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18/09/2018 | FRANCE | N°16/03315

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 1ere chambre, 18 septembre 2018, 16/03315


N° RG 16/03315

JB

N° Minute :

















































































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la SELARL MONNIER-BORDES



la SCP MONTOYA PASCAL-MONTOYA DORNE X...







AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


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1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 18 SEPTEMBRE 2018





Appel d'un jugement (N° R.G. 14/04356)

rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE

en date du 06 juin 2016

suivant déclaration d'appel du 05 Juillet 2016



APPELANTE :



Madame Priscillia Y... épouse Z...

née le [...] à VALENCE (26)

de nationalité Française

[...]



Représentée pa...

N° RG 16/03315

JB

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le:

à :

la SELARL MONNIER-BORDES

la SCP MONTOYA PASCAL-MONTOYA DORNE X...

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 18 SEPTEMBRE 2018

Appel d'un jugement (N° R.G. 14/04356)

rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE

en date du 06 juin 2016

suivant déclaration d'appel du 05 Juillet 2016

APPELANTE :

Madame Priscillia Y... épouse Z...

née le [...] à VALENCE (26)

de nationalité Française

[...]

Représentée par Me Laurence E... de la SELARL MONNIER-BORDES, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉE :

La SAS INGENIERIE FINANCIERE DU PATRIMOINE ET DE LA PREVOYANCE (IFPP), immatriculée au RCS de GRENOBLE sous le n° 378 565 154, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié [...]

38000 GRENOBLE- FRANCE

Représentée par Me Catherine X... de la SCP MONTOYA PASCAL-MONTOYA DORNE X..., avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et Me Gilles A... de la SCP BRUGUES-A..., avocat au barreau de MONTPELLIER, plaidant par Me B... de la SCP BRUGUES-A..., avocat au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:

Madame Hélène COMBES, Président de chambre,

Madame Dominique JACOB, Conseiller,

Madame Joëlle BLATRY, Conseiller,

Assistées lors des débats de Madame Anne C...,

DÉBATS :

A l'audience publique du 26 Juin 2018, Madame BLATRY a été entendue en son rapport.

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Fin 2011, Madame Priscilla Y... épouse Z... a fait appel à la société Ingénierie Financière du Patrimoine et de la Prévoyance (IFPP), au sein de laquelle son frère effectuait un contrat d'apprentissage, pour rechercher un investissement financier.

L'IFPP lui a proposé de souscrire des parts Solabios dans le domaine du photovoltaïque, ce qui consistait à financer l'achat de matériel photovoltaïque et de le louer à Solabios qui, en retour, réglait un loyer aux investisseurs.

Le 17 décembre 2011, Madame Z... a signé le contrat Solabios et a versé la somme de 21.141,69€.

Alors que Madame Z... devait percevoir le premier loyer en janvier 2013, Solabios l'a informée, courant 2012, de ce que la perception de sa rémunération ne pourrait être effective qu'à partir du 1er janvier 2015.

Madame Z... a, alors, souhaité annulé l'opération et un protocole transactionnel a été signé entre les parties aux termes duquel Solabios s'engageait à rembourser la somme versée de 21.141,69€ en douze versements de 1.761,81€ à compter du 5 juin 2013.

Le 17 octobre 2013, Solabios a obtenu l'ouverture d'une mesure de sauvegarde et Madame Z... a déclaré sa créance pour la somme de 14.097,79€.

Par acte d'huissier en date du 12 septembre 2014, Madame Z... a fait citer, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, l'IFPP, devant le tribunal de grande instance de Grenoble, en condamnation à lui payer diverses sommes.

Par jugement du 6 juin 2016, cette juridiction a débouté Madame Z... de l'ensemble de ses prétentions et l'a condamnée à payer à l'IFPP une indemnité de procédure de 800,00€, ainsi qu'aux épens de l'instance.

Suivant déclaration du 5 juillet 2016, Madame Z... a relevé appel de la décision.

Par conclusions récapitulatives en date du 11 juin 2018, Madame Z... demande de réformer le jugement déféré et de condamner l'IFPP à lui payer les sommes de:

[...] obligation pré-contractuelle d'information,

[...]

Elle fait valoir que :

l'IFPP lui a vendu un produit non conforme à ses attentes,

l'IFPP savait que l'investissement financier avait pour finalité d'obtenir un revenu mensuel complémentaire durant la période de démarrage de l'activité de son époux,

dans ces conditions, cet investissement ne devait pas être aléatoire, mais sûr,

l'IFPP a manqué à son obligation d'information en ne soulignant pas les risques inhérents au produit Solabios,

la brochure ne faisait état d'aucun risque particulier et n'expliquait pas le montage juridique de l'investissement, de sorte qu'aucune information claire et explicite ne lui a été délivrée,

son frère n'était qu'apprenti en BTS et n'avait aucune compétence dans le domaine de gestion du patrimoine,

elle produit une attestation du cabinet Sermorens Consultants dont il résulte que, dès 2010, Solabios connaissait de fortes difficultés financières, ce que ne pouvait ignorer l'IFPP,

l'IFPP, en proposant un investissement financier par le biais d'une société en difficultés financières, a commis une faute en l'orientant vers un placement risqué,

c'est donc sur la base d'un mauvais conseil de l''IFPP qu'elle a investi dans un placement à haut risque qui a entraîné une perte financière conséquente,

son préjudice s'analyse comme la perte de chance d'obtenir les revenus escomptés.

Au dernier état de ses écritures du 14 juin 2018, l'IFPP de confirmer le jugement déféré et, y ajoutant, de condamner Madame Z... à lui payer une indemnité de procédure de 5.000,00€.

Elle expose que :

Madame Z... a reçu tout conseil utile lors de la souscription du contrat Solabios,

son frère travaille au sein de la société,

celui-ci a assuré conjointement avec monsieur D... le rendez vous du 22 novembre 2011,

un délai d'un mois de réflexion est intervenu avant la signature du contrat,

le produit proposé était en adéquation avec les objectifs de Madame Z... puisqu'il proposait une fiscalité attractive,

Madame Z... ne peut prétendre qu'elle recherchait un placement sans aucun aléa, ce qui n'existe pas,

Madame Z... a signé une attestation de reconnaissance de conseils donnés,l

les difficultés de la société Solabios n'ont été identifiées qu'au moment de l'établissement du bilan de l'année 2011 déposé en mai 2012, soit postérieurement à l'investissement de Madame Z...,

les attestations comptables, dont Madame Z..., se prévaut ont été réalisées a postériori sur le bilan 2011, qu'elle ne détenait pas en décembre 2011,

elle n'avait aucun élément permettant de douter de la fiabilité de l'investissement proposé, alors que Solabios était cotée en bourse,

le conseiller en gestion du patrimoine n'est pas le garant de l'aléa financier,

elle est étrangère aux difficultés de Solabios,

aucune perte de chance ne peut être retenue.

La clôture de la procédure est intervenue le 19 juin 2018.

SUR CE

1/ sur la responsabilité de l'IFPP

Madame Z... reproche à l'IFPP de lui avoir conseillé un investissement risqué ce qui, non seulement, ne lui a procuré aucun gain, mais lui a fait perdre une grande partie de l'argent placé.

Afin d'apprécier si l'IFPP a commis une faute dans son conseil en investissement, il y a lieu d'apprécier quel type de placement Madame Z... recherchait, sachant qu'un placement de bon père de famille présente un aléa limité avec un rendement peu important, alors que dans l'hypothèse d'un placement plus risqué, l'aléa permet d'espérer un rendement élevé contrebalancé par un risque de perte tout aussi élevé.

Il ressort de la pièce 3 de l'IFPP sur l'étude patrimoniale que Madame Z... avait pour objectifs la diminution du poste impôt et l'obtention de revenus complémentaires.

La case sur la sensibilité au risque et la volonté d'optimiser la rentabilité des placements financiers n'a pas été cochée, ce dont il se déduit que Madame Z... souhaitait un placement sécurisé.

A cet égard, la pièce 1 de l'IFPP sur le compte rendu d'entretien reprend le projet de Monsieur Z... d'arrêter son activité salariée pour se mettre à son compte en tant qu'exploitant agricole.

Cet élément confirme la nécessité pour les époux Z... d'obtenir des revenus complémentaires réguliers pour compenser l'absence de ressources pour Monsieur Z..., ce qui implique un placement sûr.

S'il est exact que Madame Z... a signé une attestation de reconnaissance de conseils donnés, il n'est aucunement démontré que l'IFPP a attiré l'attention de celle-ci sur les divers types de contrats de placement en fonction du risque.

Contrairement à ce que prétend l'IFPP, la présence du frère de Madame Z..., simple stagiaire dans l'entreprise, ne caractérise aucune délivrance d'une information complète sur les risques du placement Solabiol.

Alors qu'en 2011, l'énergie photovoltaïque bénéficiait d'avantages fiscaux, cet investissement a été présenté à Madame Z... comme particulièrement sûr ainsi que cela ressort de la simulation financière qui prétend à «une rémunération garantie de 8% annuelle revalorisée de 1,5% chaque année».

Madame Z... justifie que, dès 2010, Solabios a connu des difficultés financières, qui se sont amplifiées en 2011.

Si l'IFPP ne pouvait, lors de la conclusion du contrat de placement fin 2011, avoir connaissance du bilan comptable 2011 de Solabios, elle pouvait apprécier la santé de l'entreprise, au regard du bilan comptable 2010, connu à la mi-2011, soit avant le placement litigieux.

Ce bilan comptable 2010 faisait apparaître une baisse drastique des capitaux propres s'élevant à 48k€ contre 1103k€ l'année précédente, ce qui aurait dû alerter l'IFPP.

Ainsi et contrairement aux objectifs poursuivis par Madame Z..., l'IFPP a commis une faute en lui proposant d'investir dans une entreprise en mauvaise santé financière, la rémunération promise étant, de ce fait, chimérique.

Si elle avait été dument informée des risques encourus, qui sont, d'ailleurs, survenus et au regard des objectifs poursuivis, il y avait une chance majeure que Madame Z... refuse l'investissement Solabios.

Elle a donc perdu une chance, que la cour estime à 90%, d'opter pour un placement moins risqué et donc de ne pas perdre 66% de l'argent investi.

Il convient en conséquence de réformer le jugement déféré et de condamner l'IFPP à payer à Madame Z... des dommages-intérêts de 12.600,00€.

2/ sur les mesures accessoires

L'équité justifie de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au seul bénéfice de Madame Z....

Enfin, l'IFPPles dépens de la procédure tant de première instance qu'en cause d'appel, avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau,

Condamne la société Ingénierie Financière du Patrimoine et de la Prévoyance à payer à Priscilla Y... épouse Z... la somme de 12.600,00€,

Y ajoutant,

Condamne la société Ingénierie Financière du Patrimoine et de la Prévoyance à payer à Priscilla Y... épouse Z... la somme de 3.000,00€ par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Ingénierie Financière du Patrimoine et de la Prévoyance aux dépens de la procédure tant de première instance qu'en cause d'appel avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame COMBES, Président, et par Madame C..., Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 16/03315
Date de la décision : 18/09/2018

Références :

Cour d'appel de Grenoble 01, arrêt n°16/03315 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-18;16.03315 ?
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