,
- ils établissent, au moyen de diverses photographies, l'impact néfaste des implantations réalisées par leurs adversaires,
- le terrain est, de surcroit, glissant avec des risques naturels élevés,
- la cour a déjà tranché la question de leur intérêt à agir et du principe de leurs préjudices,
- l'autorité de la chose jugée s'impose.
Les époux G... ont été cités le 6 décembre 2012 suivant les dispositions de l'article 659 du code de procédure civile. Ils n'ont pas constitué avocat.
La clôture de la procédure est intervenue le 4 septembre 2018.
SUR CE
A titre liminaire, la dissolution de l'ACTP étant désormais justifiée, celle-ci sera mise hors de cause, l'AVT venant à ses droits.
Il convient de constater que les époux G... ne formulent plus aucune demande.
Par ailleurs à ce stade de la procédure, divers points ont été tranchés sur lesquels il n'y a plus lieu de revenir malgré les dernières écritures de l'appelante.
Ainsi, au regard de l'arrêt de la cour de cassation du 24 mars 2009 rejetant le pourvoi formé contre la décision du 6 novembre 2007, il est définitivement acquis que les demandes de l'AIIPRFE et des époux C... tendant à la remise en état des lieux et au paiement de dommages-intérêts sont recevables et fondées, eu égard à la faute de l'appelante tenant au non respect du Plan d'Occupation des Sols et au préjudice en résultant tant pour l'AIIPRFE, dont l'action est conforme à l'objet pour laquelle elle a été créée, que pour les propriétaires riverains.
En outre, l'arrêt de la cour de cassation du 7 juillet 2015 ayant rejeté le pourvoi formé à l'encontre de la décision du 28 janvier 2014, il est définitivement tranché que les travaux de remise en état concernent les parcelles [...], [...], [...], [...] et la voie d'accès.
Dès lors, la cour doit uniquement statuer sur les modalités de la remise en état du site concernant le périmètre susvisé et fixer le quantum des dommages-intérêts sollicités par les intimés.
Pour s'opposer à ces demandes, l'appelante allègue la nullité du rapport d'expertise pour partialité de l'expert et méconnaissance du principe du contradictoire.
1/ sur la demande de nullité de l'expertise
Sur la partialité de l'expert, l'AVT prétend que l'objectif de la commune de [...] et de Monsieur K... serait de mettre un terme à ses activités religieuses du fait d'une condamnation à supporter des frais exorbitants.
L'AVT soutient qu'il existe une collusion entre l'expert K... et la commune.
A titre liminaire, il sera relevé que la commune de [...] n'est pas partie au présent litige, qui porte uniquement sur une demande de remise en état.
Par ailleurs, le fait que l'expert K... ait été mandaté par la commune de [...], pour réaliser, en 1992, le plan d'exposition aux risques est insuffisant à démontrer la collusion alléguée.
L'AVT reproche à Monsieur K... de ne pas avoir averti la cour de sa connaissance du site et d'avoir accepté la mission d'expertise dans ces conditions.
Ce reproche est tout aussi inopérant dans la mesure où la cour était parfaitement informée de l'intervention préalable de Monsieur K... sur le site.
Sur l'objectif de l'expert de porter atteinte à l'AVT par des chiffrages exorbitants, il sera rappelé que le juge n'est jamais lié par les conclusions d'un expert et que la différence de chiffrages entre l'expert judiciaire et l'expert amiable d'AVT ne saurait constituer un indice de partialité.
Enfin, la cour observe que l'AVT a attendu la toute fin de la procédure pour remettre en cause la désignation de Monsieur K... sans recourir aux voies qui lui étaient offertes, notamment celle de la récusation prévue par l'article 234 du code de procédure civile.
A l'appui de son grief tenant à la méconnaissance par l'expert du principe de la contradiction, l'AVT, après de longues digressions techniques sur les travaux de remise en état du site, lui reproche de ne pas lui avoir communiqué les fichiers informatiques du plan topographique utilisés et des coupes réalisées par le sapiteur, la société Allamanno.
Ce faisant, l'AVT oublie que, par ordonnance juridictionnelle du 14 février 2017, le conseiller de la mise en état a rejeté cette demande de communication de pièces.
Dès lors, le grief est inopérant.
En outre, il est démontré que les parties ont été dûment convoquées aux diverses réunions d'expertise, qu'elles ont été prévenues des visites techniques des 15 juillet 2014 et 7 juillet 2015 et rendues destinataires des comptes rendus de réunions.
Le pré-rapport a été déposé le 22 octobre 2015 et il a été laissé aux parties un délai jusqu'au 15 janvier 2016 pour y répondre.
Un dire a été déposé par l'AVT le 15 janvier 2016 et l'expert y a répondu de façon argumentée.
Par voie de conséquence, l'AVT échoue à démontrer tant la partialité de l'expert que sa méconnaissance du principe du contradictoire, de sorte qu'il convient de la débouter de sa demande de nullité du rapport d'expertise.
2/ sur la demande de remise en état du site
La discussion porte principalement sur la voie d'accès et l'état de la zone de la plateforme pyramide, selon que l'on se place avant tout démarrage des travaux ou après la délivrance du permis de construire annulé.
Il existe deux voies d'accès, la première voie étant située au sud, sur les parcelles [...], [...], [...] et [...] et la seconde au nord, traversant les parcelles [...] et [...].
Compte tenu de la réalisation de la voie nord en 2013, soit postérieurement à l'introduction du litige, cet accès doit être exclu des travaux de réfection.
En revanche, au regard des considérations précédentes sur les points définitivement tranchés, la remise en état des lieux concerne la voie sud.
Dès lors, la remise en état portera sur les parcelles [...], [...], [...], [...], [...], [...] et [...].
Par ailleurs, la remise en état des lieux devra prendre en compte l'élément de réalité selon lequel il est impossible de travailler à la stabilité de la piste d'accès sans intervenir sur les talus amont et aval, ce qui légitime un léger débord des parcelles concernées.
Il ressort des observations de l'expert :
- que la remise en état des lieux devra tenir compte de ce que la commune de [...] est classée en zone sismique 4,
- que la piste d'accès sud présente sept virages, avec des soutènements en enrochements, pour partie déstabilisés,
- que la revégétalisation est assez faible, notamment, au niveau des protections en alvéoles,
- que les fossés bordant la piste sont très enherbés et que les caniveaux présentent un défaut d'entretien avec apparition de nouveaux ravinements par rapport à l'expertise de Monsieur I...,
- concernant la plateforme-pyramide, à l'est et au nord, que le ravinement est très intense avec accentuation au fil du temps,
- qu'au centre, il existe un immense cirque plan avec, en pied de falaise, une mouillère temporaire résultant de l'accumulation des eaux sauvages mal évacuées,
- qu'au sud-est, les deux terrasses créées avec les déblais du cirque sont recouvertes en partie par la végétation,
- qu'en partie nord, le talus reste toujours à nu,
- que le parking s'est enherbé à l'ouest, une cuvette s'étant formée par une très forte accumulation récente de sédiments venus des pentes,
- que cette cuvette s'est progressivement agrandie et est devenue stérile,
- qu'un profond fossé d'écoulement des eaux sauvages s'est créé avec un ruissellement orienté plein est.
L'expert estime que, s'il est impossible de reconstituer des marnes âgées de 150 millions d'années, tectonisées, consolidées et structurées, il est néanmoins possible de retrouver la morphologie initiale du site.
Pour ce faire, l'expert préconise de procéder à des déblais et à des remblais avec toile de jute sur les parties les plus pentues pour permettre la revégétalisation du site avec ensemencement des zones et plantations d'espèces arbustives locales.
Il estime que la faune réoccupera l'espace rapidement dès que la végétation aura repoussé.
L'expert décrit les travaux nécessaires comme suit :
- travaux préparatoires comprenant l'amenée de camions, de pelles-mécaniques, de mini-pelles, de rouleaux de matériaux (géogrilles, toile de jute, remblais, plants, balises de chantier, feux de circulation, panneaux de signalisation, cabanes de chantier, sanitaires...),
- décapage des zones où des remblais réutilisables ont été entreposés lors des travaux antérieurs,
- stockages des matériaux sur place,
- apports de remblais calcaire type déchets de carrière,
- mise en place de drains routiers entourés de géotextiles, en pied de talus,
- mise en place de remblais compactés par couche de 20 à 30 centimètres avec pose de géogrilles dans les profils 11, 14, 15, 17, 24-26, 27-30, les géogrilles devant s'étendre d'un profil à l'autre lorsqu'ils sont voisins et jusqu'à la moitié de la distance avec le profil suivant lorsque ce dernier est stable sans géogrille,
- mise en place des anciens déblais du site en remblais superficiels,
- mise en place d'une toile de jute sur les zones pentues,
- ensemencement avec du calamagrostis, du ray grass italien et anglais, de la fétuque, de l'achillée millefeuille et de la marguerite,
- plantation de genêts, de bugranes, de pins noirs, de pins sylvestres, d'aulnes, de cèdres, de buis et d'argousier.
La question des coûts n'est pas utile à la solution du litige dans la mesure où les intimés demandent la remise en état en nature.
Dès lors, la divergence de chiffrage entre le rapport d'expertise judiciaire et le rapport de Géotechnique doit être minimisée.
Les critiques concernant l'absence de fiabilité des calculs de l'expert au motif que le sapiteur, l'entreprise Allamano, n'aurait pas pris de point de référence sont infondées dans la mesure où l'état initial du site a été retenu comme étant celui antérieur à la réalisation de la voie d'accès sud.
Par ailleurs, l'AVT via son expert amiable, la société Géotechnique, se fonde sur le plan topographique du 2 avril 1991 dont les cotes sont illisibles.
La question de la plateforme doit être appréciée au regard de l'état du site avant les travaux de terrassement de cette zone et non après le démarrage des travaux de construction sauvage de la plate forme en 1991, sauf à vider de toute sa substance la question de la remise en état du terrain.
La question du volume des remblais sera retenu conformément à la proposition de la société Allamano selon la coupe cotée proposée et non selon la proposition de la société Géotechnique, laquelle ne reposant sur aucun descriptif, n'est pas pertinente.
L'expert évalue la durée des travaux à environ trois ans.
Toutefois, les travaux de remise en état ne concernant pas la voie d'accès nord, le délai de réalisation des travaux sera fixé à trente mois.
En l'état de tous ces éléments, il convient de condamner in solidum l'AVT et la Fondation, cette dernière ayant reçu de l'AVT ses biens immobiliers, à remettre dans leur état antérieur aux travaux les parcelles [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...] et [...], soit concernant la voie d'accès sud, la zone plateforme-pyramide et le parking, selon les préconisations de l'expert visées en pages 34, 35, 36, 37, 38 et 39 du rapport d'expertise, telles que détaillées dans le dispositif du présent arrêt.
Il convient d'assortir ces travaux d'une astreinte de 500,00€ par jour de retard, le chantier devant être ouvert dans un délai de six mois suivant la signification du présent arrêt et les travaux devant être terminés dans un délai de trente mois suivant le démarrage du chantier.
3/ sur la demande de dommages-intérêts des intimés
L'AIIPRFE et les époux C... forment une demande globale et la cour, tenue par les prétentions des parties, indemnisera leur préjudice par l'allocation d'une seule somme.
Ainsi qu'il a précédemment été retenu, la question du bien fondé de la demande indemnitaire des intimés est définitivement tranchée.
C'est à tort que l'AVT tente de déplacer le débat sur le terrain de la liberté religieuse et d'association et sur le respect du droit de propriété alors qu'il est définitivement acquis que l'action de l'AIIPRFE est conforme à l'objet pour laquelle elle a été créée, à savoir la sauvegarde des milieux naturels, des paysages et de la flore.
Le principe du préjudice est définitivement jugé, tant en ce qui concerne l'AIIPRFE, puisque les travaux litigieux réalisés en contravention avec le POS portent une atteinte directe aux intérêts qu'elle défend, qu'en ce qui concerne les époux C... en leur qualité de propriétaires riverains du site.
Il n'est au surplus pas inutile de rappeler que le droit de propriété trouve sa limite dans le respect des lois et règlements, ainsi que de celui du droit d'autrui.
Il ressort à l'évidence des photographies produites que le site a été dénaturé et la montagne véritablement 'scalpée' par les travaux entrepris par l'ACTP aux droits desquels vient l'AVT.
Ces travaux, réalisés au mépris des règles d'urbanisme, présentent un caractère dangereux et entraînent une atteinte grave tant à la sécurité qu'à l'environnement.
La méconnaissance des règles susvisées dans une région à risques sismisques entraîne également des ruissellements intempestifs portant atteinte non seulement au milieu naturel mais également aux habitations riveraines du site.
Enfin, l'atteinte visuelle des époux C... s'apprécie au regard de la vue globale sur le site, même si la voie d'accès est, en partie, dissimulée par les constructions du «Mandarom».
Le préjudice des intimés ayant été partiellement réparé par la condamnation de l'AVT et de la Fondation à la remise en état du site, il convient de condamner ces dernières in solidum à payer à l'AIIPRFE et aux époux C..., unis d'intérêts, des dommages-intérêts de 50.000,00€.
4/ sur la demande de dommages-intérêts de l'AVT
L'AVT, succombant en ses prétentions, ne saurait solliciter l'allocation de dommages-intérêts pour procédure abusive. Il convient de la débouter de sa demande de ce chef.
5/ sur les mesures accessoires
L'équité justifie de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au seul bénéfice des intimés.
Enfin, l'AVT et la Fondation supporteront in solidum les dépens de la procédure tant de première instance qu'en cause d'appel, ces dépens comprenant les frais des expertises I... et K....
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par défaut,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevables en leur action l'Association Interdépartementale et Intercommunale pour la Protection de la Retenue de Fontaine l'Evêque, ainsi que Monsieur Frédéric C... et Madame Jacqueline B... épouse C...,
Le complétant,
Vu les arrêts de la présente cour d'appel des 6 novembre 2007 et 28 janvier 2014,
Prononce la mise hors de cause de l'Association Cultuelle du Temple Pyramide aux droits de laquelle vient l'Association Vajra Triomphant,
Déboute l'Association Vajra Triomphant de sa demande de nullité de l'expertise,
Condamne in solidum l'Association Vajra Triomphant et la Fondation Sa Sainteté le Seigneur Hamsah Manarah à remettre, dans leur état antérieur aux divers travaux réalisés, les parcelles [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...] et [...] sises lieudit [...], sur la commune de [...] (04), soit concernant la voie d'accès sud, la zone plateforme-pyramide et le parking.
- Dit que les travaux suivants devront être réalisés sous une maîtrise d''uvre dont les honoraires seront à la charge de l'Association Vajra Triomphant et de la Fondation Sa Sainteté le Seigneur Hamsah Manarah :
1) travaux préparatoires comprenant l'amenée de camions, de pelles-mécaniques, de mini-pelles, de rouleaux de matériaux (géogrilles, toile de jute, remblais, plants, balises de chantier, feux de circulation, panneaux de signalisation, cabanes de chantier, sanitaires...),
2) décapage des zones où des remblais réutilisables ont été entreposés lors des travaux antérieurs,
3) apports de remblais calcaire type déchets de carrière,
4) mise en place de drains routiers entourés de géotextiles, en pied de talus,
5) mise en place de remblais compactés par couche de 20 à 30 centimètres avec pose de géogrilles dans les profils 11, 14, 15, 17, 24-26, 27-30, les géogrilles devant s'étendre d'un profil à l'autre lorsqu'ils sont voisins et jusqu'à la moitié de la distance avec le profil suivant lorsque ce dernier est stable sans géogrille,
6) mise en place des anciens déblais du site en remblais superficiels,
7) mise en place d'une toile de jute sur les zones pentues,
8) ensemencement avec du calamagrostis, du ray grass italien et anglais, de la fétuque, de l'achillée millefeuille et de la marguerite,
9) plantation de genets, de bugranes, de pins noirs, de pins sylvestres, d'aulnes, de cèdres, de buis et d'argousier,
Dit que le chantier devra être ouvert dans un délai de six mois à compter de la signification du présent arrêt, et passé ce délai sous astreinte de 500,00€ par jour de retard,
Dit que les travaux devant être terminés dans un délai de trente mois suivant le démarrage du chantier, et passé ce délai sous astreinte de 500,00€ par jour de retard,
Condamne in solidum l'Association Vajra Triomphant et la Fondation Sa Sainteté le Seigneur Hamsah Manarah à payer à l'Association Interdépartementale et Intercommunale pour la Protection de la Retenue de Fontaine l'Evêque, à Monsieur Frédéric C... et à madame Jacqueline B... épouse C..., unis d'intérêts, en deniers ou quittances la somme de 50.000,00€ à titre de dommages-intérêts.
Déboute l'Association Vajra Triomphant de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive,
Condamne in solidum l'Association Vajra Triomphant et la Fondation Sa Sainteté le Seigneur Hamsah Manarah à payer à l'Association Interdépartementale et Intercommunale pour la Protection de la Retenue de Fontaine l'Evêque, à Monsieur Frédéric C... et à madame Jacqueline B... épouse C..., unis d'intérêts, la somme de 20.000,00€ et ce par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum l'Association Vajra Triomphant et la Fondation Sa Sainteté le Seigneur Hamsah Manarah aux dépens de la procédure tant de première instance qu'en cause d'appel qui comprennent les frais des deux expertises I... et K....
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Madame COMBES, Président, et par Madame BUREL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT