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21/06/2018 | FRANCE | N°17/01399

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 21 juin 2018, 17/01399


RG N° 17/01399

MPB

N° Minute :





































































Copie exécutoire

délivrée le :







la X...



la Y...



SELARL LEXAVOUE







AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE COMMERCIALE



ARRÊT DU JEUDI 21 JUIN 2018





Appel d'une ordonnance de référé (N° RG 2016R00949)

rendue par le Président du Tribunal de Commerce de GRENOBLE

en date du 28 février 2017

suivant déclaration d'appel du 14 mars 2017



APPELANTE :



O... SOLUSTEP prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié [...]



Représentée par Me Pascale Z... de la X..., avocat ...

RG N° 17/01399

MPB

N° Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

la X...

la Y...

SELARL LEXAVOUE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 21 JUIN 2018

Appel d'une ordonnance de référé (N° RG 2016R00949)

rendue par le Président du Tribunal de Commerce de GRENOBLE

en date du 28 février 2017

suivant déclaration d'appel du 14 mars 2017

APPELANTE :

O... SOLUSTEP prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié [...]

Représentée par Me Pascale Z... de la X..., avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et par MeEtienne A... de la SELARL G&A Avocats, avocat au barreau de NANCY, plaidant

INTIMES :

Monsieur Emmanuel B...

né le [...] à COMPIEGNE (OISE)

de nationalité Française

[...]

Représenté par Me Delphine C... de la Y..., avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et par Me Gérard D... de la SCP ACG, avocat au barreau de REIMS, plaidant

O... R... L... prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié [...]

Représentée par Me E... de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et par MeRomainF... de la SELARL LEXAVOUE LYON - LAFFY & Associés, avocat au barreau de LYON, substitué par Me Adeline G... de la SELARL LEXAVOUE LYON - LAFFY & Associés, avocat au barreau de LYON, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:

Madame Marie-Françoise S..., Président de chambre,

Madame Fabienne PAGES, Conseiller,

Madame Marie Pascale BLANCHARD, Conseiller,

Assistées lors des débats de Madame Delphine CHARROIN, Greffier placé, et de Madame Magalie COSNARD, Greffier, lors du prononcé.

DÉBATS :

A l'audience publique du 16 mai 2018

Madame BLANCHARD, conseiller, a été entendue en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,

------0------

La O... SOLUSTEP a pour activité la fabrication et la vente de nutriments destinés aux stations d'épuration d'eaux industrielles. Elle a été créée en 2009 par la SA PRAYON et la O... DUPUY dirigée par M. José H....

Le 27 février 2009, M. Emmanuel B... a été nommé en qualité de membre de son conseil d'administration et embauché à compter du 1er avril 2009 en qualité de directeur salarié, chargé du développement commercial.

MM. H... et B... avait travaillé ensemble entre 2000 et 2004 au sein de la société SAFIC ALCAN, puis de la société DUPUY et avaient eu en 2006, un projet d'association en vue de créer avec M.I... une société dans le domaine du process papier.

La société SOLUSTEP a également embauché M. Eric J... en qualité de technico-commercial le 7 décembre 2009.

En septembre 2010, M. I... a créé la société R... L... (R...) dont l'objet est l'achat, la vente, la représentation, le conseil afférent à tous produits consommables et matériels à destination des industriels, des professionnels, des collectivités et éventuellement des particuliers et dont M. B... a détenu 50 %, puis 25 % du capital.

Le 15 septembre 2014, M. B... a démissionné de son emploi au sein de la société SOLUSTEP et mis un terme à son mandat social, quittant l'entreprise à l'issue de son préavis le 31 octobre 2014.

M. J... a également démissionné le 17 mars 2015.

Le 10 avril 2015, il a été constitué entre M. J... et MmeIsabelle K... épouse B... une SARL N BIO-SOLUTIONS dont l'objet est le traitement des eaux usées.

Sur la requête de la société SOLUSTEP, le président du tribunal de commerce de Grenoble a autorisé un huissier à se rendre au siège social des sociétés N BIO-SOLUTIONS et R... et à se faire remettre tous documents de nature à démontrer un détournement des informations commerciales de la société SOLUSTEP.

Par décision du 2 août 2016, le président du tribunal de commerce a rétracté son ordonnance.

Le 7 novembre 2016, la société SOLUSTEP a fait assigner en référé M. B..., la société N BIO-SOLUTIONS et la société R... aux fins de voir ordonner une mesure d'expertise, en se prévalant d'actes de concurrence déloyale.

Par ordonnance en date du 28 février 2017, le juge des référés du tribunal de commerce de Grenoble a rejeté les demandes présentées par la société SOLUSTEP à l'encontre de la société NBIO-SOLUTIONS, de M. B... et de la société R....

Par déclaration au greffe 14 mars 2017, la société SOLUSTEP a interjeté appel de cette décision, n'intimant que M. B... et la société R....

Selon le dernier état de ses conclusions notifiées par voie électronique le 13 novembre 2017, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé détaillé de ses moyens, la société SOLUSTEP demande à la cour de :

- réformer l'ordonnance de référé ;

- ordonner à la société R... L... et à M.EmmanuelB... de lui communiquer, sous astreinte de 100 € par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision, les documents suivants :

* les comptes de résultat détaillés de la société R... L... pour les exercices clôturés au 31 décembre 2010, 31décembre 2011, 31 décembre 2012, 31 décembre 2013 et 31décembre 2014,

* l'acte de cession des actions de la société R... L... par M. Thierry I... à M. Emmanuel B... en date du 3 novembre 2010 ;

- ordonner une mesure d'expertise judiciaire confiée à tout expert spécialisé en expertise comptable avec pour mission :

1°) dans le cadre d'une première phase non contradictoire l'égard de la société SOLUSTEP :

se faire remettre par la société R... L... et M.Emmanuel B... toutes pièces qu'il estimera utile ;

par la société R... L... à M. Emmanuel B... depuis le début des activités sociales jusqu'au 31 octobre 2014, sous forme de salaire, de rémunération de prestations sur factures, de dividendes ou autres et en décrire la nature, l'objet, le montant et la date de versement ;

prendre copie de toutes pièces justificatives de ses versements et de leur objet, notamment mais non exclusivement de l'éventuel contrat de travail et fiche de paye, et/ou des factures de M. B..., ou de la personne le cas échéant interposé à ce dernier, à la société R... L... ou à la personne interposée à cette dernière, ainsi que des devis et commandes correspondant, des procès-verbaux d'assemblée générale faisant ressortir des distributions de dividendes, etc.

rechercher l'existence de facturation de la société R... L... aux sociétés CASCADES, L..., EUROPAC, depuis le début de ses activités et jusqu'au 31octobre 2014, dans l'affirmative prendre copie des devis commandes et factures correspondantes ;

rechercher l'existence de ventes par la société R... L..., depuis le début de ses activités jusqu'au 31octobre 2014, du produit AQP N 74 ou AQP N suivi de tout autre numérotation, dans l'affirmative prendre copie des devis commandes et factures correspondantes ;

2°) dans le cadre d'une deuxième phase au contradictoire de la société SOLUSTEP :

remettre aux parties une copie des éléments de preuve qu'il aura trouvés entrant dans le champ de la recherche fixé par la décision à intervenir, avec une note présentant le résultat de ses travaux,

recueillir les observations des parties sur cette note et y répondre,

effectuer le cas échéant les recherches complémentaires qui seraient rendues nécessaires par les observations des parties,

- dire que dans le cadre de la phase non contradictoire de sa mission, l'expert devra faire connaître à la société SOLUSTEP, afin de lui permettre de faire valoir ses éventuelles observations à ce titre, la nature des pièces et documents qu'il demande aux intimés de lui remettre pour accomplir sa mission, ainsi que la nature des pièces et documents que ces derniers lui remettront, mais sans aucune description de leur contenu, ainsi enfin que les motifs le cas échéant invoqués par les intimés pour ne pas communiquer les pièces et documents qui lui seront demandés par l'expert ;

- dire qu'en présence de documents mixtes, dont certains éléments entreront dans le champ de sa recherche et d'autres non, l'expert pourra dissimuler par tout procédé les éléments non pertinents ;

- dire que l'expert pourra si nécessaire se rendre en tout lieu, entendre les parties en leurs explications, ainsi que si nécessaire et à titre de renseignement tout sachant,

- dire qu'il pourra se faire remettre par les intimés tout document et en général toute pièce utile à l'accomplissement de sa mission, sous astreinte de 100 euros par jour passé le délai de 15 jours suivant la demande qu'il en fera par écrit, ainsi que tout document le cas échéant détenu par des tiers,

- dire que l'expert devra adresser aux parties un pré-rapport présentant le résultat de ses travaux,

- dire qu'il laissera aux parties un délai minimum d'un mois à compter de la diffusion de ce pré-rapport pour leur permettre de faire valoir leurs éventuelles observations par voie de dire, auxquelles il répondra,

- de toutes ses opérations, l'expert dressera un rapport qu'il déposera au Greffe de la Cour et adressera aux parties, auquel sera annexée la copie de l'ensemble des pièces faisant l'objet de ses recherches,

- l'expert pourra s'adjoindre tout sapiteur de son choix dans une spécialité distincte de la sienne ;

- en cas d'empêchement ou de refus de l'expert, il sera pourvu à son remplacement d'office par ordonnance du magistrat chargé du contrôle des expertises ;

- condamner solidairement les intimés au versement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La société SOLUSTEP soupçonne M. B... d'avoir exercé, pour le compte de la société R..., au sein de laquelle il était associé, une activité concurrente à la sienne entre le mois de septembre2010 et le 31 octobre 2014, alors qu'il était à cette période son salarié et son administrateur.

Elle conteste que la création de la société R... soit la finalisation du projet précédent ayant réuni MM. B..., I... et H..., dont le domaine d'activité était différent et non concurrentiel avec le sien, et relève que toutes les précautions ont été prises pour que M. B... n'apparaisse pas dans les publicités légales de constitution de la société R....

Elle fait valoir que la société R... commercialise auprès des mêmes clients, soit directement, soit par l'intermédiaire de la société L... des nutriments pour station d'épuration industrielle dont la formulation chimique est identique à ses produits'; que M. B... admet avoir exercé une activité de consultant au profit de la société R... et que les pièces produites en appel font clairement apparaître sa participation à l'activité commerciale de la société R....

Au terme de ses conclusions notifiées par voie électronique le 2août 2017, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé détaillé de ses moyens, M. B... entend voir :

- confirmer l'ordonnance entreprise ;

- débouter la société SOLUSTEP de toutes ses demandes ;

- subsidiairement, restreindre la mission de l'expert aux entités géographiques précises des clients revendiqués par la société SOLUSTEP, à l'activité d'apports nutritionnels, à l'accès aux factures et commandes en excluant les devis ;

- condamner la société SOLUSTEP au paiement d'une somme de 10'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à la charge des dépens.

M. B... soutient que la société SOLUSTEP ne fournit pas d'éléments sérieux de nature à démontrer l'existence d'actes de concurrence déloyale de sa part.

Il indique que':

- les départs de M. J... et de lui-même à six mois d'intervalle ne peuvent caractériser un débauchage massif destiné à désorganiser la société SOLUSTEP alors qu'au jour de sa démission, la société SOLUSTEP avait reconstitué son équipe commerciale qu'il a lui même introduite auprès de la clientèle';

- il n'était soumis à aucune clause de non concurrence lui interdisant de travailler pour la société N-BIO SOLUTIONS comme pour la société R...';

- sa qualité de salarié de la société SOLUSTEP ne lui interdisait pas de détenir des parts dans la société R... dont l'activité n'est que marginalement concurrente et il a activement contribué au développement de la société SOLUSTEP, percevant des primes à ce titre ;

- la société SOLUSTEP était parfaitement informée de son activité libérale parallèle pour l'avoir elle-même sollicité à ce titre avant de l'embaucher, activité qui l'a conduit à travailler de manière ponctuelle pour R... dans le domaine de la papeterie ;

- la société SOLUSTEP ne peut se prévaloir ni d'une perte de clients ou de fournisseurs, ni d'une baisse de son chiffre d'affaires et le seul client commun avec la société R..., la société CASCADES est une relation commerciale de M. I..., gérant de la société R... ;

- la société SOLUSTEP ne dispose d'aucun contrat d'exclusivité avec son fournisseur qui lui interdirait de commercialiser les mêmes produits dans le cadre de ses nouvelles activités.

M. B... souligne qu'en cause d'appel, la société SOLUSTEP ne lui impute plus, ainsi qu'à la société R..., la perte de son fournisseur 3P.

Il considère que les mesures sollicitées sont :

- injustifiées, de nombreuses pièces ayant été produites et la société SOLUSTEP disposant de la faculté de former incident aux fins de communication dans le cadre d'une instance contradictoire';

- destinées à pallier la carence de la société SOLUSTEP dans l'administration de la preuve et disproportionnées lui fournissant un accès au fichier de clientèle d'un concurrent.

Selon ses conclusions notifiées par voie électronique le 28juillet2017, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé détaillé de ses moyens, la société R... demande à la cour de':

- confirmer l'ordonnance entreprise';

- débouter la société SOLUSTEP de ses demandes';

- débouter en conséquence la société SOLUSTEP de l'ensemble de ses demandes de production de pièces, fins et conclusions ;

- débouter en outre la société SOLUSTEP de sa demande d'expertise;

- très subsidiairement, dans l'hypothèse où la Cour estimerait opportun de désigner un expert judiciaire ;

- dire et juger que l'ensemble des éléments communiqués par la société R... ne le seront qu'au seul expert judiciaire, charge à lui de ne communiquer aux conseils des parties à l'expertise strictement que les éléments relatifs aux seules sociétés visées à l'exclusion de toutes autres, soit uniquement les clients de la société SOLUSTEP suivants et qu'elle a elle-même déterminés en page 16 du dispositif de son assignation :

* BURGO ARDENNES SA,

* SMURFIT KAPPA PRF,

* LA P... L... O...,

* DS SMITH PACKAGINF CONTOIRE HAMEL,

* SCA TISSUE France,

* CASCADES O...,

* BRENNTAG SA,

* ACTIBIO SA,

* GREENFIELD O...,

* N... G... M... SA,

* COMMEXO ;

- faire interdiction en conséquence à l'expert, en cas de communication par la société R... de documents généraux ou complets qui ne pourraient être scindés, de communiquer aux parties à l'expertise tout autre élément qui ne concernerait pas les sociétés susvisées ;

- en toute hypothèse :

- condamner la société SOLUSTEP à payer à la société R... L... la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société SOLUSTEP aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la Selarl LEXAVOUE GRENOBLE, sur son affirmation de droit.

La société R... s'oppose aux mesures d'instruction demandées aux motifs que :

- l'objectif de la société SOLUSTEP, sous couvert de concurrence déloyale, est d'avoir accès à des informations confidentielles relatives à ses secrets et procédés de fabrication, à ses marges et à sa clientèle ;

- la commercialisation de nourriture pour les bactéries en station d'épuration ne constitue qu'une partie marginale de son activité ;

- elle n'a qu'un seul client commun avec la société SOLUSTEP, la société CASCADES, qui a choisi de diversifier ses sources d'approvisionnement et qui était en relation commerciale avec son

dirigeant, M. I..., antérieurement à l'activité de la société SOLUSTEP ;

- elle n'a jamais salarié M. B..., qui a travaillé pour elle au titre d'une activité indépendante de conseil sans lien avec le domaine d'activité de la société SOLUSTEP et qui a cessé toute fonction en son sein en mai 2015 ;

- elle a fourni spontanément les informations comptables justifiant de ses relations commerciales avec M. B... et la société CASCADES, rendant inutile des investigations supplémentaires ;

- aucun des éléments présentés au soutien de la demande ne permet d'accréditer l'existence d'actes de concurrence déloyale qui puissent justifier une telle atteinte au secret des affaires.

La clôture de la procédure est intervenue le 21 mars 2018.

MOTIFS DE LA DECISION :

En application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, des mesures d'instruction peuvent être ordonnées s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige.

La société SOLUSTEP se prévaut d'une activité concurrente et déloyale poursuivie à son encontre, entre septembre 2010 et le 31octobre 2014 par la société R... et M. B....

Si la mise en 'uvre des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile n'impose pas à la société SOLUSTEP de rapporter la preuve des actes de concurrence déloyale invoqués, il lui appartient néanmoins de fournir des éléments à ce sujet caractérisant un motif légitime justifiant de recourir à ces dispositions et de porter atteinte au secret des affaires.

Le principe de la liberté du commerce autorise le commerçant à gérer à sa convenance son entreprise sur un marché concurrentiel et lui confère la liberté d'attirer la clientèle, y compris de ses concurrents, sans engager sa responsabilité, sous réserve du respect des usages loyaux du commerce.

Ainsi, est constitutif de concurrence déloyale le fait de détourner la clientèle d'un concurrent, de nuire à ses intérêts par des moyens contraires à la loi, aux usages ou à l'honnêteté professionnelle.

L'activité déclarée par la société SOLUSTEP auprès du registre du commerce et des sociétés porte sur l'achat, la fabrication, la vente, l'importation, l'exportation de tous produits chimiques, matériels, fournitures et services s'y rapportant, et en particulier la production et la commercialisation de solutions nutritionnelles pour stations d'épuration d'eaux usées.

L'activité figurant au titre de l'immatriculation de la société R... est quant à elle, l'achat, la vente, la représentation, le conseil afférent à tous produits consommables et matériels à destination des industriels, professionnels, collectivités et éventuellement particuliers.

Sur son site internet, sa présentation propose des produits chimiques (agents de blanchiment, nettoyants industriels, lubrifiants, fluides d'usinage, traitement de surface, anti-tartre, anti-mousse, fongicides, ignifuges) et des services dans les domaines des eaux industrielles, du process, du traitement de surface, du développement et de l'assistance technique.

Si l'activité ainsi décrite ne cible pas spécifiquement la production et la commercialisation de nourriture pour les bactéries en station d'épuration, la société R... reconnaît la fourniture de tels produits à un client commun à la société SOLUSTEP, la société CASCADES.

Si les fiches techniques démontrent que ces produits sont élaborés à partir des mêmes composants (azote et phosphore), elles révèlent aussi que leur formulation est différente, le ratio de leur mélange étant de 5 chez R... et 2 chez SOLUSTEP. Cette dernière ne justifie au demeurant d'aucune protection de ses produits de nature à interdire la production de produits similaires et le document technique sur lequel elle fonde son argumentation, daté du mois de décembre 2014, est postérieur au départ de M. B... de la société SOLUSTEP sans qu'il soit astreint au respect d'une clause de non concurrence, la mention «'version n°2'» portée sur ce document ne permettant pas de déduire que la date de la version n°1 serait, elle, antérieure à ce départ.

Il ressort d'échanges de courriels produits par la société R..., que son dirigeant, M. I..., se trouvait déjà en relation d'affaires avec la société CASCADES avant la société SOLUSTEP et que c'est lui qui a mis en relation les sociétés CASCADES et DUPUY, actionnaire de SOLUSTEP, en 2006, par l'intermédiaire de M. B.... Dès lors, il n'apparaît pas que ce client ait été détourné par la société R... au titre d'une suspicion de concurrence déloyale.

Il sera au surplus relevé que le siège social de la société SOLUSTEP est situé dans les Ardennes, que la société R... a son siège social en Isère et que la société CASCADES est implantée dans la même zone géographique à La Rochette en Savoie.

Alors que la société SOLUSTEP prétend avoir perdu son client CASCADES, le schéma du flux d'affaires entre les deux sociétés visé par le commissaire aux comptes permet de constater que l'arrêt des relations ne serait intervenu qu'à compter du mois de décembre 2014, soit postérieurement au départ de M. B..., mais qu'entre décembre 2010 et décembre 2014, elles se sont poursuivies selon un volume d'affaires régulier.

La société SOLUSTEP qui invoque les relations commerciales concurrentes établies par la société R... avec dix autres de ses clients, n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations alors que l'expert comptable de la société R... indique n'avoir relevé aucune transaction avec ces sociétés.

Il n'est pas contesté et ressort des pièces produites que pendant le temps de sa relation de travail salarié avec la société SOLUSTEP, M.B..., cadre dirigeant de cette dernière, est devenu associé au sein de la société R... dans le courant du dernier trimestre2010 et a également fourni à cette dernière des prestations de travail entre 2011 et 2015.

Les notes d'honoraires et les factures produites à ce titre font état pour les premières d'apport d'affaires et de support technique sur produits chimiques, et pour les secondes de recherche de commettants pour des produits de process minérals et organiques en phase acqueuse, de recherche de fournisseurs d'oxyde de titane et de recherche d'un additif pour le blanchiment de la pâte à papier.

Compte tenu du large domaine d'activité de la société R..., ces seuls éléments n'indiquent pas que l'activité parallèle de M. B...

a porté atteinte aux intérêts de la société SOLUSTEP, en se situant dans un domaine directement concurrent au sien.

La société SOLUSTEP ne fournit aucun élément, notamment comptable, permettant de constater que sa propre activité a connu entre septembre 2010 et octobre 2014 des vicissitudes pouvant être reliées non seulement à l'activité déloyale imputée à M. B..., dont il sera relevé qu'il était tenu à une obligation de loyauté comme membre de son conseil d'administration, mais surtout à l'exploitation déloyale qu'en aurait faite la société QUAPAP.

Ainsi, il n'existe pas d'éléments suffisants de nature à étayer des soupçons sérieux de concurrence déloyale imputable à la société R... et à M. B... justifiant qu'il soit porté atteinte au secret des affaires de la première par les mesures d'investigation sollicitées.

En conséquence, la décision du premier juge sera confirmée.

Aucune considération d'équité ne conduit à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les demandes portant sur l'octroi d'indemnités de procédure seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME l'ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Grenoble en date du 28 février 2017 ;

Y ajoutant,

REJETTE les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la O... SOLUSTEP aux dépens de son appel .

SIGNE par Madame S..., Président et par MadameCOSNARD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17/01399
Date de la décision : 21/06/2018

Références :

Cour d'appel de Grenoble 07, arrêt n°17/01399 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-21;17.01399 ?
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