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18/09/2018 | FRANCE | N°16/03531

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 1ere chambre, 18 septembre 2018, 16/03531


N° RG 16/03531

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N° Minute :







































































Copie exécutoire délivrée le :





à :



la SELAFA AVOCAJURIS



la SELARL L. LIGAS-RAYMOND - JB B...

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



1ERE CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU MARDI 18 SEPTEMBRE 2018





Appel d'un jugement (N° R.G. 14/01924)

rendu par le Tribunal de Grande Instance de VALENCE

en date du 05 juillet 2016

suivant déclaration d'appel du 15 Juillet 2016



APPELANTS :



Monsieur Ludovic X...

né le [...] à VALREAS

de nationalité française

[...]



Madame Eliane Y... épouse X...

née le [...] à LA BAUM...

N° RG 16/03531

JB

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

à :

la SELAFA AVOCAJURIS

la SELARL L. LIGAS-RAYMOND - JB B...

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 18 SEPTEMBRE 2018

Appel d'un jugement (N° R.G. 14/01924)

rendu par le Tribunal de Grande Instance de VALENCE

en date du 05 juillet 2016

suivant déclaration d'appel du 15 Juillet 2016

APPELANTS :

Monsieur Ludovic X...

né le [...] à VALREAS

de nationalité française

[...]

Madame Eliane Y... épouse X...

née le [...] à LA BAUME DE TRANSIT

de nationalité française

[...]

Tous deux représentés par Me Nicolas E..., avocat au barreau de VALENCE, postulant, et plaidant par Me Z... Roland, avocat au barreau d'ARDECHE

INTIMES :

Monsieur Jean-Jacques A...

né le [...] à CHARBONNIERES

de nationalité Française

[...]

La SCEA DOMAINE SAINT LUC, Société Civile d'Exploitation Agricole, immatriculée au RCS de ROMANS sous le numéro 451 528 335 prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]

Tous les deux représentés par Me Jean-Bruno B... de la SELARL L. LIGAS-RAYMOND - JB B... avocat au barreau de GRENOBLE, et Me C... avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Me Géraldine D..., de la SELARL B2R ET ASSOCIES, avocat du barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Hélène COMBES, Président de chambre,

Madame Dominique JACOB, Conseiller,

Madame Joëlle BLATRY, Conseiller,

Assistées lors des débats de Madame Anne BUREL, Greffier

DÉBATS :

A l'audience publique du 03 Juillet 2018, Madame BLATRY a été entendue en son rapport.

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

***

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Suivant acte authentique des 12 novembre et 4 décembre 2003, Monsieur Ludovic X... et son épouse, Madame Eliane Y..., avec la SARL Domaine de Saint Luc ont vendu à la SCEA Domaine Saint Luc représentée par son gérant, Monsieur Jean-Jacques A..., sur les communes de La Baume de Transit, de Suze la Rousse, de Bouchet et de Visan (26) :

une propriété agricole notoirement connue sous le nom Domaine de Saint Luc incluant:

- des éléments fonciers non bâtis, plantés ou non de vignes,

- des bâtiments d'exploitation,

- un gite rural,

- une cave,

- tout le matériel nécessaire à cette exploitation,

- la reprise des contrats de leasing,

la totalité des éléments d'actifs corporel de la SARL avec reprise des contrats de travail de la totalité des salariés, et ce moyennant le prix, hors stock de vins, de 2.286.735,20€.

Par acte sous seing privé du 18 mars 2004, les époux X... et la SARL ont vendu le stock de vins millésimés à la SCEA pour la somme de 272.664,56 €.

Alléguant une falsification des documents d'exploitation et des vins vendus, la SCEA a refusé de payer le prix du stock de vins.

Par ordonnance du 8 septembre 2004, le juge des référés a ordonné à la SCEA de restituer le stock de vin restant et l'a condamnée à payer aux époux X... les sommes de :

- 25.285,15 € au titre de la reprise des contrats de leasing,

- 98.662,95 € en paiement du vin déjà vendu.

Par arrêt du 26 octobre 2005, la cour d'appel de Grenoble, infirmant la décision déférée au titre de la demande relative au stock de vin a, au motif de l'existence d'une contestation sérieuse, débouté les époux X... de leur demande en paiement à ce titre.

La SCEA a d'abord engagé, en octobre 2005, une procédure civile, puis déposé plainte pénale en mars 2006.

La propriété agricole a été revendue le 30 mai 2006 moyennant le prix de 1.380.000,00€ et le stock de vins, par un second acte du même jour, pour la somme de 220.000,00 €.

Par jugement du 26 février 2006, la SCEA a été déboutée de ses prétentions à l'encontre des époux X....

Cette décision a été confirmée par arrêt du 26 juin 2007, la cour de cassation ayant, dans son arrêt du 14 mai 2009, déclaré le pourvoi non admis.

Pour obtenir la rétractation de la décision du 26 juin 2007, la SCEA a engagé une action en révision qui a été définitivement rejetée par arrêt de la cour de cassation du 21 mars 2013.

Concernant la procédure pénale, le tribunal correctionnel a relaxé Monsieur X... et, sur appel du ministère public, la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Grenoble a, par arrêt du 18 décembre 2012, condamné Monsieur X... pour escroquerie sans statuer sur une demande en intérêts civils.

Suivant exploits d'huissier en date du 5 mai 2014, la SCEA et Monsieur A... ont fait citer Monsieur et Madame X..., devant le tribunal de grande instance de Valence, à l'effet d'obtenir leur condamnation à réparer leurs préjudices respectifs.

Par jugement du 9 juillet 2016, cette juridiction, après avoir déclaré recevables les demandes de la SCEA et de Monsieur A..., a :

débouté la SCEA et Monsieur A... de leurs demandes à l'encontre de Madame X...,

condamné Monsieur X... à payer :

- à la SCEA la somme de 1.167.113,60 €,

- à Monsieur A... la somme de 10.000,00 €,

- à la SCEA et à Monsieur A..., unis d'intérêts, une indemnité de procédure de 10.000,00 €, ainsi qu'aux dépens de l'instance.

Par déclaration du 15 juillet 2016, les époux X... ont relevé appel de cette décision.

Au dernier état de leurs écritures en date du 2 juillet 2018, Monsieur et Madame X... demandent d'infirmer le jugement déféré, de déclarer irrecevables l'ensemble des prétentions adverses, à défaut, de les rejeter et, y ajoutant, de condamner la SCEA et Monsieur A... à leur payer une indemnité de procédure de 15.000,00 €.

Ils font valoir que :

les demandes adverses sont irrecevables compte tenu de l'autorité de la chose jugée tant au plan civil au regard de l'arrêt du 26 juin 2007 qu'au plan pénal au regard de l'absence d'appel du jugement correctionnel du 8 novembre 2011 relaxant Monsieur X... et de défaut de pourvoi contre l'arrêt du 18 décembre 2012 ne statuant pas sur les intérêts civils,

la SCEA ne saurait donc agir sur le fondement de l'arrêt du 18 décembre 2012 n'ayant pas été partie à cette instance,

compte tenu que deux ventes successives sont intervenues, ils n'ont commis aucune faute,

la vente du domaine correspond à une vente immobilière et non à une vente d'une propriété agricole,

dès lors, la qualité du vin ne peut avoir aucune incidence sur la vente de la propriété,

du fait de la durée des pourparlers, Monsieur A... a participé activement aux opérations de vendanges et de vinification, ce qui contrarie sa thèse du dol,

les nouveaux propriétaires n'ont pas exploité correctement le domaine et ont multiplié les erreurs,

l'achat du domaine viticole n'était qu'une opération spéculative, de sorte que la production prévisionnelle des vignes n'était pas un élément déterminant de cet achat,

la vente principale a porté sur des terres et des bâtiments, et non sur des vignes,

il n'est pas rapporté la preuve du préjudice prétendument allégué.

Par conclusions récapitulatives du 22 juin 2018, la SCEA et Monsieur A... sollicitent de:

1) à titre liminaire, confirmer le jugement déféré sur la recevabilité de ses demandes,

2) à titre principal, condamner solidairement Monsieur et Madame X... à payer :

à Monsieur A... les sommes de :

- 520.385,00 € au titre du préjudice financier,

- 100.000,00 € au titre du préjudice moral,

- 10.000,00 € en cause d'appel au titre de ses frais irrépétibles,

à la SCEA les sommes de :

- 1.697.280,00 € en réparation du préjudice subi du fait du comportement frauduleux des vendeurs,

- 100.000,00 € en réparation du préjudice moral et du temps passé par le gérant pour le traitement des procédures contentieuses,

- 10.000,00 € en cause d'appel au titre de ses frais irrépétibles,

3) subsidiairement, ordonner une mesure d'expertise pour évaluer les préjudices financiers, comptables et économiques de la SCEA et de Monsieur A....

Ils exposent que :

leurs adversaires ne peuvent se prévaloir de l'autorité de la chose jugée au civil en l'absence d'identité de parties, Monsieur A... n'étant pas partie à la précédente instance et au regard du fait juridique nouveau, à savoir la condamnation pénale de Monsieur X...,

il n'y a pas davantage autorité de la chose jugée au pénal, celle-ci étant attachée uniquement aux seules dispositions pénales à l'exclusion de celles relatives aux intérêts civils,

Monsieur X... a accompli diverses man'uvres constitutives d'une escroquerie afin d'amener des acquéreurs potentiels à acheter à un prix très élevé un domaine viticole sans grande valeur réelle,

pour gonfler artificiellement sa production de vin d'appellation contrôlée, Monsieur X... a acheté des vins exogènes et a procédé à des mélanges de vins interdits et opéré de fausses déclarations afin de faire croire à la prospérité du domaine,

Madame X..., en sa qualité de cédante du domaine et du stock de vins, associée à son mari et gérante de la SARL, a participé activement à l'ensemble des actes à l'origine de la fraude,

Madame X..., venderesse du vin et de la propriété, n'a pas satisfait à son obligation de délivrance,

tant Monsieur A... que la SCEA ont subi divers préjudices dont ils réclament l'indemnisation,

à défaut, une mesure d'expertise sera ordonnée pour apprécier ces préjudices.

A l'audience du 3 juillet 2018, avant le déroulement des débats, à la demande des époux X... et avec l'accord de la partie adverse, l'ordonnance de clôture rendue le 26 juin 2018 a été révoquée et la procédure a été de nouveau clôturée, ce qui a fait l'objet d'une mention au dossier.

SUR CE

1/ sur la recevabilité des demandes de la SCEA et de Monsieur A...

Les époux X... opposent à leurs adversaires l'autorité de la chose jugée tant au civil qu'au pénal.

au regard de l'arrêt civil du 26 juin 2007

Par application de l'article 1351 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement.

Il faut que la chose demandée soit entre les mêmes parties et formées par elles et contre elles en la même qualité.

De première part, sur la condition d'identité des parties, il sera relevé que Monsieur A... n'était pas partie à l'instance civile ayant abouti à la décision définitive de rejet des demandes de la SCEA.

Par ailleurs, la SCEA peut se prévaloir d'un élément postérieur à la décision civile définitive, de nature à écarter l'application de l'autorité de la chose jugée attachée à cet arrêt du 26 juin 2007, à savoir, la décision de justice retenant définitivement que Monsieur X... s'est rendu coupable de faits d'escroquerie.

De surcroît, aucune identité de cause ne peut être retenue, la présente action tendant à tirer, sur le fondement de l'article 1383 du code civil, les conséquences financières de la faute pénale de Monsieur X... et à rechercher, à l'encontre de Madame X..., un manquement à son obligation de délivrance alors que la précédente instance alléguait un vice du consentement de l'acquéreur par dol.

Par voie de conséquence, c'est à juste titre que le tribunal a écarté le bénéfice de l'autorité de la chose jugée au plan civil.

au regard de l'arrêt pénal du 18 décembre 2012

Conformément à ce qu'a retenu le tribunal, l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ne s'attache qu'à ce qui a été définitivement décidé par la juridiction répressive sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification, et sur la culpabilité de celui à qui le fait est imputé.

Ainsi, l'autorité de la chose jugée au pénal n'est attachée qu'aux seules dispositions de nature pénale, à l'exclusion de celles relatives aux intérêts civils.

Dès lors, est dépourvue de l'autorité de la chose jugée, la décision de première instance prononçant la relaxe du prévenu et déboutant les parties civiles de leurs demandes en raison de cette relaxe, ledit jugement étant réformé par un arrêt de la cour d'appel retenant la culpabilité de ce même prévenu, ce qui est exactement le cas de l'espèce.

Les parties civiles ayant été déclarées irrecevables par le tribunal correctionnel peuvent valablement saisir les juridictions civiles d'une demande d'indemnisation, étant relevé de surcroît que la procédure pénale n'a concerné que Monsieur X....

Par voie de conséquence, c'est à bon droit que les premiers juges ont déclaré la SCEA et Monsieur A... recevables en leurs diverses demandes.

2/ sur le bien fondé des demandes d'indemnisation de la SCEA et de Monsieur A...

à l'encontre de Monsieur X... sur le fondement de l'article 1183 du code civil

Il est définitivement tranché que Monsieur X... a accompli diverses man'uvres constitutives d'une escroquerie, en l'espèce, en augmentant le volume de production de son domaine viticole et en y incorporant des raisins et vins d'origine exogène et non conforme pour déterminer Monsieur A... et la SCEA à remettre des fonds et consentir un acte opérant obligation ou décharge, en l'espèce, à acheter un stock de vins et ledit domaine pour un prix ne correspondant pas à la valeur réelle des biens.

Monsieur X... estime que l'éventuelle faute pouvant lui être reprochée au titre du vin n'a aucune conséquence sur l'achat de la propriété, s'agissant de deux ventes distinctes.

Il soutient également que la première vente immobilière ne concerne pas une propriété agricole.

Toutefois, outre que pénalement l'escroquerie dont Monsieur X... a été convaincu porte sur l'achat du stock de vin et l'achat de la propriété, il sera relevé que dans le compromis de vente du 14 décembre 2002, il était initialement prévu une vente unique.

Par ailleurs, la désignation du bien vendu dans le premier acte est bien «une propriété agricole notoirement connue sous le nom Domaine Saint Luc».

De surcroît, si toutes les parcelles de terres ne sont pas à usage de vignes et qu'il est cédé la maison de maître et un gite, la vente porte, principalement, sur une exploitation viticole avec ses vignes, ses bâtiments d'exploitation, son matériel, sa cave et la reprise de l'intégralité des contrats de travail.

Après s'être permis de critiquer la conduite de l'exploitation du domaine par la SCEA, c'est avec une particulière mauvaise foi et de façon incohérente que les appelants soutiennent que l'achat du domaine viticole n'étant qu'une opération spéculative, la production prévisionnelle des vignes ne serait pas un élément déterminant de cet achat.

Toutefois, la rentabilité du domaine et sa capacité de production ne peuvent qu'être des éléments essentiels et déterminants de ce type d'achat, ce qui a, précisément, conduit Monsieur X... a déclarer des volumes de production falsifiés et qui a amené l'acquéreur a un prévisionnel d'exploitation erroné.

Il est établi que Monsieur X... a présenté à la SCEA une facturation mensongère sur la production des terres vendues pour la déterminer à acquérir.

Dès lors, il sera retenu que la SCEA a procédé à l'acquisition d'une entité économique et que, sans conteste, les fautes retenues à l'encontre Monsieur X... sur la qualité du vin et le volume de production des terres sont intimement liés et déterminants pour les deux achats.

Ainsi, les fautes pénalement caractérisées à l'encontre de Monsieur X... constituent des fautes civiles justifiant de dire bien fondée l'action introduite à son encontre par la SCEA et Monsieur A..., en application de l'article 1383 du code civil.

à l'encontre de Madame X... sur le fondement de l'article 1604 du code civil

Par application de ce texte, le vendeur est tenu de remettre à l'acquéreur une chose conforme aux caractéristiques convenues.

En l'espèce, Madame X..., venderesse avec son époux, mais également gérante de la SARL Domaine Saint Luc, était tenue de délivrer à la SCEA non seulement une propriété agricole en mesure de produire des récoltes correspondant, en quantité et en qualité, aux volumes annoncés et falsifiés par Monsieur X..., outre un stock de vin correspondant aux normes des AOC.

Ainsi qu'il est définitivement établi par la procédure pénale, les volumes de production, trafiqués par Monsieur X... dans les années précédant la vente, étaient impossibles à atteindre, nonobstant, la prise en compte des aléas inhérents à la culture viticole, mais encore, les stocks de vins pollués par l'adjonction de différents raisins et vins, hors appellation contrôlée, étaient sans valeur véritable.

Dès lors, Madame X..., si elle n'a pas fait l'objet de poursuite pénale, a manqué à son obligation de délivrance, la bonne ou mauvaise foi étant indifférente à ce régime de garantie.

Elle doit être, à l'instar de son époux, condamnée à indemniser les entiers préjudices, tant de la SCEA que de Monsieur A....

3/ sur la réparation des préjudices

de la SCEA

La SCEA sollicite l'indemnisation de son préjudice financier et de son préjudice moral.

Il est constant qu'au regard des falsifications opérées par Monsieur X..., le prévisionnel de production a été impossible à atteindre, ce qui a entraîné des déficits comptables pour les années 2003, 2004 et 2005 et que la valeur de la propriété était moindre, ce qui a justifié une moins-value de cession lors de la revente immobilière en 2006.

Au regard de la non conformité aux normes AOC, le stock de vin avait une valeur financière fortement dévaluée, ce qui a entraîné également une perte sur la cession du stock en 2006.

Les éléments comptables communiqués sont suffisants pour chiffrer le préjudice de la SCEA sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise comptable.

Ainsi que l'a justement retenu le tribunal, le préjudice de la SCEA s'analyse comme la perte de chance de ne pas contracter l'achat du domaine et du stock de vin, et ainsi d'échapper aux pertes financières résultant d'abord de l'exploitation, puis de la revente du domaine et du vin, à l'exclusion d'un préjudice moral que les premiers juges ont pertinemment écarté.

Au regard du document d'expertise comptable rédigé par la société Cabinet Jean-Marc Gieules, les pertes financières s'élèvent à la somme de 1.458.892,00 € se décomposant comme suit :

déficit comptable 2003 : 73.112,00 €,

déficit comptable 2004 : 197.182,00 €,

déficit comptable 2005 : 203.496,00 €,

moins-value de cession : 657.953,00 €,

perte sur cession de stock : 326.149,00 €.

C'est à juste titre que le tribunal a estimé que la SCEA avait perdu une chance majeure de ne pas contracter si elle avait été correctement informée de la valeur réelle du domaine et du stock et de la capacité de production de la propriété agricole.

Dès lors, c'est à bon droit que le tribunal à fixé la perte de chance à 80 % et le montant de l'indemnisation à ce titre à la somme de 1.167.113,60 €.

Le jugement déféré étant réformé en ce qu'il avait mis hors de cause Madame X..., il convient de condamner solidairement les époux X... au paiement de cette somme.

de Monsieur A...

L'expert amiable a évalué les pertes totales de la SCEA correspondant au préjudice financier des associés.

Dès lors que le préjudice de la SCEA a été indemnisé et que Monsieur A... n'en démontre pas un distinct, c'est à bon droit que le tribunal l'a débouté de sa demande au titre d'un préjudice financier.

En revanche, le préjudice moral de Monsieur A... a été insuffisamment indemnisé compte tenu de la bataille judiciaire sur 15 ans nécessaire pour voir reconnaître les fautes des époux X... et les préjudices en résultant.

Durant ces longues années, il a dû investir beaucoup d'énergie au détriment de ses autres activités et a été concentré sur la nécessité de faire triompher son point de vue alors que pendant de nombreuses années, les turpitudes de ses adversaires n'étaient pas mises à jour.

En outre, Monsieur A... a été exposé à l'extrême mauvaise foi de Monsieur X... qui a faussement soutenu qu'il l'avait informé des fraudes commises sur le vin.

Enfin, Monsieur A... a dû supporter les injures, le dépôt d'une plainte calomnieuse pour harcèlement et violences morales, classée sans suite, mais également les menaces de mort telles qu'elles ressortent des écoutes téléphoniques.

Par voie de conséquence, il convient de condamner solidairement Monsieur et Madame X... à lui payer des dommages-intérêts de ce chef à hauteur de 40.000,00 €.

4/ sur les mesures accessoires

L'équité justifie de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au seul bénéfice de la SCEA et de Monsieur A....

Enfin, Monsieur et Madame X... supporteront solidairement les dépens de la procédure d'appel avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré sauf sur la mise hors de cause de Madame X... et sur le montant de la réparation du préjudice moral de Monsieur A...,

Statuant à nouveau sur ces points,

Condamne solidairement Monsieur Ludovic X... et Madame Eliane Y... épouse X... à payer à SCEA Domaine Saint Luc la somme de .167.113,60 € au titre de sa perte de chance,

Condamne solidairement Monsieur Ludovic X... et Madame Eliane Y... épouse X... à payer à Monsieur Jean-Jacques A... la somme de 40.000,00 € en réparation de son préjudice moral,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur Ludovic X... et Madame Eliane Y... épouse X... à payer à la SCEA Domaine Saint Luc et Monsieur Jean-Jacques A..., unis d'intérêts, la somme de 6.000,00 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur Ludovic X... et Madame Eliane Y... épouse X... aux dépens de la procédure d'appel avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame COMBES, Président, et par Madame BUREL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 16/03531
Date de la décision : 18/09/2018

Références :

Cour d'appel de Grenoble 01, arrêt n°16/03531 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-18;16.03531 ?
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