RG N° 06/04044
Grosse délivréeà :
S.C.P. CALAS
S.C.P. GRIMAUD
Me RAMILLON
S.C.P. POUGNAND
S.E.L.A.R.L. DAUPHIN et MIHAJLOVIC
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
SUR RENVOI DE CASSATION
ARRET DU MERCREDI 25 JUIN 2008
Recours contre une décision (N° R.G. 02J00786)rendue par le Tribunal de Commerce de LYONen date du 12 septembre 2003 ayant fait l'objet d'un arrêt rendu le 18 novembre 2004par la Cour d'Appel de LYON (3e chambre)et suite à un arrêt de cassation du 3 octobre 2006
SUIVANT DECLARATION DE SAISINE DU 31 Octobre 2006
APPELANTE :
S.A.R.L. COMECO prise en la personne de son représentant légal en exercice demeurant en cette qualité audit siège370 Route de Genas69500 BRON
représentée par la SELARL DAUPHIN et MIHAJLOVIC, avoués à la Courassistée de la SCP DEYGAS-PERRACHON-BES et ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
INTIMEE :
S.A.R.L. LE CERCLE ARTISANAL MCA prise en la personne de son représentant légal en exercice demeurant en cette qualité audit siège82 Cours Gambetta69007 LYON 07
représentée par la SCP JEAN CALAS, avoués à la Courassistée de la SCP LAMY/VERON/RIBEYRE et ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Allain URAN, Président de Chambre,Monsieur Jean-Louis BERNAUD, Conseiller,Madame Françoise CUNY, Conseiller,
En présence de Messieurs Lionel PARA et Robert FASSOULIADJIAN, juges consulaires au tribunal de commerce de GAP,
Assistés lors des débats de Melle Sandrine ABATE, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique sur renvoi de cassation tenue le 21 MAI 2008, les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries.
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu ce jour MERCREDI 25 JUIN 2008.
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EXPOSE DU LITIGE
La société MAISON CERCLE ARTISANAL (MCA) a pour activité la construction d'immeubles sur des terrains que lui fournissent des clients qu'elle démarche à cette fin.
Le 1er juillet 1993, un contrat à durée indéterminée a été signé entre la société d'exploitation de la SA MAISON CERCLE ARTISANAL et la SARL COMECO aux termes duquel :
- la société MCA concédait "sans exclusivité géographique la commercialisation de ses produits",
- la société MCA s'engageait à rétrocéder à la société COMECO le droit au bail d'un pavillon témoin situé dans le Village Rhônalpin à BRON que les clients démarchés pouvaient venir visiter, ce à compter du 1er juillet 1994, et avant cette date, à mettre ce pavillon à la disposition de la société COMECO à charge par celle-ci d'assurer le coût du fonctionnement dudit pavillon (loyer, EDF, téléphone, publicité propre au village RHONALPIN, assurance, entretien),
- la rémunération de l'agent COMECO correspondait à un pourcentage sur le prix de vente réalisé par la société mandante et déterminé proportionnellement à la marge prévisionnelle générée.
Le contrat a été rompu par courrier recommandé de la société MCA en date du 1er septembre 1999 à effet du 1er mars 2000.
Le 16 mars 2000, les parties ont conclu un contrat à durée déterminée à effet du 1er mars expirant le 28 février 2001.
Par lettre recommandée du 31 janvier 2001, la société MCA a informé la société COMECO que le contrat ne serait pas renouvelé et que les relations contractuelles prendraient donc fin le 28 février 2001.
Par courrier en date du 6 février 2002, la société COMECO a mis en demeure la société MCA de lui régler un solde de 19.112,57 €. Elle contestait la subordination par la société MCA du paiement de cette somme à la signature d'un solde de tout compte, précisant qu'elle ne renonçait pas à l'indemnisation inhérente à la rupture de son contrat.
Par acte d'huissier en date du 15 mars 2002, la société COMECO a fait assigner la société MCA devant le Président du Tribunal de Commerce de Lyon en référé aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement, par provision, de la somme de 19.112,58 € outre intérêts au taux légal à compter du 6 février 2002 et de celle de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société MCA a procédé au règlement de la somme de 19.112,58 €.
Parallèlement, la société COMECO a fait assigner la société MCA devant le Tribunal de Commerce de Lyon par acte d'huissier en date du 21 février 2002 pour obtenir sa condamnation au paiement de deux années de commissions calculées sur la moyenne des trois dernières années en indemnisation de la rupture du contrat, à titre subsidiaire au paiement d'une somme de 700.579,04 € à titre de dommages et intérêts et en tout état de cause au paiement de la somme de 27.262,49 € au titre des commissions restant dues sur les affaires négociées au cours du contrat, ainsi qu'au paiement d'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.
Par jugement en date du 12 septembre 2003, le Tribunal de Commerce de Lyon a statué comme suit :
"Dit que la société COMECO ne démontre pas l'existence d'un contrat d'agent commercial avec la société MCA et la déboute de sa demande d'indemnisation à ce titre.
Dit que la société COMECO ne prouve pas avoir été maintenue dans un état de dépendance économique et ne démontre pas un préjudice réel.
Déboute la société COMECO de ses demandes d'indemnisation.
Condamne la société MCA à payer à la société COMECO la commission relative à l'affaire MB CONSEIL, à hauteur de 8.149,92 euros TTC,
Condamne la société COMECO à verser à la société MCA une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du N.C.P.C.
Rejette comme non fondés tous autres demandes, moyens, fins et conclusions contraires des parties.
Condamne la société COMECO aux entiers dépens de la présente instance."
Sur appel de la société COMECO, la Cour d'Appel de Lyon a, par arrêt du 18 novembre 2004, statué comme suit :
"Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a dit que la société COMECO ne démontre pas l'existence d'un contrat d'agent commercial.
Rejette toutes demandes supplémentaires des parties.
Condamne la société COMECO aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP JUNILLON WICKY, avoués".
Par arrêt en date du 3 octobre 2006, la Cour de Cassation a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à indemnisation de la société COMECO pour la perte des commissions résultant de la fin du contrat d'agent commercial à durée déterminée, l'arrêt rendu le 18 novembre 2004, entre les parties, par la Cour d'Appel de Lyon et a remis, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties, dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt pour être fait droit, en les renvoyant devant cette Cour.
La Cour de Cassation a motivé sa décision ainsi :
"Sur le moyen unique pris en sa première branche :
Attendu que la société COMECO reproche à l'arrêt d'avoir retenu qu'elle avait perdu son droit à réclamer une indemnité compensatrice du préjudice subi du fait de la cessation du contrat d'agent commercial résilié le 1er mars 2000 et d'avoir jugé qu'elle ne pouvait pas prétendre, à la suite du non-renouvellement du contrat d'agent commercial venu à expiration le 28 février 2001, à une indemnité compensatrice, alors, selon le moyen, que l'agent commercial perd le droit à réparation du préjudice qu'il subit du fait de la cessation de ses relations avec le mandant s'il n'a pas notifié à celui-ci, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits ; que la cour d'appel a retenu que la société COMECO avait perdu son droit à réparation du préjudice subi suite à la résiliation du contrat d'agence commerciale le 1er mars 2000 car elle n'a pas agi dans le délai d'un an prescrit par l'article L 134-12 alinéa 2, du code de commerce ; qu'en se bornant à retenir que les éléments du dossier ne permettaient pas de caractériser de prétendues manoeuvres employées par le mandant pour échapper au paiement de l'indemnité de rupture, sans rechercher si le contrat conclu le 16 mars 2000 n'avait pas assuré la continuation du contrat conclu le 1er juillet 1993 et si la poursuite des relations avec le mandant ne différait pas le point de départ du délai d'un an, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 134-12 du code de commerce et de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient d'abord, que les éléments du dossier ne permettent pas d'établir la thèse de l'artifice du second contrat pour échapper à toute demande d'indemnisation; qu'il retient, ensuite, que la société COMECO savait depuis le 1er septembre 1999 que le contrat à durée indéterminée qui la liait à la société Le Cercle Artisanal MCA prendrait fin le 8 février 2000 et qu'elle a accepté un second contrat qui a le même objet que le premier, mais comporte des dispositions différentes sur les obligations du mandant et le montant des commissions ; qu'ainsi, la cour d'appel a fait la recherche prétendument omise ; que le moyen n'est pas fondé.
Mais sur le moyen pris en sa seconde branche :
Vu l'article L 134-12 du code de commerce ;
Attendu que pour rejeter la demande d'indemnité de cessation du contrat à durée déterminée à la suite de son non-renouvellement, l'arrêt énonce que, s'agissant d'un contrat à durée déterminée qui s'est normalement achevé à la date prévue, l'agent ne peut se prévaloir de la privation de commissions qu'il savait ne plus percevoir après l'échéance ;
Attendu qu'en statuant ainsi , alors que la cessation du contrat d'agent commercial, même à durée déterminée, donne droit à réparation du préjudice résultant de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation en commun de la clientèle, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;"
La société COMECO a saisi la présente Cour par déclaration de saisine en date du 31 octobre 2006.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 11 septembre 2007, elle fait valoir :
- que la demande indemnitaire en réparation de la cessation du contrat à durée déterminée signé le 16 mars 2000 est recevable comme ayant été formée dans le délai d'un an suivant la cessation des relations contractuelles,
- qu'en l'absence de faute grave, sa demande indemnitaire est bien fondée,
- qu'eu égard à la durée des relations contractuelles (1993/2001) et des résultats très satisfaisants qu'elle a obtenus, il doit lui être alloué une indemnité égale à deux années de commissions calculées sur la moyenne des trois dernières années, qu'il s'agit d'une pratique jurisprudentielle inchangée depuis des décennies, qu'il n'y est dérogé que par exception motivée,
- qu'après avoir travaillé exclusivement pour le développement de la société MCA pendant 8 ans, elle a perdu du jour au lendemain toute activité de représentation commerciale, qu'elle a engagé des dépenses, ayant embauché trois salariés et un sous-agent commercial, qu'elle louait la maison témoin, qu'elle travaillait les dimanches et mois d'août, et aux horaires les plus étendus, qu'elle avait à sa charge les opérations publicitaires,
- que selon la société MCA, il ne faudrait prendre en compte que la durée du contrat à durée déterminée pour apprécier le quantum de l'indemnisation, que si une demande indemnitaire fondée uniquement sur le premier contrat à durée indéterminée serait forclose, en revanche la Cour de Cassation ne traite nullement de la question de la prise en compte ou non de l'antériorité des relations contractuelles pour l'appréciation du préjudice résultant de la rupture du 2e contrat qui est à durée déterminée, que la société MCA entretient une confusion entre une règle de forclusion (présenter une réclamation dans l'année de la fin des relations) et l'appréciation du préjudice subi (qui se calcule au regard de l'ensemble des relations passées), que dès l'instant où les relations se poursuivent même après novation du contrat à durée indéterminée en contrat à durée déterminée, l'agent n'a pas à demander une réparation en raison de la cessation de son premier contrat avec le mandant, et ce tout simplement car il n'a pas de préjudice, que suivre la thèse de la société MCA reviendrait, en cas de contrat à durée déterminée se renouvelant tous les ans, à imposer à l'agent de faire chaque année une demande d'indemnisation pour le précédent contrat,
- qu'en tout état de cause, une durée d'un an du contrat litigieux ne s'opposerait absolument pas à l'application et à l'usage de deux années de commissions,
- que la Cour doit également prendre en compte l'attitude de la société MCA qui :
* a utilisé pendant 8 ans, jours fériés et vacances comprises, la société COMECO qui travaillait exclusivement pour elle,
* a imposé à son agent la substitution d'un contrat à durée déterminée à un contrat à durée indéterminée,
* a introduit non sans malignité dans l'article 7 du contrat à durée déterminée une clause illégale de renonciation au statut d'agent commercial,
* a fait sciemment croire à la poursuite des relations dans le cadre du renouvellement du contrat à durée déterminée,
* a subordonné le versement des dernières commissions à la signature d'un solde de tout compte,
* s'oppose à l'indemniser.
Elle demande à la Cour de :
"Vu l'article L 134-12 du code de commerce,
Vu les articles 639, 699 et 700 du code de procédure civile,
Réformer le jugement entrepris.
Dire et juger que la société MCA est tenue d'indemniser la société COMECO au titre de la rupture du contrat d'agent commercial à durée déterminée signé le 16 mars 2000.
Condamner en conséquence la société MCA à verser à la société COMECO la somme de 700.579,04 € outre intérêts au taux légal à compter de l'exploit introductif d'instance avec capitalisation des intérêts à chaque date anniversaire.
Condamner la société MCA à verser à la société COMECO la somme de 20.000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Condamner la société MCA aux entiers dépens de première instance, de l'instance d'appel devant la cour de Lyon et de la présente instance, avec pour cette dernière distraction au profit de la SELARL DAUPHIN et MIHAJLOVIC, Avoués, sur leur affirmation de droit."
Par voie d'écritures signifiées le 9 novembre 2007, la société MCA réplique :
- que la perte du droit à réparation de la société COMECOau titre du premier contrat d'agent commercial conclu avec la société CERCLE ARTISANAL MCA a irrévocablement autorité de la chose jugée, qu'il s'agit d'une véritable déchéance la privant de son droit de réclamer quelque somme que ce soit au titre de la période antérieure au 1er mars 2000,
- qu'elle réclame au travers de la réparation du préjudice né de la rupture du deuxième contrat, réparation du préjudice né de la rupture du premier contrat alors qu'elle n'en a plus le droit, qu'elle ne peut obtenir réparation que du préjudice né de la rupture du deuxième contrat, qu'elle estime que la règle de forclusion ne l'empêcherait pas, pour l'évaluation du préjudice, de tenir compte de la durée du premier contrat,
- que les termes de l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 13 novembre 2003 ne changent rien à l'affaire, qu'il porte sur la qualification de contrat à durée indéterminée donnée par les juges du fond à un contrat à durée déterminée reconduit tacitement à plusieurs reprises,
- que les dispositions de l'article L 134-11 du code de commerce ne servent pas davantage la thèse de la société COMECO, qu'en effet, non seulement elles s'appliquent dans l'hypothèse d'une succession de contrats à durée déterminée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, mais encore elles n'ont pas autorité de la chose jugée contrairement à l'arrêt de la Cour de Cassation,
- que l'appréciation du montant de l'indemnité réparatrice du préjudice subi par l'agent du fait de la rupture de son contrat ressort du pouvoir souverain des juges du fond, qu'elle est fonction du montant des commissions auxquelles l'agent aurait pu prétendre si le contrat avait été normalement exécuté, de la réduction du bénéfice qu'il aurait tiré de l'investissement réalisé pour l'exercice de son mandat et de la durée du contrat,
- que le préjudice n'est pas de même ampleur selon que les relations sont anciennes de un an ou de 8 ans, que la société COMECO ne peut se prévaloir que d'une année de relations contractuelles, que les juridictions n'accordent pas systématiquement deux ans de commissions, que la période antérieure à la signature du contrat à durée déterminée n'a pas à être prise en considération, qu'il ne s'est agi que du non-renouvellement d'un contrat à durée déterminée qui n'était renouvelable qu'expressément, que la société COMECO n'est pas en mesure de justifier des efforts qu'elle aurait déployés du 16 mars 2000 au 28 février 2001, des investissements réalisés dans l'intérêt de son mandant pendant cette même période, de la clientèle constituée dans l'intérêt de son mandant également pendant cette même période, que les dépenses qu'elles invoquent ne peuvent être prises en considération pour être toutes antérieures au 16 mars 2000, que les bases de son calcul sont de plus erronées puisqu'elle détermine le montant des sommes qu'elle réclame :
* à partir du montant des commissions perçues antérieurement à la signature du seul contrat dont le non renouvellement est susceptible de lui ouvrir droit à réparation alors que seules celles perçues postérieurement peuvent être retenues,
* hors partie de celles effectivement perçues pendant la période considérée (janvier et février 2001).
Elle demande à la Cour de :
"Vu les dispositions du Nouveau Code de Procédure Civile,
Vu celles du code de commerce,
Vu la jurisprudence,
Vu l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 3 octobre 2006,
Vu celui de la Cour d'Appel de Lyon du 18 septembre 2004,
Constater qu'aux termes de son arrêt, la Cour d'Appel de Lyon a jugé perdu le droit de la société COMECO à réclamer une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi du fait de la cessation du contrat à durée indéterminée,
Constater qu'aux termes de son arrêt, la Cour de Cassation a rejeté le moyen soulevé de ce chef par la société COMECO,
En conséquence,
Dire irrecevable la demande de la société COMECO en ce qu'elle vaut réclamation d'une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation du contrat à durée indéterminée,
En toute hypothèse,
Constater que la société COMECO ne justifie pas de son préjudice,
La débouter de sa demande,
Condamner la société COMECO au paiement d'une somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du N.C.P.C.
La condamner en tous les dépens".
L'ordonnance de clôture est en date du 9 mai 2008.
SUR CE, LA COUR
Attendu que pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer à leurs dernières écritures devant la Cour auxquelles il est expressément renvoyé ;
Attendu qu'aux termes de l'article L 134-12 du code de commerce, "En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. L'agent commercial perd le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droit à indemnité compensatrice";
Que l'article L 134-13 du code de commerce envisage trois séries d'hypothèses dans lesquelles la réparation prévue par l'article L 134-12 n'est pas due ;
Attendu que l'article L 134-12 alinéa 2 n'institue pas une prescription extinctive de l'action de l'agent commercial mais une déchéance de son droit à réparation ;
Attendu qu'aux termes de son arrêt en date du 3 octobre 2006 qui a autorité de la chose jugée sur ce point, la Cour de Cassation a :
- rejeté le pourvoi formé par la société COMECO à l'encontre de l'arrêt de la Cour d'Appel de Lyon en date du 18 novembre 2004, qui avait retenu que cette société avait perdu son droit à réclamer une indemnité compensatrice du préjudice subi du fait de la cessation du contrat d'agent commercial résilié le 1er mars 2000 car elle n'avait pas agi dans le délai d'un an prescrit par l'article L 134-12 alinéa 2 du code de commerce, estimant que la Cour d'Appel avait suffisamment recherché si le contrat conclu le 16 mars 2000 n'avait pas assuré la continuation du contrat conclu le 1er juillet 1993 et si la poursuite des relations avec le mandant ne différait pas le point de départ du délai d'un an relevant :
* que les éléments du dossier ne permettaient pas d'établir la thèse de l'artifice du second contrat pour échapper à toute demande d'indemnisation,
* que la société COMECO savait depuis le 1er septembre 1999 que le contrat à durée déterminée qui la liait à la société Le Cercle Artisanal MCA prendrait fin le 8 février 2000,
* qu'elle a accepté un second contrat ayant le même objet que le premier mais comportant des dispositions différentes sur les obligations du mandant et le montant des commissions ;
Attendu qu'il est dès lors définitivement jugé que la société COMECO a perdu son droit à réparation au titre de la rupture du premier contrat à durée indéterminée, le deuxième contrat à durée déterminée ne pouvant être considéré comme la continuation du premier contrat qui serait intervenue dans des conditions frauduleuses ;
Attendu que la perte du droit à réparation au titre de la rupture du premier contrat à durée indéterminée exclut que soit prise en compte la durée de ce premier contrat pour l'appréciation du préjudice subi suite à la rupture du second contrat à durée déterminée ; qu'une telle prise en compte aurait pour effet de vider de son sens l'article L 134-12 alinéa 2 du code de commerce et de priver de tout effet l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 3 octobre 2006 en ce qu'il a rejeté le pourvoi à l'encontre de l'arrêt de la Cour d'Appel de Lyon en ce qu'elle avait retenu que la société COMECO avait perdu son droit à réclamer une indemnité compensatrice du préjudice subi du fait de la cessation du contrat d'agent commercial résilié le 1er mars 2000 ;
Attendu que c'est bien en vain que la société MCA croit pouvoir soutenir que dès l'instant où les relations se poursuivent après novation du contrat à durée indéterminée en contrat à durée déterminée, l'agent n'a pas à demander une réparation en raison de la cessation de son premier contrat avec le mandant, et ce tout simplement car il n'a pas de préjudice ;qu'en effet, il est inexact d'affirmer que la substitution d'un contrat à durée déterminée à un contrat à durée indéterminée ne peut être préjudiciable ;
qu'en outre, l'article L 134-12 alinéa 2 n'exige que la notification par le mandataire au mandant, dans le délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits et non qu'il fasse effectivement valoir ses droits dans ce délai, qu'en l'espèce, une telle notification n'a pas été effectuée dans le délai de un an à compter de la rupture du contrat à durée indéterminée ;
que de plus, si l'article L 134-11 du code de commerce a prévu qu'un contrat à durée déterminée qui continue à être exécuté par les deux parties après son terme est réputé transformé en un contrat à durée indéterminée et que les dispositions dudit article sont applicables au contrat à durée déterminée transformé en contrat à durée indéterminée, force est de constater qu'aucune disposition spécifique n'a été prévue au cas d'un contrat à durée indéterminée suivi d'un contrat à durée déterminée et que les dispositions de l'article L 134-11 ne sauraient être étendues à des cas qu'il ne prévoit pas et qui sont fondamentalement différents de ceux qu'il prévoit ;
qu'en l'état de ces dispositions, l'exemple du contrat à durée déterminée qui se renouvelle est inopérant d'autant que le renouvellement porte sur le même contrat étant observé qu'en l'espèce les conditions du contrat à durée déterminée n'étaient pas les mêmes que celles du contrat à durée indéterminée auquel il a succédé ;
qu'enfin, comme le fait justement remarquer le professeur Z... dans son commentaire de l'arrêt de la Cour de Cassation, la société COMECO aurait dû prendre la précaution de notifier à son mandant qu'elle entendait bien se prévaloir de ses droits et qu'elle aurait également pu traiter la question lors de la négociation du second contrat en prévoyant par exemple que la durée des relations passées serait prise en compte pour le calcul de l'indemnité due lorsque le contrat à durée déterminée viendrait à expiration ;
Attendu en tout cas qu'en l'état des dispositions de l'article L 134-12 du code de commerce et de l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 3 octobre 2006, la société COMECO est irrecevable à solliciter l'indemnisation du préjudice subi du fait de la rupture de son contrat à durée indéterminée à effet du 1er mars 2000 et que la durée de ses relations avec la société MCA dans le cadre de ce contrat à durée indéterminée ne peut être prise en considération dans l'appréciation de son préjudice au titre de la rupture du contrat à durée déterminée qui a succédé au contrat à durée indéterminée, lequel contrat à durée déterminée a pris effet le 1er mars 2000 et a pris fin le 28 février 2001 ;
Attendu qu'il convient de déclarer sa demande irrecevable en ce qu'elle tend à l'obtention d'une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation du contrat à durée indéterminée ;
Attendu que le contrat à durée déterminée en date du 16 mars 2000 a pris effet le 1er mars 2000 pour se terminer le 28 février 2001 ;
Attendu qu'il est établi et non contesté que la société COMECO a notifié dans le délai d'un an à compter de la cessation du contrat à durée déterminée son intention de faire valoir ses droits à indemnité compensatrice au titre de ce contrat ;
Attendu qu'aucune des hypothèses visées à l'article L 134-13 du code de commerce n'existe en l'espèce de nature à priver la société COMECO de la réparation due en application de l'article L 134-12 ;
Attendu que sa demande au titre de la cessation du contrat à durée déterminée est recevable ;
Attendu que contrairement à ce qu'elle indique, l'allocation de deux années de commissions n'est pas systématique et n'a en tout cas aucun caractère impératif ; que d'ailleurs, l'article L 134-12 du code de commerce vise bien la réparation du préjudice subi; que l'indemnité à laquelle peut prétendre la société COMECO doit être fonction de son préjudice étant rappelé que la durée de ses relations avec la société MCA au titre du contrat à durée indéterminée ne peut être prise en considération pour l'appréciation du préjudice lié à la rupture du contrat à durée déterminée ;
Attendu qu'elle ne peut dès lors utilement invoquer le fait qu'elle aurait travaillé 8 années, jours fériés et vacances comprises ;
Attendu qu'elle ne peut davantage se plaindre de la substitution d'un contrat à durée déterminée à un contrat à durée indéterminée qui lui aurait été imposée et de ce que la société MCA lui aurait fait croire à la poursuite des relations dans le cadre du renouvellement du contrat à durée déterminée alors qu'elle a accepté cette substitution avec les risques qu'elle comportait et qu'en l'état de l'arrêt de la Cour d'Appel de Lyon du 18 novembre 2004 et de l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 3 octobre 2006, l'existence de manoeuvres du mandant et la thèse de l'artifice du second contrat doivent être considérées comme définitivement écartées ;
Attendu que si la société MCA a effectivement introduit à l'article 7 du contrat à durée déterminée une clause de renonciation au statut d'agent commercial (nulle et de nul effet puisque cette qualité lui est reconnue) puis subordonné le versement des dernières commissions dues et non contestées à la signature d'un solde de toute compte afin d'éviter le versement d'une indemnité compensatrice, ces agissements, certes critiquables, sont sans incidence sur le principe et l'étendue du préjudice subi par la société COMECO du fait de la cessation de son contrat d'agent commercial à durée déterminée ;
Attendu par ailleurs que cette société ne justifie pas d'investissements réalisés pendant la durée du contrat à durée déterminée pour le compte de son mandant qu'elle n'aurait pas amortis du fait de la cessation du contrat ; que les salariés dont elle fait état apparaissent avoir été embauchés antérieurement au contrat à durée déterminée ; qu'il n'est en tout cas pas justifié de ce que l'une ou l'autre de ces embauches aurait été postérieure; que la location de la maison témoin pendant la durée du contrat était nécessaire et utile à l'exécution de celui-ci et n'avait pas vocation à produire d'effet au-delà du terme du contrat avec lequel elle a pris fin ; qu'il en est de même des opérations publicitaires au sujet desquelles il n'est d'ailleurs produit aucun justificatif ; qu'en tout état de cause, la société COMECO se savait aux droits d'un contrat à durée déterminée certes susceptible d'être reconduit pour une nouvelle période d'une année mais non renouvelable de plein droit et devait donc agir en considération de ces circonstances ;
Attendu qu'elle ne saurait faire supporter à la société MCA les conséquences de sa décision de conclure un contrat de sous-agent commercial en date du 16 novembre 2000 à effet du 1er décembre 2000 pour une durée indéterminée alors que son propre contrat d'agent commercial venait à échéance du 28 février 2001 ;
qu'elle ne peut davantage lui faire supporter les conséquences d'investissements antérieurs à la conclusion du contrat à durée déterminée, lesquels ne peuvent constituer un préjudice indemnisable au titre du contrat à durée déterminée de un an ;
Attendu que le fait que pendant le contrat à durée déterminée, elle ait été amenée à travailler les dimanches et jours fériés, pendant le mois d'août et aux horaires les plus étendus a trouvé sa contrepartie dans le volume d'affaires réalisé et les commissions perçues et ne peut être un préjudice lié à la cessation du contrat ;
Attendu que la cessation n'a été ni brutale ni inattendue, la société MCA s'étant bornée à ne pas renouveler un contrat à durée déterminée qui n'était pas renouvelable de plein droit ;
Attendu en réalité que le seul préjudice dont la société COMECO peut obtenir réparation consiste dans la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune constituée et exploitée pendant le contrat à durée déterminée étant observé que le contrat d'agent commercial avait pour objet la commercialisation de maisons individuelles, et donc de biens dont l'acquisition ne se renouvelle pas régulièrement ;
Attendu qu'il résulte des pièces du dossier et des écritures de la société COMECO non démenties sur ce point par la société MCA que les chiffres d'affaires de la société COMECO ont été les suivants :
- 2.062.316 F (314.398,05 €) en 2000- 171.128 € en 2001 - 70.320 € en 2002
et qu'elle a perçu des commissions d'un montant de 1.831.183,90 F (279.162,19 €) en 2000 ;
Que selon un relevé émanant de la société MCA, les commissions perçues par la société COMECO pour la période du 1er mars 2000 au 28 février 2001 se sont élevées à 197.107,54 € HT outre 12.364,21 € pour la période du 1er mars 2001 au 14 mai 2001;
Attendu qu'en l'état des éléments du dossier et notamment de la durée de un an du contrat à durée déterminée au titre duquel la société COMECO est recevable à réclamer réparation de son préjudice, des résultats obtenus pendant cette période et de l'objet de la commercialisation, le contrat ayant pris fin depuis le 28 février 2001, il y a lieu de fixer l'indemnité de résiliation à la somme de 120.000 €, cette indemnité liquidée à la date du présent arrêt devant porter intérêts au taux légal à compter de ce jour ;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge l'intégralité des frais irrépétibles que lui a occasionnés la présente procédure ; que la société MCA sera tenue de lui verser la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Attendu que les demandes de la société COMECO étaient partiellement injustifiées ; que vu les éléments du litige, les décisions intervenues et le présent arrêt, les dépens seront supportés comme ci-après indiqué au dispositif du présent arrêt ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu l'arrêt de la Cour d'Appel de Lyon en date du 18 novembre 2004,
Vu l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 3 octobre 2006,
Constate qu'il est définitivement jugé :
- que la société COMECO a la qualité d'agent commercial,
- qu'elle a perdu son droit à indemnisation au titre de la cessation du contrat à durée indéterminée en date du 1er juillet 1993 qui a pris fin le 1er mars 2000, et que la condamnation de la société MCA à payer à la société COMECO la somme de 8.149,92 € TTC au titre de la commission relative à l'affaire de MB CONSEIL est également définitive,
Infirme le jugement du Tribunal de Grande Instance de Lyon en ce qu'il a :
- débouté la société COMECO de sa demande d'indemnisation au titre de la cessation du contrat à durée déterminée en date du 16 mars 2000 à effet du 1er mars 2000 jusqu'au 28 février 2001,
- condamné la société COMECO à payer à la société MCA la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,
Statuant à nouveau et ajoutant au jugement,
Déclare la société COMECO irrecevable en sa demande en ce qu'elle tend à l'obtention d'une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation du contrat à durée indéterminée ;
Dit et juge qu'elle est en revanche recevable et bien fondée en sa demande d'indemnisation au titre de la cessation de son contrat d'agent commercial à durée déterminée en date du 16 mars 2000, à effet du 1er mars 2000 jusqu'au 28 février 2001, cette indemnisation ne pouvant tenir compte de la période à compter du 1er juillet 1993 jusqu'au 1er mars 2000 correspondant au contrat à durée indéterminée,
Condamne la société MCA à payer à la société COMECO :
- la somme de 120.000 € outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
- celle de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires,
Partage les dépens de première instance, d'appel devant la Cour de Lyon et devant la présente Cour dans la proportion de 2/3 à la charge de la société MCA et 1/3 à la charge de la société COMECO avec droit de recouvrement direct pour ceux d'appel devant la présente Cour au profit de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avoué conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
SIGNE par Monsieur URAN, Président et par Madame Sandrine ABATE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.