RG No 07 / 02071
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU LUNDI 19 MAI 2008
Appel d'une décision (No RG 06 / 00008)
rendue par le Conseil de Prud'hommes de VALENCE
en date du 15 mai 2007
suivant déclaration d'appel du 30 Mai 2007
APPELANTE :
Madame Fabienne X...
...
Représentée par Me DERBEL (avocat au barreau de VALENCE) substitué par Me CABROL (avocat au barreau de VALENCE)
INTIMEE :
La S. A. R. L. TAXIS DE LA TOUR prise en la personne de sa gérante, Madame B..., en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
Les Volonteux
Route de Montmeyran
26760 BEAUMONT LES VALENCE
Représentée par Madame B... (Gérante) assistée par Me Alain BALSAN (avocat au barreau de VALENCE)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Jean- François GALLICE, Conseiller, faisant fonction de Président,
Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller,
Madame Hélène COMBES, Conseiller,
Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique du 01 Avril 2008,
Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie (s).
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 19 Mai 2008.
L'arrêt a été rendu le 19 Mai 2008.
Madame X... a conclu les contrats de travail suivants :
1o) le 16 mai 1996 avec la S. A. R. L. Ambulance Beaumontoise, en qualité de conducteur de véhicule sanitaire, à raison de 20 heures hebdomadaires. Le gérant de cette Société est Monsieur B....
2o) le 1er avril 1998 avec la S. A. R. L. AMBULANCE BEAUMONTOISE, en la même qualité, à raison de 10 heures hebdomadaires. Le contrat mentionne que le salarié a une ancienneté de 2 ans et 15 jours.
3o) le 1er avril 1998, avec la S. A. R. L. Taxis de la Tour, en qualité de conducteur de véhicule à raison de 10 heures hebdomadaires. Le gérant de cette Société est Madame B..., épouse du gérant de la S. A. R. L. Amublance Beaumontoise. Le contrat mentionne la même ancienneté pour la salariée que le contrat précédent.
Ces trois contrats de travail mentionnaient qu'ils étaient régis pendant la Convention Collective des Transports Routiers et Activités Auxiliaires de Transports.
4o) le 1er octobre 2003, avec la S. A. R. L. Taxis de la Tour, en qualité de chauffeur de taxi, à raison de 152 heures mensuelles. Le contrat mentionnait que l'ancienneté de la salariée avait commencé à la date du 16 mars 1996.
Le contrat précisait que la salariée sera amenée à accomplir des missions pour la S. A. R. L. Amublance Beaumontoise, dans le cadre d'une convention passée entre les deux sociétés pour le prêt de main-d'oeuvre sans but lucratif. Cette convention a été signée le 1er octobre 2003.
Madame X... a démissionné de la S. A. R. L. Taxi de la Tour, le 21 octobre 2005, avec effet au 28 octobre 2005.
Elle a saisi le Conseil de Prud'hommes de Valence de différentes demandes (frais de formation, indemnité de repas, dimanches travaillés, heures supplémentaires...)
Le Conseil de Prud'hommes de Valence, par jugement du 15 mai 2007, l'a déboutée de toutes ses demandes mais a donné acte à la S. A. R. L. Taxi de la Tour qu'elle reconnaissait devoir à Madame X... 2, 88 € à titre de régularisation des astreintes et congés payés.
Ayant relevé appel, Madame X... demande :
-de dire que son emploi était ambulancière
-1. 676, 40 € à titre de frais de formation exposés en 2005
-1. 218, 00 € à titre d'indemnités de repas (de 2002 à 2005)
-2. 244, 00 € à titre des dimanches travaillés (de 2002 à 2005)
-224, 40 € à titre de congés payés afférents.
-1. 985, 50 € à titre de jours fériés travaillés (de 2002 à 2005)
-198, 55 € à titre des congés payés afférents
-28. 611, 75 € à titre d'heures supplémentaires (de 2002 à 2005)
-2. 861, 17 € à titre des congés payés afférents
-4. 056, 50 € à titre de jours de récupération non payés (de 2002 à 2005)
-405, 65 € à titre des congés payés afférents
-la fourniture, sous astreinte, des feuilles de route
-2. 500, 00 € à titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Elle expose que :
- les époux B... ont deux sociétés : Monsieur B... gère la S. A. R. L. Ambulances Beaumontoise, son épouse la S. A. R. L. Taxis de la Tour.
- elle a travaillé pour ces deux sociétés de 1989 à 1996, comme intérimaire. Un contrat à durée indéterminée a été conclu le 16 mars 1996 avec la S. A. R. L. Ambulance Beaumontoise comme conducteur de véhicule sanitaire.
Le 1er avril 1998, elle a conclu un contrat à durée indéterminée, à temps partiel avec chacune des sociétés :
- comme conducteur de véhicule sanitaire avec la S. A. R. L. Ambulance Beaumontoise 10 heures par semaine
- comme conducteur de véhicule avec la Société Taxi de la Tour 10 heures par semaine.
Puis le contrat à durée indéterminée du 1er octobre 2003 a été conclu en qualité de chauffeur de taxi, avec la S. A. R. L. Taxis de la Tour, avec mise à disposition de la S. A. R. L. Ambulance Beaumontoise sans but lucratif.
- la convention Collective applicable est celle des transports routiers et activités auxiliaires de transports ainsi que mentionné sur les trois premiers contrats
- la mise à disposition constitue un prêt de main-d'oeuvre. La S. A. R. L. Taxis de la Tour a régulièrement procédé de la sorte.
- en réalité Madame X... était ambulancière
- elle a réussi le certificat de capacité d'ambulancière le 3 juin 2005 mais son employeur n'en a tiré aucune conséquence, d'où ses demandes.
La S. A. R. L. Taxis de la Tour conclut à la confirmation du jugement et fait valoir que :
- les mentions relatives à la Convention Collective applicable figurant sur les contrats sont erronées
- les bulletins de paie de la Société Amublance Beaumontoise mentionnent la Convention Collective, pas ceux délivrés par la Société Taxis de la Tour
- en toute hypothèse, la Convention Collective invoquée dispense de son application les employeurs de salariés à temps partiel (cf accord- cadre du 4 mai 2000).
- la Société de Taxis de la Tour n'est soumise à aucune Convention Collective, nonobstant le lapsus calami commis par la Société intimée
- le prêt de main-d'oeuvre a été préconisé par l'Inspection du Travail (cf courriers échangés).
MOTIFS DE L'ARRET :
Madame X... , qui soutient avoir travaillé pour le compte des deux sociétés intimées en qualité d'intérimaire de 1989 à 1996, n'en rapporte pas la preuve.
Madame X... revendique l'application de la Convention Collective des Transports Routiers et Activités Auxiliaires de Transports du 21 décembre 1950 étendue par arrêté du 1er février 1955.
L'article 15 de l'accord- cadre sur l'aménagement et la réduction du temps de travail des personnels des entreprises de transport sanitaire du 4 mai 2000 dispose :
" Travail à temps partiel : Les parties signataires du présent accord- cadre conviennent de l'ouverture, au cours de l'année 2000, d'une négociation sur la durée et l'organisation du travail des personnels exerçant leur activité à temps partiel.
Dans l'attente de la conclusion de cet accord spécifique, dont les dispositions feront l'objet d'un avenant au présent accord- cadre, l'organisation, les décomptes du temps de travail et la rémunération des personnels exerçant leur activité à temps partiel se font sur la base du temps réel de présence au service de l'entreprise conformément aux dispositions légales et réglementaires en vigueur ".
Aucune disposition nouvelle n'est intervenue depuis le 4 mai 2000, de sorte que les réclamations de Madame X... , qui a été employée à temps partiel jusqu'au 30 septembre 2003, ne peuvent qu'être rejetées pour la période antérieure à cette date.
En ce qui concerne la période comprise entre le 1er octobre 2003 et le 21 octobre 2005, date de la démission de Madame X..., pendant laquelle cette dernière a travaillé à temps complet, si le contrat de travail de l'appelante ne mentionne aucune Convention Collective et si les bulletins de salaire n'en font également apparaître aucune, il est constant que son contrat précise qu'elle sera amenée à accomplir des missions pour la S. A. R. L. Ambulance Beaumontaise, dans le cadre d'une convention passée entre les deux sociétés pour le prêt de main-d'oeuvre sans but lucratif.
L'article 2 de cette convention prévoyait que le décompte détaillé des heures effectuées avec l'objet de la mission serait mentionné sur une fiche journalière remplie par chaque chauffeur et l'article 3 de cette même convention que la facturation entre les deux entreprises serait effectuée mensuellement.
Le contrat de travail du 1er octobre 2003 conclu entre les parties prévoyait que la salariée effectuerait des astreintes des gardes de nuit et pouvait travailler les samedis, dimanches et les jours fériés.
Les bulletins de paie de l'appelante font mention d'astreinte.
Madame X... produit des relevés des heures effectuées depuis le 1er décembre 2003 jusqu'à la date de sa démission et faisant apparaître les repas pris, les dimanches, les jours fériés travaillés et les heures supplémentaires.
La Société intimée produit pour sa part des tableaux intitulés relevés d'heures mensuelles et des relevés hebdomadaires faisant apparaître pour chaque jour de la semaine les heures accomplies quotidiennement.
La Société intimée ne produit pas les feuilles de route dont l'établissement est obligatoire (article 2 de l'arrêté du 19 décembre 2007).
Cet arrêté précise que les durées de service des personnels ambulanciers roulants des entreprises de transport sanitaire sont en effet décomptées au moyen de feuilles de route hebdomadaires individuelles.
L'article 3 de l'arrêté mentionne que :
" les durées de service hebdomadaires enregistrées sur les feuilles de route font l'objet d'une récapitulation mensuelle, dans le cadre du mois civil, établie à la diligence de l'employeur. Ce récapitulatif mensuel est établi en fin de mois, et au plus tard le 10 du mois suivant. "
L'article 4 ajoute enfin que :
" Les feuilles de route sont tenues à la disposition des inspecteurs du travail chargés du contrôle des établissements concernés. Elles peuvent être consultées par les délégués du personnel avec l'accord du salarié concerné.
Elles sont conservées par l'entreprise pendant cinq ans au moins à partir de la fin de la semaine concernée. "
La Société Taxis de la Tour a été défaillante dans le respect de ses obligations en matière de contrôle de la durée du travail de Madame X... ainsi que de la nature des jours travaillés.
Au vu des pièces produites par Madame X..., elle peut prétendre au paiement des sommes suivantes, pour la période du 1er octobre 2003 au 21 octobre 2005 :
Dimanches travaillés et non rémunérés :
2004 :
8 dimanches = 12 heures x 8, 450 € = 101, 40 € x 8 = 811, 20 €
+ 8 x 18 € (majoration art. 12-6 accord- cadre) = 144, 00 €
955, 20 €
2005 :
5 dimanches = 12 heures x 8, 8 € = 105, 60 x 5 = 528, 00 €
+ 5 x 18 € = 90, 00 €
618, 00 €
955, 20 € + 618 € = 1. 573, 20 €
Congés payés afférents 157, 32 €
1. 730, 52 €
Jours fériés travaillés et non rémunérés :
2004 :
3 jours = 8 heures x 8, 45 € = 67, 60 x 3 = 202, 80 €
outre 20, 28 € au titre des congés payés afférents
Heures supplémentaires :
2004 :
4. 454, 02 €-1. 548, 50 € = 2. 905, 52 €
outre 290, 55 € au titre des congés payés afférents
2005 :
2. 900, 36 €-1. 463, 00 € = 1. 437, 36 €
outre 143, 73 € au titre des congés payés afférents
Jours de " récupération " :
Cette demande paraît en réalité concerner les " repos compensateurs " et viser le fait que le paiement d'heures supplémentaires ou de jours fériés aurait été remplacé par des jours de repos.
Toutefois l'article 10-3 de l'accord- cadre du 4 mai 2000 dispose que, conformément à l'article L. 212-5 du Code du Travail, le paiement de tout ou partie des heures supplémentaires peut être remplacé par un repos compensateur.
Cette demande doit être rejetée.
Indemnités de repas :
Cette demande ne peut être prise en considération qu'à partir du moment où Madame X... a travaillé à plein temps.
Compte tenu des justificatifs produits par la Société intimée, il est dû à Madame X... la somme de 40 x 10, 50 € = 420 € outre 42 € à titre des congés payés afférents.
Frais de formation :
La demande de l'appelante vise les frais de déplacement, non la formation elle- même qui a été prise en charge par son employeur qui a maintenu le versement de son salaire.
L'appelante ne précise pas sur quel fondement repose sa demande.
La demande sera rejetée.
La production de feuilles de route :
Cette demande est légitime. La Société Taxis de la Tour sera condamnée à produire à Madame X..., sous astreinte de 50 € par jour de retard passé le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt, l'ensemble des feuilles de route depuis le 4 janvier 2001.
L'équité commande la condamnation de la Société Taxis de la Tour à payer à Madame X... 1. 500 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement
Statuant à nouveau
Condamne la Société Taxis de la Tour à payer à Madame X... :
-1. 573, 20 euros au titre des dimanches travaillés
-157, 32 euros au titre des congés payés afférents
-202, 80 euros au titre des jours fériés travaillés
-20, 28 euros au titre des congés payés afférents
-4. 342, 88 euros au titre des heures supplémentaires
-434, 29 euros au titre des congés payés afférents
-420, 00 euros au titre des repas
-42, 00 euros au titre des congés payés afférents
-1. 500, 00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Ordonne à la Société Taxis de la Tour de remettre à Madame X..., sous astreinte de 50 euros par jour de retard, passé le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt, les feuilles de route depuis le janvier 2001.
Condamne la Société Taxis de la Tour aux dépens de premier ressort et d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
Signé par Monsieur GALLICE, président, et par Madame LEICKNER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.