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07/03/2013 | FRANCE | N°05/03224

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 07 mars 2013, 05/03224


RG N° 05/03224

J.L.B.

N° Minute :













































































Copie exécutoire

délivrée le :







S.C.P. GRIMAUD





S.E.LA.R.L. DAUPHIN

& MIHAJLOVIC





SCP ALBERT CRIFO





COPIE SCP CALAS

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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE COMMERCIALE



ARRET DU JEUDI 07 MARS 2013







Appel d'une décision (N° RG 99F538)

rendue par le Tribunal de Commerce de CANNES

en date du 15 novembre 2001

suivant déclaration d'appel du 26 Juillet 2005





APPELANTE :



S.A. BNP PARIBAS poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en ce...

RG N° 05/03224

J.L.B.

N° Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

S.C.P. GRIMAUD

S.E.LA.R.L. DAUPHIN

& MIHAJLOVIC

SCP ALBERT CRIFO

COPIE SCP CALAS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRET DU JEUDI 07 MARS 2013

Appel d'une décision (N° RG 99F538)

rendue par le Tribunal de Commerce de CANNES

en date du 15 novembre 2001

suivant déclaration d'appel du 26 Juillet 2005

APPELANTE :

S.A. BNP PARIBAS poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par la SCP GRIMAUD, en qualité d'avoués à la Cour jusqu'au 31 décembre 2011,

et en qualité d'avocats au barreau de GRENOBLE depuis le 1er janvier 2012.

assistée de Me Jean-Marie TROEGELER, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE, plaidant.

INTIMES :

Monsieur [F] [G]

né le [Date naissance 1] 1939 à [Localité 5]

[Adresse 3]

[Adresse 5]

[Localité 6]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2005/8583 du 26/01/2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)

Madame [S] [P] épouse [G]

née le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Adresse 5]

[Localité 6]

représentés par la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, en qualité d'avoués à la Cour jusqu'au 31 décembre 2011,

et en qualité d'avocats au barreau de GRENOBLE depuis le 1er janvier 2012.

substituant Me Florent VERGER, avocat au barreau de NICE

Maître [H] [N] ès-qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de Monsieur et Madame [G], de la Société HEURE ET OR et de la société CANNOISE AZUR BIJOUX

Ophira II

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par la SCP CALAS, en qualité d'avoués à la Cour jusqu'au 31 décembre 2011,

puis par la SCP ALBERT CRIFO, avocats au barreau de GRENOBLE, à compter du 04 juillet 2012.

assistée de Me Michel MONTAGARD, avocat au barreau de GRASSE, plaidant.

------ 0 ------

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Dominique ROLIN, Président de Chambre,

Monsieur Jean-Louis BERNAUD, Conseiller,

Madame Fabienne PAGES, Conseiller,

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

DEBATS :

A l'audience publique du 16 Janvier 2013,

Monsieur Jean-Louis BERNAUD, Conseiller, en son rapport et Madame Dominique ROLIN, Président, assistés de Madame GIRARD, Greffier, ont entendu les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile. Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.

------ 0 ------

Par acte du 3 octobre 1994, faisant suite à une promesse de cession d'actions du 8 avril 1994, la SARL L'HEURE ET L'OR, qui exploitait un fonds de commerce de bijouterie à [Localité 6] et dont les époux [G] étaient les associés fondateurs, a fait l'acquisition de la société CANNOISE AZUR BIJOUX qui exploitait à [Localité 3], [Adresse 4], un commerce de même nature.

Le prix de 2 193 607 fr. a été financé en partie par un prêt de 2 millions de francs consenti à la SARL L'HEURE ET L'OR selon acte notarié du 26 septembre 1994 par la société BNP PARIBAS avec le cautionnement personnel et hypothécaire de Mme [S] [G] .

La cession s'est accompagnée de la fusion de la société cédée (CANNOISE AZUR BIJOUX) et de la société BAROKAS, qui était son associée majoritaire.

Par jugement du 19 octobre 1998 le tribunal de commerce de Cannes a ouvert le redressement judiciaire de la société L'HEURE ET L'OR et a converti la procédure en liquidation judiciaire par jugement subséquent du 15 février 1999.

La procédure collective a été étendue à la SA CANNOISE AZUR BIJOUX par jugement du 7 juin 1999 sur le fondement de la confusion des patrimoines.

Par acte d'huissier du 4 octobre 1999 les époux [F] et [S] [G] on fait assigner la société BNP PARIBAS en paiement de dommages et intérêts évalués à 20 233 000 fr. Pour manquement du prêteur à ses obligations de conseil et d'information à l'occasion du financement de l'opération d'acquisition de la société CANNOISE AZUR BIJOUX.

Au cours de cette instance le tribunal de commerce de Cannes , par jugement du 24 janvier 2000, a étendu la liquidation judiciaire des sociétés L'HEURE ET L'OR et CANNOISE AZUR BIJOUX aux époux [G] sur le fondement de l'article 182 de la loi du 25 janvier 1985 en constatant qu'il avait été fait des stocks de la société CANNOISE AZUR BIJOUX un usage contraire à l'intérêt social.

Me [H] [N], liquidateur judiciaire commun à l'ensemble des procédures collectives étendues, est intervenu volontairement à l'instance engagée par les époux [G] à l'effet d'entendre condamner la société BNP PARIBAS à supporter la totalité du passif déclaré dans le cadre de toutes les procédures de liquidation et à réparer le préjudice personnel subi par les époux [G], évalué à la somme de 5 millions de francs.

Par jugement du 15 novembre 2001 le tribunal de commerce de Cannes, retenant la responsabilité de la banque pour soutien abusif de la société CANNOISE AZUR BIJOUX et manquement à ses obligations de conseil et d'information à l'égard des époux [G] , a condamné avec exécution provisoire la société BNP PARIBAS à supporter l'intégralité du passif déclaré dans l'ensemble des procédures de liquidation judiciaire et à payer la somme de 3 670 000 fr. en réparation du préjudice personnel des époux [G].

Par arrêt du 26 novembre 2003 la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé ce jugement sur la responsabilité de la banque, mais a débouté Me [N] , ès qualités, de sa demande en réparation du préjudice personnel des époux [G] et a ramené la condamnation au titre du préjudice collectif au montant de l'insuffisance d'actif finale à déterminer après vérification des créances et réalisation des éléments d'actif.

Sur le pourvoi de la société BNP PARIBAS, la Cour de Cassation, par arrêt du 12 juillet 2005, a cassé l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de Me [N] , ès qualités, au titre du préjudice personnel des époux [G] et a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Grenoble.

La Cour de Cassation a reproché à la cour d'appel de s'être déterminée par des motifs impropres à établir que la banque avait accordé un crédit dont le coût était insupportable pour l'équilibre de la trésorerie de la société emprunteuse, ou incompatible pour elle avec toute rentabilité, et sans démontrer par ailleurs que la banque avait pratiqué une politique de crédits ruineux pour la société devant nécessairement provoquer une croissance continue et insurmontable de ses charges financières.

La SA BNP PARIBAS a saisi la présente cour de renvoi selon déclaration reçue le 26 juillet 2005.

Il a été sursis à statuer à plusieurs reprises dans l'attente de l'issue de la procédure parallèle engagée par le liquidateur judiciaire à l'encontre de la société d'expertise comptable SODECO qui était à l'origine du montage de l'opération de cession.

Cette action distincte a donné lieu à une dernière décision de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 9 septembre 2010 qui, sur renvoi de cassation, a condamné la société SODECO à payer aux époux [G] une somme de 90 000 € en réparation de leur préjudice personnel et à Me [N] 50 % du préjudice collectif.

Vu les conclusions récapitulatives signifiées et déposées le 6 septembre 2012 par la SA BNP PARIBAS qui demande à la cour de :

Réformer le Jugement déféré,

Constater que l'arrêt du 26 novembre 2003 n'a pas été cassé en ce qu'il a rejeté les demandes formulées par Maître [N], ès qualités, au titre du préjudice personnel des époux [G],

Dire et juger que ces derniers, qui sont en état de Liquidation Judiciaire et qui ne justifient d'aucun droit propre, sont irrecevables à exercer leurs droits et actions compte tenu des dispositions de l'article L 622.9 du Code de Commerce,

Dire et juger que la Société BNP PARIBAS n'a commis aucune faute à l'occasion de l'octroi du prêt de 2.000.000 F en date du 26 septembre 1994 et que sa responsabilité ne saurait se trouver engagée sur le fondement des dispositions de l'article 1147 ou 1382 du Code Civil,

Dire et juger que Maître [N], ès qualités, ne justifie, ni du préjudice collectif, ni du préjudice personnel revendiqué par les époux [G],

Dire et juger qu`il n'existe, de toute façon, aucun lien de causalité entre la faute alléguée à l'encontre de la BNP PARIBAS et l'apparition d'un passif préjudiciable à des tiers,

Débouter les époux [G] et Maître [N] ès qualités de l'intégralité de leurs prétentions,

Les condamner au paiement d'une somme de 8.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux. entiers dépens.

A l'appui de ses prétentions la SA BNP PARIBAS fait valoir en substance :

que l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 26 novembre 2003 n'a pas été cassé en ce qu'il a rejeté les demandes du liquidateur judiciaire au titre du préjudice personnel des époux [G], en sorte que ni ces derniers, qui ne peuvent prétendre exercer un droit propre, ni Me [N], ès qualités, ne sont recevables à agir à ce titre en réparation d'un préjudice correspondant au solde d'un compte courant d'associé, à la valeur des titres de la société L'HEURE ET L'OR et à la souffrance morale des associés,

que sa responsabilité ne saurait être recherchée alors que le prêt a été consenti, non pas à la société cédée, mais à la société L'HEURE ET L'OR, qui disposait d'une capacité d'auto-financement et donc de remboursement suffisante, qu'il n'est pas démontré que la société CANNOISE AZUR BIJOUX était en état de cessation des paiements dès le 31 décembre 1993, que le prévisionnel d'activité n'était pas irréaliste, ni affecté d'erreurs grossières, qu'elle n'avait pas à vérifier la faisabilité du projet en termes de marché, sauf à s'immiscer dans l'opération et que le prix d'acquisition des parts sociales avait été déterminé par un expert à la demande des acquéreurs,

que les époux [G], qui étaient des professionnels avertis de la vie des affaires et plus particulièrement de la bijouterie et qui étaient assistés d'experts-comptables, étaient parfaitement à même d'apprécier le potentiel de développement de la société CANNOISE AZUR BIJOUX, dont ils espéraient augmenter le chiffre d'affaires,

que les sociétés d'expertise comptable qui ont assisté les parties n'ont jamais émis de réserves sur le montage juridique et financier qu'elles avaient elles-mêmes proposé, étant observé que la banque doit se borner à contrôler sur la base des chiffres fournis par les professionnels du conseil que l'activité générera un résultat suffisant pour permettre le remboursement du crédit,

qu'en toute hypothèse il n'existe aucun lien de causalité entre le crédit prétendument abusif et l'ouverture de la procédure collective qui a frappé quatre et cinq années plus tard les deux entités, alors que la déconfiture a été provoquée, non pas par un endettement excessif, mais par la mauvaise gestion des époux [G] qui ont vendu pour leur propre compte le stock de la société L'HEURE ET L'OR,

que le préjudice collectif ne peut en tout état de cause être indemnisé au-delà de l'insuffisance d'actif finale, étant observé que le liquidateur judiciaire, qui défend l'intérêt collectif des créanciers, n'est pas fondé à soutenir que la villa des époux [G] doit être épargnée.

Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 5 décembre 2012 par Me [N], ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire commune des sociétés L'HEURE ET L'OR et CANNOISE AZUR BIJOUX et des époux [G], qui demande à la cour de :

Vu les dispositions de l'article 1147 du Code Civil ;

Vu les dispositions des articles 1382 et 1383 du Code Civil ;

CONFIRMER la décision du Tribunal de Commerce de CANNES en date du 15 novembre 2001 en ce qu'elle a déclaré Maitre [N] es qualités recevable en sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de BNP PARIBAS tant en ce qui concerne le préjudice des personnes physiques et morales en liquidation judiciaire qu'en ce qui concerne la réparation du préjudice des créanciers des différentes liquidations judiciaires dont il a la charge,

REFORMER toutefois la décision du Tribunal de Commerce de CANNES sur le montant

des condamnations mises à la charge de la banque,

En conséquence,

CONDAMNER la BNP PARIBAS à payer la totalité de l'insufdsance d"actif des procédures de liquidation judiciaire des sociétés CANNOISE AZUR BIJOUX et l"HEURE ET L"OR,

DIRE que la BNP PARIBAS sera exclue de la répartition entre les créanciers de la somme versée au titre de l'insuffisance d'actif de ces deux sociétés,

CONDAMNER la BNP PARIBAS à supporter l'entier préjudice causé à la procédure de liquidation judiciaire de [S] [G], de [F] [G], de la SARL L'HEURE ET L'OR et de CANNOISE AZUR BIJOUX,

CONDAMNER en conséquence la BNP PARIBAS à payer à Maître [N], ès qualités, à titre de dommages et intérêts, une somme complémentaire de 3.212.268,33 €, comprenant :

Le montant total du passif admis dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire personnelle de [S] [G] et de [F] [G],

Le montant de la créance en compte courant qu°ils détenaient sur l"HEURE ET L`OR,

La valeur des titres de la SARL L`HEURE ET L'OR dont ils étaient propriétaires,

Les frais, honoraires et débours qu'ils ont dû supporter à la suite du prononcé de la liquidation judiciaire des sociétés qu'ils dirigeaient et de leur propre liquidation judiciaire,

CONDAMNER la BNP PARIBAS à payer à Maître [N] es qualité la somme de 10.000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en considération des fais irrépétibles occasionnés en premiére instance et en appel, devant la Cour d`Appel d'AIX EN PROVENCE puis devant la Cour d'Appel de GRENOBLE,

CONDAMNER la BNP PARIBAS aux entiers dépens, de premiére instance et des deux procédures d'appel et pour ceux de la Cour de renvoi, autoriser Maître Pierre ALBERT- CRIFO, Avocat au Barreau de GRENOBLE à les recouvrer directement.

A l'appui de ses prétentions Me [N] , ès qualités, fait valoir en substance :

qu'il reprend à son compte les demandes initialement développées par les époux [G], qui sont dessaisis de leurs actions patrimoniales du fait de la liquidation judiciaire prononcée à leur encontre,

que la BNP PARIBAS a accordé à la société L'HEURE ET L'OR un prêt de 2 millions de francs pour acquérir les actions d'une société particulièrement endettée dont les résultats d'exploitation étaient déficitaires depuis plusieurs exercices et dont les capitaux propres étaient négatifs,

que le crédit a servi principalement à rembourser le compte courant de Madame [V] et à combler le découvert du compte de la société CANNOISE AZUR BIJOUX dans les livres de la BNP PARIBAS,

que l'opération a conduit à faire supporter au groupe L'HEURE ET L'OR et CANNOISE AZUR BIJOUX une charge annuelle de remboursement de 800 000 fr. au titre de l'ensemble des concours octroyés à chacune des trois entités avant fusion des sociétés BAROKAS et CANNOISE AZUR BIJOUX,

que si la société L'HEURE ET L'OR réalisait des bénéfices de l'ordre de 500 000 fr. par an, la société CANNOISE AZUR BIJOUX était pour sa part lourdement déficitaire, en sorte que l'endettement total dépassait le montant des fonds propres du groupe,

qu'il en résulte que le crédit accordé par la BNP PARIBAS était insupportable pour l'équilibre de la trésorerie de la société L'HEURE ET L'OR, ou incompatible pour elle avec toute rentabilité,

que l'absence de sérieux et de crédibilité du compte de résultat prévisionnel aurait dû alerter la banque sur le caractère ruineux du crédit,

que les sociétés BAROKAS et CANNOISE AZUR BIJOUX étaient en état de cessation des paiements à la date de la cession litigieuse, ce que la banque, qui n'était pas remboursée de ses concours, n'ignorait pas, étant observé que la qualité de professionnels avertis des époux [G] est indifférente puisque le prêteur disposait d'informations que les acquéreurs ignoraient,

que le lien de causalité entre la faute de la banque et le préjudice est certain alors que l'exploitation a été interrompue dès le 30 août 1997 et que sans le concours de la BNP PARIBAS la société L'HEURE ET L'OR aurait poursuivi son activité bénéficiaire,

que le préjudice des créanciers est constitué de l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire des deux sociétés sous déduction des condamnations prononcées à l'encontre de la société SODECO,

que les époux [G] sont fondés à solliciter la condamnation de la banque à leur payer des dommages et intérêts supplémentaires pour couvrir le passif qu'ils doivent supporter du fait du prononcé de leur liquidation judiciaire personnelle, sans tenir compte de leur actif qui doit être préservé,

qu'il est par ailleurs fondé à demander réparation du préjudice personnel des époux [G] qui ont perdu leur créance en compte courant d'un montant de 267 900 € et leurs titres évalués à 158 089,63 euros et qui ont dû supporter des frais, honoraires et débours à la suite du prononcé des procédures de liquidation judiciaire.

Vu les conclusions signifiées et déposées le 10 mai 2006 par les époux [F] et [S] [G] qui demandent à la cour de

confirmer le jugement en ce qu'il a consacré la responsabilité de la banque et de condamner celle-ci à supporter la totalité du passif confondu des deux entités commerciales et d'eux -mêmes,

de réformer le jugement pour le surplus et

de condamner la société BNP PARIBAS à leur payer la somme de 1 150 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice personnel, outre une indemnité de 4573,47 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la recevabilité des demandes formées par les époux [G]

L'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 26 novembre 2003 à été cassé et annulé sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de Me [N], ès qualités, au titre du préjudice personnel des époux [G] .

Il s'en déduit que cette décision est également frappée par la cassation en ce qu'elle a déclaré irrecevable l'action des époux [G] , ce qui conduit la présente cour de renvoi à statuer à nouveau sur la recevabilité des demandes que ces derniers sont censés maintenir à défaut de s'en être désisté.

Par l'effet de la liquidation judiciaire qui a été prononcée à leur encontre à titre de sanction par jugement du 24 janvier 2000 les époux [G] sont dessaisis de leurs droits et actions à caractère patrimonial au profit du liquidateur judiciaire désigné par le tribunal de commerce de CANNES.

Ne pouvant prétendre exercer un droit propre alors qu'ils demandent réparation du préjudice financier personnel qu'ils auraient subi du fait de l'octroi abusif d'un crédit à la société L'HEURE ET L'OR, ils seront déclarés irrecevables en leurs demandes, lesquelles sont au demeurant intégralement reprises par le liquidateur judiciaire.

Sur la recevabilité de la demande de Me [N] , ès qualités, en réparation du préjudice personnel subi par les époux [G]

La cassation partielle qui a été prononcée a laissé subsister la disposition de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 26 novembre 2003 qui a rejeté la demande formée par Me [N] , ès qualités, en réparation du préjudice personnel subi par les époux [G] .

L'autorité de chose jugée qui s'attache sur ce point à l'arrêt susvisé fait donc désormais obstacle à la demande présentée à ce titre par le liquidateur judiciaire.

Me [N] , ès qualités, sera par conséquent déclaré irrecevable en sa demande en réparation du préjudice personnel subi par les époux [G] au titre de leur créance en compte courant, de la valeur de leurs titres et de leurs frais, honoraires et débours.

Sur la responsabilité de la société BNP PARIBAS dans l'octroi du crédit

Par acte notarié du 26 septembre 1994 la société banque nationale de Paris a consenti à la SARL L'HEURE ET L'OR un crédit global de 2 millions de francs se décomposant en un crédit à objet professionnel de un million de francs remboursable en 84 versements mensuels constants de 16058,64 fr. à compter du complet déblocage des fonds, en un prêt bonifié à l'artisanat de 100 000 F remboursable en 84 versements mensuels constants de 1550,66 fr. à compter d'un délai de six mois après le complet déblocage des fonds et enfin en un prêt conventionné à l'artisanat de 900 000 F remboursable en 84 versements mensuels constants de 14270,95 fr. à compter d'un délai de six mois après le complet déblocage des fonds.

La charge de remboursement annuelle de ces crédits s'élevait donc à la somme de 382 563 Fr.

Le contrat de prêt stipule que le crédit global est destiné à financer « le remboursement du compte courant d'associés, la reconstitution du fonds de roulement, la régularisation de la position et la couverture de la première échéance du crédit vendeur ».

Il ne peut tout d'abord être tiré argument de ce que le concours octroyé à la société cessionnaire aurait servi principalement à rembourser le compte courant de Madame [V] et à combler le découvert du compte de la société CANNOISE AZUR BIJOUX dans les livres de la BNP PARIBAS , alors que cette utilisation est conforme à l'objet du prêt tel que défini dans l'acte lui-même, en sorte que le crédit,qui n'était pas destiné à financer directement le prix de cession, n'a pas été détourné de sa finalité avec la complicité du prêteur.

Le financement litigieux étant destiné à permettre à la société L'HEURE ET L'OR de se porter acquéreur de la société CANNOISE AZUR BIJOUX et indirectement, après fusion, de la société holding de cette dernière, la société BAROKAS, il appartenait à l'établissement de crédit, en exécution de son obligation d'information et de conseil, d'apprécier la faisabilité financière globale de l'opération de rachat en considération de la situation prévisible après cession de la société emprunteuse, dont le projet était d'abandonner son activité de vente de bijoux, de donner en location-gérance le fonds de commerce qu'elle exploitait à [Localité 6] et de ne conserver qu'une activité de société holding.

Le compte de résultat prévisionnel établi le 26 juin 1994 par la société d'expertise comptable SODECO, qui est à l'origine du montage juridique et financier de l'opération, prévoit un résultat financier bénéficiaire de 916 000 F au titre de l'année 1995 de nature à permettre le remboursement des annuités d'emprunts pesant globalement sur les deux entités.

Aucune preuve n'est apportée du caractère manifestement irréaliste de ce prévisionnel d'activité, dont il n'est pas davantage démontré qu'il aurait été affecté d'erreurs grossières.

Les produits d'exploitation ont en effet été raisonnablement valorisés à la somme de 2 440 000 F se décomposant en 180 000 F de redevances de location-gérance (fonds de [Localité 6]), en 1 960 000 F de marge brute sur les ventes de marchandises réalisées par la société CANNOISE AZUR BIJOUX au moyen du stock de bijoux mis à sa disposition, laquelle marge brute est conforme à celle qui était réalisée antérieurement par la société L'HEURE ET L'OR dans un environnement commercial de moins bonne qualité, et en 300 000 F de prestations de services, la direction et la gestion administrative de la filiale étant assurée par la société mère.

Quant aux charges d'exploitation il n'est pas soutenu qu'elles auraient été grossièrement minorées.

Selon l'analyse développée par la société SODECO le rachat de la société CANNOISE AZUR BIJOUX par la société L'HEURE ET L'OR présentait des avantages objectifs certains permettant d'espérer un redressement rapide.

C'est ainsi que ce conseil estimait sans optimisme excessif que constituaient des gages de réussite :

-la localisation du fonds de commerce de [Localité 3] dans une rue très commerçante,

-la bonne superficie du local commercial de [Localité 3],

-le loyer très réduit pour un bail tous commerces (72 000 F),

-la disposition de la marchandise en stock chez la société L'HEURE ET L'OR.

Il résulte par ailleurs du rapport de l'expert-comptable PRODHOMME, chargé d'évaluer les sociétés CANNOISE AZUR BIJOUX et BAROKAS à la date du 31 décembre 1993, que la valeur de l'actif net de la société cédée pouvait être estimée à la somme de 1 870 360 F, en sorte qu'il ne peut être soutenu que le prix de cession de 2 193 607 F aurait été manifestement surévalué.

Me [N] ,ès qualités, qui n'a pas demandé le report de la date de cessation des paiements de la société CANNOISE AZUR BIJOUX, laquelle a été fixée provisoirement au 10 août 1998 par le tribunal de la procédure collective, ne fait pas enfin la preuve qui lui incombe d'un état de cessation des paiements ancien remontant selon lui à l'époque de la cession litigieuse.

S'il résulte du rapport de l'expert comptable PRODHOMME qu'à la date du 31 décembre 1993 les valeurs réalisables et disponibles couvraient à peine les dettes à court terme, il n'est pas établi en effet qu'à cette date la société ne disposait plus d'aucune réserve de crédit, tandis que selon la situation comptable arrêtée au 30 juin 1994 l'actif circulant était de nature à répondre des dettes à court terme.

Ainsi, il n'est pas démontré qu'au jour de l'octroi du crédit litigieux la banque avait connaissance de la situation irrémédiablement compromise de la société cédée, même s'il était connu de tous, et notamment des acquéreurs, que l'exploitation de cette dernière était déficitaire (l'acte de cession fait état d'une perte de 295 086 F au 31 décembre 1993). A cet effet il sera observé que la plainte pénale pour escroquerie déposée par les époux [G] et la société L'HEURE ET L'OR le 7 mai 1997 est fondée sur la prétendue fictivité et fausseté des bilans de la société CANNOISE AZUR BIJOUX, dont il n'est nullement établi que la banque, qui ne disposait pas d'informations particulières sur la réalité de l'exploitation, pouvait avoir connaissance.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, et en considération du fait que les époux [G] étaient des professionnels avertis (M. [G] exerçait la profession de bijoutier depuis l'année 1964) et de surcroît assistés de conseils en matière juridique, comptable et financière, la cour estime par conséquent que l'établissement prêteur, qui tenu à un devoir de non immixtion n'avait pas à vérifier la faisabilité du projet en termes de marché, n'a pas accordé un crédit dont le coût était insupportable pour l'équilibre de la trésorerie de la société emprunteuse, ou incompatible pour elle avec toute rentabilité.

La banque n'a pas plus pratiqué une politique de crédits ruineux, alors d'une part qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que les taux d'intérêt stipulés étaient supérieurs aux taux du marché de l'époque et d'autre part que les sommes empruntées moyennant un taux fixe étaient remboursables par mensualités constantes.

En toute hypothèse ce sont incontestablement des événements postérieurs à l'octroi du crédit litigieux qui ont conduit quatre années plus tard les sociétés L'HEURE ET L'OR et CANNOISE AZUR BIJOUX, ainsi que les époux [G], à la liquidation judiciaire.

Le jugement qui a étendu la procédure collective à la société CANNOISE AZUR BIJOUX est fondé en effet sur le défaut de diligence de la société L'HEURE ET L'OR ,qui a négligé de recouvrer le prix du stock de bijoux cédé à sa filiale, y compris en 1998 à l'époque où cette dernière a cédé son droit au bail pour la somme de 1,3 millions de francs.

De même l'extension sanction de la procédure collective aux époux [G] est fondée sur la revente par ces derniers pour leur propre compte du stock de bijoux restant, ce qui a privé les sociétés d'une partie importante de leur chiffre d'affaires.

Enfin le rapport d'analyse commandé à l'expert-comptable [X] par les époux [G] impute principalement les difficultés aux faits que la comptabilité des deux sociétés ne reflétait pas la réalité de l'exploitation, avec pour conséquence une double taxation sur le même chiffre d'affaires, et que le stock de bijoux a été surévalué, ce que la banque, qui n'est pas un professionnel de la bijouterie, pouvait légitimement ignorer.

Ne faisant pas la preuve d'une faute de la banque dans l'octroi du crédit en relation causale avec le préjudice subi par la collectivité des créanciers de la liquidation judiciaire commune aux trois débiteurs, Me [N], ès qualités, sera par conséquent débouté, par voie d'infirmation du jugement déféré, de l'ensemble de ses demandes indemnitaires.

L'équité ne commande pas toutefois de faire application en cause d'appel de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'appelante.

*

* *

PAR CES MOTIFS

LA COUR

statuant sur renvoi de cassation contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déclare les époux [F] et [S] [G] irrecevables en leur action,

Déclare Me [N], ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire commune des sociétés L'HEURE ET L'OR et CANNOISE AZUR BIJOUX et des époux [G], irrecevable en sa demande en réparation du préjudice personnel subi par les époux [G],

Déboute Me [N], ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire commune des sociétés L'HEURE ET L'OR et CANNOISE AZUR BIJOUX et des époux [G] , de sa demande en réparation du préjudice collectif subi par les créanciers de la procédure de liquidation judiciaire étendue formée à l'encontre de la SA BNP PARIBAS,

Dit n'y avoir lieu en cause d'appel à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties,

Condamne Me [N] , ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire commune des sociétés L'HEURE ET L'OR et CANNOISE AZUR BIJOUX et des époux [G] , aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris ceux afférents à la décision cassée.

SIGNE par Madame ROLIN, Président et par Madame AMARI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 05/03224
Date de la décision : 07/03/2013

Références :

Cour d'appel de Grenoble 07, arrêt n°05/03224 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-03-07;05.03224 ?
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