RG N° 09/02376
J.L. B.
N° Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
S.C.P. [S]
S.C.P. [G]
Me RAMILLON
S.C.P. [T]
S.E.LA.R.L. [M]
& MIHAJLOVIC
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRET DU JEUDI 27 OCTOBRE 2011
Appel d'une décision (N° RG 07/03527)
rendue par le Tribunal de Grande Instance de VALENCE
en date du 19 mai 2009
suivant déclaration d'appel du 04 Juin 2009
APPELANTE :
S.A.S. GTI GROUPE
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Marie-france RAMILLON, avoué à la Cour
assistée de Me Joseph PALAZZOLO substitué par Me CHAURAND, avocats au barreau de LYON
INTIME :
Monsieur [N] [X]
né le [Date naissance 2] 1964
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour
assisté de Me GOURRET, avocat au barreau de VALENCE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Jean-Louis BERNAUD, Conseiller, faisant fonction de Président,
Mme Fabienne PAGES, Conseiller,
Mme Annick ISOLA, Vice-Président placé,
Assistés lors des débats de Mme Nadine LEICKNER, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique du 15 Septembre 2011, Monsieur BERNAUD, Conseiller, faisant fonction de Président, a été entendu en son rapport
Les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu ce jour,
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La société GTI GROUPE est propriétaire d'un vaste terrain situé à [Localité 4] (Drôme) à proximité de l'aéroport de la ville de [Localité 6] sur lequel elle a réalisé divers aménagements immobiliers.
Par quatre baux notariés du 9 octobre 2006 la société GTI GROUPE a donné en location à la société WINGLETS, spécialisée dans la fourniture de prestations aéronautiques et dirigée par M. [N] [X], divers locaux à usage de bureaux, de hangars pour le stationnement des avions et d'habitation (deux studios).
Le dirigeant s'est porté caution solidaire des engagements de la société WINGLETS dans chacun des baux sans limitation de durée.
Le 20 juillet 2007 la société WINGLETS a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce d'Avignon.
Sur autorisation du juge commissaire en date du 9 août 2007 le liquidateur judiciaire de la société WINGLETS n'a pas poursuivi les baux.
La société GTI GROUPE a déclaré le 29 août 2007 au passif chirographaire une créance de 13 179,64 € représentant les loyers du mois d'août 2007 pour chacun des locaux loués, la taxe foncière de l'année 2007, des consommations d'eau et d'électricité et des frais d'huissier.
Par acte d'huissier du 15 octobre 2007 la société GTI GROUPE a fait assigner M. [N] [X] en sa qualité de caution solidaire des engagements de la société WINGLETS en paiement de la somme principale de 427 668,69 € outre intérêts au taux légal représentant le montant de l'indemnité contractuelle de résiliation anticipée des baux.
Par acte d'huissier du 22 janvier 2008 la société GTI GROUPE a fait délivrer à M. [N] [X] un commandement de payer aux fins de saisie vente pour recouvrement de la somme de 17 389,34 € représentant les loyers impayés des mois d'août, septembre et octobre 2007 outre frais.
Le 29 janvier 2008 M. [N] [X] a formé opposition à ce commandement et a fait assigner la société GTI GROUPE à cette fin.
Les deux instances ainsi introduites devant le tribunal de grande instance de Valence ont fait l'objet d'une jonction par ordonnance du 9 mai 2008.
Par jugement du 19 mai 2009 le tribunal de grande instance de Valence a constaté que la société GTI GROUPE avait déclaré au passif de la liquidation judiciaire une créance de 13 179,64 € à titre chirographaire, a dit et jugé que la caution était déchargée de ses obligations au-delà de cette somme en application de l'article 2314 du Code civil et a condamné M. [N] [X] au profit de la société GTI GROUPE dans la limite des 13 179,64€ déclarés outre intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2007.
La société GTI GROUPE a relevé appel de cette décision selon déclaration reçue le 4 juin 2009.
Vu les conclusions récapitulatives signifiées et déposées le 11 mai 2011 par la SAS GTI GROUPE qui sollicite, par voie de réformation du jugement, la condamnation de M. [N] [X] à lui payer la somme de 427 668,69 € et subsidiairement celle de 350 000 € , outre intérêts au taux légal capitalisés à compter du 15 octobre 2007 et sur la somme de 13 179,64 € à compter du 16 juillet 2007 et indemnité de procédure de 5 000 €, aux motifs que les immeubles ayant été édifiés spécialement pour le preneur, il a été stipulé dans chacun des quatre baux authentiques qu'en cas de résiliation anticipée avant la fin des six premières années il serait dû une indemnité équivalente au nombre de mois de location restant à courir du jour de la résiliation au 31 décembre 2013, qu'en application de cette clause M. [N] [X] est redevable d'une somme globale de 427 668,69 € qu'il n'a jamais contestée dans son quantum, que depuis la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 les créances non déclarées ne sont plus frappées extinction, ce qui laisse le créancier libre d'agir à l'encontre de la caution solidaire, que sur le fondement de l'article 2314 du Code civil la caution n'est déchargée qu'à concurrence de la valeur des droits pouvant lui être transmis par subrogation et à la condition qu'elle démontre qu'elle aurait pu tirer un profit effectif des droits susceptibles de lui être transmis, qu'en l'espèce M. [X] ne justifie pas d'un préjudice alors que la créance garantie ne bénéficie d'aucun privilège et qu'aucun créancier chirographaire n'a pu être désintéressé ainsi qu'en atteste le liquidateur judiciaire, que l'engagement de caution litigieux est proportionné à la situation de fortune de M. [X] qui possède une villa estimée à plus de 470 000 €, étant observé que l'aéronef, qui constituait le seul actif de la société WINGLETS, a été curieusement cédé au père du dirigeant par un acte daté du 21 décembre 2006.
Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 21 juin2011 par M. [N] [X] qui sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de la société GTI GROUPE au-delà de la somme déclarée au passif de la liquidation judiciaire,
qui par voie d'appel incident s'oppose au paiement de la somme de 13 179,64 €, qui en toute hypothèse sollicite la réduction de son engagement de caution sur le fondement de l'article 2288 du Code civil et qui en toute hypothèse prétend obtenir une indemnité de 3000 € pour frais irrépétibles aux motifs que si le défaut de déclaration au passif n'entraîne plus l'extinction de la créance, la caution, qui est empêchée du fait de la carence du créancier de poursuivre par subrogation le paiement de sa propre créance à l'encontre du débiteur principal, est néanmoins déchargée de ses obligations en application de l'article 2314 du Code civil, qu'à défaut de déclaration, qui aurait pu lui profiter par voie de subrogation, il a été privé de toute possibilité de se prévaloir de la contestation que n'aurait pas manqué d'élever le mandataire liquidateur en raison du manquement du bailleur à son obligation de délivrance, que l'engagement souscrit est en toute hypothèse disproportionné à ses biens et revenus alors qu'il n'est propriétaire que de la moitié d'un immeuble d'habitation acquis en communauté au moyen d'un emprunt et que ses revenus sont très modestes, que les loyers objet de la déclaration de créances ont été payés, tandis que le propriétaire demeure en possession d'un dépôt de garantie de 11 524,66 €, que la taxe foncière de l'année 2007 n'est pas justifiée.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur les conséquences du défaut de déclaration au passif et sur l'exception de subrogation
Il est constant que la société GTI GROUPE n'a déclaré au passif chirographaire q'une créance de 13 179,64 € représentant les loyers du mois d'août 2007 pour chacun des locaux loués, la taxe foncière de l'année 2007, des consommations d'eau et d'électricité et des frais d'huissier.
Aux termes de l'article L. 622 ' 26 du code de commerce dans sa rédaction, applicable en la cause, de la loi du 26 juillet 2005 « A défaut de déclaration dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle est due à une omission volontaire du débiteur lors de l'établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6. Ils ne peuvent alors concourir que pour les distributions postérieures à leur demande ».
La défaillance du créancier, qui a négligé de déclarer les sommes dues dans les délais légaux et qui n'a pas été relevé de la forclusion, a pour effet, non pas d'éteindre sa créance comme le prévoyait la législation antérieure, mais de l'exclure des répartitions et dividendes.
Cette sanction d'inopposabilité de la créance non déclarée à la procédure collective ne constitue pas une exception inhérente à la dette, susceptible d'être invoquée par la caution pour se soustraire à son engagement.
Selon l'article 2314 du Code civil « La caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution. Toute clause contraire est réputée non écrite ».
S'il est certain en l'espèce que le défaut de déclaration au passif de la créance d'indemnité de résiliation anticipée prive la caution du droit préférentiel de poursuivre par subrogation le paiement de sa propre créance à l'encontre du débiteur principal, la décharge prévue par le texte susvisé ne pourrait toutefois produire son effet que si M. [N] [X] avait pu tirer un avantage effectif du droit d'être admis dans les répartitions et dividendes, susceptible de lui être transmis par subrogation.
Or par courrier du 15 juillet 2009 le mandataire liquidateur de la SARL WINGLETS a informé le conseil de la société GTI GROUPE que la clôture de la procédure collective pour insuffisance d'actif avait été prononcée par jugement du 4 juin 2008 et qu'aucun créancier chirographaire n'avait pu être désintéressé, ce dont il résulte que M. [X] , qui n'aurait pu obtenir un quelconque paiement sur recours subrogatoire, n'a subi aucun préjudice.
A cet effet la cour observe qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que la créance indemnitaire litigieuse était susceptible d'être garantie par le privilège spécial de l'article 2332 du Code civil.
Il sera observé en outre que le fait d'être privé de la possibilité de bénéficier de la contestation éventuelle du représentant des créanciers ne constitue qu'un préjudice purement hypothétique ; étant précisé qu'en l'absence de décision d'admission M. [X] est recevable à opposer à la demande toutes les exceptions inhérentes à la dette, ce qu'il ne fait pas puisqu'il se borne à affirmer que le mandataire judiciaire aurait pu se prévaloir d'un défaut de délivrance sans opposer lui-même ce moyen à la demande et sans apporter au demeurant un quelconque élément de preuve à l'appui de cette affirmation gratuite.
Par voie d'infirmation du jugement déféré il sera par conséquent dit et jugé que M. [X] ne peut prétendre être déchargé de son engagement de garantie sur le fondement des articles L.622-26 du code de commerce et 2314 du Code civil.
Sur la solvabilité de la caution
Recherchant la responsabilité contractuelle de la société bailleresse pour manquement à son obligation de contracter de bonne foi, M. [X] demande réparation du préjudice que lui causerait la disproportion entre le montant de son engagement et sa situation de fortune.
Prétendant que le cautionnement souscrit est excessif et qu'il doit être réduit à la mesure des biens qu'il pouvait offrir en garantie, il n'invoque pas les dispositions particulières de l'article L.341 '4 du code de la consommation.
Sa demande de nature indemnitaire doit donc être appréciée en considération de sa qualité de caution dirigeante ,présumée avertie.
Ne prétendant pas dés lors que la société GTI GROUPE aurait eu, sur ses ressources et sur ses facultés de remboursement, des informations qu'il aurait lui-même ignorées, il n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de cette dernière à raison de la disproportion prétendue qui aurait existé entre le montant de son engagement et ses biens et revenus.
Au demeurant il est établi et non contesté que Monsieur [X] est propriétaire à [Localité 5] d'une maison d'habitation édifiée sur un terrain de 1230 m² d'une valeur estimée de 470 000 €, qui apparaît de nature à répondre de l'engagement litigieux, peu important que l'immeuble dépende de la communauté de biens existant entre les époux [X] dès lors que le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs ; étant observé qu'il n'est pas justifié des sommes restant dues sur le prêt contracté pour l'acquisition de cette propriété.
Sur les sommes dues
Chacun des quatre baux notariés contient une clause mettant à la charge du preneur en cas de résiliation anticipée une indemnité égale au nombre de mois de location en principal, charges et taxes foncières restant à courir du jour de la résiliation au 31 décembre 2013.
En application de cette clause il est dû une somme non contestée dans son quantum de 414 489,05 € pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2013.
M. [X] , qui s'est porté caution solidaire dans chacun des baux « pour l'exécution de toutes les obligations contractées par le locataire, sans exception », sera par conséquent condamné au paiement de cette somme.
S'agissant de la somme de 13 179,64 € déclarée au passif de la société WINGLETS au titre du loyer du mois d'août 2007, de la taxe foncière 2007 pour l'ensemble des locaux, des frais d'eau et d'électricité et des frais d'actes d'huissier, il sera observé d'une part que M. [X] ne fait pas la preuve qui lui incombe du paiement des loyers du mois d'août 2007, et d'autre part qu'il est justifié du montant de la taxe foncière par l'avis d'imposition de l'année 2008 et par le relevé de propriété émanant de l'administration fiscale.
Il résulte en revanche du courrier du liquidateur judiciaire en date du 18 août 2009 que le dépôt de garantie en possession de la société bailleresse n'a jamais été restitué.
La somme non contestée dans son quantum de 11 524,66 € sera par conséquent déduite de la somme susvisée de 13 179,64 €, alors que la société GTI GROUPE , qui a repris possession des lieux, n'invoque aucun motif de rétention.
Il sera par conséquent fait droit à ce chef de demande dans la limite de la somme de 1654,98 €.
Les sommes dues porteront intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance du 15 octobre 2007, avec capitalisation annuelle dans les conditions de l'article 1154 du Code civil dont l'application est de droit.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société appelante.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau :
'dit et juge que M. [N] [X] ne peut prétendre être déchargé de ses obligations sur le fondement de l'article 2314 du Code civil,
'dit n'y avoir lieu à réduction de l'engagement de caution,
'condamne M. [N] [X] à payer à la SAS GTI GROUPE les sommes de 414 489,05 € et de 1654,98 € outre intérêts au taux légal capitalisés annuellement dans les conditions de l'article 1154 du Code civil à compter du 15 octobre 2007,
'dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société GTI GROUPE ,
Condamne M. [N] [X] aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de maître RAMILLON, avoué.
SIGNE par Monsieur BERNAUD, Conseiller, faisant fonction de Président et par Madame LEICKNER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président