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28/06/2018 | FRANCE | N°16/05723

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 28 juin 2018, 16/05723


RG N° 16/05723

MPB

N° Minute :

































































Copie exécutoire délivrée

le :







Me Pascale X...



la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE



la SCP MBC AVOCATS







AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE COMM

ERCIALE



SUR RENVOI DE CASSATION



ARRÊT DU JEUDI 28 JUIN 2018





Appel contre un jugement (N°RG 2013J00090)

rendu par le Tribunal de Commerce d'ANNECY

en date du 06 novembre 2013

ayant fait l'objet d'un arrêt rendu le 28 avril 2015

par la Cour d'Appel de CHAMBERY

et suite à un arrêt de cassation du 15 septembre 2016



SUIVANT DÉCLARATION DE SAISINE DU...

RG N° 16/05723

MPB

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

Me Pascale X...

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE

la SCP MBC AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

SUR RENVOI DE CASSATION

ARRÊT DU JEUDI 28 JUIN 2018

Appel contre un jugement (N°RG 2013J00090)

rendu par le Tribunal de Commerce d'ANNECY

en date du 06 novembre 2013

ayant fait l'objet d'un arrêt rendu le 28 avril 2015

par la Cour d'Appel de CHAMBERY

et suite à un arrêt de cassation du 15 septembre 2016

SUIVANT DÉCLARATION DE SAISINE DU 08 décembre 2016

APPELANTE :

SA CHRISTIN agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié, [...]

Représentée par Me Pascale X..., avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et par Me Y..., avocat au barreau de LYON, plaidant

INTIMEES :

SAS PROMEO PATRIMOINE agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié [...]

Représentée par Me Z... de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et par MeJeanClaudeA... de la SCP SCHEUER VERNHET & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, plaidant

SAS IBSE agissant poursuites et diligences de son Président, domicilié [...]

38130 ECHIROLLES

Représentée par Me Richard B... de la SCP MBC AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÈRE:

Madame Marie-Françoise C..., Président de chambre,

Madame Fabienne PAGES, Conseiller,

Madame Marie Pascale BLANCHARD, Conseiller,

Assistées lors des débats de Madame Magalie COSNARD, greffier.

DÉBATS :

A l'audience publique sur renvoi de cassation tenue le 23 mai 2018, Madame BLANCHARD, Conseiller, a été entendue en son rapport, les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries.

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience du jeudi 28 juin 2018.

------ 0 ------

Selon marché de travaux du 8 mai 2010, la société SFP IMMOFINANCES exploitant sous l'enseigne VILLAGE CENTER PATRIMOINE a confié à la SA CHRISTIN le lot n°12 Plomberie-VMC dans une opération de promotion immobilière Le Monte Bianco à Saint Gervais, réalisée sous la maîtrise d'oeuvre de la SAS IBSE.

La réception du lot est intervenue le 24 juin 2011.

La société CHRISTIN a adressé à la société IBSE un projet de mémoire définitif par lettre recommandée du 2 août 2011, pour une somme totale de 711 838, 79 euros TTC dont 584 538, 12 euros au titre du marché et 127 300 euros au titre de pénalités.

Le 26 septembre 2011, elle a adressé à la société SFP IMMOFINANCES une mise en demeure de lui notifier son décompte définitif.

Le maître de l'ouvrage lui ayant règlé la somme de 536150,65eurosTTC, mais n'ayant pu obtenir paiement du solde de son marché, la société CHRISTIN s'est vue accorder par le juge des référés, la condamnation de la société SFP IMMOFINANCES à lui verser une provision de 23 503, 17 euros.

Par acte d'huissier du 13 mars 2013, la société CHRISTIN a fait assigner en paiement devant le tribunal de commerce d'Annecy, la société PROMEO PATRIMOINE, venant aux droits de la société SFPIMMOFINANCES, qui a fait appeler en garantie la société IBSE.

Par jugement du 6 novembre 2013, le tribunal de commerce d'Annecy a':

- débouté la SA CHRISTIN de sa demande en paiement de 148361,38 Euros ;

- constaté que la SAS IBSE avait bien vérifié le projet de décompte général définitif de la SA CHRISTIN ;

- constaté que la SAS IBSE avait été défaillante dans la notification de ce décompte général définitif au regard de la norme AFNOR ;

- constaté qu'en raison de cette défaillance, le maître d'ouvrage avait lui-même établi un décompte général définitif faisant apparaître un solde de 23 503,17 euros déduction faite du compte prorata et du compte interentreprises ainsi que des factures de surconsommation d'électricité imputable à chaque intervenant ;

- constaté que ces diverses déductions et notamment les frais de surconsommation n'ont fait l'objet d'aucune contestation par l'ensemble des autres intervenants ayant accepté de signer un protocole d'accord incluant lesdites sommes ;

- fixé le solde du décompte général définitif établi en faveur de la SA CHRISTIN à 23 503,17 euros ;

- condamné la SA CHRISTIN à remettre à PROMEO PATRIMOINE un décompte général définitif correspondant à cette somme tamponné et signé par ses soins, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement ;

- débouté la société CHRISTIN et la société IBSE de leurs demandes;

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile';

- dit que les dépens seront partagés entre les parties ;

- ordonné l'exécution provisoire.

La société CHRISTIN a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 26 décembre 2013.

Par décision du 11 mars 2014, l'exécution provisoire du jugement a été arrêtée.

Par arrêt du 28 avril 2015, la cour d'appel de Chambéry a':

- infirmé le jugement en ce qu'il a condamné la société CHRISTIN à remettre à la société PROMEO PATRIMOINE un décompte général définitif correspondant à la somme de 23 503,17 euros tamponné et signé par ses soins, sous peine d'astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision ;

- statuant à nouveau, débouté la société PROMEO de sa demande de ce chef ;

- confirmé le jugement en toutes ses autres dispositions ;

- débouté les parties de leurs demandes respectives d'indemnité de procédure;

- dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel.

Par arrêt du 15 septembre 2016, la cour de cassation a :

- cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la société CHRISTIN dirigée contre la société PROMEO PATRIMOINE, l'arrêt rendu le 28 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

- remis, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Grenoble.

La société CHRISTIN a saisi la cour d'appel de Grenoble par déclaration au greffe du 8 décembre 2016.

Selon le dernier état de ses écritures notifiées le 10 novembre 2017, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé détaillé de ses moyens, la SA CHRISTIN demande à la cour de':

- infirmer le jugement entrepris';

- condamner la SAS PROMEO PATRIMOINE à lui payer':

* la somme de 148 361, 38 euros outre intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 30 décembre 2011';

* 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- condamner la SAS PROMEO PATRIMOINE aux dépens de première instance, de la cour d'appel de Chambéry avec distraction au profit de Me X..., avocat.

La société CHRISTIN fait valoir que':

- conformément aux prescriptions de la norme NF P-03-001, elle a régulièrement adressé au maître d'oeuvre son mémoire définitif du 2 août 2011';

- elle n'avait aucune obligation de l'adresser au maître de l'ouvrage';

- ce dernier n'a pas contesté les sommes figurant dans le décompte dans le délai imparti par la norme'AFNOR ;

- si le maître d'oeuvre a été défaillant dans ses propres obligations de vérification du mémoire, ce manquement ne lui est pas opposable par le maître de l'ouvrage pour s'exonérer de son obligation au paiement.

Par conclusions notifiées le 17 novembre 2017, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé détaillé de ses moyens, la société PROMEO PATRIMOINE (société PROMEO) demande à la cour de :

- confirmer purement et simplement le jugement du tribunal de commerce d'Annecy du 6 novembre 2013, sauf en ce qui concerne l'obligation de communication de pièces sous astreinte par la SACHRISTIN à la société PROMEO ;

A/ SUR LE RECOURS DE LA SA CHRISTIN :

- constater que si le maître d''uvre a été rendu destinataire le 2août 2011 du projet de mémoire définitif établi par la SACHRISTIN, celui-ci n'a jamais remis un tel mémoire au maître de l'ouvrage en application de l'article 19.6.1. de la norme AFNOR et soutient au contraire, par courrier du 5 janvier 2012 adressé au maître de l'ouvrage qu'il n'a jamais été rendu destinataire d'un tel projet de mémoire définitif de la SA CHRISTIN ;

- constater par ailleurs qu'en dépit de ses réclamations en date des 9 août 2011, 4 novembre 2011, 19 décembre 2011, 18 janvier 2012, elle n'a jamais été rendue destinataire de la part du maître d''uvre du décompte définitif vérifié par ses soins, en application de l'article 19.6.1. de la norme AFNOR ;

- dire et juger par voie de conséquence qu'en l'absence de respect de la procédure précitée relative d'abord à la vérification du mémoire par le maître d''uvre, suite à la remise par ce maître d''uvre auprès du maître de l'ouvrage du mémoire vérifié, le décompte ne peut avoir aucun caractère définitif et ne peut être réputé accepté en application de l'article 16.6.2 de la norme AFNOR précitée ;

- dire et juger par ailleurs qu'en application de l'article 20.1 de la norme AFNOR l'inobservation de la procédure de vérification du projet de mémoire définitif interdit à la société CHRISTIN d'exiger les paiements stipulés à son marché directement auprès du maître de l'ouvrage ;

- débouter par voie de conséquence la société CHRISTIN de sa demande de paiement de 148 361,38 € au titre d'un solde de marché incluant des «incidences financières » n'ayant fait l'objet d'aucune vérification ni approbation de la part du maître de l'ouvrage ;

- constater que le maître d''uvre IBSE a communiqué le 20décembre 2011 et le 5 janvier 2012 à la société CHRISTIN un décompte général définitif établi unilatéralement par ses soins, portant sur un montant de 11 927,98 € lequel, n'a jamais été contesté par la société CHRISTIN ;

- constater par ailleurs qu'en raison de la défaillance de la société CHRISTIN, le maître de l'ouvrage a procédé lui-même à l'établissement d'un décompte général définitif faisant apparaître un solde de 23 503,17 €, déduction faite du compte prorata et du compte interentreprises ainsi que des factures de surconsommation d'électricité imputable à chacun des intervenants à l'acte de construire ;

- constater que ces différentes déductions et notamment les factures de surconsommation d'électricité n'ont fait l'objet d'aucune contestation par l'ensemble des autres intervenants à

l'acte de construire ayant accepté de signer un protocole d'accord incluant lesdites sommes ;

- constater qu'elle a offert de régler et effectivement réglé la somme de 23 503,17 € au titre du solde de marché à la société CHRISTIN ;

[...]

- condamner la société CHRISTIN à lui verser la somme de 5000 € HT au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

B/ SUR LE RECOURS A L'ENCONTRE DE LA SAS IBSE ;

- constater que la société IBSE qui admet avoir été destinataire du projet de mémoire notifié par la société CHRISTIN le 2 août 2011, a négligé de procéder à sa vérification et de répercuter ce mémoire vérifié auprès du maître de l'ouvrage ;

- constater au contraire que la société IBSE a soutenu auprès du maître de l'ouvrage qu'elle n'avait jamais reçu le projet de mémoire en date du 2 août 2011 ;

- dire et juger que la société IBSE s'est rendue coupable de fautes au regard des dispositions contractuelles l'obligeant à procéder à la vérification et à l'établissement des mémoires définitifs et à sa communication au maître de l'ouvrage ;

- dire et juger, par voie de conséquence que dans l'hypothèse où la Cour ferait en tout ou partie droit aux demandes de la société CHRISTIN, la société IBSE devrait être condamnée à relever et garantir la société PROMEO de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre sur le fondement de l'article 1134 du code civil ;

- condamner la partie succombante à verser à la concluante la somme de 5000 € HT au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société PROMEO PATRIMOINE soutient que':

- la procédure de notification et de vérification des mémoires définitifs telle que la définit la norme AFNOR visée n'a pas été respectée à son égard puisque le maître d'oeuvre n'a pas vérifié et ne lui a pas transmis le mémoire définitif de la société CHRISTIN qui ne peut valoir décompte général définitif et en produire les effets à son encontre ;

- la société IBSE, maître d'oeuvre a ainsi été défaillante dans l'exécution de ses missions et ne peut se prévaloir du courrier qui lui a été adressé directement par la société CHRISTIN en juillet et qui porte sur une demande en paiement;

- la société CHRISTIN ne peut lui opposer la notification de son décompte définitif faite par le maître d'oeuvre, l'acceptation du mémoire relevant exclusivement du maître de l'ouvrage ;

- au demeurant, le décompte accepté par le maître d'oeuvre ne porte que sur 11927,28 euros.

Elle conteste être débitrice de pénalités financières à raison de l'allongement du chantier, ni même rester devoir un solde sur le marché, en raison des sommes dues par la société CHRISTIN au titre du compte prorata et de la provision allouée en référé.

Dans l'hypothèse d'une condamnation, elle entend être relevée et garantie par la société IBSE défaillante dans l'exécution de ses missions, notamment de vérification des décomptes finaux et d'établissement des décomptes définitifs.

Au terme de ses dernières écritures notifiées le 8 janvier 2018, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé détaillé de ses moyens, la SAS IBSE entend voir':

- confirmer le jugement du tribunal de commerce d'Annecy, sauf en ce qu'il l'a jugée défaillante';

- condamner la société CHRISTIN au paiement d'une somme de 4000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au dépens de l'instance avec distraction au profit de la SCP MBC AVOCATS;

- réformer le jugement pour le surplus':

- constater que la société PROMEO PATRIMOINE était en possession de la réclamation dès le 12 juillet 2011 et du projet de décompte de la société CHRISTIN dès le 2 août 2011';

- dire et juger qu'elle a rempli l'intégralité de ses obligations contractuelles à l'égard du maître de l'ouvrage';

- dire et juger que la société PROMEO PATRIMOINE est à l'origine de son propre préjudice en restant silencieuse face aux demandes réitérées de la société CHRISTIN relatives aux pénalités de retard.

La société IBSE rappelle l'historique de ses relations contractuelles avec le maître de l'ouvrage, des multiples modifications imposées par ce dernier au projet initial et du litige les ayant opposés quant au paiement de ses honoraires.

Elle fait valoir que':

- le procès verbal de réception du 24 juin 2011 invoqué par la société CHRISTIN ne concerne que son lot et ne peut être assimilé au procès verbal de réception au sens de l'article 1792-6 du code civil qui regroupe tous les corps de métier';

- le délai de 60 jours prévu par l'article 19.5.1 de la norme AFNOR NF P 03-001 n'a pu courir à compter du 24 juin 2011';

- elle a rempli ses obligations en vérifiant le mémoire de la société CHRISTIN le 29 septembre 2011, en établissant un projet de décompte général définitif excluant la revendication de cette dernière et en lui adressant pour signature le 20 décembre 2011 ;

- le maître de l'ouvrage était informé dès le mois de juillet 2011 de la réclamation de la société CHRISTIN au titre des pénalités, mais est resté taisant.

Elle conteste avoir reçu des instructions du maître de l'ouvrage ainsi qu'avoir commis une faute dans l'exécution de ses missions de maître d'oeuvre.

La clôture de la procédure est intervenue le 11 janvier 2018.

MOTIFS DE LA DECISION :

En suite de la cassation partielle de l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, cette cour se trouve saisie de la demande en paiement de la société CHRISTIN à l'encontre de la société PROMEO, mais également de l'appel en garantie de la société IBSE par la société PROMEO, le jugement du tribunal de commerce, tel que confirmé par l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry en ses dispositions non atteintes par la cassation, ayant constaté la défaillance de la société IBSE, mais n'ayant pas statué sur l'appel en garantie, ni débouté la société PROMEO de cette demande accessoire.

1°) sur la demande en paiement':

Le marché de travaux signé le 8 mai 2010 prévoit expressément l'application du Cahier des Clauses Administratives Particulières de la norme NF P 03.001 qui a donc valeur contractuelle impérative entre les parties.

Selon l'article 19-5 de cette norme, dans le délai de 60 jours à dater de la réception, l'entrepreneur remet au maître d'oeuvre le mémoire définitif des sommes qu'il estime lui être dues en application du marché. Si ce mémoire n'a pas été remis au maître d''uvre dans le délai, le maître de l'ouvrage peut, après mise en demeure restée sans effet, le faire établir par le maître d''uvre aux frais de l'entrepreneur.

L'article 19.6 de la norme NF P 03.001, prévoit que le maître d''uvre examine le mémoire définitif, établit le décompte définitif des sommes dues en exécution du marché et remet ce décompte au maître de l'ouvrage, qui dispose d'un délai de 45 jours à compter de la réception du mémoire par le maître d''uvre, pour notifier à l'entrepreneur le décompte définitif issu de cette vérification.

Conformément à l'article 19.6.2 de la norme, si le décompte n'est pas notifié dans ce délai, le maître de l'ouvrage est réputé avoir accepté le mémoire définitif remis au maître d''uvre après mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours, la mise en demeure devant être adressée par l'entrepreneur au maître d'ouvrage avec copie au maître d''uvre.

Il résulte des productions que selon procès verbal daté du 24juin2011, signé par le maître de l'ouvrage, le maître d'oeuvre et la société CHRISTIN, les travaux exécutés par cette dernière sur les bâtiments A et B, parties communes, logements, spa et piscine ont été reçus avec réserves, la fiche de reprise de ces réserves ayant été signée et retournée au maître d'oeuvre par la société CHRISTIN le 28 décembre 2011.

Le délai de 60 jours courant à compter de la réception prévu à l'article 19.5 de la norme ne constituant qu'un délai maximal accordé à l'entrepreneur pour adresser son mémoire définitif, il est indifférent de savoir si la réception intervenue est conforme ou non aux stipulations du marché : «unique, effective par bâtiment, en TOUS CORPS d'ETAT», ni la norme AFNOR à laquelle se réfère le marché, ni les termes de ce dernier ne faisant obstacle à ce que l'entrepreneur adresse son décompte définitif avant même la réception.

La société CHRISTIN justifie avoir adressé à la société IBSE, maître d''uvre, par lettre recommandée en date du 2 août 2011 avec accusé de réception signé le 3 août suivant, le projet de décompte final des sommes qu'elle estimait lui être dues, attirant l'attention du maître d''uvre sur sa réclamation au titre des coûts supplémentaires résultant des décalages de planning.

Les termes de ce courrier démontrent que le document joint, détaillant les postes des travaux et des dépenses supplémentaires, constitue bien le décompte général définitif que la société CHRISTIN entendait soumettre à la vérification du maître d'oeuvre dans le cadre de la procédure décrite par l'article 19.6 de la norme NFP03.001.

La société CHRISTIN verse également aux débats la lettre recommandée du 22 septembre 2011 avec accusé de réception du 26 septembre 2011, par laquelle elle a mis en demeure le maître de

l'ouvrage de lui notifier le décompte définitif, avec copie de cette mise en demeure à la société IBSE.

La société PROMEO n'y a répondu que le 4 novembre suivant, informant l'entrepreneur qu'elle lui notifierait son décompte général définitif dès qu'il lui serait adressé par le maître d'oeuvre, méconnaissant ainsi les conséquences attachées à la mise en demeure par la norme AFNOR dans la procédure de paiement qu'elle organise.

Ainsi, le maître d'oeuvre ayant reçu le décompte définitif de la société CHRISTIN, qui n'a pas été destinataire, dans les 45 jours suivants, de la notification du décompte accepté par le maître de l'ouvrage, ni dans les 15 jours de la mise en demeure adressée au maître de l'ouvrage, la société PROMEO est réputée avoir accepté le décompte général présenté à la société IBSE et ne peut valablement s'opposer au paiement des sommes réclamées.

En conséquence, le jugement du tribunal de commerce d'Annecy devra être infirmé en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de la société CHRISTIN sur le fondement de son décompte général définitif du 2 août 2011.

Il résulte de ce décompte qu'après déduction du solde de sa part du compte prorata et de la provision allouée par le juge des référés, la société CHRISTIN est en droit de prétendre au paiement de la somme de 148 361, 38 euros TTC, que la société PROMEO sera condamnée à lui verser, outre intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 30 décembre 2011.

2°) sur l'appel en garantie':

La société IBSE a accusé réception du décompte de la société CHRISTIN le 3 août 2011 et si elle produit un décompte vérifié établi le 20 septembre suivant, elle ne justifie pas l'avoir adressé au maître de l'ouvrage.

Pour autant, la société PROMEO a été destinataire le 26septembre2011 d'une mise en demeure de notifier le décompte définitif, à laquelle elle n'a réagi que tardivement le 4 novembre suivant et ne justifie pas avoir interrogé la maîtrise d'oeuvre à cette occasion, alors qu'elle ne pouvait ignorer qu'elle ne disposait plus que d'un délai de 15 jours pour contester les réclamations de l'entrepreneur et que ses seules interpellations de la société IBSE au sujet des décomptes généraux définitifs sont en dates des 9 août et 19décembre 2011.

L'obligation au paiement du décompte définitif de la société CHRISTIN résulte donc de sa seule inertie après réception de la mise en demeure puisqu'à la date de cette dernière, la société IBSE avait procédé à sa vérification, sans retenir les réclamations de la société CHRISTIN au titre de ses coûts supplémentaires, et que la société PROMEO avait la possibilité de contester cette réclamation.

En conséquence, la société PROMEO sera déboutée de sa demande visant à être garantie par la société IBSE de sa condamnation au paiement.

3°) sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile':

La société CHRISTIN a été contrainte d'engager des frais non taxables de représentation en justice qu'il paraîtrait contraire à l'équité de laisser à sa charge et en application des dispositions de

l'article 700 du code de procédure civile, la société PROMEO sera condamnée à lui verser la somme de 3000 euros.

Si la société IBSE a également engagé des frais de représentation, aucune considération d'équité ne conduit à faire application à son bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et elle sera déboutée de sa demande à ce titre.

4°) sur les dépens':

Les dispositions de l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry par lesquelles a été réglé le sort des dépens de première instance et d'appel n'ont pas été atteintes par la cassation.

En conséquence, la cour de renvoi ne statuera que sur les seuls dépens de l'instance poursuivie devant elle, qui seront mis à la charge de la société PROMEO et le bénéfice de la distraction de ces dépens sera accordé à Me X... et à la SCP MBC AVOCATS.

PAR CES MOTIFS':

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu l'arrêt de cassation partielle du 15 septembre 2016';

INFIRME le jugement du tribunal de commerce d'Annecy en date du 6 novembre 2013 en ce qu'il a débouté la SA CHRISTIN de sa demande en paiement à l'encontre de la SA PROMEO PATRIMOINE';

Statuant à nouveau';

CONDAMNE la SA PROMEO PATRIMOINE à payer à la SA CHRISTIN la somme de 148 361, 38 euros TTC au titre du solde de son marché de travaux, déduction faite de la provision de 23 503, 17 euros, augmentée des intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 30 décembre 2011';

Y ajoutant';

DEBOUTE la SA PROMEO PATRIMOINE de son appel en garantie à l'encontre de la SAS IBSE';

CONDAMNE la SA PROMEO PATRIMOINE à verser à la SA CHRISTIN la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile';

DEBOUTE la SAS IBSE de ses demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE la SA PROMEO PATRIMOINE aux dépens de cette instance d'appel et autorise Me Pascale X... et la SCP MBC AVOCATS à recouvrer directement ceux dont elles auront fait l'avance.

SIGNE par Madame C..., Président et par MadameCOSNARD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16/05723
Date de la décision : 28/06/2018

Références :

Cour d'appel de Grenoble 07, arrêt n°16/05723 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-28;16.05723 ?
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