RG No 07 / 03399
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU LUNDI 23 JUIN 2008
Appel d'une décision (No RG 06 / 00151)
rendue par le Conseil de Prud'hommes de GAP
en date du 10 septembre 2007
suivant déclaration d'appel du 17 Septembre 2007
APPELANT :
Monsieur Gérald X...
...
05200 EMBRUN
Comparant et assisté par la S. C. P. GUY- LECOYER- MILLIAS (avocats au barreau de HAUTES- ALPES)
INTIMEE :
La Société JG DIFFUSION
4 Rue Baptiste Marcet
BP 94
38600 FONTAINE
Représentée par Monsieur Y...(ancien Directeur) et Monsieur Z... (Directeur) assistés par Me Franck BENHAMOU (avocat au barreau de GRENOBLE)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DELIBERE :
Monsieur Jean- François GALLICE, Conseiller, faisant fonction de Président
Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller,
Madame Hélène COMBES, Conseiller,
DEBATS :
A l'audience publique du 20 Mai 2008,
Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller, chargé du rapport, en présence de Madame Hélène COMBES, Conseiller, assistés de Madame Simone VERDAN, Greffier, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoirie(s), conformément aux dispositions de l'article 945-1 du Nouveau Code de Procédure Civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 23 Juin 2008, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 23 Juin 2008.
Monsieur X... a été embauché comme V. R. P. exclusif par la Société JG. DIFFUSION le 1er avril 1979.
Des difficultés ont opposé les parties à propos du remboursement des frais de déplacement de Monsieur X....
En juillet 2006, Monsieur X... a été victime d'un accident du travail et a été en arrêt maladie.
Il a saisi le Conseil de Prud'hommes de Gap d'une demande de résiliation de son contrat de travail comportant des réclamations financières.
Par jugement du 10 janvier 2007, le Conseil de Prud'hommes de Gap a débouté Monsieur X... de toutes ses demandes.
Monsieur X..., qui a relevé appel, sollicite :
- la résiliation de son contrat de travail aux torts de son employeur
-8. 199, 00 € et 819, 90 € à titre de préavis et des congés payés afférents
-6. 500, 00 € à titre d'indemnité de clientèle
-6. 500, 00 € à titre de dommages- intérêts pour rupture abusive
- indemnité de non- concurrence de 1. 822 € par mois pendant deux ans
-3. 250, 00 € à titre de prime d'objectifs pour 2006
-6. 142, 28 € à titre de rappel de frais de déplacement
-2. 398, 72 € à titre d'indemnité journalière
-4. 266, 32 € à titre de rappel de commissions
-1. 500, 00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Il expose que :
- l'indemnité forfaitaire de frais de déplacement lui a été supprimée (2. 290 € par mois) à partir de 2006 (février), après avoir été réduite à partir de juillet 2005. Il parcourait 50 à 60. 000 km par an ;
- sur la prime sur objectifs : elle résulte d'une note manuscrite de l'employeur (0, 5 % du chiffre d'affaires si objectif 650. 000 € atteint du 1er juillet 2005 au 30 juin 2006). La prime est due. Il n'y avait pas de clause de bonne fin. Son employeur a refusé, de façon abusive, de prendre en considération de nombreuses commandes et factures ;
- son mode de rémunération a été modifié unilatéralement : ses avances sur commissions, de 2. 400 € par mois, ont été brutalement réduites à la valeur du SMIC ;
- ses absences pour rechute d'accident du travail n'ont pas été indemnisées sur la base de l'article 9 de l'accord national interprofessionnel des V. R. P. ;
- un successeur a été embauché en septembre 2007.
La société JG. DIFFUSION conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de l'appelant à lui payer 10. 000 € de dommages- intérêts pour procédure abusive ainsi que 1. 500 € en application de l'article 400 du Code de Procédure civile.
Elle expose que :
- sur les frais et indemnités de déplacement : depuis plusieurs années, les frais (2. 290 €) ont été inclus dans les commissions perçues. Le salarié a toujours donné les justificatifs des frais avancés. Ces frais ne rentrent pas dans la rémunération.
- sur la prime d'objectifs : seules les commissions effectuées et définitives peuvent être prises en compte. L'objectif de 650. 000 € n'a pas été atteint. L'affaire " Chalet les Abeilles " ne peut être prise en considération : l'appelant ne verse que des devis.
- sur l'avance sur commission : elle n'a pas d'influence sur le montant final de la rémunération, elle constitue une facilité. Elle a été réduite parce que le salarié n'avait opéré quasiment aucune vente.
MOTIFS DE L'ARRET
1°) La demande de résiliation du contrat de travail de Monsieur X... :
Le salarié peut demander à la juridiction prud'homale la résiliation judiciaire de son contrat de travail en cas de manquements de son employeur à ses obligations.
Le remboursement de frais :
L'examen des bulletins de salaire de Monsieur X... fait apparaître qu'il a bénéficié, à partir de juillet 2002 jusqu'à juin 2005, d'un " remboursement frais de route " d'un montant mensuel de 2. 290 € et que ce remboursement a été réduit, à partir du mois de juillet 2005, à 1. 500 €, puis n'a plus été mentionné sur les bulletins de paie à dater de février 2006.
La Société intimée justifie la réduction de ses frais à 1. 500 € par la mise à disposition de Monsieur X... d'un véhicule de fonction.
Si un véhicule de fonction a effectivement été mis à la disposition de Monsieur X..., cela a été de courte durée puisque le véhicule a été rapidement inutilisable pour cause de panne.
La mise à disposition de Monsieur X... d'un véhicule ne peut justifier une baisse aussi considérable du remboursement de ses frais, alors même que son employeur évaluait, dans un courrier adressé le 3 février 2006 au salarié, l'utilisation de son véhicule personnel - le véhicule de fonction étant hors d'usage - à la somme de 400 € par mois.
Les modifications de la somme versée à Monsieur X... au titre du remboursement de ses frais sont injustifiées et ont entraîné pour le salarié une baisse significative de sa rémunération.
En l'espèce, ce ne sont pas, ainsi que le soutient la Société intimée, les modalités de remboursement qui ont été modifiées mais leur nature même et leur volume. La Société JG. DIFFUSION n'établit pas que Monsieur X... a consenti à ces modifications et n'établit pas non plus de ce dernier ait commis des " abus ".
Ces faits constituent de la parte de la Société JG. DIFFUSION un manquement à ses obligations contractuelles à l'égard de Monsieur X....
La prime de juin 2006 :
Monsieur X... avait pour objectif la réalisation d'un chiffre d'affaires de 650. 000 € pour la période du 1er juillet 2005 au 30 juin 2006.
Le contrat de travail de Monsieur X... ne comportait pas de clause de bonne fin ou de paiement.
Le droit à commission est lié à la commande passée.
La Société JG. DIFFUSION produit une pièce indiquant que Monsieur X... a réalisé un chiffre d'affaires de 569. 633, 99 €. Elle reconnaît qu'il convient d'ajouter à ce chiffre des commandes d'un total de 32. 000 € et 3. 825 €.
Les pièces produites par Monsieur X... établissent qu'ont été émises les factures Mas de l'Orangerie à Gréoux les Bains (1. 003, 82 €), la Ferme de l'Izoard à Arvieux (1. 667, 29 €), cinq factures pour un montant global de 2. 847, 80 €.
Des écarts doivent être constatés également au mois de juillet 2005 (2. 633, 19 €), août 2005 (1. 637, 90 €) et octobre 2005 (2. 673, 74 €).
Monsieur X... produit enfin un bon de commande émanant du Chalet des Abeilles Levallois Découvertes daté du 10 mai 2006, d'un montant de 37. 106 € H. T. Ce bon n'est signé ni de Monsieur X... ni du client. Par ailleurs, sont produits deux devis concernant le même client en date des 7 avril 2006 et 20 juillet 2006 d'un montant respectif de 38. 428, 60 € et de 34. 084, 76 € H. T. Ces éléments sont contradictoires et ne permettent pas de retenir que Monsieur X... a pris la commande du 10 mai 2006, commande au demeurant non signée.
Monsieur X... n'ayant pas atteint l'objectif de chiffre d'affaires, il ne peut être reproché à la Société intimée de ne pas lui avoir payé la prime d'objectifs.
Le mode de rémunération de Monsieur X... :
Jusqu'au mois de juillet 2006, Monsieur X... bénéficiait d'une avance sur commission d'un montant de 2. 437 € par mois, voire parfois supérieur à cette somme.
Au mois d'août 2006, semaine du 1 au 6 août, cette avance sur commission a été considérablement réduite (267, 95 €).
Ce fait constitue une modification unilatérale du contrat de travail de Monsieur X....
Ce fait constitue un manquement de la Société JG. DIFFUSION à ses obligations contractuelles.
L'indemnisation de Monsieur X... pendant son arrêt de travail :
Monsieur X... a été en arrêt de travail à compter du 7 juin 2006 jusqu'au 21 juin 2006 puis, en raison de son accident, du 7 août 2006 au 10 octobre 2006.
L'article 9 de l'accord national interprofessionnel des V. R. P dispose :
" Lorsque après deux an d'ancienneté dans l'entreprise, le contrat de travail d'un représentant de commerce est suspendu par suite d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail reconnus par la sécurité sociale, l'indemnité prévue à l'article 8 est égale par jour civil d'absence indemnisable à :
-1 / 60 de la rémunération moyenne mensuelle, définie au paragraphe 2 de l'article 8, à partir du premier jour d'indemnisation par la sécurité sociale et ce pendant les 28 premiers jours
-1 / 90 de cette rémunération moyenne mensuelle à compter du 29e jour. Cette indemnité sera servie pendant la durée d'indemnisation et selon les modalités prévues par l'article 8. "
L'employeur de Monsieur X... n'a pas mis en oeuvre ces dispositions et a donc failli à ses obligations contractuelles.
Il est dû à Monsieur X... les sommes suivantes :
- à partir du premier jour d'indemnisation
période du 7 août 2006 au 3 septembre 2006
28 jours x (2. 733 € x 1 / 60) = 1. 275, 40 €
- à partir du 2e jour d'indemnisation
période du 4 septembre 2006 au 10 octobre 2006
37 jours x (2. 733 € x 1 / 90) = 1. 123, 32 €
Total dû : 2. 398, 72 €
La circonstance que certains bons de commande aient été établis au cours de la période du 7 au 21 juin 2006 est indifférente. En effet, certains bons ont été établis le 7 juin 2006, alors que Monsieur X... a été arrêté le soir du 7 juin 2006 ; les autres bons ont été complétés téléphoniquement.
Le contrat de travail de Monsieur X... doit être résilié aux torts de la Société JG. DIFFUSION, à la date du 9 octobre 2006.
2°) Les conséquences de la rupture :
Il est dû à Monsieur X... au titre de ses frais de déplacements la somme de 6. 142, 28 €, au titre du complément indemnités journalières : 2. 398, 72 €, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis : 8. 199 € (3 mois de rémunérations en application de l'article 12 de l'accord national) outre les congés payés afférents.
Les manquements de l'employeur de Monsieur X... lui ont causé un préjudice important, dès lors que les relations contractuelles ont été rompues, après plus de 27 ans d'activités au service de la Société JG. DIFFUSION, sans aucune difficulté jusqu'au cours de l'année 2005.
L'ancienneté de Monsieur X... est de 27 ans et non de 6 ans. En effet, si Monsieur X..., embauché en 1979, a vu son statut modifié le 1er juin 1994, date à laquelle il va devenir agent commercial pour le compte de la Société JG. DIFFUSION, il est redevenu V. R. P. le 1er avril 1999. En fait, il n'a jamais cessé d'exercer son activité de manière similaire, en se conformant aux instructions de la Société JG. DIFFUSION.
Il n'est pas douteux que Monsieur X... aura les plus grandes difficultés à retrouver un emploi à 54 ans.
Au titre du préjudice de Monsieur X..., il lui sera alloué la somme de 50. 000 € à titre de dommages- intérêts.
Monsieur X..., qui soutient avoir été mis dans l'impossibilité de prendre ses congés payés, produit une lettre de son employeur du 21 octobre 2005 dans laquelle celui- ci indique : " je vous signale que je règle vos frais de déplacement sur 12 mois et ce sera la dernière année car nous ne pourrons éternellement faire admettre que vous ne prenez pas de vacances ".
Contrairement ce que prétend l'appelant, cette lettre n'établit pas que son employeur lui interdisait ou l'empêchait de prendre ses congés.
Monsieur X... ne prouve pas que son employeur l'ait empêché de quelque façon que ce soit de prendre ses congés. Il ne produit ni lettre de réclamation ni témoignage.
La demande de Monsieur X... liée aux congés payés doit être rejetée.
L'indemnité de clientèle :
Cette indemnité est liée à la part qui revient personnellement au V. R. P. dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui.
En l'espèce, le contrat de travail de monsieur X..., entré au service de la Société JG. DIFFUSION, mentionnait que son secteur était composé des départements des Alpes de Haute Provence, des Hautes Alpes, de l'Ardèche, de la Drôme et des communes des Deux Alpes et de Corps (Isère).
Le contrat précisait, en son article 15 consacré à l'indemnité clientèle, qu'étaient annexées audit contrat :
- la liste des clients de la Société existant à la date de signature du contrat ainsi que le chiffre d'affaires réalisé avec ces clients dans les 12 mois pendant la signature du contrat
- le liste des clients apportés à la Société par Monsieur X... ainsi que le chiffre d'affaires réalisé avec ces clients dans les 12 mois précédant la signature du contrat.
Le contrat produit tant par Monsieur X... que la Société JG. DIFFUSION ne comporte aucune annexe.
La consultation des bulletins de paie produits par Monsieur X... et concernant la période mars 1999 à août 2006 permet de constater que le volume de ses commissions a évolué de façon significative et s'est maintenu à un niveau mensuel élevé.
Par ailleurs, alors que le chiffre d'affaires que Monsieur X... devait atteindre au début de son activité professionnelle (1999) était fixé à 121. 959, 21 €, il a atteint le montant de 650. 000 € dans les dernières années des relations contractuelles.
Ces éléments établissent que Monsieur X... a, par son activité, développé de façon importante la clientèle dont il se trouve privé pour l'avenir du fait de la rupture.
Il lui sera alloué au titre de l'indemnité de clientèle la somme de 20. 000 €.
La clause de non- concurrence :
Monsieur X... n'a pas été délié de la clause de non- concurrence.
Le contrat de travail prévoyait une clause de non- concurrence de 2 ans.
L'article 17 de l'accord national interprofessionnel dispose que pendant l'exécution de l'interdiction de concurrence, le V. R. P. a droit à une contrepartie pécuniaire mensuelle dont le montant est égal à 2 / 3 ou 1 / 3 de mois selon que la durée de l'interdiction est supérieure ou au plus égale à 1 an.
Il est dû à Monsieur X... la somme de :
2. 733 € x 2 / 3 x 24 = 43. 728 €.
L'équité commande la condamnation de la Société intimée à payer à Monsieur X... la somme de 1. 500 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement.
Statuant à nouveau
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur X... aux torts de la Société JG. DIFFUSION à la date du 9 octobre 2006.
Condamne la Société JG. DIFFUSION à payer à Monsieur X... :
-8. 199, 00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
-819, 99 euros au titre des congés payés afférents
-2. 398, 72 euros à titre de complément de salaires
-6. 142, 00 euros au titre des frais de déplacement
-50. 000, 00 euros à titre de dommages- intérêts pour la rupture du contrat de travail
-20. 000, 00 euros à titre d'indemnité de clientèle
-43. 728, 00 euros à titre de contrepartie de la clause de non- concurrence
-1. 500, 00 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Déboute Monsieur X... de toute autre demande.
Condamne la Société JG. DIFFUSION aux dépens de première instance et d'appel.
Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
Signé par Monsieur GALLICE, Président, et par Madame LEICKNER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.