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25/06/2008 | FRANCE | N°367

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 25 juin 2008, 367


RG N° 06/04143
Grosse délivrée
à :
S. C. P. CALAS
S. C. P. GRIMAUD
Me RAMILLON
S. C. P. POUGNAND
S. E. LA. R. L. DAUPHIN et MIHAJLOVIC
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRET DU MERCREDI 25 JUIN 2008
Appel d'une décision (N° RG 2005J383) rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE en date du 06 octobre 2006 suivant déclaration d'appel du 09 Novembre 2006

APPELANT :
Monsieur Emmanuel Y... ...

représenté par la SELARL DAUPHIN et MIHAJLOVIC, avoués à la Cour assisté de Me Chantal BITTARD, avocat au barreau de

LYON

INTIMES :
Société SDMR prise en la personne de son représentant légal en exercice demeurant en cett...

RG N° 06/04143
Grosse délivrée
à :
S. C. P. CALAS
S. C. P. GRIMAUD
Me RAMILLON
S. C. P. POUGNAND
S. E. LA. R. L. DAUPHIN et MIHAJLOVIC
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRET DU MERCREDI 25 JUIN 2008
Appel d'une décision (N° RG 2005J383) rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE en date du 06 octobre 2006 suivant déclaration d'appel du 09 Novembre 2006

APPELANT :
Monsieur Emmanuel Y... ...

représenté par la SELARL DAUPHIN et MIHAJLOVIC, avoués à la Cour assisté de Me Chantal BITTARD, avocat au barreau de LYON

INTIMES :
Société SDMR prise en la personne de son représentant légal en exercice demeurant en cette qualité audit siège 24 rue des Bourelles 38420 DOMENE

représentée par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour assistée de Me Rudolf DUNNER, avocat au barreau de GRENOBLE

SA LA TASTE prise en la personne de son représentant légal en exercice demeurant en cette qualité audit siège 26 rue des Bourelles 38420 DOMENE

représentée par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour assistée de Me Rudolf DUNNER, avocat au barreau de GRENOBLE

Monsieur Marcel C... ...

représenté par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour assisté de Me Rudolf DUNNER, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Allain URAN, Président de Chambre, Monsieur Jean-Louis BERNAUD, Conseiller, Madame Françoise CUNY, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme LEICKNER, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique du 07 Mai 2008, Monsieur URAN, Président, a été entendu en son rapport
Les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu ce jour,
Se prévalant du protocole d'accord - qui aurait été conclu le 02 Juillet 2004 en exécution d'une lettre d'intention du 25 Mai 2004 - aux termes duquel il aurait été décidé qu'il prendrait une participation majoritaire au sein de la SARL LA TASTE et que par l'intermédiaire d'une société à constituer il procéderait à l'acquisition des deux fonds de commerce exploités par la SA LA TASTE à LA PART DIEU et à ERAGNY, Monsieur Emmanuel Y... a fait assigner la Société SDMR (associée de la SARL LA TASTE), la SA LA TASTE et Monsieur Marcel C... (dirigeant commun des deux Sociétés SDMR et LA TASTE) en paiement des sommes de 15 810, 00 €, au titre du remboursement du prix de cession des parts sociales, et de 120 000 € à titre de dommages et intérêts.
Par jugement du 06 Octobre 2006, le Tribunal de commerce de GRENOBLE l'a débouté de toutes ses demandes et condamné au paiement d'une indemnité de procédure de 1 000 €.
Monsieur Emmanuel Y... a relevé appel de cette décision selon déclaration reçue le 09 Novembre 2006.
Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 25 Mars 2008 par Monsieur Emmanuel Y... qui sollicite, par voie d'infirmation, la condamnation de la Société SDMR à lui rembourser la somme de 15 810 € au titre du prix de cession des parts avec intérêts au taux légal à compter du 02 Juillet 2004, ainsi que la condamnation in solidum de Monsieur Marcel C... et des Sociétés SDMR et LA TASTE à lui payer la somme de 120 000 € à titre de dommages et intérêts, outre une indemnité de 8 000 € pour frais irrépétibles, aux motifs qu'en lui retournant la dernière page du protocole signée de sa main, après avoir modifié le prix de vente des deux fonds, Monsieur C..., tant personnellement qu'ès qualités, a donné son consentement à l'opération qui était conforme à la lettre d'intention régularisée entre les parties le 25 Mai 2004, que l'exécution partielle du protocole confirme l'échange des consentements alors que comme prévu il a acquis 1 581 parts de la SARL LA TASTE, en a payé le prix et a été nommé gérant, que la constitution de la Société IMMOTASTE, appelée à acquérir les fonds de commerce, a été préparée et que les projets d'actes de vente ont été rédigés, que les intimés ont refusé de poursuivre l'exécution du protocole d'accord dans le but d'obtenir un meilleur prix (le seul droit au bail de LA PART DIEU a été vendu à un tiers pour le prix total convenu de 473 000 €), que le refus de la Société SDMR de reconstituer les capitaux propres de la SARL LA TASTE, comme elle s'y était engagée sous condition résolutoire, a conduit à la liquidation judiciaire de cette dernière, qui avait également perdu son principal client avec la vente du magasin de LA PART DIEU, que la non-réalisation des conditions résolutoires à la charge de la Société SDMR a conduit à la résolution de plein droit de l'accord après mise en demeure infructueuse, qu'outre le prix de cession des parts sociales, il a perdu son apport en compte courant de 70 000, 00 € et est privé de revenus depuis le mois de mai 2004.
Vu les conclusions signifiées et déposées le 19 Septembre 2007 par les Sociétés SDMR et LA TASTE et par Monsieur Marcel C..., qui sollicitent la confirmation du jugement et la condamnation de l'appelant à leur payer une nouvelle indemnité de procédure de 3 000 € aux motifs qu'ils n'ont pas consenti au protocole d'accord litigieux alors que le document du 02 Juillet 2004, dont il est fait état, est un faux comme étant le résultat d'un montage à partir de la dernière page, portant la signature de Monsieur C..., retournée par fax au conseil de Monsieur Y..., que les trois premières pages du protocole, dont il n'existe pas d'original, n'ont pas été paraphées, ni par voie de conséquence approuvées, que l'échec de l'opération projetée par Monsieur Y... est due à la défaillance de celui-ci, qui n'a jamais pu obtenir le financement nécessaire, et qui ne pouvait raisonnablement exiger une augmentation du crédit-vendeur.
MOTIFS DE L'ARRET
Par " lettre d'intention " du 25 Mai 2004, que Monsieur C... a expressément acceptée en sa qualité de dirigeant de la Société SDMR, Monsieur Emmanuel Y... a détaillé sa proposition de prise de participation au sein de la SARL LA TASTE et de rachat des deux fonds de commerce exploités par la SA LA TASTE.
Les modalités principales de cette opération, que Monsieur Y... considérait comme formant un " tout indivisible " et qu'il souhaitait réaliser à partir du 1er Juin 2004, étaient les suivantes :
- acquisition de 60 % du capital de la SARL LA TASTE sous condition de la reconstitution des capitaux propres de la société à hauteur du capital social de 31 000 € et du remboursement ou de l'abandon par la Société SDMR de son compte courant d'un montant de 30 000 €,
- engagement du cessionnaire d'apporter en compte courant une somme approximative de 76 500 €,
- nomination de Monsieur Y... en qualité de gérant,
- acquisition des deux fonds de commerce de LA PART DIEU et d'ERAGNY moyennant le prix de 468 816 € par une société à constituer dans laquelle Monsieur Y... détiendrait 60 % des parts,
- paiement du prix de cession des fonds par un emprunt de 380 000 € consenti à la société à constituer et par un crédit vendeur de 70 000 €.
Le 02 Juillet 2004, par son conseil, Monsieur Y... a adressé à l'expert comptable de la Société SDMR (Monsieur D...) un protocole d'accord de quatre pages revêtu de sa signature, et reprenant pour l'essentiel les éléments contenus dans la lettre d'intention du 25 Mai 2004. Il y était notamment précisé :
- que la cession des parts, moyennant le prix de 15 810 €, devait intervenir sous la condition suspensive de leur acquisition préalable par la Société SDMR auprès de l'EURL Ambiances et Traditions avant le 30 Juin 2004, et sous la condition résolutoire, devant être réalisée le 30 Septembre 2004, de la reconstitution des capitaux propres à hauteur du capital social de 31 000 € et du remboursement ou de l'abandon du compte courant d'associé de 30 000 €,
- que Monsieur Y... s'engageait à faire un apport en compte courant de 76 500 € après l'acquisition des parts,
- que Monsieur Y... serait nommé en qualité de gérant de la SARL LA TASTE,
- que la SA LA TASTE s'engageait à céder ses deux fonds de commerce, moyennant le prix de 468 816, 00 € financé par un emprunt de 450 000, 00 € à une société à constituer entre Monsieur Y... (51 % du capital) et Monsieur C... (49 % du capital).
La Société SDMR, qui le reconnaît, a retourné le 09 Juillet 2004 par télécopie au conseil de Monsieur Y... la quatrième page de ce protocole revêtue de la signature de Monsieur C..., et modifiée quant au prix de cession des fonds, qui a été porté par ce dernier à la somme de 473 000, 00 €.
Bien que n'ayant pas paraphé les trois premières pages du protocole, dont ils ne contestent pas avoir reçu un exemplaire, les intimés ne peuvent sérieusement soutenir qu'ils n'ont contracté aucun engagement envers Monsieur Y... . La nature de l'opération n'exigeait pas, en effet, que leur consentement fût exprimé de façon expresse ou sous un formalisme particulier.
Or ils ne s'expliquent nullement sur les raisons qui auraient conduit Monsieur C... à retourner la dernière page du protocole signée, après rectification du prix de cession des fonds, s'il n'avait pas souhaité s'engager dans les termes du protocole d'accord tout entier, qui est conforme pour l'essentiel à la " lettre d'intention " préparatoire du 25 Mai 2005 que la Société SDMR a acceptée, marquant ainsi son accord le principe sur le montage juridique et financier imaginé par les parties. La signature apposée par Monsieur C... en marge de la rectification du prix atteste par ailleurs de sa volonté de conférer à cette page une valeur contractuelle.
Les nombreux courriers échangés après le 02 Juillet 2004 démontrent en outre qu'il y a bien eu échange des consentements à partir du document rédigé par l'acquéreur.
A plusieurs reprises, et notamment les 02 et 03 Décembre 2004, Monsieur Y..., par son conseil, a rappelé à Monsieur C..., qui n'a pas protesté, qu'un protocole d'accord était intervenu entre les parties, en exécution duquel diverses obligations incombaient à la Société SDMR, dont notamment celle de reconstituer les capitaux propres de la SARL LA TASTE. Plusieurs télécopies émanant de Monsieur D... témoignent de la volonté de la Société SDMR de chiffrer les sommes nécessaires à cette reconstitution.
Par un courrier du 31 Décembre 2004, Monsieur C... a même fait expressément état des " accords passés ", et ce n'est que postérieurement à la mise en demeure de Monsieur Y... par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 Février 2005, à un moment où la rupture était consommée, que Monsieur C... a contesté pour la première fois son engagement (lettre du 28 Février 2005).
Surtout la conclusion effective de l'accord litigieux résulte incontestablement de son exécution partielle.
C'est ainsi que conformément au protocole régularisé le 02 Juillet 2004 :
- la Société SDMR a cédé le 1er Septembre 2004 à Monsieur Y... 1 581 parts sociales de la SARL LA TASTE qu'elle avait précédemment acquises le 30 Juin 2004 de l'EURL AMBIANCES ET TRADITIONS,
- dès le 1er Juillet 2004, Monsieur Y... a été nommé aux fonctions de gérant de la SARL LA TASTE et a pris la direction effective de l'entreprise,
- un projet d'acte constitutif d'une Société IMMOTASTE a été élaboré en vue de l'acquisition des deux fonds de commerce,
- le notaire commun des parties a rédigé le 28 Août 2004 un projet de compromis de vente des deux fonds appartenant à la SA LA TASTE,
- Monsieur Y... a apporté en compte courant la somme de 70 000 €.
Contractuellement tenus par les clauses et conditions du protocole d'accord régularisé le 02 Juillet 2004, auquel ils avaient incontestablement adhéré, Monsieur C... et les Sociétés SDMR et LA TASTE SA qu'il dirigeait devaient donc exécuter les obligations mises à leur charge, et notamment reconstituer les capitaux propres de la SARL LA TASTE à hauteur du capital social de 31 000 €, cette obligation faisant l'objet d'une condition résolutoire expresse, ainsi que céder les deux fonds de commerce appartenant à la SA TASTE à une société à constituer, cette cession étant expressément stipulée comme étant une condition essentielle de l'opération globale.
Force est toutefois de constater que malgré plusieurs relances et une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 Février 2005, les intimés n'ont pas exécuté ces engagements et ont finalement opté pour la cession à un tiers du droit au bail dépendant du fonds exploité à LA PART DIEU à des conditions très avantageuses (le prix est équivalent au prix global stipulé au protocole d'accord).
Ne pouvant imputer à Monsieur Y... l'échec de l'opération, alors que la recherche du financement bancaire nécessaire à la réalisation de l'opération incombait à la Société IMMOTASTE à constituer entre Messieurs C... et Y..., et non pas à Monsieur Y... personnellement, les intimés sont par conséquent responsables de la résolution de plein droit de l'accord, formant un tout indivisible, qui a été régulièrement constatée, comme cela était prévu, dans les huit jours de la mise en demeure, par lettre recommandée du 03 Mars 2005.
Comme conséquence de cette résolution, la Société SDMR devra restituer le prix de cession des parts sociales de la SARL LA TASTE (15 810 €) avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure.
Les intimés seront en outre condamnés in solidum au paiement de la somme de 70 000 € à titre de dommages et intérêts, correspondant à l'apport en compte courant effectué en pure perte par Monsieur Y..., qui ne justifie pas d'un préjudice supplémentaire à défaut d'établir que l'opération lui aurait procuré des revenus jusqu'à la résolution dont il s'est prévalu dès le 03 Mars 2005 (aucune rémunération n'a été fixée à l'occasion de sa nomination en qualité de gérant).
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau :
Dit et juge que Monsieur Marcel C..., tant personnellement qu'ès qualités de représentant légal des Sociétés SDMR et LA TASTE SA, a valablement consenti à l'accord régularisé le 02 Juillet 2004,
Constate la résolution du protocole d'accord aux torts des intimés, et par voie de conséquence la résolution de la cession des 1 581 parts sociales intervenue le 1er Septembre 2004 au profit de Monsieur Y...,
Condamne la SA SDMR à payer à Monsieur Emmanuel Y... la somme de 15 810 € en remboursement du prix de cession avec intérêts au taux légal à compter du 03 Mars 2005,
Condamne in solidum Monsieur Marcel C... et les Sociétés SDMR et LA TASTE SA à payer à Monsieur Emmanuel Y... la somme de 70 000 € à titre de dommages et intérêts, outre une indemnité de 2 000 € en application de l'article 700 du NCPC,
Condamne in solidum Monsieur Marcel C... et les Sociétés SDMR et LA TASTE aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SELARL d'avoués DAUPHIN et MIHAJLOVIC.
Signé par Monsieur URAN, Président, et par Madame ABATE, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 367
Date de la décision : 25/06/2008
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Grenoble, 06 octobre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.grenoble;arret;2008-06-25;367 ?
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