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17/11/2008 | FRANCE | N°07/00161

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 17 novembre 2008, 07/00161


RG No 08 / 01155

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU LUNDI 17 NOVEMBRE 2008

Appel d'une décision (No RG 07 / 00161)
rendue par le Conseil de Prud'hommes de MONTELIMAR
en date du 12 février 2008
suivant déclaration d'appel du 04 Mars 2008



APPELANTE :

La S. A. S. ENDEL prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
165 Boulevard de Valmy
92707 COLOMBES

Représentée par Me Bruno DEGUERRY (avocat au barreau de LYON)

INTIME :

Monsieur Sébastien X...

Chez Monsieur José Y...


...

84410 BEDOIN

Comparant et assisté par la SELARL BAUDEAU-LEVY (avocats au ...

RG No 08 / 01155

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU LUNDI 17 NOVEMBRE 2008

Appel d'une décision (No RG 07 / 00161)
rendue par le Conseil de Prud'hommes de MONTELIMAR
en date du 12 février 2008
suivant déclaration d'appel du 04 Mars 2008

APPELANTE :

La S. A. S. ENDEL prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
165 Boulevard de Valmy
92707 COLOMBES

Représentée par Me Bruno DEGUERRY (avocat au barreau de LYON)

INTIME :

Monsieur Sébastien X...

Chez Monsieur José Y...

...

84410 BEDOIN

Comparant et assisté par la SELARL BAUDEAU-LEVY (avocats au barreau de ROUEN)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur Jean-François GALLICE, Conseiller, faisant fonction de Président,
Monsieur Eric SEGUY, Conseiller,
Madame Dominique JACOB, Conseiller,

Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.

DEBATS :

A l'audience publique du 13 Octobre 2008,
Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 17 Novembre 2008.

L'arrêt a été rendu le 17 Novembre 2008.

Sébastien X... a été engagé le 13 août 2001 en qualité de tourneur / opérateur électroérosion par la société DELATTRE-LEVIVIER, aux droits de laquelle se trouve placée la société ENDEL, spécialisée dans l'installation et la maintenance de tuyauteries et chaudronneries industrielles nucléaires, filiale du groupe SUEZ.

Sébastien X... était affecté à l'agence de Pierrelatte de la société ENDEL. Il est actuellement agent de maintenance niveau 3 éch. 1 coefficient 215 de la convention collective de la métallurgie de la région parisienne.

Au moment de son embauche, S. X... était domicilié à Laudun (Gard) à 45 km de Pierrelatte. En 2004, il a déménagé à Bollène (Vaucluse) à 10 km de Pierrelatte puis le 26 avril 2005 il a déménagé à Bedoin (Vaucluse) à 60 km de Pierrelatte.

Du fait de son déménagement en 2004, son employeur a réduit le montant des indemnités versées au titre de ses déplacements mais n'a pas augmenté ce montant consécutivement au déménagement en 2005.

Sébastien X... a vainement sollicité, en 2007, l'indemnisation de ses déplacements professionnels en tenant compte de son éloignement géographique, ce qui le conduisait selon lui à passer du régime conventionnel des petits déplacements au régime conventionnel des grands déplacements, à savoir plus de 50km et plus de 2h30 aller-retour en transports en commun, régime prévoyant le versement d'une indemnité par jour calendaire, ouvrable ou non.

Saisi le 8 juin 2007 d'une demande de rappel de 24. 000 euros d'indemnités de déplacement depuis avril 2005, le conseil de prud'hommes de Montélimar, le 12 février 2008, a condamné la société ENDEL à régler à Sébastien X... tous ses déplacements entre son domicile et son lieu de travail sur la base du contrat de travail et sur la base du kilométrage Laudun-Pierrelatte depuis le 26 avril 2005, mais a débouté Sébastien X... du surplus de ses demandes et a débouté la société de sa demande reconventionnelle, la condamnant aux dépens.

La société ENDEL, à laquelle le jugement a été notifié le 14 février 2008, a relevé appel le 4 mars 2008.

Elle demande principalement à la cour d'infirmer ce jugement, de débouter Sébastien X... de sa demande, de le condamner à lui verser une indemnité au titre des frais irrépétibles. Elle lui demande subsidiairement de limiter la réclamation à la seule période à laquelle l'employeur a été informé du dernier déménagement, à savoir à partir du 18 août 2007.

Elle fait valoir, sous le visa de l'article 1315 du code civil :
- que Sébastien X... ne justifiait d'aucune " gêne particulière " ni d'aucune " contrainte " à l'exposition de " frais inhabituels " au sens de l'article 1. 4. 1. de l'accord national du 26 février 1976 concernant l'indemnisation des frais de déplacement,
- que l'employeur s'était tout au plus engagé à indemniser les déplacements au moyen d'indemnités kilométriques sur la base de ce qui avait été convenu à l'embauche,
- qu'aucun avenant n'avait été régularisé lors du changement de domicile,
- que dans le cas d'un rapprochement domicile / travail, l'employeur pouvait retenir le domicile réel pour le calcul de cette indemnité conventionnelle de déplacement, afin de lui préserver son caractère de remboursement de frais, mais que dans le cas inverse d'un éloignement, l'employeur n'était pas tenu de verser à l'intéressé une indemnité majorée, ce qui reviendrait à permettre au salarié de modifier unilatéralement son contrat,
- que l'article 8 de la CEDH n'a pas matière à recevoir application, l'employeur n'ayant imposé à son salarié aucun changement de domicile.

Sébastien X... interjette appel incident et demande à la cour de condamner la société à lui verser :
- pour la période d'avril 2005 à septembre 2008 un solde de 44. 699, 64 € tenant compte des indemnités perçues, ainsi qu'une indemnité en deniers ou quittances pour octobre 2008,

- pour l'avenir et sous une astreinte de 1. 000 € par jour de retard l'indemnité conventionnelle en retenant son domicile réel à Bedon et son lieu de travail, le site du Tricastin,

- 3. 000 € d'indemnité pour frais irrépétibles.

Il invoque le droit au respect du domicile et le droit à la liberté d'établissement consacrés par la CEDH et l'article 9 du Code civil.

Il se prévaut de l'arrêt rendu le 1er octobre 2008 par la cour d'appel de Versailles dans le cadre d'un litige entre divers syndicats et la société ENDEL SUEZ, laquelle avait été enjointe de régulariser les frais de déplacement en tenant compte du domicile réel et en se conformant à l'accord national du 26 février 1976.

Il soutient que la question n'était pas de savoir s'il était ou non en déplacement, puisque l'employeur avait toujours considéré depuis l'embauche que Sébastien X... était en déplacement dès lors qu'il accomplissait une mission extérieure à son lieu d'attachement, ce qui avait toujours été le cas.

Il estime que la pratique de l'employeur vidait l'accord de 1976 de sa substance.

Il ajoute qu'il avait bien informé la société dès qu'il avait déménagé à Bedoin.

Sur quoi :

Attendu que la société ENDEL reconnaît que l'accord du 26 février 1976 sur les conditions de déplacements, annexe IV de la convention collective du 16 juillet 1954 des industries de la métallurgie de la région parisienne, est appliqué dans l'entreprise ;

Attendu que le contrat de travail signé entre les parties le 12 novembre 2001 prévoit que Sébastien X... est affecté à l'établissement de Pierrelatte, prévoit aussi qu'il s'engage à effectuer les déplacements professionnels requis par l'exercice de ses fonctions et qu'il percevra des indemnités de déplacement et des remboursements de frais " conformément aux dispositions en vigueur dans l'unité d'affectation " ;

Attendu qu'il résulte des éléments aux débats que la société a reconnu, pour la période en litige, que Sébastien X... a effectué des déplacements au sens de la définition contenue à l'article 1. 4 de l'accord visé en exergue et qu'elle a, contrairement à ce qu'elle prétend, tenue pour acquises les conditions prévues à cet article sur l'existence d'une gêne particulière ou sur l'exposition de frais inhabituels, puisqu'elle a régulièrement versé à Sébastien X... des indemnités kilométriques, dont le nombre et le taux sont détaillés sur les bulletins de salaires remis, correspondant à des petits déplacements, étant rappelé qu'en application de l'article 1. 5. consacré à la nature des déplacements :

" 1. 5. 1. Le déplacement étant défini comme il est dit à l'article 1. 4, on distingue deux sortes de déplacements.
1. 5. 2. le grand déplacement est celui qui, en raison de l'éloignement et du temps de voyage, empêche le salarié de rejoindre chaque soir son point de départ. Est considéré comme tel le déplacement sur un lieu d'activité éloigné de plus de 50 km du point de départ et qui nécessite un temps normal de voyage aller-retour supérieur à 2 heures 30 par un moyen de transport en commun ou celui mis à sa disposition.
1. 5. 3. Tout autre déplacement au sens du présent accord est un petit déplacement " ;

Attendu que l'article 1. 3 de l'accord national prévoit également, à propos du point de départ du déplacement, que :

1. 3. 1 : le point de départ du déplacement est fixé par le contrat de travail ou un avenant. Il peut être le domicile du salarié. A défaut de précision dans le contrat ou l'avenant le point de départ sera le domicile du salarié ;

1. 3. 2 : par domicile du salarié il convient d'entendre le lieu de son principal établissement (conformément à l'article 102 du code civil) ; l'intéressé devra justifier celui-ci lors de son embauche et signaler tout changement ultérieur " ;

Attendu que la fixation par le salarié de son domicile dans la commune de Laudun n'a pas été contractualisée le 12 novembre 2001, le contrat de travail ayant seulement indiqué l'adresse du salarié sous son identité, sans spécifier ou préciser que cette domiciliation constituait le point de départ du déplacement et sans spécifier non plus que le versement des indemnités litigieuses était subordonné au maintien du domicile dans cette commune ;

Que d'ailleurs en 2004, lors du déménagement du salarié à Bollène, la société a tenu compte unilatéralement des conséquences de ce changement géographique dans le calcul des indemnités de déplacement sans proposer une modification du contrat de travail ;

Attendu qu'il résulte par ailleurs des propres pièces de l'employeur que le salarié a bien signalé à l'agence dont il relevait de son dernier changement de domicile puisqu'une assistante administrative à Pierrelatte a transmis cette information par message électronique du 26 avril 2005 et puisque les bulletins de paye ont mentionné cette nouvelle adresse à partir de celui correspondant au mois d'avril 2005 ; qu'au demeurant cet élément n'a pas été sérieusement contesté par l'employeur à l'audience ;

Que les conditions de l'article 1. 3. 2. rappelées ci-dessus tout comme celles du contrat de travail prévoyant que le salarié devait informer sans délai l'employeur de tout changement qui interviendrait dans les situations signalées lors de l'embauche ont donc été respectées par Sébastien X... ;

Attendu que, s'agissant des éléments factuels, Sébastien X... indique dans ses écritures déposées au soutien de ses observations orales et dans les décomptes versés à l'appui, que pendant les jours travaillés composant la période en litige d'avril 2005 à octobre 2008, il avait été affecté soit au sein d'entreprises sur le site de Pierrelatte, soit sur le site du Tricastin à Bollène avenue du Comtat ;

Qu'il justifie que la distance la plus courte entre son domicile et l'un et l'autre de ces sites est respectivement de 59 et 55 km et qu'il explique, sans être non plus contesté par la partie adverse sur ces éléments de fait, que le temps de trajet au moyen d'un véhicule individuel est de l'ordre de 2 h 15 aller-retour, que le temps de trajet par véhicule de transport en commun, s'il en existait, serait supérieur à 2 h 30 et qu'aucun moyen de transport n'avait été mis à sa disposition ;

Que ces déplacements relèvent en conséquence du régime des grands déplacements ;

Attendu que c'est donc à tort que les premiers juges ont considéré que l'indemnisation litigieuse avait été contractualisée sur une base intangible de 45 km ;

Attendu que le salarié justifie par ailleurs, au moyen d'un formulaire émanant de l'agence du Tricastin de la société ENDEL, que le taux de l'indemnité de grand déplacement calendaire est de 50, 73 € ; que dans ses calculs effectués sur la base d'une indemnité de 50, 50 €, arrêtés au 13 octobre 2008 à la somme de 44. 699, 64 euros, le salarié a tenu compte, en déduction, des indemnités de déplacements versées ; qu'il a toutefois retenu aussi 29 trajets en avril 2005 alors que l'information de l'employeur n'est établie qu'à compter du 26 avril 2005 ;

Qu'il sera en conséquence fait droit à son premier chef de demande, s'agissant du passé, sauf à fixer le rappel à 43. 735, 42 € pour tenir compte de l'observation ci-dessus ;

Attendu que dans le cadre du litige ayant opposé la fédération des travailleurs de la métallurgie CGT, l'union des syndicats des travailleurs de la métallurgie des Hauts de Seine et le comité central d'entreprise de la société ENDEL SUEZ, d'une part, à cette même société, d'autre part, à propos de la validité de notes de service de 2003 et 2005 portant précisément sur les indemnités de déplacement et sur une adaptation dans l'entreprise de l'accord national du 26 février 1976, le tribunal de grande instance de Nanterre, relevant que la société ENDEL tout comme la société DELATTRE-LEVIVIER dont elle était en partie issue, appliquait la convention collective de la métallurgie et les accords nationaux qui en résultent, a annulé ces notes de service, a enjoint à la société ENDEL SUEZ de régulariser les frais de déplacement des salariés en tenant compte de leur domicile réel et en se conformant à l'accord national, dans les 8 mois de la signification du jugement et sous astreinte ;

Que ce jugement a été confirmé par arrêt du 1er octobre 2008 de la cour d'appel de Paris, laquelle a notamment considéré que " sans obliger le salarié à fixer sa résidence en un lieu déterminé, l'absence de prise en compte de changement, lorsque celui-ci peut aboutir à un accroissement du trajet entre le domicile et le lieu d'activité, a une incidence certaine sur le montant des indemnités de déplacement auxquelles le salarié peut prétendre et peut être de nature à restreindre sa liberté d'établissement " et que " dans la mesure où les indemnités de déplacements sont prévues par les conventions et accords collectifs, où tout salarié déclare à son employeur l'adresse de son domicile réel et où la société ENDEL SUEZ ne justifie pas que le lieu d'établissement du domicile du salarié conditionne la conclusion du contrat ou encore, que les contrats de travail des salariés figent un point de départ du déplacement, sa prise en considération du lieu du domicile réel du salarié plutôt que du domicile indiqué au temps de la signature du contrat de travail, dans la seule hypothèse où celle-ci a pour conséquence une diminution de l'indemnité au paiement de laquelle elle est astreinte, n'est pas légalement justifiée " ;

Attendu que Sébastien X..., en sa qualité de salarié de la société ENDEL, a vocation à bénéficier de ces décisions exécutoires ;

Que rien ne s'oppose à ce qu'il soit fait droit à son second chef de demandes principales ;

Attendu qu'il n'apparaît pas nécessaire d'assortir cette décision d'une astreinte ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Sébastien X... ses frais irrépétibles d'instance et d'appel ; que la société ENDEL lui versera une somme de 2. 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

la Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi :

Infirme le jugement déféré ;

Condamne la société ENDEL à verser à Sébastien X... la somme de 43. 735, 42 euros à titre de solde d'indemnités de déplacement pour la période du 26 avril 2005 au 13 octobre 2008 ;

Condamne la société ENDEL à prendre en compte pour l'avenir le domicile de Sébastien X... à Bedoin (Vaucluse) pour calculer les indemnités de déplacement dues au salarié en application de l'accord national du 26 février 1976 annexé à la convention collective nationale des industries de la métallurgie de la région parisienne ;

Déboute Sébastien X... du surplus de ses demandes ;

Rejette les demandes de la société ENDEL ;

Condamne la société ENDEL à verser à Sébastien X... une indemnité de 2. 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'instance et d'appel.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

Signé par Monsieur GALLICE, Président, et par Madame VERDAN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Numéro d'arrêt : 07/00161
Date de la décision : 17/11/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Montélimar


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-11-17;07.00161 ?
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