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30/04/2014 | FRANCE | N°11/04906

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 30 avril 2014, 11/04906


RG N° 11/04906

FP

N° Minute :





























































































Copie exécutoire

délivrée le :





Me David HERPIN

la SCP GRIMAUD







AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR

D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE COMMERCIALE



ARRET DU MERCREDI 30 AVRIL 2014







Appel d'une décision (N° RG 2010F1049)

rendue par le Tribunal de Commerce de ROMANS SUR ISERE

en date du 21 septembre 2011

suivant déclaration d'appel du 04 Novembre 2011





APPELANT :



Maître [G] [C] Es qualité de liquidateur de la SAS ATONIS

[Adresse 1]

[Localité 1]



représenté par la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVI...

RG N° 11/04906

FP

N° Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

Me David HERPIN

la SCP GRIMAUD

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRET DU MERCREDI 30 AVRIL 2014

Appel d'une décision (N° RG 2010F1049)

rendue par le Tribunal de Commerce de ROMANS SUR ISERE

en date du 21 septembre 2011

suivant déclaration d'appel du 04 Novembre 2011

APPELANT :

Maître [G] [C] Es qualité de liquidateur de la SAS ATONIS

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, en qualité d'avoués à la Cour jusqu'au 31 décembre 2011 puis en qualité d'avocat au barreau de GRENOBLE, et par Me David HERPIN, avocat au barreau de VALENCE, plaidant

INTIME :

Monsieur [U] [F]

[Adresse 2]

[Localité 2]

représenté par la SCP GRIMAUD, en qualité d'avoués à la Cour jusqu'au 31 décembre 2011 puis en qualité d' avocat au barreau de GRENOBLE et par Me Sophie WATTEL, avocat au barreau de VALENCE, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Mme Dominique ROLIN, Président de Chambre,

Monsieur Jean-Louis BERNAUD, Conseiller,

Mme Fabienne PAGES, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mr William BARON, Greffier.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

DEBATS :

A l'audience publique du 13 Mars 2014

Madame [O] a été entendue en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu le 17 avril 2014 et prorogé à ce jour.

------0------

La SAS ATONIS est constituée le 10 octobre 2003.

Elle a pour activité la commercialisation et le négoce d'équipements divers pour la protection individuelle et collective., négoce de tout vêtement de travail et de loisirs ; négoce de tous matériels de détection, de prévention et de signalisation, négoce de tous articles et matériels d'hygiène, durable ou à usage unique ; négoce de petites fournitures industrielles ; commercialisation de matériel de guerre ; négoce de tous articles et matériels liés à la prévention des risques nucléaires, bactériologiques et chimiques.

[U] [F] a la qualité de président de la société ATONIS.

Par acte sous seing privé en date du 29 mai 2006, [U] [F] cède la totalité des actions détenues dans le capital de la société ATONIS à la société de droit belge Seynaeve Textile Holding (STH) sous traitante de la société Atonis et qui devient actionnaire unique de la société Atonis.

Suite au procès verbal en date du 11 février 2009, l'associé unique de la société ATONIS soit la société STH décide en raison de la situation financière de la société ATONIS irrémédiablement compromise et en l'état du refus de [U] [F] de procéder au dépôt de bilan de le révoquer et le remplacer par [Z] [S] à cette seule fin.

[H] [S] procède le 12 février 2009 soit le lendemain à la déclaration de l'état de cessation des paiements de la société ATONIS.

Selon jugement du Tribunal de Commerce de Romans sur Isère en date du 16 février 2009, la liquidation judiciaire immédiate de la société ATONIS est prononcée et maître [C] désigné en qualité de liquidateur et la date de l'état de cessation des paiements est provisoirement fixée au 16 février 2009.

Maître [C] es qualités fait citer par assignation du 15 septembre 2010 [U] [F] devant le Tribunal de Commerce de Romans sur Isère en responsabilité pour insuffisance d'actif et demande sa condamnation à ce titre au paiement de la somme de 400 000 euros.

Par jugement du Tribunal de Commerce de Romans sur Isère en date du 21 septembre 2011, maître [C] es qualités est déclaré recevable en son action en comblement de passif à l'encontre de [U] [F] mais est débouté de la totalité de sa demande.

Par déclaration en date du 4 novembre 2011, maître [C] es qualités interjette appel à l'encontre de cette décision.

Au vu de ses dernières conclusions régulièrement signifiées le 29 mai 2012, maître [C] es qualités fait valoir la recevabilité de son appel.

Il demande la réformation du jugement contesté.

Il sollicite la condamnation de [U] [F] au paiement de la somme de 400 000 euros au titre du comblement de l'insuffisance d'actif de la société ATONIS.

Il demande également sa condamnation au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il explique que l'insuffisance d'actifs s'élève à hauteur de la somme de 1 013 373 euros, sous réserve des contestations en cours de traitement, que [U] [F] avait jusqu'à la date de sa révocation la qualité de dirigeant de droit de la société exerçant les fonctions de président de la société ATONIS permettant de le condamner au titre de la présente action en comblement au vu de ses différentes fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif .

Il précise que [U] [F] n'a pas procédé à la déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai imparti alors que la société était en état de cessation des paiements depuis le 2 février 2008 ce dont il avait connaissance et est établi par les éléments comptables de la société ainsi que les déclarations de créances à la procédure collective de la société.

Il ajoute que [U] [F] ne justifie pas de l'existence de la trésorerie alléguée au soutien de sa contestation de l'état de cessation des paiements.

Il fait également valoir qu'il est justifié de la poursuite d'une activité déficitaire, de l'existence de capitaux propres négatifs et de l'absence de tenue de comptabilité.

Au vu de ses dernières conclusions en date du 29 mars 2012, [U] [F] demande la confirmation du jugement contesté.

Il fait valoir qu'il n'a commis aucune faute de gestion.

À titre subsidiaire, il fait valoir que maître [C] es qualités n'apporte pas la preuve d'un quelconque préjudice ni lien de causalité susceptible d'engager sa responsabilité en qualité de dirigeant.

Il conclut au débouté de l'ensemble des demandes de la partie adverse.

Il demande la condamnation de maître [C] es qualités au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il conteste l'existence d'un quelconque état de cessation des paiements au vu de l'importante trésorerie compte tenu des nombreux concours bancaires dont disposait la société ATONIS,

il ajoute que la procédure d'alerte engagée le 2 février 2008 n'a pas abouti du fait de l'absence d'état de cessation des paiements .

Motifs de l'arrêt :

Aux termes des dispositions de l'article L651-2 du code de commerce issues de l'ordonnance du 18 décembre 2008 applicables, tout dirigeant de droit ayant commis une faute de gestion ayant contribué à une insuffisance d'actif peut être condamné à supporter en tout ou en partie cette insuffisance.

En l'espèce, [U] [F] exerçait jusqu'à la date de sa révocation en date du 11 février 2009, les fonctions de président soit ayant la qualité de dirigeant de droit de la société ATONIS au sens de l'article susvisé permettant de rechercher à son encontre l'existence d'éventuelles fautes de gestion en vue de sa condamnation pour insuffisance d'actifs et ce indépendamment de l'exercice effectif par ce dernier des pouvoirs inhérents à cette fonction.

Il résulte de l'état des créances de l'article L622-24 du code de commerce que le passif vérifié de la liquidation judiciaire de la société ATONIS s'élève à hauteur de la somme de 1 285 241,75 euros, sous réserve des contestations du passif chirographaire et privilégié en cours et à hauteur de la somme supplémentaire de 2 076 876,37 euros et que l'actif s'élève à hauteur de la somme de 271 868,76 euros.

Il existe par conséquent une insuffisance d'actifs certaine d'au moins 1 013 373 euros ouvrant l'action en comblement de passif de l'article L651-2 du code de commerce et à l'encontre de [U] [F] en sa qualité de dirigeant.

Par ailleurs, il est démontré que l'état de cessation des paiements de la société ATONIS est antérieur à la date retenue provisoirement par le tribunal soit le 16 février 2009.

Il résulte en effet des déclarations de créances au passif, accompagnées de leurs pièces justificatives que de nombreuses factures demeurent impayées à partir de fin 2005 et en particulier un arriéré locatif à compter de 2006, des factures de fournitures en date de 2007 et à hauteur de la somme de 277 623,05 euros .

Les documents comptables produits aux débats dont monsieur [F] ne conteste pas avoir eu connaissance font également apparaître des résultats négatifs depuis l'exercice clos au 31 août 2005 et au 31 août 2007 le total des dettes s'élève à hauteur de la somme de 4 326 465 euros alors que l'actif circulant ne représente que la somme de 1 713 421 euros et qu'il n'est justifié à cette date d'aucune disponibilité immédiate de trésorerie.

Il résulte également du rapport du commissaire aux comptes en date du 2 février 2008 sur l'exercice clos le 31 août 2007 approuvant les comptes de cet exercice qu'ils se soldent par une perte de 736 799 euros et portent le cumul des pertes réalisées depuis la création de la société à hauteur de la somme de 3 179 000 euros.

Le caractère compromis de la situation financière de la société Atonis est confirmé par la lettre de convocation du président du Tribunal de Commerce de st Quentin en date du 7 mai 2008 compte tenu des inscriptions de privilèges requises par les organismes fiscaux et ainsi que le non dépôt des comptes sociaux de l'entreprise.

Il ajoute que les comptes intermédiaires au 30 octobre démontrent la poursuite d'une activité déficitaire et fait connaître son doute quant à la possibilité pour la société de poursuivre son activité et ce, compte tenu de l'absence de budget de trésorerie et de concours financier de l'actionnaire.

Monsieur [U] [F] n'a pas justifié de l'existence d'un quelconque concours bancaire à cette date et ce, malgré les demandes réitérées en ce sens suite à la procédure d'alerte du commissaire aux comptes, à la convocation du président du Tribunal de Commerce ni même dans le cadre de la présente procédure en responsabilité pour insuffisance d'actifs.

En effet, monsieur [U] [F] ne justifie pas avoir effectué aucun apport au profit de la société ATONIS postérieurement à l'année 2006 puisqu'il déclare lui même ne plus avoir procédé à un quelconque versement suite à la cession d'actions au profit de la société Seynaeve, soit en mai 2006. L'existence de ce compte courant d'associé ne peut dès lors justifier de l'existence d'une quelconque trésorerie en février 2008 permettant de contester utilement l'état de cessation des paiements au vu du passif exigible démontré à cette date mais au contraire d'une dette importante de cette dernière à cette même date et à hauteur de la somme de 431 770,82 euros au vu de la déclaration de créance de monsieur [F] à la procédure collective à ce titre.

La seule affirmation par monsieur [F] d'un soutien financier de la société Seytenx ou de la société Seyn International sans aucun justificatif à l'appui ne peut suffire à démontrer l'existence d'un quelconque actif disponible en février 2008 et alors qu'au contraire la créance de la société Seyn déclarée à hauteur de la somme de 447 694,61 euros à la présente procédure collective et au titre d'une demande de remboursement de prêt a fait l'objet d'une ordonnance de rejet du juge commissaire en date du 19 octobre 2011 et à l'encontre de laquelle il n'est pas justifié d'un appel et au motif que la société n'a pas justifié de l'existence de sa créance et que la créance de la société Seyntex déclarée à hauteur de la somme de 1 259 852,32 euros au titre de factures impayées et non de versements de trésorerie a également fait l'objet d'une ordonnance de rejet du juge commissaire en date du 19 octobre 2011 et à l'encontre de laquelle il n'est pas justifié d'un appel et au motif que la société n'a pas justifié de l'existence de sa créance.

La société ATONIS se contente d'affirmer l'existence d'un concours financier de la société Seynaeve en sa qualité d'actionnaire unique de cette première, sans le démontrer par aucun élément et alors qu'au contraire, il est constant que cette dernière souhaitait que monsieur [F] procède au dépôt de bilan de la société Atonis en sa qualité de président en février 2008.

L'ensemble des ces éléments concordants démontent que dès le 1er trimestre 2008, la société ATONIS était dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.

L'état de cessation des paiements peut être fixé à la date du 2 février 2008 retenue par le commissaire aux comptes, de telle sorte qu'en refusant de déposer le bilan dans le délai de 45 jours imparti par l'article L634-4 du code de commerce et nécessitant pour ce faire sa révocation et ne permettant pas une déclaration de l'état de cessation des paiements avant le 12 février 2009, monsieur [F] en sa qualité de dirigeant a dès lors manqué à ses obligations légales.

Ce dépassement d'une durée significative car d'une année et consécutif non pas à une simple négligence du dirigeant mais à une obstruction puisque sa révocation a été nécessaire pour que la déclaration de l'état de cessation des paiements puisse être

effectuée constitue par conséquent une faute de gestion caractérisée.

La preuve de l'existence d'un lien causal entre cette faute et l'insuffisance d'actif de la société ATONIS résulte de l'accroissement du passif entre le 20 mars 2008, date de l'expiration du délai de 45 jours et le 12 février 2009 date de la déclaration de l'état de cessation des paiements et ce, au vu des bordereaux de déclaration de créances.

Le rapport du commissaire aux comptes en date du 2 février 2008 justifie d'une activité déficitaire de la société ATONIS depuis 2007, pour autant poursuivie jusqu'à la date de la déclaration de l'état de cessation des paiements de la société ATONIS le 12 février 2009 et d'une faute de gestion au sens de l'article L651-2 du code de commerce et ayant contribué à l'insuffisance d'actifs au vu des dettes postérieures au regard des déclarations de créances et dont la traduction comptable se manifeste entre autre par l'existence de capitaux propres négatifs depuis 2005, sans que cette circonstance justifie cependant d'une faute de gestion autonome .

Aucun document comptable de la société Atonis n'a été produit postérieurement au 31 août 2007 et jusqu'au 11 février 2009 ce qui est confirmé par l'expert comptable de la société Atonis et alors qu'en application de l'article L123-12 du code de commerce monsieur [F] en sa qualité de président et non pas monsieur [S] désigné à cette fonction depuis 1 jour à la date de la déclaration de l'état de cessation des paiements, était tenu à l'établissement d'une comptabilité conforme et qu'en ne respectant pas une telle obligation il s'est privé d'un outil de gestion indispensable pour appréhender la situation économique et financière exacte de l'entreprise et de nature à lui permettre de prendre toute mesure utile au redressement ou de cessation d'activité nécessaire et dès lors constitue une faute de gestion au sens de l'article susvisé.

Compte tenu à la fois des fautes de gestion susvisées retenues à l'encontre de monsieur [F], de leur gravité mais aussi de l'absence d'enrichissement personnel consécutif au profit de ce dernier et de l'importance de l'insuffisance d'actifs, il convient de faire droit à la demande de condamnation en paiement à l'encontre de monsieur [F] à hauteur de la somme de 80 000 euros.

Aucune considération d'équité ne commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque.

PAR CES MOTIFS,

la Cour

Statuant par décision contradictoire prononcée publiquement et par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après avoir délibéré conformément à la loi,

Réforme le jugement du Tribunal de Commerce contesté.

Statuant à nouveau,

Condamne monsieur [U] [F] à payer la somme de 80 000 euros à maître [C] es qualités au titre de l'insuffisance d'actifs de la société Atonis.

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque.

Condamne monsieur [U] [F] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

SIGNE par Monsieur BERNAUD, Conseiller, pour le Président empêché et par Madame PERTUISOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GreffierLe Conseiller


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11/04906
Date de la décision : 30/04/2014

Références :

Cour d'appel de Grenoble 07, arrêt n°11/04906 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-04-30;11.04906 ?
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