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14/10/2008 | FRANCE | N°01/00726

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 14 octobre 2008, 01/00726


R. G. N° 05 / 05197

Grosse délivrée

à :

SCP POUGNAND

Me RAMILLON

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

1RE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU MARDI 14 OCTOBRE 2008

Appel d'un Jugement (N° R. G. 01 / 00726)
rendu par le Tribunal de Grande Instance de GAP
en date du 19 octobre 2005
suivant déclaration d'appel du 22 Décembre 2005

APPELANTE :
Madame Sylvie Y...

née le 25 Juillet 1945 à ST ETIENNE (42100)
de nationalité Française

...

05200 EMBRUN représentée par la SCP HERVE-JEAN POUGNAND, avoué

s à la Cour
assistée de Me ROBICHON, avocats au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

S. A. R. L. LES CLOTS poursuites et diligences de son représentan...

R. G. N° 05 / 05197

Grosse délivrée

à :

SCP POUGNAND

Me RAMILLON

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

1RE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU MARDI 14 OCTOBRE 2008

Appel d'un Jugement (N° R. G. 01 / 00726)
rendu par le Tribunal de Grande Instance de GAP
en date du 19 octobre 2005
suivant déclaration d'appel du 22 Décembre 2005

APPELANTE :
Madame Sylvie Y...

née le 25 Juillet 1945 à ST ETIENNE (42100)
de nationalité Française

...

05200 EMBRUN représentée par la SCP HERVE-JEAN POUGNAND, avoués à la Cour
assistée de Me ROBICHON, avocats au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

S. A. R. L. LES CLOTS poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
Les Eglantines
Quartier Saint Esprit
05200 EMBRUN

représentée par Me Marie-France RAMILLON, avoué à la Cour
assistée de Me ROSENFELD, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me CURETTI, avocat au même barreau

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Françoise LANDOZ, Président,
Madame Claude-Françoise KUENY, Conseiller,
Madame Véronique KLAJNBERG, Conseiller,

Assistées lors des débats de Mme Hélène LAGIER, Greffier.

DEBATS :

A l'audience publique du 09 Septembre 2008, Madame KUENY a été entendue en son rapport.

Les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries.

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Sylvie Y... a signé le 28 août 1999, auprès de la SARL Les Clots, promoteur d'un lotissement au lieudit Les Clots route de Caleyère à Embrun, une promesse d'achat concernant le lot numéro 6 constitué d'un terrain d'une superficie de 921 m ² cadastré section E numéro 882 et 820. Un compromis de vente a été signé le 15 mai 2000 sous condition suspensive d'obtention d'un permis de construire.

La demande a été déposée le 20 avril 2000 et le permis a été accordé par la commune d'Embrun le 17 juillet 2000.

L'acte authentique de vente a été signé les 06 et 12 juillet 2000, étant précisé que le lotissement Les Clots a été autorisé par arrêté du Maire de la commune d'Embrun en date du 24 janvier 1997, qu'il est situé en zone d'aménagement concernée dite ZAC Saint Georges Les Clots, zone ZA dont le plan d'aménagement de la zone PAZ a été approuvé le 06 décembre 1996 et modifié par une délibération du 10 février 2000.
Madame Y... a fait assigner la SARL Les Clots pour voir constater le dol ou l'erreur sur la qualité substantielle de la chose vendue, pour voir prononcer la nullité de la vente, pour que la SARL Les Clots soit condamnée à lui rembourser le prix de vente, soit 323. 000 F, les frais de droits de vente, soit 26. 500 F, la commission d'agence, soit 17. 000 F, les honoraires de son architecte, soit 73. 684, 32 F, les frais d'étude, soit 7. 500 F, et à lui payer 18. 500 F par an pour l'immobilisation du prix de vente, 48. 000 F en remboursement de son loyer, 100. 000 F en réparation de son préjudice moral, 20. 000 F à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 15. 000 F en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile. Dans ses dernières conclusions elle a limité ses demandes aux condamnations pécuniaires et par jugement du 19 octobre 2005, le Tribunal de Grande Instance de Gap l'a déboutée de l'ensemble de ses demande, a débouté la SARL Les Clots de ses demandes de dommages et intérêts et d'indemnité pour frais irrépétibles et a condamné Madame Y... aux dépens.

Madame Y... a relevé appel de ce jugement le 22 décembre 2005.

Elle a signifié ses dernières conclusions récapitulatives le 02 septembre 2008 et la SARL Les Clots a demandé que ces conclusions tardives soient écartées des débats en relevant qu'elle a conclu au fond le 14 mars 2007 et qu'il est inadmissible que l'appelante ait attendu le jour de l'ordonnance de clôture pour apporter une réponse à des écritures notifiées 17 mois auparavant.

La SARL Les Clots n'a pu répondre à des conclusions de dernière heure qui sont beaucoup plus étoffées que celles qui ont été signifiées le 19 avril 2006 et qui comportent une modification importante des demandes.
Les conclusions notifiées par Madame Y... le 02 septembre 2008 seront en conséquence déclarées irrecevables. Madame Y... demande à la Cour : d'infirmer le jugement déféré,

de dire que la SARL Les Clots, vendeur professionnel a commis une réticence dolosive et a manqué à son devoir d'information,

de la déclarer responsable des préjudices résultant de ces fautes et de la condamner à lui payer :

- honoraires d'architecte : 11. 233, 10 euros,
- frais d'étude : 1. 143, 37 euros,
- taxes foncières : 1. 042, 00 euros,
- taxes diverses : 346, 21 euros,
- immobilisation prix de vente du terrain : 14. 101, 53 euros,
- dépenses de loyer : 29. 328, 00 euros,
- surcoût de la construction : 63. 400, 00 euros,
- perte de financement : 21. 500, 00 euros,
- perte d'économies sur PEA : 15. 357, 07 euros,
- préjudice moral : 30. 000, 00 euros,
- perte de revenus locatifs : 37. 600, 00 euros,
- frais de déplacement : 1. 400, 00 euros,

outre 6. 000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Elle expose :

qu'après la vente elle a découvert peu à peu que le caractère constructible de son lot était discuté par l'administration, ce que son vendeur n'ignorait pas,

que dès le 09 août 2000 le Préfet du département des Hautes Alpes a déféré à la censure du Tribunal Administratif de Marseille le permis de construire qu'elle avait obtenu,

qu'elle a ensuite appris que plusieurs procédures contentieuses avaient déjà été engagées par cette autorité soit à l'encontre de l'arrêté de modification du plan d'aménagement de la zone de la ZAC et l'autorisation de lotir, la modification touchant la division d'un lot initialement dénommé 18 en trois lots distincts numéros 15, 16 et 17,

qu'à la date du compromis le 15 mai 2000 la division n'était pas encore autorisée puisqu'elle ne l'a été que par arrêté des 15 juin 2000 et 06 juillet 2000,

qu'il est apparu que le Préfet des Hautes-Alpes avait à plusieurs reprises exprimé des réserves sur la constructibilité de la zone en cause et sur la possibilité de diviser un lot unique en trois lots distincts, ce qui avait pour conséquence d'augmenter la densification de construction de la zone,

que le 13 avril 2000 le Préfet s'est manifesté auprès de la commune d'Embrun pour indiquer qu'il s'opposerait à toute modification du plan d'aménagement de la zone tendant à augmenter la constructibilité,

qu'il est acquis que la SARL Les Clots a eu une parfaite connaissance de toutes ces péripéties administratives et que bien qu'elle disposait d'un arrêté de permis de construire exécutoire, la prudence la plus élémentaire lui interdisait d'entreprendre une construction.

Elle reconnaît :

que les recours administratifs ont été rejetés,

que par deux jugements du 10 juin 2004 le Tribunal administratif de Marseille a rejeté l'action du Préfet qui visait son permis de construire et celle à l'encontre de la délibération du conseil municipal de la ville d'Embrun par laquelle la modification du plan d'aménagement de la zone d'aménagement concerté Saint Georges Les Clots avait été approuvée mais soutient que ces circonstances sont indifférentes étant donné qu'elle ne prétend pas que son terrain est inconstructible mais qu'elle reproche à l'intimée de ne pas l'avoir informée des réticences de l'administration et des risques auxquels elle s'exposait.

Elle précise :

que s'il est exact que les recours exercés par le Préfet ont tous été postérieurs au compromis et à l'acte réitéré, l'autorité administrative avait auparavant clairement et à plusieurs reprises manifesté son opposition à la constructibilité de la zone représentée par le lot anciennement dénommé 18 et divisé ensuite en 3 lots (15, 16 et 17).

Madame Y... souligne : que la jurisprudence a mis à la charge du promoteur une obligation de renseignement qui l'oblige à éclairer aussi complètement que possible son co-contractant sur les modalités de l'opération qu'il entreprend,

que les évènements survenus dès 1996 relativement à la constructibilité de la zone en cause étaient suffisamment significatifs pour que la SARL Les Clots l'en informe,

que le vendeur ne pouvait ignorer que la constructibilité du lot qui lui était vendu était sérieusement discutée,

que les éléments sur lesquels le Préfet s'est appuyé pour déférer son permis de construire à la censure du Tribunal administratif étaient bien antérieurs à l'acquisition qu'elle a faite et que la réticence dolosive du vendeur et les manquements qu'il a commis à son obligation de renseignement engagent sa responsabilité.

La SARL Les Clots sollicite la confirmation du jugement et l'allocation d'une somme de 7. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et d'une somme de 3. 500 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Elle fait valoir :

que tout bénéficiaire d'un permis de construire s'expose à subir un recours,

que les recours exercés étaient peu sérieux et ont tous été rejetés,
qu'il appartenait à Madame Y... de mettre à exécution le permis de construire qu'elle avait régulièrement obtenu et qu'en réalité elle a renoncé à utiliser son terrain pour d'autres raisons. Elle soutient :
que Madame Y... qui était assistée d'un architecte a eu connaissance des sujetions liées au site, qu'elle en a tenu compte, puisqu'elle a déposé en annexé à son permis de construire, à la demande de la commune, un dossier géotechnique avec création de fondations spéciales,

que les actions du Préfet devant les juridictions sont toutes postérieures au compromis de vente et à la signature de l'acte authentique,

qu'elle a accompli toutes les obligations de renseignement qui lui incombaient,

que les initiatives malheureuses du Préfet n'ont pu faire échec au caractère constructible du terrain,

que le nouveau plan de prévention des risques proposé par le Préfet à la commune confirme d'ailleurs la constructibilité de la parcelle,
que Madame Y... se trompe d'adversaire et qu'il lui appartient de mettre en cause la responsabilité de l'Etat. Elle relève :

que le recours du Préfet reposait uniquement sur la modification du PAZ du 10 février 2000,

qu'il est évident que cette contestation ne pouvait remettre en cause l'arrêté de lotir qui était définitif ni le permis de construire qui avait été obtenu de façon régulière,

que le plan d'aménagement de la zone du 06 décembre 1996 n'avait fait l'objet d'aucun recours de sorte que la contestation de la modification du plan d'aménagement de la zone approuvée le 10 février 2000 ne pouvait rendre le lot numéro 16 inconstructible et qu'il est établi par les pièces du dossier que l'appelante avait connaissance d'une instabilité latente des terrains.

Elle souligne :
que la parcelle vendue à Madame Y... a toujours été constructible, qu'elle ne peut être responsable des initiatives malheureuses prises par le Préfet et que la présente action n'a qu'un but spéculatif.

MOTIFS ET DÉCISION

Le Préfet des Hautes-Alpes a engagé les actions suivantes :

- le 28 juillet 2000 contre la délibération du conseil municipal du 10 février 2000 approuvant le PAZ de la ZAC de Saint Georges Les Clots tendant au sursis à exécution et à l'annulation de celui-ci,

- le 09 août 2000 contre l'arrêté municipal de permis de construire en date du 17 juillet 2000 tendant au sursis à exécution et à l'annulation de celui-ci.

Ces recours étaient motivés par le fait que les terrains de la ZAC présentent une instabilité générale qui risquait d'être aggravée par les constructions projetées.

Le Préfet soutenait que " la modification du PAZ aurait pour effet d'augmenter les capacités d'urbanisation du secteur, dans des conditions qui n'apparaissent pas présenter une sécurité suffisante ".

Comme pièce justificative il produisait un avis du service de restauration des terrains en montagne (RTM) du 12 avril 2000 aux termes duquel " ces terrains sont donc sensibles aux glissements et bien que des études géotechniques réalisées ponctuellement concluent à leur constructibilité, il semble qu'une densification de l'urbanisation n'est pas souhaitable après achèvement des opérations en cours... ".
Madame Y... a manifestement été informée de l'avis donné par le service RTM puisque pour l'instruction de son permis de construire elle a dû fournir un avis favorable d'un géologue agréé et une déclaration dans laquelle elle indiquait avoir connaissance d'une instabilité latente des terrains sur lesquels elle envisageait de construire. En effet, ces exigences formulées par courrier du 02 mai 2000 ont certainement au pour origine l'avis du service RTM du 12 avril 2000.
Alors qu'elle était informée le 02 mai 2000 de l'instabilité du terrain par la commune d'Embrun, Madame Y... a signé le compromis de vente le 15 mai 2000 sans aucune réserve et sans s'informer davantage et elle a réitéré cet acte devant notaire le 06 juillet 2000 dans les mêmes conditions. Madame Y... était très pressée et a engagé des frais, notamment des honoraires d'architecte pour déposer un permis de construire, avant la signature du compromis et de l'acte authentique et a menacé la SARL Les Clots (courrier du 04 juillet 2000) pour que la réitération par acte authentique soit signée rapidement. Le risque lié à l'instabilité du terrain était connu, notamment de Madame Y..., mais aucun élément ne permet de dire que les recours du Préfet qui ont tous été rejetés étaient prévisibles de sorte qu'aucune réticence dolosive et aucun manquement à son devoir de conseil ne peuvent être caractérisés à l'encontre de la SARL Les Clots.

l'abus de procédure n'étant pas démontré la SARL Les Clots sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Une indemnité de 2. 000 euros lui sera allouée en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS
LA COUR

Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
DECLARE irrecevables les conclusions signifiées par Sylvie Y... le 02 septembre 2008, CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré,

DEBOUTE la SARL Les Clots de sa demande de dommages et intérêts,
CONDAMNE Madame Sylvie Y... à lui payer la somme de 2. 000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, CONDAMNE Madame Y... aux dépens d'appel, avec application au profit de Maître RAMILLON, des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile. PRONONCÉ par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau code de procédure civile,

SIGNÉ par Madame LANDOZ, Président, et par Madame LAGIER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Numéro d'arrêt : 01/00726
Date de la décision : 14/10/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Gap


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-10-14;01.00726 ?
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