La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/09/2009 | FRANCE | N°07/592

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 14 septembre 2009, 07/592


RG No 09/00579


No Minute :


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


COUR D'APPEL DE GRENOBLE


CHAMBRE SOCIALE


ARRET DU LUNDI 14 SEPTEMBRE 2009


Appel d'une décision (No RG 07/592)
rendue par le Conseil de Prud'hommes de VALENCE
en date du 19 janvier 2009
suivant déclaration d'appel du 29 Janvier 2009




APPELANTE :


La S.A. LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES X... prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
La Croix des Archers
56200 LA GACIL

LY


Représentée par Me Michel PEIGNARD (avocat au barreau de VANNES)


INTIMEE :


Madame Isabelle Y...


...

26000 VALENCE


Comparante et assis...

RG No 09/00579

No Minute :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU LUNDI 14 SEPTEMBRE 2009

Appel d'une décision (No RG 07/592)
rendue par le Conseil de Prud'hommes de VALENCE
en date du 19 janvier 2009
suivant déclaration d'appel du 29 Janvier 2009

APPELANTE :

La S.A. LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES X... prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
La Croix des Archers
56200 LA GACILLY

Représentée par Me Michel PEIGNARD (avocat au barreau de VANNES)

INTIMEE :

Madame Isabelle Y...

...

26000 VALENCE

Comparante et assistée par Me Charlotte BELLET (avocat au barreau de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre,
Monsieur Eric SEGUY, Conseiller,
Madame Dominique JACOB, Conseiller,

Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.

DEBATS :

A l'audience publique du 22 Juin 2009,
Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 14 Septembre 2009.

L'arrêt a été rendu le 14 Septembre 2009.Notifié le :
Grosse délivrée le :
RG 09 579 DJ
EXPOSE DU LITIGE
Isabelle Y... a constitué avec son conjoint, en juin 2000, la SARL IZA qui a pour objet l'exploitation d'un fonds de commerce de vente de produits de beauté et de soins esthétiques sous l'enseigne YVES X... et pour siège social, l'adresse de l'institut, 21, rue Emile Augier à Valence.
La SARL IZA représentée par sa gérante, Isabelle Y..., a signé, concomitamment, un contrat de gérance libre avec la SA LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES X... (ci-après dénommée la SA YVES X...), contrat qui a été renouvelé par acte du 29 septembre 2003 pour une durée de trois ans à compter du 21 juin 2003.
Par lettre du 1er mars 2006, la SA YVES X... a notifié à la SARL IZA - Isabelle Y... son intention de ne pas renouveler le contrat à son échéance le 20 juin 2006.
La SARL IZA a été déclarée en liquidation judiciaire le 28 juin 2006.
Le 13 juillet 2006, Isabelle Y... a saisi le Conseil de Prud'hommes de Valence d'une demande de requalification du contrat de gérance en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, sollicitant du conseil qu'il dise que la rupture du contrat est imputable à la SA YVES X... et s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et lui alloue diverses sommes à caractère salarial (heures supplémentaires notamment) et indemnitaire.

Après radiation de l'affaire et réinscription au rôle le 27 septembre 2007, le Conseil de Prud'hommes statuant en formation de départage le 19 janvier 2009, a rejeté l'exception d'incompétence d'attribution soulevée par la SA YVES X..., s'est déclaré compétent pour statuer sur les demandes formées par Isabelle Y..., a rejeté la demande en versement de dommages et intérêts liée à l'exception d'incompétence et a ordonné, sauf contredit, la réouverture des débats, en invitant la SA YVES X... à présenter ses observations sur le fond de l'affaire.

La SA YVES X... a formé contredit le 29 janvier 2009. Elle sollicite l'infirmation du jugement et demande à la cour de :
- constater qu'elle a toujours eu comme co-contractante la SARL IZA ;
- dire que l'article L 781-1 du code du travail, devenu l'article L 7321-2, n'est pas applicable puisque Isabelle Y..., personne physique, n'a pas été chargée dans le cadre d'une relation contractuelle de procéder à la vente de marchandises fournies exclusivement par elle,
- renvoyer Isabelle Y... à saisir le Tribunal de Commerce de Vannes ;
- condamner Isabelle Y... à lui payer 10.000 € à titre de dommages et intérêts et 5.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle conteste le caractère prétendument fictif de la SARL IZA, faisant valoir :
- qu'il n'existe pas de clause intuitu personae au bénéfice de Isabelle Y... ;
- que le contrat a été passé avec la seule la SARL IZA, sans obligation pour cette société d'avoir comme gérante Isabelle Y..., seuls la cession importante de parts sociales et le changement d'administrateurs étant soumis à l'agrément de la SA YVES X... ;

- qu'elle travaille avec des franchisées et des locataires gérantes qui peuvent être des sociétés mais aussi des personnes physiques (ainsi, en 2000, elle avait passé 22 contrats de location gérance avec des personnes physiques et 35 avec des personnes morales), et que l'objet social de la SARL IZA dépassait le simple cadre de l'exploitation d'un institut sous l'enseigne YVES X... ;
- qu'elle n'a jamais participé à la constitution du capital social de la SARL IZA, (d'un montant de 8.000 €), la somme de 3.646 € apportée en 2005 l'ayant été dans le cadre d'une exonération de redevances calculée sur une demi-cabine ;
- qu'il n'existe pas de lien de subordination, la SARL IZA ayant toujours été indépendante et libre : qu'elle avait son propre expert comptable, recrutait ses salariées dont elle fixait les horaires et les salaires et sur lesquelles elle avait tous les pouvoirs de sanction ;

très subsidiairement, sur les relations avec Isabelle Y... :
rappelant que les conditions posées par l'article L 781-1 alinéa 2 sont cumulatives et que l'absence d'une seule d'entre elles exclut la requalification du contrat,
1o) sur le caractère essentiel de l'activité de vente de produits YVES X... :
- que la SARL IZA avait une activité de prestation de soins (soins du corps, du visage et application d'UV), dont il importe peu qu'elle ait été prévue ou non au contrat, et pour laquelle elle avait toute liberté et toute autonomie pour déterminer les techniques utilisées et fixer les prix des soins ; qu'en outre les prestations de soins n'étaient pas liées aux produits vendus ;
- que pour apprécier et comparer la rentabilité des activités exercées ( vente de produits d'une part et soins d'autre part), il ne faut pas retenir les chiffres d'affaires respectifs, mais la marge dégagée, soit en moyenne pour la vente 32 à 33 % et pour les soins 92 à 93 % ;
- que l'activité essentielle était donc, non pas la vente de produits de beauté, mais l'activité de soins ;
2o) surabondamment, sur l'exclusivité de fourniture :
- qu'elle n'existe pas puisque l'article 7-2 du contrat de location gérance permettait à la SARL IZA de mettre en vente des produits comparables à ceux commercialisés par la SA YVES X..., à la seule condition qu'ils soient compatibles avec l'image des instituts;
3o) sur le local :
- que la fourniture du local n'est pas une condition suffisante ;
4o) sur les conditions d'exploitation :
- que la SARL IZA devait appliquer les procédures mises au point en terme de savoir faire et les instructions données tant pour la décoration des centres, que pour la présentation des produits et la qualité des services, dans le but d'assurer la réputation de la marque et l'homogénéité du réseau, mais qu'il ne s'agissait nullement d'une coercition ;
- que la locataire gérante bénéficiait d'une autonomie de gestion et de direction ;
- qu'il n'existait pas de prix imposés.

Isabelle Y..., intimée, demande à la cour de confirmer le jugement, de renvoyer les parties devant le Conseil de Prud'hommes de Valence pour qu'il soit statué sur ses demandes, de débouter la SA YVES X... de toutes ses prétentions et de condamner celle-ci à lui payer 5.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir :
- que, sans même avoir à démontrer la fictivité de la SARL IZA, il est de jurisprudence constante que les dispositions du code du travail sont applicables aux gérants de succursales, exploitants personnes physiques, lorsque les conditions de l'article L 7321-2 de ce code sont réunies, alors même que la gérance a été confiée par le fournisseur à une société au sein de laquelle travaille celui qui sollicite l'application de ces dispositions ;
1o) que le contrat de gérance stipulait une clause d'approvisionnement exclusif et qu'elle devait notamment respecter les instructions et procédures mise en place par la SA YVES X..., l'informer de son chiffre d'affaires, verser une redevance ;
- qu'elle n'exerçait aucune activité annexe autonome, puisque l'activité de soins était prévue au contrat et que le contrat ne lui laissait aucune possibilité d'exercer une autre profession dans l'institut ;
- que le critère à retenir est la profession de vente de marchandises fournies exclusivement par la SA YVES X... et non la marge, qui n'est qu'un critère de gestion ;
2o) que la SA YVES X... a fourni le local d'exploitation ;
3o) que la SA YVES X... lui imposait les conditions d'exploitation :
- son salaire était fixé unilatéralement par la SA YVES X... à travers le compte d'exploitation prévisionnel élaboré par la SA YVES X... et imposé à la signature du contrat de location gérance ;
- elle était seule cadre du magasin et signait les contrats de travail et organisait les plannings, mais c'est la SA YVES X... qui imposait la grille des salaires et le licenciement des salariées et procédait à l'évaluation de l'équipe et aux contrôles de la gestion de la locataire gérante ;
- il lui était imposé toute une série d'obligations au terme du contrat, des catalogues mensuels, des guides de procédure, des courriels quotidiens et courriers, qui ne lui laissaient aucune marge de manoeuvre ;
4o) que la SA YVES X... lui imposait les prix des produits et des soins (catalogues, affiches publicitaires, mailings, chéquiers avantages à distribuer à la clientèle, site internet);
- qu'au surplus aucune politique personnelle de prix ne pouvait être menée en l'état des contrôles effectués par la SA YVES X... et de la très faible marge dégagée.

A titre surabondant, elle soutient que les conditions posées par la cour de cassation pour démontrer qu'une société d'exploitation est fictive sont en l'espèce réunies :
- c'est la SA YVES X... qui lui a demandé de constituer une SARL pour exploiter l'institut sous son enseigne, et le contrat de location gérance libre est expressément conclu en considération de sa personne ;
- elle détenait 50 % des parts et était seule à participer aux bénéfices et aux pertes de la société contrairement à ce qu'exige l'article 1832 du code civil ; la SA YVES X... a pris en charge les pertes enregistrées par des locataires-gérantes en leur versant des aides et en les exonérant de redevances cabine (elle-même s'est vu allouer une aide de 3.646 € ) ; la SA YVES X... lui faisait obligation de communiquer ses chiffres d'affaires quotidiens et ses bilans ;
- enfin les termes mêmes du contrat de location gérance confirment la réalité du lien de subordination.

MOTIFS DE LA DÉCISION
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues oralement et sans modification à l'audience.
Il appartient à la juridiction prud'homale saisie de demandes formées en application de la législation sociale de restituer aux faits et actes litigieux leur exacte qualification et, pour ce faire, d'apprécier si, en l'espèce, Isabelle Y... avait la qualité de salariée ou exerçait une activité professionnelle pour le compte de la SA YVES X... dans les conditions fixées par l'article L 781-1 du code du travail, et de vérifier s'il existait un lien direct entre elle et YVES X... et donc de déterminer si la SARL IZA n'était qu'une société de façade.

Le contrat de gérance libre versé aux débats est celui qui a été signé le 29 septembre 2003 entre la SA YVES X... et la SARL IZA, dénommée "gérante libre".
Si le contrat prend le soin de préciser, à l'article 5, que la "gérante libre (la société) aura la pleine et entière liberté de la direction et de l'exploitation du fonds, sous sa seule responsabilité" et qu'elle "reconnaît devoir diriger personnellement son Institut de Beauté YVES ROCHER, et être seul(e) responsable de l'engagement et du renvoi de ses employés, ainsi que de leur rémunération", il ressort des circonstances factuelles de l'exploitation du fonds que celle-ci procède en réalité de l'activité personnelle de la gérante de la SARL IZA, personne physique.
En effet il n'est pas contesté que la SARL IZA a été créée concomitamment à la signature du contrat de gérance pour permettre à Isabelle Y... de succéder à une franchisée qui avait exploité un Institut Yves Rocher dans un autre local à Valence et que, s'il n'a pas été imposé à la société d'avoir pour gérante Isabelle Y..., il est toutefois expressément stipulé que "La présente gérance libre est consentie personnellement à la gérante libre. La cession totale ou partielle en est donc formellement interdite quelle qu'en soit la forme et même par apport à une autre société. Il est en outre rappelé que tout changement de dirigeants sociaux et toute cession des parts devront être soumis à l'agrément préalable et écrit de la Société , sous peine de résiliation" (article 15 du contrat).
Parmi les causes de résiliation du contrat listées à l'article 13 figurent ainsi :
- le cas où la gérante libre "abandonnerait ou transmettrait sans autorisation le contrôle de l'exploitation de l'Institut, qu'elle qu'en soit la forme (vente, donation, apport en société, constitution d'usufruit, etc...)",
- "l'hypothèse où il y aurait modification importante dans la structure, soit par remplacement du personnel dirigeant (gérant, associés, etc...) soit par modification du capital social (changement de majorité, transfert important de part ou d'actions, etc...) qui n'aurait pas été approuvée par la Société",
- si la gérante libre "acquérait des intérêts dans ou participait directement ou indirectement à une activité commerciale concurrente".
Ainsi la SA YVES X... reconnaît dans ses écritures d'appel qu'elle entendait être certaine que la Société IZA serait dirigée par une personne tout à fait apte à recevoir la clientèle, dès lors que, comme cela est expressément stipulé à l'article 1er du contrat, "le fonds s'intègre dans le réseau des Instituts de Beauté Yves X... et qu'à ce titre, il devra respecter l'ensemble des normes relatives à l'identité propre et à l'uniformité de ce réseau, et bénéficiera du savoir-faire développé par LBV YVES X... SA".
L'exploitation de l'Institut de Beauté était donc exercée, dans le cadre d'un montage juridique de façade constitué par une société fictive et un contrat de gérance, non par la personne morale, mais par la gérante de la société commerciale, Isabelle Y..., du fait même de ses compétences reconnues en matière de gestion d'un commerce, l'autre associé, son conjoint, n'ayant aucunement suivi la formation dispensée par YVES X....
En conséquence l'existence de cette société ne peut priver Isabelle Y... des droits qu'elle tient, à titre individuel, des dispositions de l'article L 781-1 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, et selon lesquelles les dispositions du code du travail sont applicables aux personnes "dont la profession consiste essentiellement à vendre des marchandises ou denrées de toute nature (..) qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise industrielle ou commerciale (...) lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par ladite entreprise".

En l'occurrence l'ensemble des conditions imposées par la SA YVES X... au terme du contrat de gérance montre, sans ambiguïté, que Isabelle Y... ne pouvait vendre que des produits fournis exclusivement par YVES X..., qu'elle exerçait son activité dans un local fourni par YVES X... et qu'elle ne disposait d'aucune autonomie dans l'exploitation de l'institut et devait se conformer aux consignes et à la politique tarifaire qui lui étaient imposées.
En effet, le contrat de gérance impose à la gérante notamment :
- article 5- 4, de "maintenir et exploiter personnellement avec l'aide d'une ou plusieurs esthéticiennes, un ou plusieurs modules et cabines de soins esthétiques Yves X... dans lesquels seuls les produits expressément autorisés par la Société et les traitements et méthodes de soins spécifiques mis au point et régulièrement améliorés par la Société LBV Yves X..., pourront être respectivement utilisés et effectués. La gérante libre s'engage à ne pas pratiquer dans son Institut Yves Rocher des soins qui n'auraient pas été préalablement approuvés par écrit par ladite Société."
- article 5- 7, de "tenir la Société informée de son chiffre d'affaires (vente de produits, accessoires et soins), de ses frais de promotion et de publicité. Elle facilitera aux représentants de la Société les contrôles que cette dernière pourrait périodiquement juger appropriés, en particulier en ce qui concerne les stocks. La gérante libre fournira à la Société une copie de ses états financiers annuels (bilan, compte de résultats) tels qu'ils ressortent des déclarations fiscales des sociétés ou des commerçants individuels."
- article 7, de "s'approvisionner exclusivement auprès de la Société LBV Yves X...", de ne "pas approvisionner son institut de beauté Yves X... et (de) ne pas vendre des produits qui n'auraient pas été approuvés expressément par la Société LBV Yves X..., sans avoir informé au préalable et par écrit la Société de son intention de le faire, et donnant à celle-ci la possibilité de déterminer si les caractéristiques et les qualités de ces produits sont comparables à ceux qu'elle a antérieurement approuvés, et s'ils sont compatibles avec l'image de marque des Instituts de Beauté Yves X...".
La SA YVES X... soutient que l'activité effectivement exercée dans l'institut échappait en grande partie à la vente de marchandises en ce qu'elle comportait une part importante de soins en cabine pour la réalisation desquels Isabelle Y... avait toute liberté et toute autonomie dans la détermination des techniques utilisées et dans la fixation des prix et de la durée des soins.
Quand bien même l'activité de soins était importante, s'agissant d'un institut de beauté dont la vocation est non seulement de vendre des produits mais aussi de prodiguer des soins – ainsi sur les 70 m² de surface de vente de l'institut, 60 m² étaient à usage de cabines où travaillaient en moyenne quatre esthéticiennes – force est de constater que cette activité était expressément prévue au contrat de gérance, comme cela a été mentionné plus haut (article 5- 4).
Par ailleurs il ne s'agit pas d'une activité complémentaire, distincte et autonome de la vente de produits dont Isabelle Y... aurait tiré un revenu permettant de considérer comme non essentielle son activité de vente, dès lors qu'il résulte des catalogues versés aux débats et des nombreux messages électroniques adressés par la SA YVES X... que l'activité de soins est liée aux produits fournis exclusivement par YVES X....

L'activité essentielle était donc bien la vente des produits YVES X..., la possibilité visée au contrat (article 7-2) d'acquérir des produits auprès d'autres fournisseurs étant strictement encadrée : "la gérante libre s'oblige à ne pas approvisionner son institut de beauté YVES X..., et à ne pas vendre des produits qui n'auraient pas été approuvés expressément par YVES X..., sans avoir informé préalablement et par écrit la société des son intention de le faire, et donnant à celle-ci la possibilité de déterminer si les caractéristiques et les qualités de ces produits sont comparables à ceux qu'elle a antérieurement approuvés, et s'ils sont compatibles avec l'image de marque des instituts de beauté YVES X...", et aucune pièce du dossier ne montrant qu'il a été procédé, de fait, ainsi.
En ce qui concerne les conditions d'exploitation, outre les mentions portées au contrat de gérance, les pièces versées aux débats démontrent que, dans les faits, les instructions de la SA YVES X... étaient nombreuses ; qu'elles concernaient tous les aspects de l'exploitation (décoration de l'institut, éclairage intérieur et extérieur, agencement, mobilier, aménagement et équipement des cabines de soins, tenus vestimentaire des esthéticiennes, présentation des produits, techniques de vente et de conseils, méthodes de soins, campagnes publicitaires, etc...) et qu'elles étaient régulièrement contrôlées par la SA YVES X....
Par ailleurs les prix des produits étaient imposés : l'affirmation contraire de la SA YVES X..., selon laquelle si la gérante est tenue de ne pas dépasser les prix promotionnels, elle peut en revanche le faire pour les prix standards, ne tient pas compte du fait qu'en réalité YVES X... procédait à des campagnes publicitaires et à la diffusion de ses tarifs ne permettant pas à Isabelle Y... de pratiquer une politique de prix autonome.
Il résulte de tous ces éléments que les conditions d'application de l'article L 781-1 du code du travail sont remplies et que Isabelle Y... peut revendiquer le statut de salariée et soumettre ses demandes à la juridiction prud'homale.
La décision du Conseil de Prud'hommes doit donc être confirmée dans son intégralité.
Sur les frais de défense :
L'équité commande d'allouer à Isabelle Y... la somme de 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- Renvoie la cause et les parties devant le Conseil de Prud'hommes de Valence pour qu'il soit statué au fond sur les demandes de Isabelle Y...,

- Condamne la SA YVES X... à payer à Isabelle Y... la somme de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
- Condamne la SA YVES X... aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur DELPEUCH, président, et par Madame VERDAN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Numéro d'arrêt : 07/592
Date de la décision : 14/09/2009

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Valence


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-09-14;07.592 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award