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28/03/2013 | FRANCE | N°11/05476

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 28 mars 2013, 11/05476


RG N° 11/05476

JLB

N° Minute :

















































































Copie exécutoire

délivrée le :





Me Marie-France RAMILLON

la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC







AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLEr>


CHAMBRE COMMERCIALE



ARRET DU JEUDI 28 MARS 2013







Appel d'une décision (N° RG 2009F224)

rendue par le Tribunal de Commerce de ROMANS SUR ISERE

en date du 09 novembre 2011

suivant déclaration d'appel du 07 Décembre 2011





APPELANTS :



Monsieur [D] [A]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 9]



Mo...

RG N° 11/05476

JLB

N° Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

Me Marie-France RAMILLON

la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRET DU JEUDI 28 MARS 2013

Appel d'une décision (N° RG 2009F224)

rendue par le Tribunal de Commerce de ROMANS SUR ISERE

en date du 09 novembre 2011

suivant déclaration d'appel du 07 Décembre 2011

APPELANTS :

Monsieur [D] [A]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 9]

Monsieur [B] [Y]

né le [Date naissance 3] 1962 à [Localité 16]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 6]

Monsieur [Z] [G]

né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 16]

de nationalité Française

[Adresse 13]

[Localité 7]

SCI TRIO Poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 6]

Tous quatre assistés de Me Marie-France RAMILLON, avocat au barreau de GRENOBLE et de Me Vincent RICHARD, avocat au barreau de LYON, plaidant

INTIME :

Maître [W] [K] es qualité de mandataire judiciaire de la SARL JIDEA

[Adresse 8]

[Localité 5]

assisté de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocats au barreau de GRENOBLE et de Me HERPIN, avocat au barreau de Valence, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Mme Dominique ROLIN, Président de Chambre,

Monsieur Jean-Louis BERNAUD, Conseiller,

Mme Fabienne PAGES, Conseiller,

Assistés lors des débats de Nadine LEICKNER, Greffier

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

DEBATS :

A l'audience publique du 06 Février 2013, Monsieur [C], a été entendu(e) en son rapport

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,

------0------

La SARL JIDEA, créée le 18 avril 2003 par Messieurs [D] [A] , [B] [Y] et [Z] [G], chacun détenant un tiers du capital social, exerçait une activité de vente et installation de supports multimédia dans des locaux situés à Bourg-de-Péage appartenant à la SCI TRIO , constituée entre les mêmes associés.

Le redressement judiciaire de la société JIDEA a été ouvert par jugement du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère en date du 10 juillet 2006 sur déclaration de l'état de cessation des paiements.

Le 27 septembre 2006 le tribunal de commerce a arrêté le plan de cession des actifs de la société JIDEA, prononcé sa liquidation judiciaire et désigné Me [K] en qualité de liquidateur judiciaire.

Se fondant notamment sur les conclusions de l'expert [L], désigné par le juge-commissaire en vue de l'établissement d'un audit comptable et financier de la société JIDEA, Me [K], ès qualités, a engagé une double action en paiement des dettes sociales sur le fondement de l'article L. 652-1 du code de commerce et en comblement de l'insuffisance d'actif sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de commerce à l'encontre de M. [Z] [G] ,Premier gérant jusqu'au 29 avril 2004, de M. [D] [A] ,Second gérant à compter du 30 avril 2004, et de M. [B] [Y], qualifié de gérant de fait.

Il a été soutenu par le liquidateur judiciaire que la gérance de la société avait été assurée collégialement en sorte que les trois associés pouvaient être qualifiée à la fois de dirigeants de fait et de droit.

Dans le cadre de la même action Me [K] , ès qualités, a demandé l'extension de la procédure collective à la SCI TRIO sur le fondement de la confusion des patrimoines.

Dans le même temps les trois associés ont été poursuivis pénalement, et par jugement définitif du 29 mars 2011 le tribunal correctionnel de Valence a condamné chacun des prévenus à la peine d'un an d'emprisonnement avec sursis pour répartition de dividendes fictifs et abus de biens sociaux, après avoir prononcé la relaxe pour quatre séries de faits.

Sur sa constitution de partie civile Me [K] , ès qualités, a obtenu une condamnation globale de 121'596,92 euros à titre de dommages et intérêts.

Le tribunal de commerce de Romans- sur- Isère a été saisi dans un premier temps d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions de l'article L. 621-9 du code de commerce autorisant le juge-commissaire à désigner un technicien.

La question a été transmise à la Cour de Cassation, qui toutefois par arrêt du 1er février 2011 a refusé de saisir le conseil constitutionnel en considérant qu'à défaut d'atteinte aux droits de la défense la question ne présentait pas un caractère sérieux.

L'instance s'est poursuivie, et par jugement du 9 novembre 2011 le tribunal de commerce de Romans -sur- Isère a déclaré irrecevable l'action en paiement des dettes sociales qui aurait été engagée postérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 18 décembre 2008, a condamné chacun des dirigeants, sans solidarité, à combler l'insuffisance d'actif à concurrence de la somme de 200'000 € et a ordonné l'extension de la liquidation judiciaire à la SCI TRIO sur le fondement de la confusion des patrimoines.

Messieurs [D] [A] , [B] [Y] et [Z] [G], ainsi que la SCI TRIO ont relevé appel de cette décision selon déclaration reçue le 7 décembre 2011.

Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 19 juin 2012 par messieurs [D] [A] , [B] [Y] et [Z] [G] qui demandent à la cour de :

CONSTATER que la Cour de Cassation a rejeté la question prioritaire de constitutionnalité relative à la constitutionnalité de l'article L.621 9 du Code de Commerce,

DIRE et]UGER que le principe d'égalité des armes doit s'appliquer pleinement dans le cadre de la présente instance,

DIRE et JUGER que le rapport de Monsieur [L] ne peut être considéré comme un rapport d'expertise mais simplement comme un élément du demandeur,

DIRE et JUGER que les rapports de Messieurs [E] et [L] ont une valeur probatoire identique,

CONSTATER que les constats et conclusions de Monsieur [L], sont contestés et démentis de façon circonstanciée par Monsieur [E], expert agréé près la Cour de Cassation,

CONSTATER que les anomalies ayant selon Monsieur [L] comme conséquences de rendre les résultats déficitaires, dés le début de l'exploitation de JÎDEA en 2003, sont contestées par Monsieur [E],

CONSTATER que les conclusions de Monsieur [E] aboutissent à des résultats comptables de JIDEA très différents de ceux annoncés par Monsieur [L],

CONSTATER que le passif n'a pas été vérifié,

CONSTATER que des éléments du passif sont apparus au cours de la procédure collective de JIDEA, sans qu'ils ne soient imputables à ses dirigeants,

DIRE et JUGER que les fautes de gestion des dirigeants de JIDEA ayant contribué à son insuffisance d'actif ne sont pas démontrées,

En conséquence :

RE FORMER le jugement du Tribunal de Commerce de Romans ,

DECLARER IRRECEVABLE Maitre [K] en ses demandes, en raison de l'absence de vérification du passif ,

DEBOUTER Maitre [K], es qualités, de ses demandes, fins et conclusions,

CONDAMNER Maitre [K], es qualités, au paiement de la somme de 7 000 euros pour chacun des défendeurs et intervenant volontaire sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Les appelants font notamment valoir :

qu'ils ont été relaxés pénalement pour la majeure partie des faits visés à la prévention, le tribunal correctionnel ne les ayant sanctionnés que pour les frais de déplacement, le rachat d'un véhicule Audi et les heures supplémentaires,

que l'expertise non contradictoire réalisée par M. [L] dans le cadre des dispositions de l'article L.621-9 du code de commerce n'a pas la valeur d'une expertise judiciaire au sens du code de procédure civile et ne saurait donc prévaloir sur les conclusions de l'expert amiable [E],

que basée sur l'utilisation d'une technologie innovante (écrans en verre transparent) la société JIDEA a connu un développement très rapide, qui l'a amenée à embaucher dès l'année 2004 une quarantaine de commerciaux et techniciens, mais a subi une baisse importante de son chiffre d'affaires à compter de l'année 2005 en raison notamment de la concurrence déloyale de ses principaux commerciaux et de l'arrivée sur le marché de nouveaux acteurs,

que sur le rapport du commissaire aux comptes, qui le 26 juin 2006 avait émis une réserve sur la continuité de l'exploitation, l'état de cessation des paiements a été très rapidement déclaré,

que l'expert [L] a accompli sa mission exclusivement à charge sans jamais les entendre et sans leur laisser le temps de répondre à son pré rapport, ce qui les a amenés à faire intervenir un expert réputé, inscrit sur la liste nationale, lequel a clairement démontré, après avoir analysé précisément les conditions d'exploitation de l'entreprise, que la défaillance de la société JIDEA n'était

pas le fait de ses dirigeants,

qu'il a été démontré par l'expert [E] que les conclusions du technicien commis par le juge-commissaire étaient erronées au plan comptable sur de nombreux points,

qu'ils n'ont pas bénéficié d'une rémunération excessive, qui était faible en 2003, qui a été proportionnelle aux résultats en 2004 et qui a été réduite de 55 % en 2005,

que le paiement d'heures supplémentaires n'est en rien fautif, alors qu'il résultait de la stricte application des dispositions du code du travail après le passage aux 35 heures obligatoires,

que les nombreuses erreurs et approximations commises par l'expert [L] invalident complètement ses conclusions, selon lesquelles l'exploitation aurait été déficitaire dès le premier exercice et la gestion de l'entreprise orientée au profit exclusif de ses dirigeants,

que la demande en paiement des dettes sociales fondée sur les dispositions des articles L. 652-1 et suivants du code de commerce est irrecevable, alors que l'article 133 de l'ordonnance du 18 décembre 2008 a été déclaré d'application immédiate aux procédures collectives en cours au 15 février 2009,

que les conditions de l'action en comblement de l'insuffisance d'actif ne sont pas réunies, alors que l'insuffisance d'actif n'est pas caractérisée à défaut de vérification du passif, que le coût du licenciement de M. [X] [V] a été imputé à tort à la société JIDEA puisque le contrat de travail de ce salarié avait été légalement transféré dès le 1er septembre 2005 à la société SCREEN DIFFUSION, que les dividendes et les salaires perçus en 2004 étaient compatibles avec la situation largement bénéficiaire de l'entreprise, que l'état de cessation des paiements a été rapidement déclaré dans le délai de 45 jours suivant l'avertissement du commissaire aux comptes et enfin que l'activité a été bénéficiaire au titre des exercices 2003,2004 et 2005.

Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le le 19 juin 2012 par la SCI TRIO qui demande à la cour de :

CONSTATER que le capital social de la SCI TRIO a été versé par ses trois associés,

CONSTATER que les sommes versées par la Société JIDEA à la SCI TRIO avaient une réelle contrepartie ,

CONSTATER que les travaux d'agrandissement ont été supportés par la SCI TRIO,

CONSTATER que les travaux d'aménagement et de transformation étaient à la charge de la Société JIDEA ,

CONSTATER que la Société JIDEA a bénéficié d'une contrepartie sous la forme d'un loyer modeste ,

CONSTATER que cette contrepartie aurait été supérieure au montant des travaux si la Société JIDEA était restée dans les locaux jusqu'au terme du bail,

DIRE ET JUGER que Maitre [K], es qualités, ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une confusion de patrimoine entre la Société ]IDEA et la SCI TRIO,

EN CONSEQUENCE :

REFORMER le jugement du Tribunal de Commerce de Romans ,

DEBOUTER Maître [K], es qualités, de sa demande d'extension de la procédure de liquidation judiciaire à la SCI TRI,

CONDAMNER Maître [K], es qualités, au paiement de la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,

Dire que les dépens seront recouvrés par Maître RAMILLON, selon les modalités de l'article 699 du CPC.

La SCI TRIO fait notamment valoir :

qu'au sens de l'article L. 621 '2 du code de commerce la confusion des patrimoines se caractérise par l'existence de flux financiers manifestement anormaux procédant d'une volonté systématique, c'est-à-dire sans contrepartie pour la société qui en supporte la charge, étant observé que la présence de dirigeants ou d'associés communs ne suffit pas,

que contrairement à ce qui est soutenu sur la base des conclusions erronées de l'expert [L] son capital social a été libéré par les associés sur leurs fonds propres, et non pas par un virement provenant du compte bancaire de la société JIDEA ,

que cette dernière, qui a pris possession des lieux avant la régularisation d'un bail écrit, lui a fait un versement de 15'000 € le 8 septembre 2004 à titre d'avance sur le montant du dépôt de garantie et des trois premiers mois de loyer conformément à l'usage,

que deux virements ultérieurs de 3000 € chacun ont été effectués au titre de deux mois supplémentaires de loyer,

qu'elle a ainsi reçu une somme globale de 21'000 € pour une créance effective de 21'373,17 € qui sera arrêtée lors de la régularisation du bail écrit, ce qui exclut tout transfert anormal de fonds, étant observé que ses deux associés, poursuivis pénalement pour abus de biens sociaux, ont été relaxés pour ces faits,

que les travaux d'agrandissement des locaux loués, qui étaient à sa charge , ont été régulièrement financés par elle à l'exception d'une somme de 9'144,66 € qui a été payée par erreur par la société JIDEA le 21 janvier et 2005, mais qui a immédiatement fait l'objet d'une régularisation dans les comptes des deux entités, en sorte que ce paiement unique, d'un montant modeste, ne saurait caractériser l'existence d'une confusion des patrimoines,

que les travaux d'aménagement intérieur, destinés principalement à augmenter la surface réservée aux bureaux, incombaient normalement à la société locataire, à laquelle il appartenait de financer les adaptations nécessaires à l'exercice de son activité,

qu'elle n'a pas bénéficié sans contrepartie de ces travaux d'aménagement, puisque le loyer a été fixé à un montant très inférieur à la valeur locative de locaux comparables constitués principalement de bureaux et accessoirement d'entrepôts, d'où pour la société locataire pendant les neuf années du bail une charge de loyer supérieur au coût des travaux.

Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 7 septembre 2012 par Me [K] , ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL JIDEA, qui sollicite la confirmation du

jugement déféré en ce qu'il a condamné chacun des trois dirigeants à contribuer à l'insuffisance d'actif à concurrence de la somme de 200'000 €, sauf à prononcer une condamnation solidaire entre eux, et en ce qu'il a prononcé l'extension de la procédure de liquidation judiciaire à la SCI TRIO , qui par voie d'appel incident demande la condamnation solidaire des trois dirigeants à supporter une partie des dettes sociales de la société JIDEA à hauteur de la somme de 400'000 € chacun, sous déduction des dommages et intérêts alloués par la juridiction répressive, et qui en tout état de cause prétend obtenir la condamnation solidaire des trois appelants personnes physiques à lui payer une indemnité de procédure de 6'000 € aux motifs :

que l'insuffisance d'actif s'élève à la somme incontestable de 1'639'638,25 € correspondant à la différence entre le passif vérifié et non contesté de 2'032'115,16 euros et l'actif net réalisé de 392'476,91 €, étant observé que le coût du licenciement de M. [V] incombe nécessairement à la société JIDEA qui a délivré des bulletins de paie jusqu'au mois d'octobre 2006,

qu'il a été démontré par l'expert [L] que les trois associés, qui ne le contestent pas, ont assuré la gérance collégiale de la société, en sorte qu'ils doivent être qualifiés de gérants de droit et de fait,

que le juge commissaire a régulièrement désigné un expert en vue de rechercher des faits susceptibles d'établir la qualité de dirigeant de fait et de révéler des fautes de gestion, étant précisé qu'il ne s'agit pas d'une expertise contradictoire, même si le technicien commis a accordé aux dirigeants un délai de réponse de 30 jours qu'ils n'ont pas mis à profit pour présenter leurs observations,

que le rapport unilatéral de l'expert [E], qui a été désigné par les dirigeants et non pas par le juge commissaire, et qui ne se prononce que sur une partie seulement des constatations de l'expert [L] , a une valeur juridique moindre,

que la condamnation pénale pour abus de biens sociaux pour les mêmes faits ne fait pas obstacle à l'action en comblement qui a un fondement différent,

qu'il en est de même de la décision de relaxe partielle, le même fait pouvant constituer une faute de gestion bien que ne répondant pas à la définition légale de l'abus de bien social,

que l'action fondée sur l'obligation aux dettes sociales est recevable comme ayant été introduite antérieurement à l'entrée en vigueur le 15 février 2009 de l'ordonnance du 18 décembre 2008,

que l'expert a mis en évidence une série de détournements et de faits contraires à l'intérêt social constituant des fautes sanctionnées par l'article L. 652 '1 du code de commerce et justifiant une condamnation au paiement des dettes sociales sous déduction des dommages et intérêts alloués par la juridiction répressive,

qu'il en est ainsi des frais de recherche et de développement facturés sans justification à la société pour une somme de 159'980 €, du payement de frais de déplacement indus au titre des années 2003 et 2004 qui ont été rejetés par l'administration fiscale, de la distribution de dividendes fictifs, de la prise en charge par la société des cotisations de garantie sociale des chefs d'entreprise, du

paiement d'heures supplémentaires malgré le caractère forfaitaire de la rémunération et la qualité de cadre dirigeant de chacun des associés, du non remboursement d'un prêt consenti par la société à M. [G], du rachat par la société d'un véhicule automobile appartenant à M. [G] moyennant un prix manifestement surévalué , du versement par la société JIDEA à la SCI TRIO d'une somme de 15'000 € destinée à libérer le capital social de cette dernière et de la perception de rémunérations salariales excessives hors de proportion avec les bénéfices de la société,

que les dirigeants ont par ailleurs commis des fautes de gestion caractérisées, distinctes des agissements sanctionnés dans le cadre de l'article L. 652 '1 du code de commerce , qui justifient une condamnation en comblement de l'insuffisance d'actif sur le fondement de l'article L. 651 '2 du code de commerce,

qu'il en est ainsi de la déclaration tardive de l'état de cessation des paiements, caractérisé avec certitude depuis le 30 avril 2006, mais certainement très antérieur eu égard aux nombreux impayés beaucoup plus anciens, de la poursuite d'une activité déficitaire au-delà du 30 avril 2006 à l'origine d'un accroissement du passif, notamment fiscal et social, de la conclusion d'un bail commercial avec la SCI TRIO moyennant un loyer excessif et de la réalisation sans minoration du loyer d'importants travaux de réaménagement des locaux loués revenant en fin de bail à la SCI propriétaire,

que sur le fondement de la confusion des patrimoines l'extension de la liquidation judiciaire à la SCI TRIO est justifiée, alors qu'un loyer a été payé sans contrepartie avant la date de prise d'effet du bail, puisqu'en raison de la réalisation d'importants travaux d'aménagement et d'extension toute occupation était impossible à compter du mois de septembre 2004, que la SARL a payé une somme de 9'144,66 € au titre des travaux d'agrandissement des locaux incombant à la SCI, que la société JIDEA a financé d'importants travaux d'aménagement pour un coût de 273'418,90 € hors-taxes qui sont devenus sans contrepartie la propriété de la SCI en fin de bail et que le loyer convenu excédait la valeur locative,

que les associés ont fait preuve de mauvaise foi en vendant l'immeuble au cours de la procédure de première instance et en tentant de s'opposer au versement du prix de vente à la liquidation judiciaire malgré le jugement d'extension assorti de l'exécution provisoire.

La procédure a été communiquée au ministère public qui n'a pas déposé de conclusions.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur l'obligation aux dettes sociales

1.la recevabilité de l'action

L'article 133 de l'ordonnance n° 2008 ' 1345 du 18 décembre 2008 a abrogé les articles L. 652 '1 et suivants du code de commerce issus de la loi du 26 juillet 2005, qui avait créé une sanction d'obligation aux dettes sociales.

Si l'article 173 de l'ordonnance susvisée prévoit que les actions fondées sur l'obligation aux dettes sociales ne peuvent plus être engagées à compter de l'entrée en vigueur de l'ordonnance,qui a été fixée au 15 février 2009, il décide en revanche que « les actions déjà engagées au jour de cette entrée en vigueur se poursuivent ».

En l'espèce l'action a été introduite par assignation délivrée le 13 janvier 2009 à M. [Z] [G] , le 14 janvier 2009 à M. [D] [A] et le 16 janvier 2009 à M. [B] [Y] , soit antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 18 décembre 2008.

Les appelants ne peuvent donc bénéficier de l'abrogation de la sanction d'obligation aux dette sociales, alors qu'il résulte des dispositions transitoires de l'ordonnance que l'action, qui était déjà engagée à la date à laquelle celle-ci est entrée en application, doit se poursuivre.

Le jugement sera par conséquent infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande formée par Me [K], ès qualités, sur le fondement de l'article L. 652 '1 du code de commerce.

2. Le bien-fondé de l'action

Aucun des trois associés mis en cause ne conteste le fait, clairement mis en évidence par l'expert [L] , que la direction de la société JIDEA a été assurée collégialement depuis sa création jusqu'à l'ouverture de la procédure collective.

Le technicien commis par le juge commissaire a en effet constaté que les trois intéressés disposaient de la signature bancaire sur les comptes ouverts auprès de trois établissements de crédit, bénéficiaient d'une rémunération identique et de la souscription par la société d'une assurance de garantie sociale des chefs d'entreprise se substituant au régime d'assurance-chômage géré par l'Unedic et assuraient enfin en liaison avec l'expert-comptable la gestion comptable de la société.

Chacun des deux dirigeants de droit successifs (MM. [Z] [G] et [D] [A]) doit donc être considéré comme ayant eu la qualité de dirigeant de fait en dehors de la période d'exercice de son mandat, tandis que M. [B] [Y] doit être considéré comme ayant été un dirigeant de fait durant la totalité de la vie sociale.

L'action en paiement des dettes sociales a un objet et une cause distincts de l'action civile en réparation du préjudice résultant des infractions pénales prévues et réprimées par l'article L. 241 '3 du code de commerce.

Il en résulte que bien qu'ayant obtenu des dommages et intérêts devant la juridiction répressive, le liquidateur judiciaire est recevable à agir devant la juridiction commerciale en réparation du préjudice collectif causé par les mêmes faits fautifs, sous réserve que soient déduites de l'éventuelle condamnation les sommes allouées par le juge pénal.

Enfin il est de principe constant que le technicien commis par le juge commissaire en application de l'article L. 621 '9 du code de commerce n'est pas chargé d'une mesure d'instruction au sens du code de procédure civile.

Ses investigations n'ont donc pas à être menées contradictoirement, en sorte que son rapport, qui est établi à titre de simple renseignement, n'a pas la valeur probante d'une expertise judiciaire.

Les conclusions de l'expert [N] [L] ne sauraient dès lors en l'espèce prévaloir à priori sur celles de l'expert [E], qui a déposé un rapport unilatéral à la demande des dirigeants, les deux avis qui ont été régulièrement communiqués et discutés par les parties devant être pris en compte sur la base de leur seule pertinence technique.

Les fautes reprochées aux trois dirigeants seront examinées successivement.

a.Les frais de recherche et développement antérieurs à la constitution de la société

Il est reproché à chacun des trois dirigeants d'avoir fait supporter par la société JIDEA des frais de recherche et de développement antérieurs à la constitution de celle-ci à hauteur pour chacun de la somme de 53'327 €.

L'expert [L] a noté sur ce point que les actes effectués par les associés antérieurement à l'immatriculation de la société ont été expressément repris par décision de l'assemblée générale du 22 avril 2003 sur la base d'une liste synthétique des dépenses engagées, comprenant notamment des heures de main-d''uvre interne, une étude de marché par un prestataire externe et divers frais généraux et achats.

Il explique que ces dépenses de recherche et développement ont fait l'objet de plusieurs estimations et qualifications et que leur montant «' a fluctué au fur et à mesure du constat d'une trésorerie disponible que les associés ont souhaité transférer dans leur patrimoine privé'».

Il ne résulte pas de ce constat sommaire la preuve du caractère fictif des dépenses reprises par la société, l'expert se bornant à incriminer l'absence de liste détaillée des travaux accomplis antérieurement à l'immatriculation, ainsi que la variation dans les estimations de leur coût .

Dès lors qu'il n'est pas contesté que les fondateurs ont élaboré dès l'année 2002 leur projet d'entreprise, qui était basé sur l'utilisation d'un nouveau support de communication multimédia (dalle holographique) en réalisant notamment une étude de marché et en développant un logiciel dédié, il est certain qu'un réel travail de recherche et développement a été accompli avant la mise en exploitation, dont la qualité et le sérieux sont attestés par la réussite commerciale rapide du projet ( dès l'année 2004 le chiffre d'affaires a dépassé les 11 millions d'euros).

La preuve n'étant pas rapportée de ce qu'en faisant prendre en charge par la société JIDEA une dépense de 159'980 € les dirigeants auraient fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles, aucune condamnation civile ne saurait par conséquent être prononcée à ce titre sur le fondement de l'article L.. 652 '1 3° du code de commerce, étant observé qu'une relaxe a été définitivement prononcée de ce chef par le tribunal correctionnel de Valence.

b.Les frais de déplacement

L'expert [L] a constaté que les associés se sont fait rembourser par la société des indemnités kilométriques afférentes à des déplacements domicile/lieu de travail, ainsi que des indemnités liées à des déplacements non identifiés, qui ont été rejetées par le vérificateur fiscal à défaut de justificatifs.

Si en faisant prendre en charge par la société des dépenses personnelles les dirigeants ont commis une faute tombant sous le coup de l'article L. 652 '1 3° du code de commerce, aucune condamnation ne saurait être prononcée de ce chef alors que sur sa constitution de partie civile le liquidateur judiciaire a obtenu des dommages et intérêts pour la totalité des sommes figurant sur les tableaux dressés par l'administration fiscale (6'261,80 €, 6'916,80 €, 8'519 €, 6899,77 € et 52'498 €) figurant en annexe du rapport d'expertise.

c.La distribution de dividendes fictifs

L'expert a constaté que l'assemblée générale des associés a décidé de distribuer à chacun des associés un dividende de 26'000 € sur le résultat de l'exercice 2003 et de 170'000 € sur le résultat de l'exercice 2004.

Il a considéré que le résultat de ces deux exercices était en réalité négatif, puisque selon lui les frais de déplacement antérieurs à la constitution de la société pour un total de 71'314€ et les frais complémentaires de maintenance pour la somme de 130'888 € auraient dû être déduits en 2003, tandis qu'auraient notamment été omis dans les comptes de l'année 2004 des avoirs à établir pour 197'340 €, des charges à payer pour 46'646 € et des produits constatés d'avance au titre de la maintenance pour 661'088 € .

Se référant à l'analyse faite par le vérificateur fiscal, l'expert [E] a toutefois estimé pour sa part de façon convaincante que les frais de déplacement antérieurs devaient être qualifiés de frais accessoires à l'étude du projet d'entreprise menée par les associés et devaient être comptabilisés en frais d'établissement à amortir sur cinq ans.

À partir d'une analyse détaillée des documents contractuels, des comptes annuels et des grands livres généraux ce technicien a mis par ailleurs en évidence la gratuité de la maintenance durant une période de 60 mois, ce qui est de nature à remettre sérieusement en cause les conclusions de l'expert [L], selon lesquelles il aurait fallu comptabiliser en 2003 et 2004 au titre de la maintenance des produits constatés d'avance pour des sommes respectives de 130'888 € et de 661'088 €.

Enfin il a procédé à un examen précis de chacun des avoirs litigieux établis en 2005, mais se rapportant à l'exercice antérieur, pour en conclure que le retraitement comptable effectué à ce titre par l'expert [L] n'était pas justifié pour près de 50'000 € .

En l'état de ces avis techniques contraires, la preuve n'est par conséquent pas suffisamment rapportée de ce que les dirigeants auraient délibérément, au moyen de manipulations comptables, fait des biens de la personne morale un usage contraire à l'intérêt social à des fins personnelles.

En toute hypothèse il n'est pas démontré que les distributions litigieuses ont contribué à la cessation des paiements au sens de l'article L. 652'1 du code de commerce, qui en fait expressément une condition de l'obligation aux dettes sociales, alors que l'entreprise a connu une explosion de son chiffre d'affaires et de son bénéfice en 2004 et que selon le liquidateur judiciaire lui-même la société JIDEA n'a été en état de cessation des paiements qu'à compter du 30 avril 2006.

Aucune condamnation ne saurait par conséquent être prononcée de ce chef.

d. L'assurance chômage des dirigeants d'entreprise

L'expert [L] a constaté que la société JIDEA avait financé au profit de chacun des associés une garantie sociale des chefs d'entreprise couvrant le risque chômage, mais qu'aucun avantage en nature n'avait été ajouté à la rémunération des dirigeants salariés.

Selon l'expert [E] cette prise en charge a été neutre financièrement pour l'entreprise en 2005, alors que l'ASSEDIC a procédé au remboursement d'une somme supérieure aux cotisations acquittées après avoir informé les dirigeants qu'ils ne bénéficiaient pas de la couverture du régime général, et a fait l'objet d'une régularisation sur les fiches de paie au titre de l'année 2006.

Si des cotisations sociales ont pu être éludées au titre de l'année 2005, il n'en est résulté aucun préjudice pour l'entreprise à défaut de redressement opéré par les services de l'URSSAF, étant observé que le paiement par l'employeur de cotisations ASSEDIC démontre que la prise en charge de cette couverture était contractuellement prévue dès l'origine.

Aucune faute tombant sous le coup de l'article L. 652 '1 du code de commerce n'a donc été commise à ce titre par les dirigeants de droit et de fait de la société.

e.Les heures supplémentaires

L'expert [L] a constaté que les dirigeants avaient perçu, en sus de leur salaire, le paiement d'heures supplémentaires, alors pourtant qu'ils étaient titulaires d'un contrat de travail prévoyant une rémunération forfaitaire compte tenu des fonctions de direction exercées.

Sur sa constitution de partie civile le liquidateur judiciaire a toutefois sollicité et obtenu à titre de dommages et intérêts le remboursement des sommes indûment perçues , en sorte qu'une nouvelle condamnation civile pour les mêmes faits ne saurait être prononcée.

f. Le prêt consenti à M. [G]

L'expert [L] a constaté que la société JIDEA avait consenti à M. [G] un prêt sans intérêt de 15'500 € remboursable en 24 mensualités à compter du mois de juillet 2006, mais qu'aucun remboursement n'était intervenu à la date du 30 septembre 2006.

L'intéressé ne s'explique pas sur ce point.

La responsabilité du dirigeant en cause ne saurait toutefois être retenue, à supposer qu'aucun remboursement n'ait jamais été effectué, dès lors d'une part qu'il n'est pas démontré qu'au jour de l'octroi du prêt (10 mars 2005) la trésorerie de l'entreprise était incompatible avec un tel concours et d'autre part que la faute de l'emprunteur, qui n'aurait pas remboursé sa dette, est postérieure à l'ouverture de la procédure collective.

g.Le rachat du véhicule AUDI

Il a été constaté par le technicien commis par le juge commissaire qu'en date du 4 janvier 2006 la société JIDEA a acheté à M. [G] un véhicule AUDI A8 , dont celui-ci était propriétaire depuis un an et demi , moyennant un prix majoré de 1000 € par rapport au prix d'acquisition.

Sur sa constitution de partie civile le liquidateur judiciaire a obtenu de ce chef une indemnité de 1000 €.

En l'absence d'avis technique émanant d'un homme de l'art, Me [K] , ès qualités, ne démontre pas que le préjudice subi par la société JIDEA est d'un montant supérieur à la somme allouée par le juge répressif, les observations de l'expert [L], qui est spécialisé en finance et comptabilité, n'apparaissant pas à cet égard suffisantes.

Ce chef de demande sera également rejeté.

h.La libération du capital social de la SCI TRIO

Les dirigeants, qui en justifient par la production aux débats des bordereaux de remise de chèques, ont libéré sur leurs deniers personnels le capital social de la SCI TRIO à raison de 5'000 € chacun.

L'hypothèse émise par l'expert [L], selon laquelle le virement de la somme de 15'000 € effectué par la société JIDEA le 8 septembre 2004 aurait de fait servi à la libération du capital de la SCI, n'est par conséquent pas vérifiée, en sorte qu'en l'absence de détournement la responsabilité des dirigeants ne saurait être retenue.

i. La rémunération des dirigeants

Il résulte du rapport déposé par l'expert [L] que les dirigeants ont perçu les rémunérations suivantes au cours de la vie sociale :

exercice 2003

[Z] [G] 8'370 €

[B] [Y] 3720 €

[D] [A] 3720 €

exercice 2004 (hors heures supplémentaires)

[Z] [G] 355439 €

[B] [Y] 352873 €

[D] [A] 352649 €

exercice 2005

[Z] [G] 166367 €

[B] [Y]166367 €

[D] [A]166367 €

exercice 2006 (du 1er janvier au 27 septembre)

[Z] [G] 55167 €

[B] [Y] 53549 €

[D] [A] 50381 €

Ni la rémunération très modeste perçue au titre des neuf mois d'exploitation de l'année 2003, ni le salaire raisonnable servi à chacun des dirigeants au cours de l'année 2006 ne font l'objet de critiques de la part du liquidateur judiciaire.

Il sera Par ailleurs observé que l'expert qualifie de normales les rémunérations perçues au titre de l'année 2005 et qu'il précise que le salaire mensuel de chacun des dirigeants a été ramené à 3000 € à compter du 1er octobre 2005, ce qui atteste d'une volonté d'ajuster les rémunérations à l'activité de l'entreprise.

Seuls les salaires importants versés aux dirigeants au cours de l'année 2004, dont l'expert indique qu'ils ont représenté 41 % de la masse salariale totale, doivent dès lors faire l'objet d'un contrôle de proportionnalité.

Il convient toutefois d'observer :

qu'il résulte des développements précédents que le retraitement comptable effectué par l'expert [L] est sérieusement critiquable, notamment quant à la comptabilisation d'avance du coût de la maintenance pour 661'088 €, ce qui impacte fortement le résultat de l'exercice, dont il ne peut dès lors être affirmé qu'il a été en réalité déficitaire ( les comptes annuels font état d'un bénéfice de 658511'€),

que deux autres salariés ont perçu des rémunérations importantes de 256'328 € et de 205'540 €, ce qui atteste d'une politique salariale généreuse non exclusivement réservée aux dirigeants associés,

que l'exercice 2004 a été marqué par une réussite économique exceptionnelle alors que le chiffre d'affaires a été multiplié par neuf en rythme annuel par rapport au chiffre d'affaires de l'exercice précédent, ce dont les dirigeants ont légitimement souhaité tirer profit individuellement en se rémunérant pour le travail accompli antérieurement, y compris dans la période d'élaboration du projet d'entreprise , étant observé qu'ils n'ont perçu qu'une rémunération symbolique au titre de l'année 2003.

Il n'est par conséquent nullement démontré que Messieurs [G] ,[Y] et [A] auraient été rémunérés avec excès en 2004 dans des conditions objectivement incompatibles avec les résultats de l'activité, en sorte qu'il ne peut être soutenu qu'ils auraient fait des biens de la personne morale un usage contraire à l'intérêt social à des fins personnelles au sens de l'article L. 652 '1 3° du code de commerce.

Échouant à établir l'existence de fautes tombant sous le coup de l'article susvisé, Me [K] , ès qualités, sera dès lors débouté de sa demande de condamnation solidaire des dirigeants au paiement des dettes sociales.

Sur la demande en comblement de l'insuffisance d'actif

Il résulte des développements précédents que les trois associés, qui ne le contestent pas, ont assuré la direction collégiale de la société JIDEA , en sorte qu'ils doivent être considérés comme ayant pour deux d'entre eux la qualité de dirigeants de droit et de fait (MM. [Z] [G] et [D] [A]) et pour le troisième la qualité de dirigeant de fait ( M. [B] [Y]).

L'action en comblement de l'insuffisance d'actif a un objet et une cause distincts de l'action civile en réparation du préjudice résultant des infractions pénales prévues et réprimées par l'article L. 241 '3 du code de commerce. Il en résulte que bien qu'ayant obtenu en partie réparation devant la juridiction pénale le liquidateur judiciaire est recevable à agir en réparation du préjudice collectif distinct causé par les fautes de gestion des dirigeants.

Au demeurant en l'espèce l'action en contribution à l'insuffisance d'actif étant fondée sur des faits non visés par la prévention pénale, il n'existe aucun risque de double indemnisation.

De la même façon les fautes de gestion alléguées sont distinctes des agissements sanctionnés dans le cadre de l'article L. 652 '1 du code de commerce, ce qui autorise le cumul des actions en paiement des dettes sociales et en comblement de l'insuffisance d'actif.

Comme précédemment la cour observe par ailleurs que le technicien commis par le juge commissaire en application de l'article L. 621 '9 du code de commerce n'est pas chargé d'une mesure d'instruction au sens du code de procédure civile et que ses investigations n'ont donc pas à être menées contradictoirement, en sorte que son rapport, qui est établi à titre de simple renseignement, n'a pas la valeur probante d'une expertise judiciaire.

C'est à tort enfin que les appelants soutiennent qu'il ne saurait être fait application de la sanction prévue à l'article L. 651-2 du code de commerce à défaut de vérification préalable du passif, alors que le dirigeant de droit, M. [A] , a été informé par lettre du 21 février 2007 de l'ouverture des opérations de vérification du passif antérieur et invité à présenter ses observations, que celui-ci a retourné au mandataire judiciaire la liste des créances avec ses observations par lettre du 2 mars 2007 et qu'il est justifié de l'admission d'un passif L. 622-24 non contesté de 2'032'115,16 €.

Dès lors qu'il est établi, et non contesté, que l'actif net de la liquidation judiciaire s'élève à la somme de 392'476,91'€, il est ainsi justifié d'une insuffisance d'actif certaine s'élevant à plus de 1600'000'€.

Les fautes de gestion reprochées aux trois dirigeants seront examinées successivement.

1. La déclaration tardive de l'état de cessation des paiements

Analysant la situation financière de l'entreprise au 31 décembre 2005, l'expert [L] a constaté que si l'actif circulant n'était pas de nature à couvrir les dettes à court terme la société JIDEA bénéficiait d'autorisations de découvert bancaire d'un montant de 400'000 € qui lui permettaient de faire face à ses échéances, aucun incident bancaire, aucun retard de paiement envers les créanciers sociaux et les fournisseurs n'étant observé à cette date.

L'état de cessation des paiements n'était donc certainement pas caractérisé à la fin de l'année 2005, contrairement à ce que laisse entendre le liquidateur judiciaire, dès lors que malgré des difficultés économiques certaines consécutives à la baisse importante de son chiffre d'affaires au cours de cet exercice la société débitrice disposait de réserves de crédit lui permettant de faire face au passif exigible avec son actif disponible.

Bien que l'expert ait relevé au vu de la situation comptable arrêtée au 30 avril 2006 qu'à cette date le passif exigible excédait à nouveau l'actif disponible, il résulte des constatations de ce technicien que la société disposait encore d'une réserve de crédit bancaire de 164'000'€, qui lui permettait de faire face à ses retards de paiement s'élevant à la même date à la somme de 67'418 €, dont une partie n'était au demeurant pas exigée, puisque la créance de l'URSSAF d'un montant de 22'574'€, exigible en février 2006, avait fait l'objet d'un moratoire expirant au mois de juin 2006.

Ces éléments n'apportent pas une preuve suffisante de l'existence d'un état effectif de cessation des paiements au 30 avril 2006, en l'absence d'impasse de trésorerie rendant impossible le paiement du passif exigible, étant observé qu'il est de principe constant que l'état de cessation des paiements, qui n'est pas une notion purement comptable, ne peut se déduire ni de difficultés économiques , ni d'une absence de rentabilité, ni d'un simple retard de paiement.

Ayant demandé l'ouverture d'une procédure collective dès le 7 juillet 2006, soit moins d'un mois après le déclenchement le 9 juin 2006 de la procédure d'alerte par le commissaire aux

comptes, qui avait émis des réserves sur la continuité de l'exploitation, les dirigeants de la société JIDEA , et notamment M. [A], gérant de droit en place, n'ont donc pas manqué à leur obligation impérative de déclarer l'état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours prévu à l'article L. 631 '4 du code de commerce.

Comme le tribunal la cour estime par conséquent que la responsabilité pour faute de gestion des dirigeants ne saurait être recherchée de ce chef.

2. La poursuite d'une activité déficitaire

Il est reproché en substance aux dirigeants d'avoir poursuivi l'exploitation au-delà du 30 avril 2006 et d'avoir ainsi lourdement contribué à l'aggravation du passif .

Si les dirigeants ne pouvaient pas ignorer que l'exploitation était déficitaire à la fin du mois d'avril 2006, du fait de la poursuite de la baisse du chiffre d'affaires apparue au cours de l'année 2005, il résulte incontestablement des rapports des experts [L] et [E], mais aussi du bilan économique et social établi par l'administrateur judiciaire, qu'ils ont pris rapidement la mesure de ces difficultés.

Dès le mois de septembre 2005, en effet, la commercialisation des produits a été confiée à un agent commercial exclusif, ce qui a permis de réduire sensiblement le nombre de salariés, mais surtout au cours du mois de juin 2006 un projet de plan de redressement a été élaboré avec l'entrée prévue de nouveaux actionnaires et une réunion a été organisée sous l'égide du président du tribunal de commerce en vue de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, ce qui démontre que des pistes de redressement sérieuses ont été envisagées avant la déclaration de l'état de cessation des paiements, laquelle a été effectuée rapidement après le déclenchement de la procédure d'alerte.

Ainsi, les dirigeants, qui ont pu légitimement croire que le potentiel économique de l'entreprise n'était pas définitivement compromis ( des nouveaux outils et concepts avaient été élaborés au cours de la période d'octobre 2005 à juin 2006) et qui ont même été approchés en février 2006 par un important groupe financier envisageant d'investir dans la société, ont-ils poursuivi sans excès l'activité jusqu'au dépôt de bilan, en sorte que leur responsabilité ne saurait pas plus être recherchée sur le fondement de la poursuite abusive d'une exploitation déficitaire, ainsi qu'en a justement décidé le tribunal.

3.Le bail commercial conclu avec la SCI TRIO et la prise en charge des frais d'aménagement des locaux commerciaux

Me [K] , ès qualités, se fonde exclusivement sur l'observation de l'expert [L], selon laquelle le loyer annuel facturé à la société JIDEA était à l'origine d'un rendement brut de 13,7 %, supérieur aux rendements habituels en matière de location d'immeubles à usage de bureaux et d'entrepôts, pour affirmer que les dirigeants auraient fautivement accepté de payer un loyer excessif.

Outre le fait que l'affirmation de l'expert ne repose sur aucune étude du marché local, il résulte des estimations, non techniquement contestées, demandées par la SCI TRIO auprès de professionnels de l'immobilier, que le loyer convenu de 3188 € HT est en réalité inférieur aux loyers habituellement pratiqués dans la zone industrielle de la ville de Bourg-de-Péage pour des locaux de même nature à usage mixte de bureaux et d'entrepôts.

La référence à la seule méthode du rendement ne pouvant rendre compte de la valeur locative effective des locaux, la cour estime par conséquent que la preuve n'est nullement rapportée de l'acceptation fautive par la société JIDEA d'un loyer commercial excessif destiné à enrichir la SCI TRIO , constituée entre les mêmes associés, en sorte qu'aucune faute de gestion ne saurait être retenue à ce titre.

Conformément à l'usage en la matière et en l'absence de clauses contractuelles contraires, le bail prévoyant seulement que le bailleur est tenu des grosses réparations définies à l'article 606 du Code civil, la société JIDEA a par ailleurs légitimement pris en charge les travaux d'aménagement intérieur des locaux loués destinés principalement à augmenter pour les besoins de son activité la surface de bureaux par rapport à la surface de dépôt.

Le financement de ces travaux d'aménagement par la société locataire n'excédait donc pas les obligations qui incombaient à cette dernière en exécution du contrat de bail.

Le liquidateur judiciaire soutient en outre à tort que la prise en charge de ces travaux sans minoration du loyer serait constitutive d'une faute de gestion en raison du fait que par l'effet de la clause d'accession contenue dans le bail les aménagements sont devenus la propriété du bailleur sans indemnisation.

Le bail ne contient pas en effet de clause réglant le sort des améliorations réalisées par le locataire, ce que l'expert [L] a lui-même expressément constaté, en sorte que les dispositions de l'article 555 du Code civil ont vocation à s'appliquer, ce dont il résulte que la SCI propriétaire, qui a conservé la propriété des aménagements, est en principe redevable d'une indemnisation.

La société JIDEA n'a donc pas financé des travaux importants sans contrepartie de la part de la SCI TRIO . A cet effet il sera observé que le coût de ces travaux, estimé par l'expert à la somme de 273'418 € hors taxes, au demeurant contestée dans son quantum, était destiné à être amorti pendant toute la durée du bail de neuf années, et peut-être au-delà, ce qui ne représentait pas pour la société locataire une charge excessive eu égard à la valeur locative des locaux devenus après transformation à usage principal de bureaux, étant observé que la SCI a pour sa part financé sans majoration de loyer des travaux d'agrandissement qui ont porté la surface totale du local de 735 m² à 935 m².

Dans la relation contractuelle entre les sociétés JIDEA et TRIO les dirigeants n'ont donc pas commis de fautes de gestion caractérisées, ce qui conduit, par voie d'infirmation du jugement, au rejet total de la demande de contribution à l'insuffisance d'actif.

Sur l'extension de la procédure collective à la SCI TRIO

1.Le loyer convenu et les travaux financés par la société JIDEA

Il a été précédemment jugé par la cour d'une part que la société JIDEA n'avait pas accepté de payer un loyer excessif destiné à enrichir indûment la SCI TRIO constituée entre les mêmes associés, et d'autre part qu'elle n'avait pas sans contrepartie suffisante accepté de financer pour un coût excessif des travaux d'aménagement intérieur.

Il sera renvoyé sur ces points aux développements précédents, dont il résulte que les obligations respectives des parties au contrat de bail commercial n'étaient pas manifestement déséquilibrées.

Il sera observé au surplus qu'il ne peut être sérieusement soutenu qu'en devenant propriétaire en fin de bail des aménagements réalisés par la société locataire, la SCI TRIO se serait effectivement enrichie, alors que cette dernière a revendu le bien immobilier le 28 septembre 2011 pour un prix de 200'000 € seulement, qui est inférieur à la valeur d'acquisition initiale de 230'000'€ , mais aussi au coût des travaux acquitté par la société JIDEA s'élevant selon l'expert à la somme de 273'418 € hors taxes.

Les conditions dans lesquelles le bien immobilier a été mis à la disposition de la société JIDEA ne révèlent donc pas l'existence de flux financiers anormaux entre les deux entités à l'origine d'une confusion de leurs patrimoines au sens de l'article L.621-2 du code de commerce.

2.Les paiements effectués par la société JIDEA au profit de la SCI TRIO

Il est désormais admis et non contesté que les dirigeants, qui en justifient par la production aux débats des bordereaux de remise de chèques, ont libéré sur leurs deniers personnels le capital social de la SCI TRIO à raison de 5'000 € chacun.

La SARL JIDEA n'a donc pas financé la libération du capital de la SCI, contrairement à l'hypothèse avancée par l'expert [L].

Ce dernier a constaté que la SARL avait effectué d'une part le 8 septembre 2004 un virement de 15'000 € au profit de la SCI, affecté pour 6'376 € au dépôt de garantie et pour 8624 € au poste «' débiteurs divers », et d'autre part les 18 novembre 2004 et 14 décembre 2004 deux versements complémentaires de 3000€ chacun.

la SCI, qui prétend que la SARL a pris possession des lieux dès le 3 septembre 2004 avant régularisation du bail écrit, affirme que ces versements étaient destinés à couvrir le dépôt de garantie de deux mois, ainsi que les loyers des mois de septembre, octobre, novembre et décembre 2004 sur la base d'un montant mensuel de 3000 € tel qu'estimé dans le projet de contrat de bail du mois de juillet 2004.

Il est certain que les travaux d'aménagement intérieur des locaux financés par la SARL ont été réalisés pour l'essentiel au cours des

mois de septembre à décembre 2004. L'extrait du compte « immobilisations » de la société JIDEA confirme en effet qu'une somme de 196'077,92 € a été comptabilisée au titre des immobilisations au cours de cette période. L'expert [L] relève lui-même que les travaux d'embellissement ont été réalisés au cours des exercices 2004 à 2006.

L'exécution de ces travaux impliquait nécessairement une prise de possession des lieux par la SARL, en sorte qu'il n'est pas anormal, en l'absence de tout élément établissant que la SCI aurait renoncé à toute contrepartie financière pour la mise à disposition des lieux à compter du mois de septembre 2004, qu'une indemnité, sinon un loyer, ait été payé au titre de cette période, au cours de laquelle la SCI a elle-même engagé à ses frais d'importants travaux d'agrandissement, étant observé qu'une gratuité d'occupation aurait pu au contraire être analysée comme un avantage anormal.

Le paiement de la somme de 21'000 € (15'000 + 6000), qui correspond à 400 € près au montant du dépôt de garantie et des loyers de septembre à décembre 2004, ne saurait par conséquent être qualifié de flux financier anormal entre les sociétés JIDEA et TRIO , étant observé qu'il résulte des relevés du compte bancaire de la SCI que le premier loyer payé sur la base de la somme exacte fixée au contrat de bail est bien celui du mois de janvier 2005.

L'expert [L] a constaté par ailleurs qu'une somme de 9'144,66 € avait été payée à la SCI par la SARL le 21 janvier 2005, mais qu'elle n'avait jamais été remboursée.

Il est soutenu que ce paiement , correspondant au solde des travaux d'agrandissement incombant à la SCI, a été effectué par erreur et a fait l'objet immédiatement d'une inscription au passif de cette dernière.

Ce paiement unique, dont il n'est pas contesté qu'il a été clairement identifié au plan comptable comme une avance remboursable, ne saurait caractériser à lui seul au sens de l'article L.621-2 du code de commerce une situation de confusion des patrimoines , qui implique, soit une 'imbrication des masses actives ou passives des entités concernées révélée par une confusion des comptes, nullement établie en l'espèce, ni même alléguée, soit l'existence de flux financiers anormaux habituels traduisant une volonté délibérée de la part des associés communs d'avantager une structure au détriment d'une autre, sinon systématiquement, du moins durablement.

La preuve n'étant pas rapportée d'une situation de confusion des patrimoines, la demande d'extension de la procédure collective à la SCI TRIO sera par conséquent rejetée, ce qui conduit également à l'infirmation du jugement sur ce point.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Aucune considération d'équité ne commande de mettre la charge de Me [K], ès qualités, tout ou partie des frais irrépétibles supportés par les appelants.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau:

Déclare Me [K], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL JIDEA , recevable mais mal fondé en sa demande de condamnation de Messieurs [D] [A] , [B] [Y] et [Z] [G] au paiement des dettes sociales sur le fondement de l'article L. 652 '1 du code de commerce,

Le déboute par voie de conséquence de sa demande en paiement de la somme de 400'000 € à la charge de chacun des trois dirigeants,

Déboute Me [K], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL JIDEA ,de sa demande de condamnation solidaire de chacun des trois dirigeants au paiement de la somme de 200'000€ au titre de leur contribution à l'insuffisance d'actif sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de commerce,

Déboute Me [K], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL JIDEA , de sa demande d'extension de la procédure collective à la SCI TRIO,

Dit n'y avoir lieu de part et d'autre à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Me [K], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL JIDEA ,aux entiers dépens qui seront employés en frais privilégiés de procédure collective, dont distraction pour ceux d'appel au profit de Me RAMILLON , avocat.

SIGNE par Madame ROLIN, Président et par Madame AMARI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11/05476
Date de la décision : 28/03/2013

Références :

Cour d'appel de Grenoble 07, arrêt n°11/05476 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-03-28;11.05476 ?
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