La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/09/2018 | FRANCE | N°16/02936

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 1ere chambre, 11 septembre 2018, 16/02936


R.G. N° N° RG 16/02936

DJ

N° Minute :

















































































Copie exécutoire délivrée le :





à :



Me Agnès X...



la SCP GOURRET Y...

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



1E

RE CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 11 SEPTEMBRE 2018





Appel d'un jugement (N° R.G. 14/ 03353)

rendu par le Tribunal de Grande Instance de VALENCE

en date du 23 février 2016

suivant déclaration d'appel du 16 Juin 2016





APPELANTS :



Madame Marlène Z... divorcée A...

née le [...] à CARPENTRAS

de nationalité Française

719 PRINSEN GRACHT 1017

JW AMSTERDAM



Monsieur B.....

R.G. N° N° RG 16/02936

DJ

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Agnès X...

la SCP GOURRET Y...

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 11 SEPTEMBRE 2018

Appel d'un jugement (N° R.G. 14/ 03353)

rendu par le Tribunal de Grande Instance de VALENCE

en date du 23 février 2016

suivant déclaration d'appel du 16 Juin 2016

APPELANTS :

Madame Marlène Z... divorcée A...

née le [...] à CARPENTRAS

de nationalité Française

719 PRINSEN GRACHT 1017

JW AMSTERDAM

Monsieur B... A...

de nationalité Française

43 WESTHAVEN PL GOUDA

PAYS BAS

Tous les deux représentés par Me Agnès X..., avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMES :

Monsieur Mathieu C...

né [...] à NEUILLY SUR SEINE

de nationalité Française

La Villette

[...]

Madame Monique D... épouse C...

Née le [...] à BASTIA

de nationalité Française

La Villette

[...]

Tous les deux représentés par Me Olivier Y... de la SCP GOURRET Y..., avocat au barreau de VALENCE

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:

Madame Hélène COMBES, Président de chambre,

Madame Dominique JACOB, Conseiller,

Madame Joëlle BLATRY, Conseiller,

Assistées lors des débats de Madame Lætitia GATTI, Greffier

DEBATS :

A l'audience publique du 18 Juin 2018, Madame JACOB a été entendue en son rapport.

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

***

EXPOSE DU LITIGE

Marlène Z... divorcée A... est propriétaire, aux termes d'actes de donation, de partage et de ventes, de parcelles en nature de prés et bâtiments, cadastrées sur la commune de Montbrun les Bains (Drôme) G 413, 416, 418, 420, 421, 422, 423, 424 et 427.

Son fils, B... A..., est nu-propriétaire, selon acte de donation du 6 janvier 2011, des parcelles [...] et [...] en nature de lande, dont elle a conservé l'usufruit. Il est pleinement propriétaire du bâtiment cadastré [...].

Mathieu C... et Monique D... épouse C... ont acquis des consorts E..., par acte du 4 avril 2007, le fonds contigu à la parcelle [...], cadastré [...], [...] et [...].

Les propriétés sont séparées par un chemin mentionné au plan cadastral dont la nature juridique et la propriété font débat.

Par acte du 4 septembre 2014, Marlène Z... a assigné les époux C... devant le tribunal de grande instance de Valence pour voir dire que 'le chemin qui débute de la parcelle [...] pour finir à la parcelle [...], en passant par les parcelles [...], [...] et [...] est sa pleine et entière propriété'.

B... A... est intervenu volontairement à l'instance.

Par jugement du 23 février 2016, le tribunal a :

- déclaré recevable l'action en revendication de Marlène Z...,

- dit que le chemin situé entre les parcelles [...], [...], [...], [...] et [...] et les parcelles [...] et [...], et qui prend naissance à l'angle d'un chemin vicinal pour se terminer en limite de la parcelle [...], constitue un chemin d'exploitation,

- débouté Marlène Z... et B... A... de leur demande tendant à voir reconnaître leur droit de propriété exclusif sur le chemin litigieux, ainsi que de l'intégralité de leurs demandes subséquentes,

- débouté Marlène Z... de ses demandes présentées sur le fondement des inconvénients anormaux du voisinage,

- ordonné à Marlène Z... et à tous occupants de son chef, de laisser l'assiette du chemin libre de tous obstacles susceptibles de constituer une entrave à la circulation et au droit d'usage des époux C..., sous astreinte de 500 euros par infraction constatée,

- rejeté la demande reconventionnelle des époux C... en dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné Marlène Z... à payer aux époux C..., unis d'intérêts, la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Marlène Z... et B... A... ont relevé appel de cette décision le 16 juin 2016.

Dans leurs dernières conclusions du 11 mai 2018, ils demandent à la cour de :

- confirmer la nature privée du chemin qui débute de la parcelle [...] et finit à la parcelle [...], en passant par les parcelles [...], [...] et [...],

- infirmer le jugement pour le surplus,

- en tout état de cause, dire que le chemin est leur pleine et entière propriété,

- condamner les époux C... à leur verser la somme de 10.000 euros tous préjudices confondus, en réparation de leur attitude fautive,

- ordonner la remise en état de la parcelle [...],

- ordonner les mesures visant à prévenir tout futur déversement de la parcelle [...] sur la parcelle [...], notamment une étude hydrogéologique aux frais avancés des époux C..., ainsi que le retrait des caniveaux exutoires et la végétalisation d'une hauteur d'au moins égale à la hauteur du bâtiment, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision,

- ordonner aux époux C... de communiquer la déclaration préalable au permis de construire de la serre agricole et de faire procéder à une analyse chimique des rejets de la parcelle [...] vers la parcelle [...],

- en cas de risque de pollution avérée, condamner les époux C... à remettre en état, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision,

- ordonner la remise en état des façades, toitures et escaliers, l'enlèvement de la cheminée et le retrait ou le repositionnement de la pièce de bois traversante, en présence d'homme de l'art agréé, ainsi que la prise en charge par les époux C... des frais relatifs à la réparation de la partie du mur côté de la parcelle [...], sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision,

- ordonner une expertise, aux frais avancés des époux C..., afin de rechercher les causes de l'humidité survenue dans l'immeuble cadastré [...] et [...] et de déterminer les travaux qui ont impacté le mur mitoyen,

- désigner un géomètre-expert, aux frais avancés des époux C..., afin de rétablir l'assiette du chemin de 1933,

- ordonner qu'il soit mis fin à l'occupation par les époux C... du chemin et que soit restaurée l'assiette de celui-ci, conformément au bornage adossé aux minutes de l'acte authentique de 1933 (titre E.../F...),

- ordonner aux époux C... de 'déconnecter' leur nouveau chemin du chemin litigieux,

- mettre à la charge financière des époux C... la remise en état des bordures de protection des bâtiments,

- interdire aux époux C... et locataires de pénétrer sur la parcelle [...], sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision,

- condamner les époux C... à leur verser la somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Ils contestent avoir introduit de nouvelles demandes en appel, expliquant avoir simplement précisé leurs prétentions au titre des troubles anormaux de voisinage.

Ils soutiennent que le tribunal n'a tenu compte ni de l'assiette du chemin litigieux telle qu'elle résulte du seul acte à prendre en considération, à savoir le plan adossé à l'acte notarié de 1933, ni du fait qu'il s'agit d'un chemin à l'usage privé des signataires de l'acte (E... et F...).

Ils relèvent que le titre de propriété des époux C... ne mentionne aucun chemin.

Ils soutiennent qu'ils rapportent la preuve, par différents témoignages, de leur possession paisible, publique et non équivoque de l'intégralité du chemin ; que la propriété des époux C... n'est pas enclavée et que les attestations adverses sont plus que contestables.

Ils font valoir qu'ils subissent une occupation abusive et récurrente du chemin par des véhicules, matériaux et abris, ainsi qu'un empiétement par une boucle d'accès aux fonds des époux C... situés à l'est.

Ils ajoutent que les travaux entrepris par les époux C... sur le bâtiment G 417 portent atteinte au mur mitoyen.

Ils invoquent enfin des nuisances liées à l'aménagement, sur la parcelle [...], d'une serre affectée à des animaux.

Dans leurs uniques conclusions du 21 octobre 2016, les époux C... demandent à la cour de:

- rejeter les demandes des consorts A... comme étant soit irrecevables en cause d'appel, soit mal fondées,

- confirmer le jugement,

- condamner les consorts A... à leur verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Ils soulèvent l'irrecevabilité des demandes formées pour la première en cause d'appel.

Ils rappellent qu'ils ne sont pas demandeurs à l'action en revendication et qu'il appartient aux consorts A... de rapporter la preuve de leur droit de propriété exclusif sur le chemin litigieux.

Ils relèvent que l'acte notarié de 1933, invoqué par Marlène Z..., a été signé entre l'auteur de celle-ci, M. F..., et leur auteur, Flavien E... ; que cet acte établit un chemin de trois mètres dont le sol sera commun entre les parties, de sorte que Marlène Z... ne peut sérieusement soutenir en être seule et pleinement propriétaire.

Ils exposent que Marlène Z... encombre le chemin et, enfin, qu'elle n'établit pas l'existence de troubles excédant les inconvénients normaux de voisinage, ni d'un quelconque empiétement sur sa propriété.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées.

Les consorts A... revendiquent la propriété du chemin dont ils soutiennent qu'il débute de la parcelle [...] pour finir à la parcelle [...], en passant par les parcelles [...], [...] et [...].

Ils affirment qu'il s'agit d'un chemin privé qui dessert uniquement leurs parcelles et aboutit directement à leurs terrains agricoles.

Ils invoquent, à l'appui de leurs affirmations, l'acte authentique enregistré le 22 juin 1933, passé entre les époux F... et les époux E....

Or il ressort précisément de cet acte, régulièrement publié, que les époux F..., auteurs des consorts A..., et les époux E..., auteurs des époux C... ' ainsi que cela ressort du titre de propriété de ceux-ci ' ont mis fin au litige qui les opposaient par la création, 'à frais communs', d'un chemin de trois mètres sur la parcelle de la Planette, dont 'le sol sera commun entre les parties qui l'entretiendront à frais communs'.

Il n'est pas contesté que l'assiette de ce chemin dit commun entre les parties correspond à celle du chemin objet de la présente instance.

C'est donc sans aucunement dénaturer l'acte authentique enregistré le 22 juin 1993 que le tribunal en a déduit que le chemin ' dont il n'est pas soutenu qu'il est affecté au public ' sert exclusivement à la communication entre les fonds des deux parties, et l'a qualifié de chemin d'exploitation au sens de l'article L 162 du code rural.

Le fait que le titre des époux C... ne mentionne pas de chemin indivis et que les parcelles des époux C... disposeraient d'un accès par un autre chemin situé au sud de la parcelle [...], est sans incidence sur la qualification que les parties ont entendu donner par acte authentique au chemin.

Les consorts A... soutiennent qu'ils ont en acquis la propriété par prescription trentenaire.

La possession légale utile pour prescrire doit être continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.

Elle suppose des actes d'occupation réelle et la volonté de se comporter en véritable propriétaire du bien.

S'il est justifié par les attestations versées aux débats que les consorts A... et leurs auteurs ont utilisé le chemin pour se rendre sur leur propriété, il n'est pas démontré qu'ils l'ont fait en qualité de propriétaires exclusifs du chemin puisqu'il résulte des attestations adverses que le passage était également utilisé, jusque dans les années 2000, par les personnes qui rendaient visite aux époux E..., auteurs des époux C....

Le tribunal a donc justement relevé le caractère équivoque de la possession, excluant toute prescription acquisitive.

Il y a lieu par conséquent de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le chemin appartenait à chacun de ses riverains jusqu'à l'axe médian et que ceux-ci disposaient d'un droit d'usage sur l'intégralité de son assiette.

Sur les troubles anormaux de voisinage

Le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage n'implique pas une faute, mais un trouble apporté au voisin dans la jouissance de son immeuble.

Les consorts A... reprochent à leurs voisins, tout comme en première instance :

- une occupation permanente de l'assiette du chemin, dans sa partie est, par des véhicules, matériaux, encombrants et abris fixes,

- un empiétement sur l'assiette du chemin par la création d'un accès au fonds C...,

- des dégradations provoquées par les passages répétés et dangereux de véhicules dans la petite venelle entre les bâtiments,

- des dommages causés sur leur bâtiment par les travaux entrepris par les époux C... sur le bâtiment mitoyen,

- des nuisances liées à l'aménagement d'une serre sur la parcelle [...].

Outre les procès-verbaux de constat établis les 15 mars et 8 octobre 2013 et les photographies dont le tribunal a justement relevé qu'ils n'apportaient pas la preuve des troubles allégués, les consorts A... produisent en cause d'appel la copie d'un rapport d'assistance technique établi par L. G..., ingénieur expert, le 6 septembre 2016, à leur requête et dont l'objet est : 'diagnostic visuel concernant des désordres affectant un chemin privé, la parcelle [...] renommée 892 (rejets d'eau) et le mur mitoyen séparant les parcelles [...] et [...]".

Il ne ressort pas de ce document établi non contradictoirement mais que les époux C... ont eu la possibilité de discuter, la preuve de nuisances excédant les inconvénients normaux du voisinage.

En effet, les photographies annotées par l'auteur du rapport montrent un véhicule stationné dans un espace aménagé le long du chemin sans qu'il en résulte d'obstacle au passage d'un véhicule ;

il n'est pas mis en évidence de dégradations à l'embranchement du chemin avec l'accès aux bassins d'alimentation en eau, ni de nuisances liées à l'écoulement d'eau sur la parcelle [...] alors qu'un caniveau a été spécialement aménagé.

Enfin les constatations faites sur le mur séparant les parcelles [...] et [...] ne permettent aucunement d'en attribuer l'origine à des travaux entrepris par les époux C..., de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts.

L'équité commande que les consorts A... versent aux époux C... une indemnité de procédure pour les frais exposés en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement,

- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- Condamne les consorts A... à payer aux époux C... la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne les consorts A... aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame COMBES, Président, et par Madame BUREL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 16/02936
Date de la décision : 11/09/2018

Références :

Cour d'appel de Grenoble 01, arrêt n°16/02936 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-11;16.02936 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award