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05/11/2008 | FRANCE | N°01/00088

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 05 novembre 2008, 01/00088


RG No 08 / 00399

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU MERCREDI 05 NOVEMBRE 2008

Appel d'une décision (No RG 01 / 00088)
rendue par le Conseil de Prud'hommes d'ANNECY
en date du 25 juillet 2003
suivant déclaration d'appel du 08 Janvier 2008



APPELANTE :

LA SA TRANSPORTS CHALAVAN ET DUC prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
Quartier des Léonards - Zone Artisanale du Meyrol
BP 108
26203 MONTELIMAR CEDEX

Représentée par Me MEROTTO

(avocat au barreau D'ANNECY)

INTIME :

Monsieur José X...


...

74230 LES VILLARDS SUR THONES

Comparant et assisté ...

RG No 08 / 00399

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU MERCREDI 05 NOVEMBRE 2008

Appel d'une décision (No RG 01 / 00088)
rendue par le Conseil de Prud'hommes d'ANNECY
en date du 25 juillet 2003
suivant déclaration d'appel du 08 Janvier 2008

APPELANTE :

LA SA TRANSPORTS CHALAVAN ET DUC prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
Quartier des Léonards - Zone Artisanale du Meyrol
BP 108
26203 MONTELIMAR CEDEX

Représentée par Me MEROTTO (avocat au barreau D'ANNECY)

INTIME :

Monsieur José X...

...

74230 LES VILLARDS SUR THONES

Comparant et assisté par Me Paul DARVES-BORNOZ (avocat au barreau D'ANNECY)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre,
Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller,
Madame Hélène COMBES, Conseiller,

Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.

DEBATS :

A l'audience publique du 01 Octobre 2008,
Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 05 Novembre 2008.

L'arrêt a été rendu le 05 Novembre 2008.

La Cour est saisie sur renvoi de cassation l'arrêt rendu le 10 octobre 2007, cassant l'arrêt rendu le 10 janvier 2006 par la cour d'appel de Chambéry sur appel du jugement rendu le 25 juillet 2003 en départage par le Conseil de Prud'hommes d'Annecy.

Exposé des faits

M. José Z... a été engagé par la société Transport Chalavan et Duc en qualité de conducteur routier par contrat de travail à durée indéterminée le 17 septembre 1997.

Le 14 mars 2001, il a saisi le conseil de prud'hommes d'Annecy d'une part un rappel de salaire correspondant à des rémunérations d'attente et congés payés afférents et d'autre part les indemnités liées à la rupture de son contrat de travail qu'il impute à l'employeur et le paiement des salaires et congés payés afférents pour la période de mise à pied qu'il conteste.

Le conseil de prud'hommes d'Annecy a rendu sa décision le 25 juillet 2003 et a condamné la société Transport Chalavan et Duc à payer à M. José Z... les sommes suivantes :
* 5 827,56 euros au titre de rappel de salaire et 582,76 euros au titre des congés payés afférents,
* 2 436,77 euros à titre d'indemnité de préavis et 243,68 euros au titre des congés payés afférents,
* 731,03 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
* 7 310,33 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 750 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
A débouté M. José Z... de ses demandes au titre de l'annulation de la mise à pied et aux congés payés afférents, a condamné la société Transport Chalavan et Duc aux dépens.

La cour d'appel de Chambéry saisie par la société Transport Chalavan et Duc a confirmé le jugement en toutes ses dispositions par arrêt rendu le 10 janvier 2006 après avoir d'une part constaté que c'est à juste titre que le premier juge a dit que M. José Z... était fondé à obtenir le paiement de ses heures d'attente au même titre que les heures de travail effectif dès lors qu'il ne pouvait librement disposer de son temps et d'autre part que la prise d'acte produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse le défaut de paiement des heures d'attentes dues au salarié, motif de la rupture, étant imputable à l'employeur.

La Cour de cassation a constaté que pour décider que les heures d'attente constituaient un temps de travail effectif, que la rupture devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner en conséquence l'employeur au paiement d'heures supplémentaires et congés payés afférents, d'indemnités de rupture et dune indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que si juridiquement, le salarié n'était pas à la disposition de son employeur pendant son temps d'attente, sa liberté de vaquer à des occupations personnelles était inexistante dans la mesure où son horaire d'attente correspondait à une période sans activité ni trafic au sein de l'aéroport et où celui-ci était éloigné de tout centre d'activité et de toute zone urbaine, cette situation ne lui laissant d'autre choix que de rester à l'intérieur de son camion ;

La Cour de cassation a rappelé que l'accord du 23 novembre 1994 sur le temps de service, les repos récupérateurs et la rémunération des personnels de conduite marchandises " grands routiers " ou " longue distance " prévoit que sont pris à 100 % de leur durée dans le temps de travail effectif notamment les temps d'attente durant lesquels, bien que n'étant pas tenu de rester à son poste, le conducteur ne peut disposer librement de son temps ;

Elle a jugé qu'en statuant comme elle l'a fait en se fondant sur les seules circonstances de lieu et d'horaire, à l'exclusion de toute constatation relative à des directives de l'employeur qui auraient pu empêcher le salarié de disposer librement de son temps et de pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles, la cour d'appel a violé l'article L 212-4 du code du travail et l'article 3-1 de l'accord du 23 novembre 1994 sur le temps de service, les repos récupérateurs et la rémunération des personnels de conduite marchandise « grands routiers » et « longue distance ».

La Cour de cassation a confirmé les dispositions de l'arrêt et donc du jugement relatives au rejet de la demande d'annulation de la mise à pied, dispositions qui sont donc définitives.

Demandes et moyens des parties

La société Transport Chalavan et Duc, appelante, demande à la cour d'infirmer le jugement rendu le 25/07/2003 en toutes ses dispositions et de débouter M. José Z... de l'intégralité de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à payer les dépens.

La société Transport Chalavan et Duc expose en ses conclusions régulièrement déposées, visées et développées oralement à l'audience que :
1) entre la fin du déchargement à Satolas, à 22h15 et le rechargement qui intervient à 2h50, le salarié est libre de son temps, n'étant ni à la disposition de l'employeur ni à celle du client, La Poste, ce que confirme, outre les instructions de la société Transport Chalavan et Duc, des témoins,
1-2) les plannings et les disques chrono tachygraphes confirment que pendant ces périodes, il n'y a aucune activité,
2) le fait qu'il n'y ait rien à faire dans la zone aéroportuaire, sinon de dormir dans la cabine du camion, ne suffit pas à établir que le salarié n'a pas disposé librement de son temps et qu'il ne pouvait vaquer à des occupations personnelles,
3) le texte conventionnel invoqué par M. José Z... (l'article 3-1 de l'accord du 23 novembre 1994) n'a pas été étendu et ne s'impose donc pas,
3-2) M. José Z... ne fait pas partie des catégories visées par cet accord,
3-3) le texte n'est pas complètement cité par M. José Z... puisqu'il se poursuit en prévoyant que ne sont pas prises en compte les interruptions pendant lesquelles le chauffeur n'a pas d'activité et a la libre disposition de son temps,
4) la demande de paiement de salaire n'est donc pas fondé et en conséquence la rupture consécutive à la prise d'acte produit les effets d'une démission.

M. José Z..., intimé, demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de condamner la société Transport Chalavan et Duc à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à payer les dépens.

M. José Z... expose en ses conclusions régulièrement déposées, visées et développées oralement à l'audience que :
1) il était interdit à M. José Z... d'utiliser le véhicule pendant le temps d'attente, véhicule dont il avait la garde et la responsabilité de sorte qu'il ne pouvait vaquer librement à des occupations personnelles (ce point est contesté),
1-2) les lieux et la période ne permettent pas au salarié concerné de vaquer librement à des occupations personnelles, ce qui a conduit l'employeur à équiper les camions de couchettes,
Mais la possibilité de dormir ne peut être assimilée à la liberté prévue par L 212-4,
2) l'obligation imposée par l'employeur au salarié de coucher dans le camion implique que ce salarié reste nécessairement à la disposition de son employeur,
2-2) l'ordre de service notifié à M. José Z... (61 / 99) impliquait un service commandé sur la totalité de la tournée, incluant le temps d'attente à l'aéroport, et ce temps d'attente doit être considéré comme temps de travail effectif,
3) voir la convention collective plus favorable.

MOTIFS DE LA DECISION :

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ;

Sur la rupture du contrat de travail de M. José Z... :

Attendu que la question du manquement lié au non paiement des temps d'attente sera examinée plus loin ;

Attendu que M. José Z... invoque également pour expliquer sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail le fait que la société Transport Chalavan et Duc ne lui a pas payé ses primes de panier depuis le mois de novembre 1999, soit pendant plus d'une année, ce que confirme le fait que l'employeur lui a annoncé par lettre datée du 22 mars 2001, un rappel de 141 primes de casse-croûte pour 818,97 euros qui sera réglé le 2 avril 2001 avec salaire de mars 2001 ;

Attendu que le retard d'une année dans le paiement de primes dues de manière indiscutable constitue une atteinte suffisamment grave au droit du salarié de toucher l'intégralité des salaires qui lui sont dus en temps et en heure pout rendre imputable à l'employeur la prise d'acte qui produit en conséquence les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que pour ce qui concerne les conséquences de la rupture le jugement doit être confirmé ;

Sur la prise en compte des temps d'attente :

Attendu que la société Transport Chalavan et Duc a notifié le 26 octobre 1999 à M. José Z... l'ordre de service 61 / 99 applicable à compter du mardi 2 novembre 1999 remplaçant l'ordre de service 58 / 99 ; que l'ordre 58 / 99 organisait un service qui prévoyait une arrivée à Satolas entre 00h30 et 00h45 et un départ entre 02h45 et 03h10, étant précisé que le véhicule ne pouvait rester à quai entre les deux ; que l'ordre 61 / 99 prévoyait une arrivée à Satolas entre 22h00 et 22h15 et un départ entre 02h50 et 03h10 ; qu'il en résultait un temps d'attente minimum de 22h15 à 02h50 ;

Attendu qu'il est noté en objet sur cet ordre 61 / 99 « 2h30 d'attente en plus » ; qu'il ne peut cependant pas être déduit une qualification particulière de l'allongement de ce délai ;

Attendu qu'un litige est apparu entre le salarié et son employeur quant à la nature de ce délai dès le mois de juin 1999, alors que le temps d'attente était de 2 heures, de 00h30 à 2h45 ; que M. José Z... décomptait ce temps comme temps de mise à disposition au lieu de temps de repos contrairement à ce qu'exigeait la société Transport Chalavan et Duc (pièce 10 Duc) ;

Attendu que le conflit va s'aggraver lors du changement d'horaire imposant une attente de près de 5 heures pendant lequel le salarié n'a pu que rester sur place, l'employeur ayant choisi de laisser le même véhicule pour les deux opérations et donc le même chauffeur pour effectuer la livraison de 22h à 22h15 et le retrait de 2h50 à 3h10 ;

Attendu que compte tenu de l'horaire d'attente il n'est ni contestable ni même contesté que le salarié ne pouvait rien faire de son temps pendant ces 5 heures en raison d'une part du fait qu'il n'est pas autorisé à utiliser à titre personnel le camion et d'autre part du fait qu'aucune activité personnelle, en dehors de la possibilité de passer ce temps dans la cabine du camion, n'est envisageable sur le site de fret de Satolas ;

Attendu que la durée effective de travail est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ;

Attendu que la question est donc de savoir si le fait pour un employeur et dans l'intérêt de son entreprise, d'imposer à un salarié un temps d'attente pendant lequel celui-ci, sans être directement à la disposition de son employeur, ne peut pas, faute d'en avoir matériellement la possibilité, utiliser librement son temps pour vaquer à des occupations personnelles, permet à l'employeur de décompter ce temps comme temps de repos ou l'oblige au contraire à décompter ce temps comme un temps de travail effectif ;

Attendu qu'aucune activité personnelle, n'étant envisageable sur le site de fret de l'aéroport de Lyon Saint Exupéry (entre 22 heures et 3 heures du matin), le fait pour l'employeur de ne pas autoriser le salarié à utiliser le véhicule pendant le temps d'attente, revient à le contraindre à rester dans un lieu où il n'est pas en mesure de disposer librement de son temps, sans autre contrepartie que l'installation d'une couchette dans le camion ;

Attendu que l'impossibilité matérielle dans laquelle il se trouve de s'éloigner de la zone de fret pendant le temps d'attente, le contraint à rester dans le camion, alors que par ailleurs il n'y a pour lui aucune obligation de prendre un temps de repos que ses temps de conduite rendraient obligatoire ;

Qu'au regard des éléments spécifiques analysés plus hauts, ce temps d'attente pendant lequel le salarié est contraint de rester à la disposition de l'employeur est la conséquence directe des directives de l'employeur et il doit donc être décompté comme temps de travail effectif ;

Attendu que le jugement entrepris doit dès lors être confirmé en ce qu'il a condamné la société Transport Chalavan et Duc à payer à M. José Z... des rappels de salaires et de congés payés afférents et en ce qu'il a dit que la prise d'acte de la rupture s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en a tiré les conséquences exactes tant au plan salarial qu'indemnitaire ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour après en avoir délibéré conformément à la loi, contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Condamne la société Transport Chalavan et Duc à payer à M. José Z... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en cause d'appel,

Déboute la société Transport Chalavan et Duc de sa demande faite en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Condamne la société Transport Chalavan et Duc aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

Signé par Monsieur DELPEUCH, Président, et par Madame VERDAN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Numéro d'arrêt : 01/00088
Date de la décision : 05/11/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes d'Annecy


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-11-05;01.00088 ?
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