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21/12/2017 | FRANCE | N°15/02604

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 21 décembre 2017, 15/02604


RG N° 15/02604

AME

N° Minute :





































































Copie exécutoire

délivrée le :







la SELARL CABINET ALEXANDRA WIEN



la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE







AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE COMME

RCIALE



ARRÊT DU JEUDI 21 DECEMBRE 2017





Appel d'une décision (N° RG 2011J00246)

rendue par le Tribunal de Commerce de VIENNE

en date du 26 mars 2015

suivant déclaration d'appel du 19 juin 2015



APPELANTE :



Société SOFIALEX représentée par son représentant légal en exercice domicilié de droit audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 2]



Représentée par...

RG N° 15/02604

AME

N° Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL CABINET ALEXANDRA WIEN

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 21 DECEMBRE 2017

Appel d'une décision (N° RG 2011J00246)

rendue par le Tribunal de Commerce de VIENNE

en date du 26 mars 2015

suivant déclaration d'appel du 19 juin 2015

APPELANTE :

Société SOFIALEX représentée par son représentant légal en exercice domicilié de droit audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Représentée par Me Alexandra WIEN de la SELARL CABINET ALEXANDRA WIEN, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et par Me Eric-Louis LEVY, avocat au barreau de LYON, substitué par Me Carole SALGUES, avocat au barreau de LYON, plaidant

INTIMEE :

SAS ALMET prise en la personne de son dirigeant légal demeurant en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Représentée par Me GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et par Me Christian COLOMBIER de la SCP BCF & Associés, avocat au barreau de LYON, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Dominique ROLIN, Président de Chambre,

Madame Fabienne PAGES, Conseiller,

Madame Anne-Marie ESPARBÈS, Conseiller,

Assistées lors des débats de Magalie COSNARD, Greffier.

DÉBATS :

A l'audience publique du 16 novembre 2017

Madame ESPARBÈS, conseiller, a été entendue en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS

Suivant contrat du 3 avril 2002, la société EM2C a confié, sans agrément du maître d'ouvrage (la société ALMET) ni caution de garantie, une sous-traitance de travaux à la société SOFIALEX, avant de résilier le contrat le 26 juin 2002 au prétexte de manquements du sous-traitant.

A défaut de paiement du contrat de sous-traitance et en sollicitant une expertise judiciaire au contradictoire de EM2C (rapport déposé le 22 juillet 2003), SOFIALEX a engagé à l'encontre de ALMET l'action directe de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975 afin d'obtenir paiement de la somme de 695.657 euros correspondant à deux acomptes non réglés par EM2C.

ALMET s'y est opposée eu égard au non-agrément de SOFIALEX, indiquant avoir mis en demeure EM2C de remplir son obligation de déclaration du sous-traitant.

SOFIALEX a notifié à EM2C son mémoire définitif en application de l'article 19.6.2 de la norme NFP03.001 le 31 août 2002.

Par ordonnance de référé du tribunal de commerce de Lyon du 26 septembre 2002, EM2C s'est vue condamnée à payer à SOFIALEX une provision de 200.000 euros tandis qu'une contestation sérieuse était jugée à l'égard de ALMET.

Une seconde ordonnance de référé du 14 novembre 2003, hors la présence de ALMET, a condamné EM2C à payer à SOFIALEX une autre provision de 117.322,24 euros.

Par jugement du 4 juillet 2005 partiellement confirmé par arrêt du 15 janvier 2008, les juridictions lyonnaises statuant entre EM2C et SOFIALEX, qui ont jugé abusive la résiliation du contrat de sous-traitance par EM2C, ont condamné celle-ci à payer à SOFIALEX :

- 286.035,79 euros au titre du solde de travaux,

- 28.935 euros de perte d'exploitation,

- 89.340 euros au titre d'un préjudice commercial,

- 14.331,09 euros d'intérêts moratoires,

- des dommages-intérêts compensatoires de 14.331,09 euros pour perte de confiance des fournisseurs,

- deux indemnités de procédure et le paiement de l'audit.

La Cour de cassation par arrêt du 1er juillet 2009 a rejeté le pourvoi déposé par SOFIALEX et dit notamment que le reproche fait à la cour de Lyon en omission de statuer sur les intérêts moratoires et compensatoires afférents à la période post-exécution (c'est-à-dire postérieurs au 31 août 2002) relevait de l'article 463 du code de procédure civile.

Le 10 février 2010, EM2C a été placée sous sauvegarde de justice.

Le 28 avril 2010, SOFIALEX a déclaré sa créance de 952.103,42 euros correspondant aux intérêts moratoires, aux intérêts compensatoires ainsi qu'aux intérêts moratoires sur les intérêts compensatoires impayés.

Puis, par courrier du 14 octobre 2010, SOFIALEX a mis en demeure le maître d'ouvrage ALMET de payer ladite somme sur le fondement de l'article 14-1 de la loi sus-visée du 31 décembre 1975, en disant que si EM2C s'était acquittée de sa dette en principal, les intérêts, à capitaliser, restaient dus jusqu'à leur complet paiement puisque issus d'un mémoire définitif réputé accepté au sens de la norme NFP03 001.

ALMET a protesté d'autant que, selon elle, il lui avait été rendu impossible de déclarer sa créance à la sauvegarde de EM2C.

Saisi par l'exploit du 29 juillet 2011 initié par SOFIALEX à l'encontre de ALMET, le tribunal de commerce de Vienne a, par jugement du 26 mars 2015, a :

- dit que SOFIALEX ne peut se prévaloir d'un agrément tacite de la part de ALMET, qui ne l'a pas acceptée en qualité de sous-traitant et n'a pas agréé ses conditions de paiement prévues au contrat de sous-traitance,

- dit que ALMET, qui ne pouvait pas ignorer l'existence sur le chantier de SOFIALEX, n'a pas déféré aux obligations de mise en demeure prévues à l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975,

- dit que SOFIALEX a subi un préjudice,

- dit que, dans son principe, la demande de SOFIALEX au titre des intérêts moratoires et compensatoires est recevable et fondée,

- pris acte que la cour de Lyon, dans l'arrêt du 15 janvier 2008 revêtu de la force de chose jugée, a fixé les intérêts moratoires et compensatoires dus par EM2C respectivement à 14.331,09 euros chacun, et constaté que EM2C a payé à SOFIALEX la totalité des sommes en principal, intérêts, indemnités et accessoires auxquelles elle a été condamnée, en ce compris les intérêts moratoires et compensatoires,

- débouté en conséquence SOFIALEX de sa demande au titre des intérêts pour la période postérieure au 31 août 2002,

- dit que la réclamation formée le 14 octobre 2010 par SOFIALEX à l'encontre de ALMET est tardive et de ce fait constitutive d'une négligence qui a privé cette dernière de la possibilité de prendre des mesures conservatoires ou d'exécution forcée, générant pour elle un préjudice,

- dit que la demande d'indemnisation formée par ALMET est fondée dans son principe,

- pris acte que ALMET fixe le quantum de son préjudice à un montant équivalent à celui des intérêts moratoires et compensatoires revendiqués par SOFIALEX,

- dit en conséquence que sa demande est mal fondée dans son quantum,

- rejeté toute indemnisation au bénéfice de ALMET,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes, y compris celles au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- et condamné SOFIALEX et ALMET à supporter par moitié les dépens.

Appelante par acte du 19 juin 2015 et par conclusions du 25 octobre 2017 fondées sur les anciens articles 1382 et 1153 du code civil et la loi du 31 décembre 1975, la SAS SOFIALEX a demandé à la cour :

- de dire son appel recevable et fondé,

- de constater le caractère irrecouvrable de la créance de SOFIALEX déclarée au passif de EM2C de sorte qu'elle est bien fondée en son action à l'encontre de ALMET,

- de constater qu'elle fonde son action en responsabilité délictuelle à l'encontre de ALMET sur le non-respect par cette dernière des dispositions de l'article 14-1 de la loi de 1975 imposant une mesure coercitive suffisante, obligation non remplie par cette dernière,

- en conséquence, de juger que sa demande d'indemnisation est bien fondée en son principe et son quantum et qu'elle n'a commis aucune faute,

- de condamner ALMET à lui régler les sommes calculées sans capitalisation du 31 août 2002 au 13 novembre 2014 de :

* 336.806 euros au titre des intérêts moratoires en application de l'article L.441-6 du code de commerce,

* 336.806 euros au titre des intérêts compensatoires,

- d'ordonner la poursuite du calcul de ces intérêts au-delà du 13 novembre 2014 outre incidence de la capitalisation en application de l'article 1153 du code civil, et ceci à compter du 31 août 2002 jusqu'à complet paiement selon les principes de calcul tirés du mémoire définitif et de la déclaration de créance (pièces 12 et 17),

- en tout état de cause, de condamner ALMET à lui verser 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- outre entiers dépens de l'instance.

Par conclusions du 27 septembre 2017, au visa des articles 1382 et 1383 du code civile et les articles 13 et 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, la SAS ALMET a requis :

- de constater que SOFIALEX a sollicité le paiement par elle maître d'ouvrage des travaux qui lui avaient été sous-traités par EM2C après que celle-ci ait résilié le contrat,

- de constater que SOFIALEX n'a été ni acceptée en sa qualité de sous-traitant, ni agréée dans ses conditions de paiement de façon non équivoque, et de juger que SOFIALEX ne peut se prévaloir d'un agrément tacite par elle,

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé qu'elle n'avait commis aucune faute en ne réglant pas directement SOFIALEX, de constater qu'elle a valablement mis EM2C en demeure de remplir ses obligations conformément aux dispositions de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975,

- de dire en revanche qu'eu égard à l'absence d'agrément de SOFIALEX, elle n'était pas tenue au regard de ces mêmes dispositions, d'exiger de EM2C qu'elle justifie avoir fourni la délivrance d'une garantie de paiement,

- de juger qu'elle n'a commis aucune faute à l'encontre de SOFIALEX,

- de réformer par conséquent le jugement déféré en ce qu'il a jugé insuffisante la mise en demeure par elle et corrélativement a considéré recevable l'action de SOFIALEX sur le fondement de l'article 14-1 de la loi de 1975,

- subsidiairement,

- de constater que SOFIALEX a évalué son préjudice par référence à des dommages-intérêts moratoires et compensatoires dont le montant a été déterminé de façon définitive par la cour de Lyon dans son arrêt du 15 janvier 2008,

- de constater qu'au vu de la déclaration de créance effectuée par SOFIALEX dans le cadre de la procédure de sauvegarde de EM2C et des termes de l'assignation délivrée par elle, il apparaît que la créance a été réglée en principal et qu'il ressort des pièces versées au débat que les intérêts tels que déterminés par la cour de Lyon ont été réglés par EM2C à SOFIALEX et de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que SOFIALEX avait été intégralement indemnisée,

- à titre infiniment subsidiaire,

- de constater l'absence d'éléments probants communiqués par SOFIALEX permettant l'évaluation des intérêts moratoires ainsi que l'absence de compte des intérêts compensatoires revendiqués et de dire que SOFIALEX ne justifie donc pas de sa créance,

- de rejeter sur cet autre fondement les demandes de SOFIALEX faute d'éléments suffisants,

- en tout état de cause,

- de constater que, comme suite au rejet de son action en référé en 2002 contre elle, SOFIALEX n'a pris aucune initiative procédurale à son encontre,

- de constater qu'elle ne l'a informée des procédures intervenues contre EM2C, de leur issue et de sa déclaration de créance dans le cadre de la procédure de sauvegarde de EM2C, que le 14 octobre 2010, rendant sa réclamation tardive car postérieure à l'expiration du délai de déclaration des créances chirographaires,

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que SOFIALEX avait été particulièrement négligente et que cette négligence constituait une faute à son préjudice, qui devrait être compensé avec la créance alléguée,

- de condamner SOFIALEX à lui payer 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- outre dépens.

La procédure a été clôturée le 9 novembre 2017.

MOTIFS

SOFIALEX souligne que sa demande, qui n'est pas fondée sur son agrément tacite de la part de ALMET susceptible de fonder une action directe, points qui ne sont donc pas en débat, repose intégralement sur les conséquences préjudiciables selon elle engendrées par la violation de la part du maître d'ouvrage de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 qui dispose :

« ' le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies à l'article 3 ou à l'article 6 ainsi que celles définies à l'article 5 [à savoir un sous-traitant non accepté, dont les conditions de paiement n'ont pas été agréées par le maître d'ouvrage] mettre l'entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s'acquitter de ces obligations. »

SOFIALEX engage donc la responsabilité délictuelle de ALMET du fait que cette dernière ne se serait pas acquittée de son obligation de mise en demeure de l'entrepreneur principal de s'acquitter lui-même de son obligation de porter la présence du sous-traitant à la connaissance du maître de l'ouvrage, ce qui aurait empêché SOFIALEX, selon elle, de bénéficier des garanties de paiement prévues par la loi.

La mise en 'uvre d'une telle responsabilité est conditionnée à la démonstration d'une faute reprochée à ALMET et d'un préjudice subi par SOFIALEX en lien causal avec cette faute.

SOFIALEX échoue dans cette preuve et elle sera déboutée de toutes ses demandes.

En effet, en premier lieu, ALMET justifie avoir adressé à EM2C un courrier du 25 juillet 2002 aux termes duquel elle indiquait à cette dernière pour s'opposer à l'action directe « ' Conformément à l'article 11 du contrat de construction, il vous appartient par ailleurs d'obtenir l'agrément écrit de la société ALMET en vue de l'acceptation des sous-traitants et de l'agrément de leurs conditions de paiement ».

La teneur de ce courrier adressé par ALMET, qui n'est soumis à aucune forme, terminé par une prévision de mise en cause de EM2C pour garantie dans le cas où une action directe serait effectivement initiée contre elle, révèle une interpellation suffisante de l'entrepreneur principal au sens de l'article 1139 du code civil -devenu 1344- pour valoir mise en demeure, de sorte que, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, ALMET justifie avoir respecté son obligation résultant de l'article 14-1 sus-visé.

Au demeurant, il appartenait tout aussi bien à SOFIALEX de requérir de l'entrepreneur principal son agrément par le maître de l'ouvrage, en application des dispositions impératives de la loi de 1975 d'ailleurs reprises par le contrat de construction conclu entre ALMET et EM2C en son article 11 relatif à la sous-traitance allégué par l'intimé [« Chaque sous-traitant devra recevoir à la diligence de l'entrepreneur un agrément par écrit du maître d'ouvrage »] ; or, SOFIALEX ne démontre pas avoir requis de EM2C son agrément par le maître d'ouvrage à qui il ne peut donc pas plus reprocher l'absence de mise en demeure adressée à l'entrepreneur principal.

En deuxième lieu, la demande de SOFIALEX porte sur un paiement d'intérêts moratoires et compensatoires ayant couru postérieurement au 31 août 2002, outre capitalisation, calculés sur la base constituée des deux acomptes en principal du marché de sous-traitance.

Pour justifier de la somme réclamée, SOFIALEX communique une pièce 17 constituée du « récapitulatif dû par EM2C après acompte du 17.4.2009 », qui indique que « les données et méthodes de calcul sont celles exposées aux § 4.2.3 et 4.2.4 du mémoire définitif réputé accepté par le donneur d'ordre, les acomptes perçus s'imputent d'abord sur le principal et ensuite sur les intérêts, le taux des intérêts est celui accepté au mémoire définitif ».

Ce récapitulatif prend pour base les deux sommes de 14.331,09 euros restées impayées après déduction du principal de la dette de EM2C, principal dont celle-ci s'est acquittée successivement entre le 8 octobre 2002 et le 31 mars 2009, par des paiements chiffrés au total de 853.106,36 euros visé en page 23 des conclusions de SOFIALEX qui mentionnent 6 paiements successifs ou à celui de 853.864,09 euros visé à la pièce 17, la distorsion entre ces deux chiffres relevant peut-être des accessoires de la dette tels que les indemnités article 700 étant ici indifférente.

Les articles 4.2.3 et 4.2.4 du « Mémoire justificatif du mémoire définitif », édité par SOFIALEX assistée de son conseil technique,auquel se réfère la pièce 17, vise en effet un taux de 10,25% (3,25 % + 7) résultant de l'application de l'article L.441-6 du code de commerce dans sa rédaction en vigueur en 2002 (taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 7 point de pourcentage), taux identique à celui visé par la norme NF P 03-001 communiquée par SOFIALEX aux débats.

Ce taux, applicable au maître d'ouvrage, est curieusement supérieur à celui stipulé au contrat de sous-traitance souscrit entre SOFIALEX et EM2C, qui retient un taux d'intérêt équivalant au taux de l'intérêt légal majoré de deux points, de sorte que SOFIALEX, en cherchant dans cette instance un autre débiteur, obtiendrait un taux supérieur.

Surtout SOFIALEX ne démontre pas avoir notifié à ALMET son mémoire définitif duquel il résulterait que le taux à retenir entre les parties serait celui de 10,25 %.

En effet, SOFIALEX vise dans ses écritures, ainsi qu'au visa de sa pièce 1 dans son bordereau de communication de pièces (« mémoire justificatif du mémoire définitif du 31 août 2002 avec lettre d'accompagnement du 26 septembre 2002 »), une date du 26 septembre 2002 valant communication du document à ALMET, mais cette lettre du 26 septembre 2002 n'est pas aux débats et ALMET ne la mentionne à aucun endroit de ses écritures.

Le taux réclamé par SOFIALEX est dès lors exclu.

Par ailleurs, la pièce 17 chiffre un intérêt capitalisé, ce qui est visible dans la colonne « montant » des feuillets 2 à 6, alors que la capitalisation des intérêts ne peut s'effectuer qu'au regard de l'article 1154 -devenu 1343-2- du code civil, à savoir en cas de stipulation contractuelle ou d'acceptation judiciaire.

Aucune disposition judiciaire n'a imposé jusqu'à présent une capitalisation à l'égard de ALMET et aucune stipulation contractuelle fixant une telle capitalisation ne lui est non plus opposable.

Ce récapitulatif ne peut donc pas fonder une dette d'intérêts susceptible d'être réclamée à ALMET pour le montant sollicité.

En troisième lieu, quant au point de départ des intérêts, l'article L.441-6 sus-visé édicte qu'ils sont exigibles sans qu'un rappel soit nécessaire, ce qui n'est valable qu'entre contractants.

Dans le cas d'espèce qui oppose en responsabilité délictuelle un sous-traitant au maître d'ouvrage non lié contractuellement, le point de départ reste fixé en application du droit commun de l'article 1153 alinéa 3 du code civil.

Par suite, ils ne sont dus qu'à compter de la sommation de payer.

Or, le dossier ne comporte aucune sommation opposée à ALMET pour lui réclamer paiement des intérêts à la suite de la défaillance du débiteur initial (EM2C) qui ne les a pas réglés en se s'acquittant que du principal, avant le courrier du 14 octobre 2010 visant la somme litigieuse de 952.103,42 euros.

ALMET a bien été rendue destinataire le 2 août 2002 d'une mise en demeure de payer de la part de SOFIALEX, mais ce courrier visait, non pas les intérêts moratoires et compensatoires qui sont l'objet du présent litige, mais plutôt les sommes dues en principal suite au marché de sous-traitance, ultérieurement payées par EM2C, avant l'ouverture de sa procédure collective.

Le défaut de mise en demeure n'a pu faire courir à l'égard de ALMET une dette d'intérêts.

En quatrième lieu, est rappelée la règle de droit selon laquelle si les intérêts sont dus de plein droit dès la sommation de payer, le débiteur est admis à établir une faute du demandeur l'ayant empêché de s'acquitter du montant de sa dette.

ALMET est ainsi bien fondée à soutenir une faute de la part de SOFIALEX, qui entre la signification de l'ordonnance de référé du 26 septembre 2002 et la mise en demeure du 14 octobre 2010, ne lui a donné aucune information sur le litige existant entre elle (SOFIALEX) et EM2C auquel elle n'a jamais été appelée, et donc sur

le non-paiement par EM2C des intérêts moratoires et compensatoires, qui sont aujourd'hui la base de la réclamation litigieuse de la part de SOFIALEX.

Ce défaut d'information a empêché ALMET de déclarer sa créance à la procédure collective de EM2C ouverte le 10 février 2010, perdant ainsi son recours contre le débiteur initial, constituant pour elle un préjudice.

En conséquence, au regard de ces motifs conjugués, qui écartent les motifs contradictoires du premier juge, SOFIALEX est déboutée de toutes ses demandes, et le jugement est infirmé en toutes ses dispositions.

Les dépens de première instance et d'appel sont imputés à SOFIALEX qui aura en outre la charge d'une indemnité de procédure au profit de ALMET.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute SOFIALEX de toutes ses demandes,

Condamne SOFIALEX à verser à ALMET une indemnité de procédure de 6.000 euros,

Dit que les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de SOFIALEX.

SIGNE par Madame PAGES, Conseiller, pour le Président empêché et par Madame COSNARD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Conseiller


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15/02604
Date de la décision : 21/12/2017

Références :

Cour d'appel de Grenoble 07, arrêt n°15/02604 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-21;15.02604 ?
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