RG N° 11/01516
FP
N° Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
Me Marie-France RAMILLON
la SARL LEXAVOUE GRENOBLE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 26 FÉVRIER 2015
Appel d'une décision (N° RG 2010J568)
rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE
en date du 18 février 2011
suivant déclaration d'appel du 18 Mars 2011
APPELANTE :
SAS WOODYMAG, poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domiciliée en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me RAMILLON, en qualité d'avoué à la Cour jusqu'au 31 décembre 2011 puis en qualité d'avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et plaidant par Me HEINRICH, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉE :
EURL LE BOSCO, poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par la SCP GRIMAUD en qualité d'avoués à la Cour jusqu'au 31 décembre 2011 puis en qualité d'avocats au barreau de Grenoble, postulant et plaidant par Me Michael BISMUTH de la SELARL CABINET BISMUTH, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Dominique ROLIN, Président de Chambre,
Monsieur Jean-Louis BERNAUD, Conseiller,
Mme Fabienne PAGES, Conseiller,
Assistés lors des débats de Magalie COSNARD, Greffier.
DÉBATS :
A l'audience publique du 22 Janvier 2015
Madame PAGES, Conseiller, a été entendue en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,
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La société le Bosco est constituée le 2 septembre 2008 en vue de l'acquisition d'un fonds de commerce le 17 septembre 2008 au prix de 95 000 euros et a pour projet la transformation de son local en débit de boissons.
Les travaux d'aménagement de ses locaux font l'objet d'un marché de travaux entre la société le Bosco et la société WOODYMAG, soit l'exécution d'un devis accepté par la société le Bosco et en date du 10 décembre 2008, la société WOODYMAG réalise pour cette dernière des travaux d'aménagement des locaux à usage de débit de boissons à [Localité 2] et moyennant le prix de 131 560 euros TTC. La date d'achèvement des travaux est prévue au 18 mars 2009.
Le paiement des travaux est prévu de la façon suivante :
- à hauteur de la somme de 39 000 euros lors de la signature du devis,
- à hauteur de la somme de 40 000 euros "à la réception de la fabrication du comptoir en atelier avec validation du client, fin du lot placo, des alimentations électriques et des tirages alimentation et écoulement plomberie",
- 35 560 euros à la réception de la coque du bar sur place et du comptoir et sa desserte en atelier,
- 15 000 euros à la livraison et l'installation du comptoir,
- 5 000 euros à la livraison de l'habillage final du comptoir.
La somme de 39 000 euros est versée lors de la signature du devis.
Par courrier en date du 19 avril 2009, monsieur [E], gérant de la SARL le Bosco, adresse un courrier à la société WOODYMAG dénonçant un retard dans l'exécution des travaux et demandant la réalisation de reprises, griefs contestés.
Puis en date du 28 avril 2009, le conseil de société le Bosco met la société WOODYMAG en demeure de respecter les termes du contrat et demande la présentation des sous traitants, courrier réitéré le 5 mai 2009.
En réponse, cette dernière demande le paiement de la somme de 40 000 euros restée impayée.
Par courrier en date du 7 mai 2009, le conseil de la société le Bosco dénonce le marché de travaux.
La société WOODYMAG fait citer la société le Bosco devant le juge des référés du Tribunal de Commerce de Grenoble en paiement d'une provision de 40 000 euros correspondant au paiement de la deuxième situation, déclarée irrecevable en référé par ordonnance du 7 juillet 2009, compte tenu de l'existence de contestations sérieuses.
Faisant valoir l'absence de motif de rupture du marché de travaux, la société WOODYMAG fait citer par acte d'huissier en date du 8 septembre 2010 la société le Bosco en indemnisation de cette rupture.
Par jugement du Tribunal de Commerce de Grenoble en date du 18 février 2011, il est jugé que :
- l'abandon du chantier par la société WOODYMAG est un motif grave qui justifie la rupture du contrat,
- le coût des travaux complémentaires est fixé à hauteur de la somme de 35 000 euros,
- la société WOODYMAG est condamnée à payer la somme de 35 000 euros à la société le Bosco à titre de dommages et intérêts,
- la société WOODYMAG est déboutée de toutes ses demandes et condamnée à payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société WOODYMAG interjette appel à l'encontre de cette décision par déclaration au greffe en date du 18 mars 2011.
Au vu de ses dernières conclusions en date du 10 juin 2011, la SAS WOODYMAG demande la réformation de la décision contestée.
Elle conclut au rejet des demandes de la partie adverse.
Elle fait valoir que la rupture du contrat par la partie adverse n'est pas justifiée et est par conséquent fautive.
Elle en demande par conséquent l'indemnisation, soit le paiement :
- de la somme de 40 000 euros correspondant au paiement de la deuxième situation, avec intérêts au taux majoré de 5 points à compter de l'assignation de 1ère instance,
- de la somme de 61 697,10 euros correspondant au paiement de travaux accomplis en avance sur le planning de chantier avec intérêts au taux majoré de 5 points à compter de l'assignation de 1ère instance,
- de la somme de 69 862,90 euros correspondant à l'indemnisation de la perte de chance de réaliser le chantier en totalité, outre intérêts à compter de l'assignation.
Elle demande la condamnation de la société le Bosco au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que la rupture à l'initiative de la partie adverse en date du 7 mai 2009 n'est pas justifiée en l'absence d'un quelconque manquement grave établi à son encontre et est dès lors fautive.
Elle précise que le retard ne lui est pas imputable, des travaux supplémentaires s'étant avérés nécessaires, que le retard a pour autant été rattrapé, ce dont elle justifie par le procès verbal de constat du 4 mai 2009, date à laquelle le comptoir était réalisé, ce dont elle justifie également par la production d'un procès verbal de constat du 5 mai 2009, que la partie adverse lui devait paiement de la situation n°2 et que faute de paiement sa suspension des travaux le 27 avril 2009 était justifiée ne pouvant dès lors être considérée comme un abandon de chantier.
Elle ajoute que par courriers des 6 et 7 mai 2009, la liste des sous traitants a été communiquée à la société le Bosco suite à sa demande et que ce manquement ne peut non plus justifier la résiliation.
Elle demande par conséquent la condamnation de la partie adverse au paiement de la somme de 40 000 euros soit correspondant à la situation n°2 ayant justifié la réalisation des travaux correspondants ainsi que le paiement des autres travaux dont elle justifie de la réalisation soit à hauteur de la somme de 69 862,90 euros.
Elle sollicite le paiement des intérêts majorés tels que convenus au contrat à titre de clause pénale.
Au vu de ses dernières conclusions en date du 8 août 2011, l'EURL le Bosco demande la confirmation du jugement contesté en toutes ses dispositions et la condamnation de la société WOODYMAG au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle explique les travaux relatifs à la situation n°2 n'ont pas été totalement réalisés et ne sont pas conformes.
Elle en justifie par la production des procès verbaux de constat des 20 et 29 avril 2009 et des 6 et 7 mai 2009.
Elle précise que la somme de 40 000 euros payable lors de la réalisation de la situation n°2 n'étant pas exigible, le défaut de paiement de cette somme ne pouvait justifier l'arrêt des travaux par Woodymag responsable dès lors d'un abandon de chantier justifiant la dénonce du chantier en cause.
Elle fait valoir un coût supplémentaire des travaux restés inachevés à hauteur de la somme de 35 000 euros dont elle demande paiement à l'encontre de la société appelante.
Motifs de l'arrêt :
Sur l'imputabilité de la rupture :
Il appartient à la société Woodymag qui prétend avoir été en droit d'arrêter les travaux compte tenu du défaut de paiement de la situation n°2 de 40 000 euros de justifier de la réalisation de la totalité des travaux prévus par cette situation.
Le marché de travaux en date du 10 décembre 2008 signé par chacune des parties prévoit le deuxième paiement et à hauteur de la somme de 40 000 euros à la réception de la fabrication du comptoir en atelier avec validation du client, fin du lot placo, des alimentations électriques et des tirages alimentation et écoulement plomberie.
Le procès verbal de maître [G] en date du 5 mai 2009 justifie que le meuble comptoir est à cette date terminé en ce qui concerne le travail de bois et que les pièces de décoration sont réalisées mais il n'est pas justifié de la validation de ce comptoir par le client comme prévu par la situation n°2.
Par ailleurs, si le procès verbal de maître [V] en date du 4 mai 2009 constate que les murs ont été cloisonnés de plaques de placoplâtre trois couches montées sur structures métalliques et qu'au plafond ont été posées des plaques de placoplâtre de même type, de même nature et au même effet d'isolation acoustique, par ailleurs le procès verbal de constat de maître [R] et en date du 6 mai 2009 constate que "le doublage placoplâtre est réalisé pour la plus grande partie" constate par conséquent son non achèvement.
Ce même procès verbal constate qu'aucune arrivée d'alimentation concernant la plomberie n'est effectuée.
Il convient dès lors de constater que les travaux de la situation n°2 n'étaient pas réalisés en totalité en mai 2009 et ce, contrairement aux affirmations de la société appelante et qu'elle ne pouvait dès lors à cette da
te exiger le paiement de la somme de 40 000 euros comme prévu, ni légitiment arrêter les
travaux à compter du 20 avril 2009 au motif que cette somme ne lui était pas versée.
L'abandon du chantier non contesté par la société WOODYMAG était de nature à justifier la dénonciation du marché par lettre du 6 mai 2009 par la société le Bosco.
La demande d'indemnisation par la société appelante du préjudice consécutif à la rupture prétendue abusive soit la perte de chance de réaliser la totalité du chantier sera par conséquent rejetée.
Par contre, il sera fait droit à sa demande en paiement des travaux réalisés et restés impayés.
Si la société WOODYMAG ne justifie de la réalisation de la situation n°2 en son entier, les procès verbaux de constat de maître [R] en date du 7 mai 2009 et de maître [S] en date du 29 avril 2009 produits par la société le Bosco justifient de la réalisation de nombreux travaux prévus par la situation n°2, qu'il convient de chiffrer à hauteur de la somme de 35 000 euros au vu de la description des travaux effectués et de l'évaluation de la situation n°2.
Elle justifie également par le procès verbal de constat en date du 5 mai 2009 que le parquet est en dépôt : du parquet en pin soit 36 paquets de 6 lames chacun et de dimension 200 cm x14 cm non prévu par la situation n°2 mais prévu au devis.
Elle démontre également par le procès verbal de constat de maître [V] en date du 4 mai 2009 que des tablettes de menuiseries avec placage de planches de bois en sapin massif à hauteur d'homme ont été posées sur toute la partie gauche de l'établissement ainsi qu'en devanture de bar, soit une partie des menuiseries également non prévues par la situation n°2 mais par le devis accepté.
Le coût des travaux réalisés par la société appelante et au delà de la situation n°2 tels que décrits par les procès verbaux susvisés et au vu du devis en cause pourra être chiffré à hauteur de la somme demandée de 21 797,10 euros, somme au paiement de laquelle sera condamnée la société le Bosco au titre de travaux réalisés et restés impayés.
La société Le Bosco reste par conséquent redevable à la société WOODYMAG de la somme de 35 000 euros + 21 797,10 euros = 56 797,10 euros au titre de l'ensemble des travaux réalisés et restés impayés.
Le non achèvement des travaux du marché litigieux a occasionné à la société Le Bosco un surcoût qu'il convient de chiffrer à hauteur de la somme de 35 000 euros compte tenu à la fois du montant des factures produites au regard du devis, de l'importance et de la nature des travaux restant à effectuer.
Cette somme sera déduite du solde impayé et la société le Bosco condamnée au paiement de la somme de 56 797,10 euros - 35 000 euros, soit la somme de 21 797,10 euros.
Aucune considération d'équité ne commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque.
Le jugement contesté condamnant la société WOODYMAG à payer la somme de 35 000 euros sera infirmé.
PAR CES MOTIFS,
la Cour
Statuant par décision contradictoire prononcée publiquement et par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Condamne la société le Bosco à payer à la société WOODYMAG la somme de 21 797,10 euros,
Rejette tous les autres chefs de demandes,
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société le Bosco aux entiers dépens.
SIGNE par Madame ROLIN, Président et par Madame COSNARD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GreffierLe Président