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09/04/2015 | FRANCE | N°13/04853

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 09 avril 2015, 13/04853


RG N° 13/04853

JLB

N° Minute :

















































































Copie exécutoire

délivrée le :







la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE





la SCP GERBAUD AOUDIANI CANELLAS CHARMASSON COTTE







AU NOM DU PEUPLE FRANÃ

‡AIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE COMMERCIALE



ARRÊT DU JEUDI 09 AVRIL 2015





Appel d'une décision (N° RG 12/004205)

rendue par le Tribunal de Commerce de Gap

en date du 25 octobre 2013

suivant déclaration d'appel du 14 Novembre 2013



APPELANT :



Monsieur [Q] [K]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 2]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité ...

RG N° 13/04853

JLB

N° Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE

la SCP GERBAUD AOUDIANI CANELLAS CHARMASSON COTTE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 09 AVRIL 2015

Appel d'une décision (N° RG 12/004205)

rendue par le Tribunal de Commerce de Gap

en date du 25 octobre 2013

suivant déclaration d'appel du 14 Novembre 2013

APPELANT :

Monsieur [Q] [K]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 2]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIME :

Maître [O] [G] agissant es qualité de mandataire judiciaire de la SARL [K] BATIMENT

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté et plaidant par Me WIERZBINSKI substituant par Jean-Pierre AOUDIANI de la SCP GERBAUD AOUDIANI CANELLAS CHARMASSON COTTE, avocat au barreau de HAUTES-ALPES

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Dominique ROLIN, Président de Chambre,

Monsieur Jean-Louis BERNAUD, Conseiller,

Mme Fabienne PAGES, Conseiller,

Assistés lors des débats de Magalie COSNARD, Greffier.

MINISTÈRE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée et qui a fait connaître son avis.

DÉBATS :

A l'audience publique du 11 Mars 2015

Monsieur BERNAUD, Conseiller, a été entendu en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,

------0------

La SARL [K] BATIMENT dirigée par M. [Q] [K], qui exerçait une activité de promotion immobilière et de construction, a été placée en liquidation judiciaire immédiate par jugement du tribunal de commerce de GAP en date du 23 octobre 2009 sur l'assignation d'un ancien salarié et sur déclaration ultérieure de cessation des paiements.

Le tribunal a fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 23 octobre 2008 et a désigné Me [G] en qualité de liquidateur judiciaire.

En sa qualité de dirigeant des sociétés [K] BATIMENT et [K] TRANSPORT, M. [Q] [K] a été poursuivi pénalement pour des faits de banqueroute en raison de la tenue d'une comptabilité incomplète ou irrégulière et d'escroquerie au préjudice de l'État français pour usage de factures falsifiées destinées à obtenir un remboursement de TVA indu.

Par jugement du 16 juin 2011 le tribunal correctionnel de GAP a condamné pour ces faits M. [Q] [K] à des peines d'emprisonnement avec sursis, d'amende et de faillite personnelle pour une durée de 10 ans, outre dommages et intérêts au profit de l'État et de Me [G] ,ès qualités.

Par arrêt de la chambre correctionnelle de cette cour du 5 juin 2012 M. [Q] [K] a toutefois été relaxé du chef des délits de banqueroute, ce qui a conduit au rejet de l'ensemble des demandes formées par le liquidateur judiciaire des sociétés [K] BATIMENT et [K] TRANSPORT.

La condamnation pour escroquerie au préjudice de l'État français a toutefois été maintenue.

Le pourvoi en cassation formé contre cet arrêt a été rejeté par arrêt du 16 octobre 2013.

Par acte d'huissier du 9 octobre 2012, Me [G], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL [K] BATIMENT, a fait assigner M. [Q] [K] à l'effet d'obtenir sa condamnation au paiement d'une somme de 38'963,49 euros en comblement de l'insuffisance d'actif de la société, ainsi que le prononcé à son encontre d'une sanction de faillite personnelle ou à défaut d'interdiction de gérer pour une durée de 15 ans.

Il a été reproché au dirigeant de ne pas avoir déclaré l'état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours, d'avoir poursuivi abusivement une exploitation déficitaire, de ne pas avoir tenu une comptabilité régulière, d'avoir dissimulé ou détourné des actifs et d'avoir omis de remettre aux organes de la procédure les renseignements obligatoires.

M. [Q] [K] a conclu à la nullité de la procédure pour défaut de convocation en vue de son audition personnelle.

Par jugement du 25 octobre 2013 le tribunal de commerce de GAP, après avoir écarté le moyen de nullité soulevé par le dirigeant, a prononcé à l'encontre de Monsieur [Q] [K] une mesure d'interdiction de gérer pour une durée de trois années et l'a condamné à supporter une partie de l'insuffisance d'actif à hauteur de la somme de 20'000 €.

M. [Q] [K] a relevé appel de cette décision selon déclaration reçue le 14 novembre 2013.

Par ordonnance juridictionnelle du 26 février 2015 le conseiller de la mise en état a déclaré recevables les conclusions en réponse de l'appelant des 23 juillet et 24 novembre 2014.

Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 24 novembre 2014 par M. [Q] [K] qui sollicite à titre principal l'annulation du jugement et qui à titre subsidiaire s'oppose, par voie d'infirmation, à l'ensemble des demandes formées par Me [G], ès qualités, dont il prétend obtenir une indemnité de 5 000 € pour frais irrépétibles, aux motifs':

que le tribunal a statué sans rapport du juge-commissaire en violation de l'article R.662-12 du code de commerce,

que le juge-commissaire suppléant a fait partie de la composition de jugement en violation de l'article L.651-3 du code de commerce,

que la procédure suivie devant le tribunal est irrégulière alors qu'il n'a pas été convoqué en vue de son audition personnelle en violation de l'article R.651-5 du code de commerce, qui demeure applicable après la réforme de 2009 aux actions en comblement de l'insuffisance d'actif,

que la société [K] BATIMENT n'était pas en état de cessation des paiements à la date retenue par le jugement d'ouverture (23 octobre 2008), qui n'est pas motivé sur ce point,

que l'état de cessation des paiements n'a été caractérisé qu'à compter de l'assignation en redressement judiciaire du 2 octobre 2009 délivrée par un ancien salarié, créancier en vertu d'une condamnation prud'homale,

qu'il n'a pas poursuivi une exploitation déficitaire, alors que l'activité de l'entreprise a été réduite progressivement, que jusqu'au 30 juin 2009 il a réalisé personnellement les apports nécessaires pour répondre aux besoins de trésorerie, qu'il a sollicité la mise en liquidation judiciaire de la société dès la notification le 12 octobre 2009 par l'administration fiscale d'un redressement au titre de la TVA, qu'il n'existait pas de passif social alors que l'entreprise n'a plus eu de salariés à compter du 30 juin 2008, et qu'il avait pensé pouvoir procéder à une liquidation amiable après recouvrement des créances, étant observé qu'il n'a nullement poursuivi un intérêt personnel puisqu'il a perdu plus de 230'000 EUR en compte-courant,

qu'il a été jugé par la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Grenoble que la comptabilité avait été régulièrement tenue, tandis que le liquidateur judiciaire, qui a été en possession du bilan et du compte de résultat pour les exercices 2007/2008, 2008/2009 et 2009/2010, reconnaît avoir été en possession des livres comptables pour la même période,

qu'il ne s'est rendu coupable d'aucun détournement d'actif, alors que les véhicules de l'entreprise avaient été pris en location et que les factures établies au nom de diverses sociétés dans lesquelles il est intéressé ont été intégralement payées,

qu'il n'a pas omis de mauvaise foi de remettre les renseignements obligatoires au mandataire judiciaire, qui était en possession de la comptabilité et de la liste des créances à recouvrer.

Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 6 janvier 2015 par Me [G], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL [K] BATIMENT, qui par voie d'appel incident demande la condamnation du dirigeant au paiement d'une somme de 38'963,49 euros en comblement de l'insuffisance d'actif, ainsi qu'à une mesure de faillite personnelle d'une durée de 15 ans, et qui prétend obtenir une indemnité de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile aux motifs':

que l'assignation invite le dirigeant à se présenter en vue de son audition personnelle préalable, tandis que tous les renvois sont intervenus au contradictoire de Monsieur [K],

qu'en toute hypothèse depuis l'intervention de l'ordonnance du 18 décembre 2008, applicable en la cause, l'obligation de convoquer le dirigeant en vue de son audition personnelle a disparu,

que le jugement, qui a sur ce point la force probante d'un acte authentique, a été rendu au visa exprès du rapport du juge-commissaire, étant observé que toute éventuelle nullité du jugement pour absence de rapport du juge-commissaire ne priverait pas l'appel de son effet dévolutif,

que l'interdiction édictée par l'article L.651'3 du code de commerce ne vise que le juge-commissaire en titre, et non pas son suppléant, dont il n'est pas établi qu'il ait eu à intervenir pour suppléer le titulaire désigné, étant observé que la cour devrait en toute hypothèse examiner le fond du litige par l'effet dévolutif de l'appel,

que la demande de prononcé d'une mesure de faillite personnelle est fondée :

* sur le défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours alors que le jugement d'ouverture de la procédure collective, qui n'a pas été contesté, a fait remonter la date de cessation des paiements au 23 octobre 2008,

* sur la poursuite abusive d'une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements, alors qu'il résulte des données comptables que l'entreprise avait subi des pertes de 193'067 EUR le 30 juin 2008 et de 62'124 EUR le 30 juin 2009 et que le maintien de l'activité a eu un but d'enrichissement personnel, puisque Monsieur [K] a prélevé sur son compte courant d'associé une somme de 76'388,38 euros entre le 3 octobre 2008 et le 9 avril 2009 et qu'il ne s'explique pas sur la somme de 82'172,56 euros qui a été portée au crédit de son compte le 30 juillet 2008,

* sur le détournement d'éléments d'actifs au profit de SCI dans lesquelles le dirigeant possède des intérêts, alors que le grand livre clients de la société [K] BATIMENT fait apparaître un abandon de créance de plus de 30'000 EUR au profit d'une SCI «'les charbonniers'», qu'aucune explication n'est fournie sur les raisons de l'effondrement du chiffre d'affaires sur un seul exercice 2007/2008, que le dirigeant s'est remboursé progressivement de ses avances en compte courant d'associé et n'a pas collaboré avec l'officier public en charge de l'inventaire qui a dû établir un procès-verbal de carence,

* sur l'absence de remise aux organes de la procédure des éléments obligatoires visés à l'article L.622-6 du code de commerce (inventaire du patrimoine, liste des créanciers et existence d'instances en cours),

* sur la tenue d'une comptabilité incomplète et irrégulière, alors que si une version numérique de la comptabilité a été fournie pour les exercices 2007/2008, 2008/2009 et 2009/2010, il n'a pas été justifié de l'établissement d'un bilan, d'un compte de résultat et d'une liasse fiscale pour chacun de ces exercices, à l'exception de la liasse fiscale pour l'exercice 2008/2009 qui s'est révélée incomplète et anormale, que l'expert-comptable de l'entreprise a lui-même reconnu que la comptabilité était affectée d'erreurs « significatives » et que les comptes annuels produits aux débats ont été établis postérieurement à l'ouverture de la procédure collective,

* sur le fait que trois autres sociétés dirigées par Monsieur [Q] [K] ont fait l'objet préalablement de procédures de liquidation judiciaire,

que la demande en comblement de l'insuffisance d'actif est fondée sur la poursuite d'une exploitation déficitaire dans un intérêt personnel, sur l'omission de déclaration de l'état de cessation des paiements dans un délai de 45 jours, sur le détournement d'éléments d'actifs et sur la tenue d'une comptabilité incomplète et irrégulière,

que déduction faite des dettes garanties par les assurances de responsabilité civile et des créances recouvrées, l'insuffisance d'actif s'élève à la somme de 38'963,49 euros, à laquelle par ses fautes de gestion Monsieur [K] a fortement contribué.

Vu les conclusions déposées le 10 mars 2015 par le ministère public qui demande à la cour de rejeter les exceptions de nullité et de confirmer la décision sur le fond.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur les moyens de nullité du jugement et d'irrecevabilité soulevés par le dirigeant

Selon l'article R.651 '2 du code de commerce dans sa rédaction initiale de l'article 318 du décret du 28 décembre 2005, le ou les dirigeants mis en cause, dont la responsabilité pour insuffisance d'actif est recherchée, sont convoqués, à la diligence du greffier, un mois au moins avant leur audition en chambre du conseil, par acte d'huissier de justice ou dans les formes prévues pour la saisine du tribunal par le ministère public.

Ce texte a été modifié par l'article 68 du décret du 23 décembre 2006, qui a prévu la convocation du dirigeant un mois avant son audition, toujours par acte d'huissier de justice à la diligence du greffier, mais sans mention de la chambre du conseil pour tenir compte des dispositions de l'article L.662'3 alinéa 2 du code de

commerce selon lesquelles les débats en matière de sanctions ont lieu en audience publique.

L'article R.651'2 du code de commerce issu du décret numéro 2009-160 du 12 février 2009, qui est applicable aux procédures collectives ouvertes à compter du 15 février 2009, décide enfin que' «'Pour l'application de l'article L.651-2, le tribunal est saisi, selon le cas, par voie d'assignation ou dans les formes et selon la procédure prévues à l'article R.631-4'».

Ainsi selon l'article R.651 '2 dans sa rédaction actuelle applicable en la cause, puisque la liquidation judiciaire de la société [K] BATIMENT a été ouverte le 23 octobre 2009, l'audition préalable du dirigeant mis en cause n'est plus exigée.

Le jugement mérite par conséquent confirmation en ce qu'il a écarté la fin de non-recevoir tirée de la prétendue irrégularité de la convocation du dirigeant en vue de son audition personnelle préalable.

Au demeurant la formalité exigée par l'article R.651 '2 du code de commerce dans sa rédaction initiale a été accomplie, dès lors qu'aux termes de l'assignation introductive d'instance M. [K] a été cité à comparaître «'aux fins d'être entendu personnellement et préalablement à ce que le tribunal statue'», tandis la procédure a été renvoyée à plusieurs reprises à son contradictoire.

Le jugement, qui fait foi sur ce point jusqu'à inscription de faux, a par ailleurs été expressément rendu au vu du rapport du juge-commissaire, en sorte qu'il a été satisfait aux prescriptions impératives de l'article R.662-12 du code de commerce.

Enfin la présence du juge-commissaire suppléant dans la composition de jugement n'a pas contrevenu aux dispositions de l'article L.651-3 du code de commerce, qui ne vise que le juge-commissaire titulaire désigné, à défaut de toute preuve rapportée d'une suppléance effective pour l'accomplissement d'un ou plusieurs actes déterminés.

Le jugement ne saurait par conséquent être annulé.

Sur la demande de prononcé d'une sanction personnelle

1. Le défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements

Il est de principe que l'omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal, susceptible de constituer une faute de gestion ou un manquement passible d'une sanction personnelle, s'apprécie au regard de la seule date de cessation des paiements fixée dans le jugement d'ouverture ou dans un jugement de report.

En l'espèce le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société [K] BATIMENT du 23 octobre 2009 , qui n'a pas été contesté, a fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 23 octobre 2008.

Cette date s'impose par conséquent aux parties, qui ne sont plus recevables à la contester dans le cadre de la présente action.

Ainsi M. [Q] [K] a-t-il manqué à son obligation de demander l'ouverture d'une procédure collective dans le délai de 45 jours à compter de la cessation des paiements, en violation de l'article L.653-8 du code de commerce, étant observé que ce n'est que postérieurement à l'assignation délivrée le 2 octobre 2009 par un ancien salarié de l'entreprise qu'il a déclaré l'état de cessation des paiements et sollicité lui-même la liquidation judiciaire.

2. La poursuite d'une activité déficitaire

Il résulte des documents comptables annuels versés au dossier qu'après avoir réalisé un bénéfice très modeste de 701 € au 30 juin 2007 la société [K] BATIMENT a fait de lourdes pertes au titre de l'exercice clos le 30 juin 2008 (193'067 €) et a connu également une exploitation déficitaire de 62'124 € à la clôture de l'exercice suivant.

Il n'est cependant pas démontré que, comme l'exige l'article L.653-4 du code de commerce, c'est abusivement et dans un intérêt personnel que le dirigeant a poursuivi cette exploitation déficitaire pendant plus de deux années.

Il résulte en effet de l'extrait du grand livre général que les prélèvements effectués par M. [K] sur son compte courant d'associé entre le 2 juillet 2008 et le 31 octobre 2008 ont été rapidement compensés au cours des mois suivants par de nouvelles remises d'un montant équivalent, qui ont porté le crédit du compte au 9 avril 2009 (237 574,93'€) à une somme supérieure au crédit existant à la date du 1er juillet 2008 (230 448,40'€), en sorte qu'il ne peut être sérieusement affirmé que c'est pour se rembourser de ses avances que le dirigeant a poursuivi l'exploitation de l'entreprise au cours des années 2008 et 2009.

Au demeurant en l'absence de toute stipulation d'intérêts le remboursement de sommes prêtées à l'entreprise ne caractérise pas un enrichissement.

Dès lors qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que M. [K] aurait poursuivi l'exploitation dans le seul but de continuer à percevoir une rémunération, le grief de poursuite d'une activité déficitaire ne saurait par conséquent être retenu.

3. Le détournement d'éléments d'actifs

Le liquidateur judiciaire n'explique pas en quoi la baisse brutale du chiffre d'affaires au cours de l'exercice 2007/2008 pourrait être qualifié de détournement d'un élément d'actif.

Le remboursement par le dirigeant d'une partie de ses avances en compte courant, qui a au demeurant été compensé par des remises équivalentes, ne saurait pas plus caractériser un détournement, puisque les sommes prêtées à l'entreprise constituent une dette , et non pas un élément d'actif.

Le procès-verbal de carence dressé par l'officier public chargé de l'inventaire ne peut en outre faire présumer du détournement d'éléments d'actifs, alors que sans être contredit sur ce point précis M. [K] explique qu'il n'existait pas d'actifs immobilisés

au bilan et que les véhicules, qui avaient été pris en location, n'étaient pas la propriété de l'entreprise.

Enfin il n'est pas démontré que des travaux effectués pour le compte de la SCI LES CHARBONNIERS n'auraient pas été payés pour un montant de 30'000 €, alors qu'il résulte au contraire de l'extrait du grand livre client de la société [K] BATIMENT pour la période du 1er juillet 2008 au 30 juin 2009, que les factures incriminées de 55'318,19 euros et de 35'433,87 euros ont été réglées par versements successifs de 15'000 € chacun.

Le grief de détournement d'éléments actifs ne saurait par conséquent être retenu.

4. Le défaut de remise des renseignements obligatoires

Me [G], ès qualités, ne justifie pas avoir en vain mis en demeure le dirigeant de lui communiquer les renseignements visés à l'article L.622-6 du code de commerce.

Il reconnaît au demeurant qu'il était en possession de la version numérique des livres comptables, ce qui lui permettait de connaître les créanciers de l'entreprise et le montant des dettes, tandis qu'il n'est pas établi qu'il existait des instances en cours.

Il n'est dès lors pas démontré que M. [K] s'est délibérément abstenu de communiquer les renseignements nécessaires au bon déroulement de la procédure, ce qui ne permet pas de retenir le manquement prévu à l'article L.653-8 du code de commerce, lequel exige la preuve rapportée de la mauvaise foi du débiteur.

5. La tenue de la comptabilité

Le pourvoi formé contre l'arrêt de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Grenoble du 5 juin 2012 a été rejeté par arrêt de la Cour de Cassation en date du 16 octobre 2013.

Il a donc été définitivement jugé par une décision pénale, qui a l'autorité de la chose jugée à l'égard de tous relativement aux faits et aux éléments constitutifs de l'infraction poursuivie, que M. [Q] [K], en sa qualité de dirigeant de la société [K] BATIMENT, n'avait pas commis le délit de banqueroute en tenant une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière pour la période de prévention s'étendant du mois d'octobre 2008 au mois d'octobre 2009.

En revanche les comptes annuels versés au dossier au titre des exercices antérieurs clos les 30 juin 2007 et 30 juin 2008 ne sont pas datés, et l'affirmation du liquidateur judiciaire, selon laquelle ces comptes de bilan et de résultat ont été établis postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, n'a pas été contestée par le dirigeant, qui reconnaît en outre que ces comptes n'ont pas été déposés au greffe du tribunal de commerce, ce qui fait également présumer de leur établissement tardif.

Il n'a donc pas été satisfait aux prescriptions de l'article L.123-12 du code de commerce, qui fait obligation à tout commerçant d'établir des comptes annuels à la clôture de l'exercice.

Le manquement prévu à l'article L.653-5 6° du code de commerce est par conséquent caractérisé, alors que le dirigeant a tenu une comptabilité incomplète au regard des dispositions applicables.

6. Le prononcé de la sanction

Les deux manquements précédemment retenus (omission de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours et tenue d'une comptabilité incomplète) justifient que soit prononcée une mesure d'interdiction de gérer et de diriger toute entreprise d'une durée de 8 années, alors qu'il est établi, et non contesté, que M. [K] a mené à la faillite en 2008, 2009 et 2011 trois autres entreprises, qui étaient également en état de cessation des paiements depuis de nombreux mois.

Sur la demande en comblement de l'insuffisance d'actif

M. [K] a omis de déclarer dans le délai de 45 jours l'état de cessation des paiements de la société [K] BATIMENT, qui était pourtant caractérisé depuis une année au jour de l'assignation en redressement judiciaire.

Il a par ailleurs poursuivi pendant deux années une activité qui était lourdement déficitaire, ce qui constitue une faute de gestion au sens de l'article L.651-2 du code de commerce, même s'il n'est pas établi que l'activité a été maintenue dans son intérêt personnel.

En ne faisant pas établir les comptes annuels dans les délais légaux, il s'est par ailleurs privé d'un outil de gestion indispensable, ce qui caractérise également une faute de gestion.

Ces fautes ont incontestablement contribué à l'insuffisance d'actif, d'un montant non contesté de 38'963,49 euros, alors qu'il résulte des déclarations de créances versées au dossier qu'un passif, notamment fiscal, a été constitué depuis la date de cessation des paiements reportée au 23 octobre 2008.

En l'état des éléments dont dispose la cour la condamnation de M. [Q] [K] à supporter une partie de l'insuffisance d'actif à hauteur de 20'000 € apparaît justifiée.

Le jugement sera par conséquent confirmé de ce chef.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande de faire à nouveau application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'intimé.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a écarté la fin de non-recevoir tirée de la prétendue irrégularité de la convocation du dirigeant,

Y ajoutant :

Dit n'y avoir lieu à annulation du jugement,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [Q] [K] à payer à Me [G], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL [K] BATIMENT, la somme de 20'000 € en comblement partiel de l'insuffisance d'actif de la société, outre une indemnité de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Réforme le jugement déféré pour le surplus et statuant à nouveau en y ajoutant :

Prononce à l'encontre de M. [Q] [K] la mesure d'interdiction de gérer et de diriger toute entreprise prévue à l'article L.653-8 du code de commerce pour une durée de huit années,

Condamne M. [Q] [K] à payer à Me [G], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL [K] BATIMENT, une nouvelle indemnité de 1 000'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [Q] [K] aux entiers dépens de première instance et d'appel .

SIGNE par Madame ROLIN, Président et par Madame COSNARD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13/04853
Date de la décision : 09/04/2015

Références :

Cour d'appel de Grenoble 07, arrêt n°13/04853 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-04-09;13.04853 ?
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