R.G. N° 15/03322
DJ
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE
la SELARL JEAN-MICHEL ET SOPHIE DETROYAT
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 20 MARS 2018
Appel d'un Jugement (N° R.G. 14/00064)
rendu par le Tribunal de Grande Instance de BOURGOIN JALLIEU
en date du 18 juin 2015
suivant déclaration d'appel du 31 Juillet 2015
APPELANTE :
L'Association ACCA DE SAINT-ROMAIN-DE-JALIONAS représentée par son Président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 28]
[Localité 17]
Représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Me Charles LAGIER, avocat au barreau de LYON
INTIMES :
Monsieur [C] [H]
né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 27]
de nationalité Française
[Adresse 24]
[Localité 17]
Madame [T] [P] divorcée [W]
née le [Date naissance 9] 1954 à [Localité 30]
de nationalité Française
[Adresse 19]
[Localité 20]
Madame [L] [H] épouse [A]
née le [Date naissance 4] 1952 à [Localité 27]
de nationalité Française
[Adresse 15]
[Localité 23]
Monsieur [Z] [P]
né le [Date naissance 11] 1949 à [Localité 29]
de nationalité Française
[Adresse 18]
[Localité 16]
Madame [S] [I] épouse [F]
née le [Date naissance 12] 1948 à [Localité 26]
de nationalité Française
[Adresse 13]
[Localité 22]
Monsieur [N] [H]
né le [Date naissance 3] 1951 à [Localité 27]
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 2]
Monsieur [Y] [H]
né le [Date naissance 7] 1923 à [Localité 27]
de nationalité Française
[Adresse 24]
[Localité 17]
Monsieur [G] [P]
né le [Date naissance 14] 1953 à [Localité 30]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 21]
Madame [R] [B]
née le [Date naissance 5] 1984 à [Localité 25]
de nationalité Française
[Adresse 10]
78600 MAISONS LAFITTE
Tous représentés par Me Sophie DETROYAT de la SELARL JEAN-MICHEL ET SOPHIE DETROYAT, avocat au barreau de GRENOBLE, plaidant par Me Jean-Michel DETROYAT
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Hélène COMBES, Président de chambre,
Madame Dominique JACOB, Conseiller,
Madame Joëlle BLATRY, Conseiller,
Assistées lors des débats de Madame Laetitia GATTI, Greffier, en présence de Madame Elsa SANCHEZ, Greffier stagiaire en pré-affectation
DEBATS :
A l'audience publique du 19 Février 2018, Madame JACOB a été entendue en son rapport.
Les avocats ont été entendus en leurs observations.
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.
***
EXPOSE DU LITIGE
L'association communale de chasse de [Localité 17] (l'ACCA) a été agréée par arrêté préfectoral du 27 juin 1972.
Son territoire d'action comprenait lors de sa constitution notamment les terrains appartenant à deux sociétés civiles, le Groupement Agricole Foncier de Jalionas et le Groupement Forestier de Jalionas, aux droits desquelles se trouvent désormais les consorts [P] [H] [I] [B].
Ces deux sociétés ont contesté l'arrêté du Préfet de l'Isère du 22 mars 1971 établissant la liste des terrains soumis à l'action de l'ACCA.
Elles ont été déboutées de leur recours par jugement du tribunal administratif en date du 12 juillet 1972.
A la suite de cette décision, elles ont conclu avec l'ACCA diverses conventions dont l'objet fait débat, les parties étant en désaccord sur le retrait des terrains du périmètre d'action de l'ACCA et sur la location du droit de chasse à celle-ci.
Les consorts [P], se prévalant de la dédite, donnée par l'ACCA pour la saison 1986, du bail de chasse ont assigné l'association en référé, pour la voir déclarer occupante sans droit ni titre des terrains leur appartenant.
Afin de mettre un terme à cette procédure, les parties ont signé, les 15 et 21 juillet 1986, un procès-verbal de conciliation emportant reconnaissance par l'ACCA de la validité des lettres de retrait des terrains des consorts [P] en date du 3 novembre 1984 et conclusion d'un bail renouvelable, à effet du 1er février 1986.
Par lettre recommandée du 27 février 2012, les consorts [P] ont informé l'ACCA de la non-reconduction du bail du 23 décembre 2000 à son terme, soit au 31 mars 2013.
L'ACCA s'y est opposée en soutenant que les parcelles n'avaient pas été retirées de son territoire d'action.
Par acte du 3 janvier 2013, les consorts [P] ont assigné l'ACCA en expulsion devant le tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu.
Le tribunal, par jugement du 23 mai 2013, les a déboutés de leur demande, considérant que la sanction du manquement commis par l'ACCA à ses engagements pris au terme du procès-verbal de conciliation ne pouvait être que l'allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, ce qui n'était pas demandé.
Par acte du 21 janvier 2014, les consorts [P] ont assigné l'ACCA devant le même tribunal en paiement de la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi du fait de l'inexécution des obligations résultant du procès-verbal de conciliation.
Par jugement du 18 juin 2015, le tribunal a :
- déclaré l'ACCA responsable du préjudice subi par les consorts [P] du fait du non-respect de ses engagements contractuels,
- condamné l'ACCA à payer aux consorts [P], ensemble, la somme de 28.840 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamné l'ACCA à payer aux consorts [P], ensemble, la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
L'ACCA a relevé appel de cette décision le 31 juillet 2015.
Dans ses dernières conclusions du 21 juillet 2016, elle demande à la cour, au visa de l'article 2045 du code civil, d'infirmer le jugement et de :
- débouter les consorts [P] de l'ensemble de leurs demandes,
- dire que le procès-verbal de conciliation des 15 et 21 juillet 1986 est illicite,
- dire que les baux de chasse signés avec les consorts [P] sont nuls et non avenus, et sont inopposables,
- condamner solidairement les consorts [P] à lui payer la somme de 175.509,67 euros au titre du préjudice subi correspondant aux loyers qu'elle a payés, outre intérêts légaux,
- condamner les consorts [P] à lui verser chacun la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Elle fait valoir que :
- les propriétaires des terrains soumis à son emprise ne disposaient plus du droit de chasse, de sorte que les baux qu'ils lui ont été consentis à compter du 1er septembre 1972 et jusqu'en 1986, sont nuls,
- en juillet 1986, le président de l'association n'avait pas la capacité juridique pour signer le procès-verbal de conciliation, puisqu'il s'est engagé seul, sans mandat du conseil d'administration,
- le procès-verbal de conciliation n'a pas été approuvé par l'assemblée générale et ne peut par conséquent lui être opposé,
- les propriétaires des terrains n'ont jamais disposé du droit de chasse et n'avaient donc pas la capacité de transiger au sens de l'article 2045 du code civil,
- il leur appartenait d'accomplir les formalités de l'article R 422-52 du code de l'environnement pour que leurs terrains soient retirés du périmètre d'action de l'association, ce qu'ils n'ont pas fait,
- bien qu'assistée d'un avocat, elle a été trompée sur ses droits,
- elle est fondée à réclamer l'intégralité des loyers qu'elle a payés de 1972 à 2013.
Dans leurs dernières conclusions du 24 décembre 2015, les consorts [P] demandent à la cour, au visa des articles L 422-10 et suivants, R 422-45, R 422-52 du code de l'environnement et 1142, 1146 et 1147, 2044 et suivants du code civil, de :
- confirmer le jugement, sauf à porter le montant des dommages et intérêts à la somme de 50.000 euros,
- condamner l'ACCA à leur verser la somme de 4.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Ils font valoir que :
- l'ACCA a reconnu, dans l'accord transactionnel de 1986, la validité des oppositions qu'ils ont notifiées le 3 novembre 1984, et a accepté d'agir pour leur compte afin de faire régulariser le retrait des terrains du périmètre d'action de l'association,
- l'ACCA ne détenait plus de droits de chasse sur ces terrains et n'est donc pas fondée à contester les baux consentis,
- la demande de répétition des sommes versées depuis 1972 est, pour la plus grande partie, prescrite,
- les baux de chasse ont été successivement ratifiés de 1986 à 2013 et les loyers versés ont été inclus dans les comptes approuvés en assemblée générale,
- le manquement de l'ACCA à son engagement contractuel de procéder à la régularisation des retraits des parcelles de son territoire d'action les a empêchés d'en reprendre la jouissance en 2013, pour les donner à bail à un tiers,
- le retrait régularisé depuis lors ne pourra prendre effet qu'à compter de 2017, de sorte qu'ils auront perdu 4 années de location,
- le tribunal a rejeté à tort leur demande au titre du préjudice moral lié aux termes injurieux utilisés à leur encontre et aux accusations mettant en cause leur intégrité.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées.
Dans cette instance, les consorts [P] font grief à l'ACCA de ne pas avoir honoré les engagements résultant du procès-verbal de conciliation des 15 et 21 juillet 1986.
Aux termes de ce procès-verbal :
- 'l'ACCA reconnaît expressément la valeur des lettres de retrait des terrains des consorts [P], adressées (...) le 3 novembre 1984 (...) de telle sorte que les 196,6045 hectares ne font plus partie des terrains lui revenant de droit,
- [Y] [H] pour le compte des consorts [P] (...) loue à l'ACCA les 196,6045 hectares moyennant la somme de 150 francs l'hectare (...) pour une durée de quatre années, avec effet rétroactif au 1er février 1986 (...).'
Les parties conviennent des modalités de renouvellement du bail et l'ACCA s'engage à demander au commissaire de la République du département la modification de son territoire d'action.
L'ACCA, qui était assistée d'un avocat pour négocier le protocole mettant fin à la procédure de référé, ne démontre pas avoir été trompée de quelque manière que ce soit sur l'étendue de ses droits et la teneur des engagements pris.
Tout en relevant son caractère illicite, elle ne demande pas la nullité de la transaction qu'elle a exécutée pendant plusieurs années en réglant les loyers convenus.
Par conséquent, en acceptant le retrait des terrains de son périmètre d'action, elle a abandonné son droit de chasse, dès 1986.
Les consorts [P] qui n'avaient pas d'autre obligation, sous l'empire des dispositions du décret d'application du 6 octobre 1966 de la loi du 10 juillet 1964 alors en vigueur, que de faire part de leur intention de retirer leur apport au président de l'ACCA par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (article 20 du décret), ont donc pu valablement lui concéder un bail de chasse.
Il n'est pas contesté que l'ACCA n'a, pour sa part, pas honoré l'engagement qu'elle avait pris de faire procéder par les autorités préfectorales, conformément aux dispositions en vigueur, à la modification de liste des terrains soumis à périmètre d'action.
Ainsi que l'a justement retenu le tribunal, ce manquement constitue une faute contractuelle dont l'ACCA doit réparation.
Les consorts [P] ont pris l'initiative de ne pas reconduire le bail du 23 décembre 2000 à son échéance du 31 mars 2013.
L'ACCA ne conteste pas n'avoir versé aucun loyer depuis 2013.
De même il n'est pas contesté que le retrait effectif des terrains du périmètre d'action de l'ACCA n'est intervenu qu'à effet de 2017.
Par conséquent, le préjudice subi du fait de la défaillance de l'ACCA consiste, ainsi que l'a justement retenu le tribunal, dans la perte de loyers pendant ces quatre années.
Il n'est pas contesté que le loyer versé par l'ACCA en 2012/2013, au titre du bail du 23 décembre 2000, était de 6.346,60 euros pour 165,9168 hectares.
Les consorts [P] justifient avoir loué à [X] [M], le 17 avril 2012, le droit exclusif de chasse et de passage sur une surface de 164,4372 ha, moyennant un loyer annuel de 6.210 euros.
Ils affirment, sans être contredits, que ce bail de chasse a dû être annulé.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a condamné l'ACCA à verser, à titre de dommages et intérêts, la somme de 28.840 euros correspondant à la perte de quatre années de loyers.
Le tribunal a par ailleurs justement relevé l'absence de démonstration d'un préjudice moral indemnisable.
Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'ACCA ne peut invoquer son droit de chasse sur les terrains alors qu'elle y a renoncé en 1986 et qu'elle n'agit pas en nullité de la transaction.
Sa demande de restitution des loyers versés n'est donc pas fondée et doit être rejetée.
Il serait inéquitable de laisser aux consorts [P] la charge de leurs frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
- Déboute l'ACCA de sa demande en restitution des loyers versés,
- Condamne l'ACCA à verser aux consorts [P] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne l'ACCA aux dépens d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Madame COMBES, Président, et par Madame GATTI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT