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13/05/2008 | FRANCE | N°07/00093

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 13 mai 2008, 07/00093


RG N° 07 / 02067

Grosse délivrée
à :

S. C. P. CALAS

S. C. P. GRIMAUD

Me RAMILLON

S. C. P. POUGNAND

S. E. LA. R. L. DAUPHIN & MIHAJLOVIC



COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE DES URGENCES

ARRET DU MARDI 13 MAI 2008

Appel d'une décision (N° RG 07 / 00093)
rendue par le Tribunal de Grande Instance de VALENCE
en date du 23 mai 2007
suivant déclaration d'appel du 06 Juin 2007



APPELANT :

Monsieur Frédéric Y...

né le 22 Mars 1962 à CASABLANCA (MAROC)

..

.


...

26170 LA PENNE SUR L'OUVEZE

représenté par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour
assisté de Me Jean-Louis DAUMAS-BORELLI, avocat au barreau de NICE, substitué ...

RG N° 07 / 02067

Grosse délivrée
à :

S. C. P. CALAS

S. C. P. GRIMAUD

Me RAMILLON

S. C. P. POUGNAND

S. E. LA. R. L. DAUPHIN & MIHAJLOVIC

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE DES URGENCES

ARRET DU MARDI 13 MAI 2008

Appel d'une décision (N° RG 07 / 00093)
rendue par le Tribunal de Grande Instance de VALENCE
en date du 23 mai 2007
suivant déclaration d'appel du 06 Juin 2007

APPELANT :

Monsieur Frédéric Y...

né le 22 Mars 1962 à CASABLANCA (MAROC)

...

...

26170 LA PENNE SUR L'OUVEZE

représenté par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour
assisté de Me Jean-Louis DAUMAS-BORELLI, avocat au barreau de NICE, substitué par Me Marie-Christine RENUCCI, avocat au barreau de NICE

INTIMEE :

Madame Sandrine B...

ès qualités de représentante légale de son fils mineur Monsieur Ambroise Y... né le 7 juillet 1997 à Casablanca (Maroc)
née le 13 Août 1970 à CASABLANCA (MAROC)
de nationalité Marocaine

...

...

16002 CASABLANCA (MAROC)

représentée par la SCP Jean CALAS, avoué à la Cour
assistée de Me Hélène LEVY LEROY MAZARIAN, avocat au barreau d'AVIGNON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur André ROGIER, Président,
Madame Arlette GAILLARD-MAUNIER, Conseiller,
Madame Brigitte DEMARCHE, Conseiller,

Assistés lors des débats de Monsieur Salvatore SAMBITO, Greffier.

EN PRESENCE DE :

Madame PICCOT, avocat général, présente lors des débats.

DEBATS :

A l'audience publique du 01 Avril 2008, après communication du dossier au Ministère Public, les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries, et Madame PICCOT, avocat général, a été entendue en ses conclusions écrites et orales.

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.

------0------

Du mariage contracté le 26 décembre 1995 entre Jean-Claude Y... et Sandrine B..., est né Ambroise le 7 juillet 1997 à Casablanca, (Maroc).

Jean-Claude Y... est décédé à Marseille le 31 juillet 2005 laissant pour lui succéder, son fils aîné, Frédéric Y..., issu d'une précédente union et Ambroise Y....

Aux termes d'un acte de divorce conventionnel transcrit le 23 septembre 2004 sur les registres des mariages et des divorces, le divorce des époux Y... / B... était prononcé au Maroc.

La garde de l'enfant était confiée à la mère avec un droit de visite et d'hébergement accordé au père qui devait verser à Sandrine B... pour l'entretien de l'enfant mineur, une pension alimentaire et prendre en charge différents frais. Ces dispositions financières avaient cours jusqu'à la majorité du mineur ou jusqu'à la fin de ses études.

L'acte de divorce prévoyait également que la pension alimentaire serait supportée par les héritiers du défunt.

En raison de dissensions entre Frédéric Y... et Sandrine B... sur la liquidation de la succession, cette dernière agissant en qualité d'administratrice légale de son fils mineur, saisissait le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Valence lequel, statuant en la forme des référés, par ordonnance du 23 mai 2007 :

- retenait sa compétence pour connaître de la demande d'exequatur formée par Sandrine B...,
- rejetait la demande de renvoi au fond formée par Frédéric Y...,
- rejetait la fin de non recevoir tirée de la prétendue violation de la règle " non bis in idem ",

- déboutait pour le surplus Frédéric Y... de ses demandes, fins et moyens,
- prononçait l'exequatur de l'acte de divorce conventionnel en date du 16 septembre 2004 régulièrement transcrit le 23 septembre 2004 comprenant la convention du 17 juin 2004 relative notamment au règlement de la pension pour l'enfant mineur,
- disait que ledit acte pourrait en conséquence être exécuté sur l'ensemble du territoire français y compris les départements et les collectivités territoriales de Corse et de Mayotte en toutes ses dispositions comme prononcées par une juridiction française,
- disait que toutes les condamnations pécuniaires libellées en devises étrangères devraient être payées en euros au cours du jour ouvrable précédant le paiement effectif dans la mesure où celui-ci interviendrait sur le territoire français,
- condamnait Frédéric Y... à payer à Sandrine B... ès qualité de représentante légale de son fils, la somme de 450 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- disait n'y avoir lieu à exécution provisoire et condamnait Frédéric Y... aux dépens.

Frédéric Y... interjetait appel le 6 juin 2007.

Dans ses dernières écritures déposées le 4 mars 2008 auxquelles il est renvoyé, il demande :

- la réformation de la décision notamment en ce qu'elle a exequaturé la convention notariée du 17 juin 2004 en violation des conditions d'obtention de l'exequatur en France des jugements étrangers depuis l'arrêt Munzer du 7 janvier 1964 et l'arrêt Simitch du 6 février 1985,
- que la Cour se déclare incompétente,
- qu'il soit constaté que Sandrine B... fait une interprétation erronée du nouveau code de la famille marocain et qu'elle doit être déboutée de toutes ses demandes, fins et moyens,
- la condamnation de Sandrine B... au paiement de la somme de 2. 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de celle de 1. 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Il expose :

- que le divorce n'a pas été prononcé par un jugement étranger mais par une convention dressée par les " adoul ", n'ayant pas force exécutoire et ne pouvant équivaloir à un jugement selon la théorie dite " de l'équivalence ",
- que le jugement n'interviendrait que pour homologuer l'acte de reprise du mariage mais en aucun cas pour statuer sur le divorce lui-même,
- que l'acte dont l'exequatur est sollicitée ne comprendrait pas les mentions de l'article 50 du Code de Procédure Civile marocain,
- que la preuve d'une décision judiciaire ayant acquis force de chose jugée n'était pas administrée,
- que les actes notariés ne pouvaient être exequaturés que s'ils étaient exécutoires dans le pays où ils étaient dressés,
- qu'en saisissant le tribunal de première instance de Casablanca le 12 juin 2007 d'une demande en paiement de la pension alimentaire, Sandrine B... avait formé une seconde demande qui ne pouvait être examinée une deuxième fois,
- qu'il y a eu fraude à la loi dans la mesure où les conditions pour exequaturer n'étaient pas remplies.

Dans ses dernières écritures déposées le 19 février 2008 auxquelles il est fait référence, Sandrine B... agissant ès qualité, sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise, le rejet des demandes et moyens adverses, la condamnation de Frédéric Y... au paiement de la somme de 2. 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive en application de l'article 559 du Code de Procédure Civile relatif à l'amende civile sur laquelle la Cour statuera et la condamnation du même au paiement de la somme de 2. 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Elle fait valoir :

- que le divorce consensuel était irrévocable comme non susceptible de recours,
- que conformément à la loi marocaine 70. 03, les époux avaient présenté au juge une demande commune en déterminant les modalités de leur séparation en vue d'un divorce consensuel,
- que l'acte des " adoul " n'était qu'une étape de la procédure qui devait se terminer par un jugement,
- qu'elle n'avait pas tenté de se faire payer deux fois les sommes prévues à la convention mais seulement présenté une requête en désignation d'un liquidateur de la succession, que la règle non bis in idem n'était pas applicable à la cause,
- que le divorce fut recueilli par une juridiction compétente, satisfaisant aux exigences de l'article 16 de la convention franco-marocaine d'aide mutuelle judiciaire,
- que Frédéric Y... ne rapportait pas la preuve de l'intention frauduleuse.

Le Ministère Public entendu en ses observations a conclu à la confirmation de l'ordonnance entreprise.

SUR CE

Le 16 septembre 2004, les époux Y... / B... ont comparu devant les " adoul " du tribunal de première instance de Casablanca afin qu'ils prennent acte du divorce conventionnel prononcé entre eux aux conditions fixées par la convention du 17 juin 2004 et reprises dans l'acte de divorce conventionnel, transcrit le 23 septembre 2004.

Les époux se sont donc mis d'accord sur le principe d'un divorce par consentement mutuel en présentant leur demande au tribunal assortie d'un document établissant leur accord aux fins d'obtenir l'autorisation de l'instrumenter ainsi que le mentionne l'article 114 du nouveau code de la famille, respectant également les dispositions des articles 79, 81 et 82 du nouveau code de la famille marocain puisqu'ils ont été convoqués par le tribunal pour une tentative de conciliation et qu'auparavant, ils avaient demandé au tribunal l'autorisation de faire dresser acte de leur divorce par deux " adoul " dûment habilités.

Par ordonnance du 11 octobre 2007 dont la minute de l'ordonnance fut consignée au secrétariat greffe du tribunal de première instance de Casablanca, la juridiction saisie entérinait le contenu de l'acte de divorce par consentement mutuel lui conférant force exécutoire. Les dispositions des articles 87 et 88 du nouveau code de la famille et de l'article 50 du code de procédure civile marocain relatif aux mentions des jugements, ont été respectées.

Même si les " adoul " interviennent en qualité de notaire, ils officient sous le contrôle du tribunal qui rend en définitive une décision homologuant le divorce amiable.

Ainsi, Frédéric Y... est mal fondé à soutenir que les actes dressés par les " adoul ", n'ont pas force exécutoire.

Conformément à l'article 123 du nouveau code de la famille, le divorce par consentement mutuel est devenu irrévocable et définitif ainsi que l'a établi le tribunal par un acte d'irrévocabilité de divorce en date du 11 décembre 2006.

S'agissant de l'exequatur, l'article 23 de la convention franco marocaine d'aide mutuelle judiciaire, d'exequatur et d'extradition, est respecté puisque l'acte de divorce conventionnel est exécutoire au Maroc.

Conformément à la théorie dite de " l'équivalence ", la décision étrangère que le juge français doit exequaturer a valeur de jugement ainsi que le démontre l'intervention du tribunal au cours de la procédure.

Frédéric Y... ne peut sans en administrer la preuve, soutenir l'existence d'une fraude à loi dès lors que Sandrine B... prouve le caractère exécutoire et définitif de la décision.

La demande en paiement de pension alimentaire du 12 juin 2007 formée devant le tribunal de première instance de Casablanca et qui porte sur une demande rectificative ainsi que sur le paiement de la pension à compter du 31 juillet 2005 et jusqu'au 31 septembre 2006, n'a fait l'objet d'aucun jugement. Si elle n'intéresse pas la présente procédure d'exequatur qui permet à la mère du mineur, en cas de besoin, de mettre en oeuvre des voies d'exécution forcée sur les biens situés en France, elle ne doit pas cependant, et Sandrine B... l'admet dans ses écritures, permettre à cette dernière de percevoir deux fois les mêmes sommes.

En application de l'article 16 de la convention précitée, les éléments ci-dessus exposés démontrent que la décision à exequaturer émane d'une juridiction compétente au Maroc où les deux époux résidaient, que les droits de Sandrine B... ont été respectés, que la procédure est valable et régulière, que la décision est passée en force de chose jugée comme susceptible d'aucun recours et qu'elle n'est pas contraire à l'ordre public français, pouvant avoir de plein droit l'autorité de la chose jugée sur le territoire français.

La Cour relève que la discussion sur la saisine du Tribunal des conflits n'a plus lieu après abandon de ce moyen par l'appelant.

Pour ces motifs, l'ordonnance déférée est confirmée en toutes ses dispositions.

A défaut de la preuve d'un appel dilatoire ou abusif, Sandrine B... est déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Frédéric Y... ne démontrant pas l'abus de procédure qu'il reproche à Sandrine B..., il est débouté de sa demande de dommages et intérêts et condamné à payer à l'intimée la somme de 1. 300 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, étant lui-même débouté de sa demande sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant en audience publique, contradictoirement,
Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu les observations du Ministère Public,

Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant en cause d'appel,

Déboute Frédéric Y... de ses fins, moyens et prétentions contraires ;

Déboute Sandrine B... de sa demande de dommages et intérêts ;

Condamne Frédéric Y... aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à Sandrine B... la somme de 1. 300 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

Signé par Monsieur André ROGIER, Président, et par Madame Sandrine ABATE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Numéro d'arrêt : 07/00093
Date de la décision : 13/05/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Valence


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-05-13;07.00093 ?
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