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02/07/2008 | FRANCE | N°04/3

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 02 juillet 2008, 04/3


RG N° 07/03087


Grosse délivrée
à :
SCP CALAS
SCP GRIMAUD
Me RAMILLON
SCP POUGNAND
SELARL DAUPHIN & MIHAJLOVIC




COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE DES URGENCES
ARRET DU MERCREDI 02 JUILLET 2008


Appel d'une décision (N° RG : 04/3)
rendue par le Tribunal de Grande Instance de GAP
en date du 15 mai 2007
suivant déclaration d'appel du 10 Août 2007


APPELANTE :


Madame Suzanne Y... épouse Z...

née le 09 Octobre 1918 à AVIGNON (84000)
de nationalité Française

...

84140 MONTF

AVET


représentée par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour
assistée de Me Christian BONNENFANT, avocat au barreau d'AVIGNON






INTIMES :


Monsieur Christian B...

n...

RG N° 07/03087

Grosse délivrée
à :
SCP CALAS
SCP GRIMAUD
Me RAMILLON
SCP POUGNAND
SELARL DAUPHIN & MIHAJLOVIC

COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE DES URGENCES
ARRET DU MERCREDI 02 JUILLET 2008

Appel d'une décision (N° RG : 04/3)
rendue par le Tribunal de Grande Instance de GAP
en date du 15 mai 2007
suivant déclaration d'appel du 10 Août 2007

APPELANTE :

Madame Suzanne Y... épouse Z...

née le 09 Octobre 1918 à AVIGNON (84000)
de nationalité Française

...

84140 MONTFAVET

représentée par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour
assistée de Me Christian BONNENFANT, avocat au barreau d'AVIGNON

INTIMES :

Monsieur Christian B...

né le 10 Mars 1948 à AVIGNON (84000)
de nationalité Française

...

84140 MONTFAVET

représenté par la SCP Hervé-Jean POUGNAND, avoué à la Cour
assisté de Me Christophe MILHE-COLOMBAIN, avocat au barreau d'AVIGNON

Madame Carmela D... épouse B...

née le 17 Juillet 1954 à MESSINA (ITALIE)
de nationalité Française

...

84140 MONTFAVET

représentée par la SCP Hervé-Jean POUGNAND, avoué à la Cour
assistée de Me Christophe MILHE-COLOMBAIN, avocat au barreau d'AVIGNON

COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DELIBERE :

Monsieur André ROGIER, Président,
Madame Arlette GAILLARD-MAUNIER, Conseiller,
Madame Brigitte DEMARCHE, Conseiller,

DEBATS :

A l'audience publique du 20 Mai 2008, Monsieur André ROGIER, Président, et Madame Brigitte DEMARCHE, Conseiller, assistés de Mlle Sandrine ABATE, Greffier, ont entendu les avoués en leurs conclusions et les plaidoiries des avocats, les parties ne s'y étant pas opposées, conformément aux dispositions des articles 786 et 910 du Nouveau Code de Procédure Civile. Ils en ont rendu compte à la Cour lors de son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour, après prorogation du délibéré.

Exposé du litige.

Par trois actes notariés en dates des 29 mars 1983, 26 juin 1984 et 23 avril 1991, M. et Mme B... ont acquis des époux Z... des biens immobiliers situés à Montfavet (84) et Saint-Étienne-en-Dévoluy (05), le prix de chacun de ces biens étant converti en rente viagère.

C'est ainsi que le studio de Saint-Étienne-en-Dévoluy, acheté le 23 avril 1991 moyennant le prix de 200.000 F, a été payé comptant à hauteur de 20.000 F, le solde de 180.000 F étant converti en une rente annuelle et viagère de 18.000 F payable par mensualités de 1.500 F, cette rente étant indexée sur l'indice INSEE des prix à la consommation des ménages urbains.

Pour ces ventes, M. et Mme Z... bénéficient d'inscriptions de privilèges de vendeurs d'immeubles régulièrement publiées à la Conservation des Hypothèques.

Par jugement du Tribunal de Commerce de Tarascon du 2 juillet 1999, M. B... a été placé en redressement judiciaire.

M. et Mme Z... ont déclaré leurs créances au passif du redressement judiciaire de M. B... en leur qualité de créanciers hypothécaires et privilégiés.

Ces créances ont été admises par le juge-commissaire aux termes de diverses ordonnances, la créance concernant le bien de Saint-Étienne-en-Dévoluy faisant l'objet d'une ordonnance en date du 17 septembre 1999.

Par jugement du 7 juillet 2000, le Tribunal de Commerce de Tarascon a adopté le plan de continuation proposé, aux termes duquel il était stipulé :

" L'apurement du passif sera réalisé selon les modalités suivantes :
- règlement de l'intégralité de la rente viagère due par M. René Z... dans les termes du contrat,
- règlement du solde des créances à hauteur de 2.533.804,80 francs sur 10 ans, soit des versements mensuels de 21.115,04 francs."

Il a indiqué dans sa décision que le passif échu serait réglé "sur dix ans, par cent vingt versements mensuels égaux, le premier devant intervenir le premier septembre deux mille".

Sur requête en interprétation de cette décision présentée par M. B..., le Tribunal de Commerce de Tarascon a, par jugement du 28 février 2003, indiqué que M. Z... avait "entendu que les créances soient réglées dans les termes des contrats de ventes litigieux, c'est-à-dire avec paiement des rentes viagères y afférentes, jusqu'au décès du crédirentier".

Par un autre jugement rendu le 28 février 2003, ce même tribunal a dit n'y avoir lieu à résolution du plan de redressement par continuation de l'entreprise arrêté au bénéfice de M. Z....

Reprochant aux débirentiers de ne pas s'être acquittés de leurs dettes malgré un commandement de payer qui leur avait été délivré le 7 mai 2003, Mme Z..., agissant seule, son époux étant depuis décédé, a :

- fait assigner M. et Mme B... devant le Tribunal de Grande Instance d'Avignon pour voir constater la résolution des ventes immobilières portant sur les biens de Montfavet, ordonner l'expulsion de M. et Mme B..., et se voir allouer à titre d'indemnité les sommes déjà payées,

- par acte du 2 mars 2004, fait assigner M. et Mme B... devant le Tribunal de Grande Instance de Gap pour voir constater la résolution de la vente immobilière portant sur le bien de Saint-Etienne-en-Dévoluy, ordonner l'expulsion de M. et Mme B... et se voir allouer à titre d'indemnité les sommes déjà payées.

Dans le cadre de l'instance concernant les biens de Montfavet, le Juge de la mise en état du Tribunal de Grande Instance d'Avignon a, par ordonnance du 22 novembre 2004, dit n'y avoir lieu à compétence du Tribunal de Commerce de Tarascon.

Par jugement du 8 février 2005, le Tribunal de Grande Instance d'Avignon, relevant que les contrats de vente étaient des contrats en cours qui se poursuivaient après le prononcé du redressement, a estimé que l'article 621-40 du code de commerce n'avait pas vocation à s'appliquer, et a constaté la résolution des ventes des biens de Montfavet, ordonné l'expulsion des époux B... et condamné ces derniers à des dommages-intérêts et à régler les arrérages échus restés impayés.

Par arrêt du 26 juin 2007, la Cour d'Appel de Nîmes a confirmé ces deux décisions.

Dans le cadre de l'instance concernant le studio de Saint-Etienne-en-Dévoluy, le Juge de la Mise en Etat du Tribunal de Grande Instance de Gap a, par ordonnance du 15 mai 2007 :

- déclaré le Tribunal de Grande Instance de Gap incompétent au profit du Tribunal de Commerce de Tarascon, s'agissant d'une créance visée au plan de continuation adopté par lui le 7 juillet 2000,
- dit que l'affaire sera transmise au Tribunal de Commerce de Tarascon avec une copie de la décision à l'expiration du délai de contredit,
- réservé les dépens.

Par déclaration du 10 août 2007, Mme Z... a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions du 7 mai 2008, elle conclut à l'infirmation de l'ordonnance du 15 mai 2007, demandant à la Cour de dire que le Tribunal de Grande Instance de Gap est seul compétent pour juger la demande de résolution de la vente de l'immeuble situé à Saint-Étienne-en-Dévoluy pour inexécution de l'obligation au paiement du prix.

Elle réclame en outre 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme Z... fait valoir à l'appui de ses prétentions que :

- le plan de continuation a adopté un régime dérogatoire pour le règlement des rentes viagères,

- comme l'a indiqué la Cour d'Appel de Nîmes dans son arrêt du 26 juin 2007, le Tribunal de Commerce de Tarascon, dans ses décisions aujourd'hui définitives, a décidé que le paiement du prix sous la forme de la rente viagère se poursuivait hors plan, et Mme Z... est fondée à poursuivre l'application de la sanction contractuelle de l'inexécution de l'obligation au paiement du prix, à savoir la clause résolutoire contenue dans l'acte.

Dans leurs dernières conclusions du 15 mai 2008, M. et Mme B..., au vu des articles 771-1 du code de procédure civile et des articles L. 621-40, L. 621-82, L. 621-28 alinéa 1 du code de commerce, concluent à la confirmation de l'ordonnance et demandent à la Cour de :

- constater que la demande visant à faire constater le jeu de la clause résolutoire n'est pas recevable,

- dire que le Tribunal de Grande Instance de Gap est incompétent pour connaître d'une demande visant les manquements au règlement des arrérages de la rente viagère, en l'état de la procédure collective ayant abouti au plan de continuation adopté par le Tribunal de Commerce de Tarascon, seul compétent pour connaître d'une telle action,

- renvoyer Mme Z... devant le Tribunal de Commerce de Tarascon, seul compétent pour apprécier le maintien ou la résolution du plan en l'état des manquements allégués au paiement de la créance admise au passif,

- condamner Mme Z... à leur payer 2.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. et Mme B... font valoir à l'appui de leurs prétentions :

- qu'un contrat de vente dont le prix est converti en rente viagère n'est pas un contrat en cours au sens de l'article L. 621-28 du code de commerce, et que de ce fait, la faculté de provoquer sa résolution est exclue,

- que la créance éventuelle du crédirentier sur les échéances postérieures au jugement déclaratif, tout en n'étant pas une créance en cours, ne peut pas pour autant être considérée comme une créance née de la poursuite d'activité qui conférerait au créancier un droit individuel de poursuites ; qu'il s'agit en réalité d'une créance soumise au plan, même si son paiement est dérogatoire à celui-ci,

- que de ce fait, et conformément au principe de la suspension des poursuites visé à l'article L. 621-40 du code de commerce, qui s'impose tant au débiteur objet de la procédure collective qu'à son conjoint coobligé, les manquements allégués par le crédirentier ne pouvaient que faire l'objet de la saisine du Tribunal de Commerce de Tarascon en vue de la résolution du plan dans les termes de l'article L. 621-82 du code de commerce.

MOTIFS

Le contrat de vente d'immeuble avec constitution de rente viagère étant un contrat instantané, le transfert de la propriété du bien objet de la vente en viager du 23 avril 1991 s'est réalisé le jour même de la signature de l'acte de vente.

Ce n'était donc pas un contrat en cours à l'ouverture du redressement judiciaire.

Ce contrat étant antérieur au jugement d'ouverture de la procédure collective, les créances d'arrérages de la rente ont régulièrement été déclarées au passif du redressement judiciaire, et leur admission a été prononcée.

Le problème de savoir si, du fait de la non-applicabilité à la présente instance de l'article L. 621-28 du code de commerce, qui ne vise que les contrats en cours, la faculté de provoquer la résolution du contrat est ou non exclue, n'a pas à être examiné par la Cour ; il appartiendra à la juridiction qui sera déclarée compétente pour statuer sur l'action de Mme Z... de statuer en premier lieu sur la recevabilité de cette action.

Les parties reconnaissent que le plan de continuation adopté par le Tribunal de Commerce de Tarascon prévoit un régime dérogatoire pour la créance de Mme Z..., mais interprètent différemment la portée de la dérogation, Mme Z... affirmant que sa créance est hors plan, et M. et Mme B... estimant qu'elle est soumise au plan et que seul son paiement déroge à ce plan.

Le plan de continuation stipule :

« l'apurement du passif sera réalisé selon les modalités suivantes :
- règlement de l'intégralité de la rente viagère due par M. René Z... dans les termes du contrat,
- règlement du solde des créances à hauteur de 2.533.804,80 francs sur 10 ans, soit des versements mensuels de 21.115,04 francs. »

Le jugement interprétatif du Tribunal de Commerce de Tarascon du 23 février 2003 précise que « M. Z... a entendu que les créances soient réglées dans les termes des contrats de vente litigieux, c'est-à-dire avec paiement des rentes viagères y afférentes, jusqu'au décès du crédirentier ».

Le jugement du Tribunal de Commerce du même jour ayant décidé qu'il n'y avait pas lieu à résolution du plan de redressement indique que « M. Z..., crédirentier, ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que M. B... ne respecte pas les termes des contrats en cours ; qu'il n'y a pas lieu dans ces conditions de prononcer la résolution du plan pour défaut d'exécution au regard du paiement des rentes viagères qui a lieu "hors plan" ».

Ces deux décisions n'ont pas fait l'objet d'un appel et sont devenues définitives.

Il en résulte que le paiement du prix sous la forme de la rente viagère se poursuit hors plan, dans les conditions initiales prévues par le contrat de vente.

Mme Z..., au motif que ces conditions n'ont pas été respectées, réclame la résolution du contrat de vente.
M. et Mme B... rétorquent que seule la résolution du plan de continuation peut être demandée, et que de ce fait seul le Tribunal de Commerce est compétent.

La Cour, saisie du problème de la compétence, n'a pas, comme l'y invitent les époux B..., à se poser la question de savoir quelle action était envisageable, dans la mesure où Mme Z... a clairement choisi la voie de la résolution du contrat de vente.

Il lui appartient simplement de s'interroger sur la juridiction compétente pour se prononcer sur l'action en résolution de la vente.

Dans la mesure où le paiement du prix sous la forme de la rente viagère se poursuit hors plan, et où ce sont précisément les arrérages de la rente viagère qui constituent la créance de Mme Z..., cette créance ne peut pas continuer à relever de ce plan alors même que le paiement des arrérages n'est pas soumis au plan.

Dès lors, la juridiction compétente pour statuer sur la résolution du contrat de vente du fait des manquements au règlement des arrérages de la rente viagère n'est pas la juridiction compétente pour statuer sur le plan de continuation, mais la juridiction de droit commun compétente pour apprécier si l'exécution du contrat de vente intervient selon les dispositions contractuelles initiales, c'est-à-dire le Tribunal de Grande Instance.

La compétence du Tribunal de Grande Instance est d'ailleurs confirmée par les dispositions de l'article 174 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 modifié par le décret n° 94-910 du 21 octobre 1994.

Il résulte en effet des termes de cet article que le tribunal saisi d'une procédure de redressement judiciaire n'est compétent que pour connaître des contestations nées de la procédure collective ou sur lesquelles cette procédure exerce une influence juridique.

Or en l'espèce, l'action en constatation de la clause résolutoire insérée dans le contrat de vente exercée par Mme Z..., qui n'est pas née de la procédure collective mais de l'exécution d'engagements antérieurs souscrits au moment de la conclusion du contrat de vente, aurait pu exister même s'il n'y avait pas eu ouverture d'une procédure collective.

Le juge de droit commun est par conséquent seul compétent pour statuer.

L'ordonnance du 15 mai 2007 sera par conséquent infirmée, et l'exception d'incompétence soulevée par M. et Mme B... sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme l'ordonnance du juge de la mise en état du Tribunal de Grande Instance de Gap en date du 15 mai 2007 ;

Et statuant à nouveau,

Rejette l'exception d'incompétence soulevée par M. et Mme B... ;

En conséquence, dit que Tribunal de Grande Instance de GAP demeure compétent pour statuer sur l'action introduite devant lui par Mme Z... ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. et Mme B... à payer à Mme Z... une indemnité de 1.000 € ;

Condamne M. et Mme B... aux dépens de première instance et d'appel, avec application au profit de la SCP Grimaud, avoués, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, pour les dépens engagés en appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

Signé par Monsieur André ROGIER, Président, et par Madame Sandrine ABATE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Numéro d'arrêt : 04/3
Date de la décision : 02/07/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Gap


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-07-02;04.3 ?
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