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07/05/2008 | FRANCE | N°248

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 07 mai 2008, 248


RG N° 06/03778
Grosse délivrée
le :
S.C.P. CALAS
S.C.P. GRIMAUD
Me RAMILLON
S.C.P. POUGNAND
S.E.LA.R.L. DAUPHIN et MIHAJLOVIC

COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRET DU MERCREDI 07 MAI 2008

Appel d'une décision (N° RG 2004J07918)rendue par le Tribunal de Commerce de ROMANS en date du 27 septembre 2006suivant déclaration d'appel du 09 Octobre 2006

APPELANTE :
Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège24 rue de la Montat42100 ST

ETIENNE
représentée par la SCP GRIMAUD, avoués à la Courassistée de Me SEMOUN (de la SCP LAMY et ASSOCIES, ...

RG N° 06/03778
Grosse délivrée
le :
S.C.P. CALAS
S.C.P. GRIMAUD
Me RAMILLON
S.C.P. POUGNAND
S.E.LA.R.L. DAUPHIN et MIHAJLOVIC

COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRET DU MERCREDI 07 MAI 2008

Appel d'une décision (N° RG 2004J07918)rendue par le Tribunal de Commerce de ROMANS en date du 27 septembre 2006suivant déclaration d'appel du 09 Octobre 2006

APPELANTE :
Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège24 rue de la Montat42100 ST ETIENNE
représentée par la SCP GRIMAUD, avoués à la Courassistée de Me SEMOUN (de la SCP LAMY et ASSOCIES, avocats au barreau de LYON)

INTIMEES :
S.A.S. PRODIM, venant aux droits de la Société PRODIM GRAND EST, poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siègeZI Route de Paris14120 MONDEVILLE
représentée par Me Marie-France RAMILLON, avoué à la Courassistée de la SCP BEDNARSKI-CHARLET, avocats au barreau de LILLE
S.A.S. CSF, venant aux droits de la Société LOGIDIS, venant aux droits de la Société PRODIM GRAND EST, poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siègeZI Route de Paris14120 MONDEVILLE
représentée par Me Marie-France RAMILLON, avoué à la Courassistée de la SCP BEDNARSKI-CHARLET, avocats au barreau de LILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Allain URAN, Président de Chambre,Monsieur Jean-Louis BERNAUD, Conseiller,Madame Françoise CUNY, Conseiller,
Assistés lors des débats de Melle Sandrine ABATE, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique du 12 Mars 2008, Monsieur URAN, Président a été entendu en son rapport
Les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu ce jour,
------0------
Le 10 Mai 1996, la SNC PRODIM GRAND EST a conclu avec l'EURL LARODIS un contrat de franchise pour une durée de 5 années en vue de l'exploitation sous l'enseigne "8 à huit" d'un fonds de commerce d'alimentation générale à ROMANS (Drôme).
Le même jour, et pour la même durée, les parties se liaient par un contrat d'approvisionnement prioritaire.
Par lettre du 30 Octobre 2000, la Société LARODIS a dénoncé ces contrats pour leur échéance du 10 Mai 2001 en faisant état de sa décision de céder son fonds de commerce.
Selon compromis de vente du 20 Juin 2001 le fonds a été cédé à la SAS MEDIS aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE (D.C.F). Cette dernière s'est finalement substitué les époux Y... qui ont acquis le fonds par acte notarié du 09 Juillet 2001.
Le même jour un contrat de franchise a été conclu entre la Société MEDIS et Monsieur Y... en vue de l'exploitation du fonds sous l'enseigne SPAR.
Prétendant être victimes des agissements de la Société LARODIS, qui au mépris du pacte de préférence contenu dans le contrat de franchise du 10 Mai 1996 aurait frauduleusement cédé le fonds à l'acquéreur qu'elles avaient initialement proposé, les sociétés PRODIM et LOGIDIS, venant aux droits de la Société PRODIM GRAND EST, ont mis en oeuvre la clause compromissoire contenue dans les contrats de franchise et d'approvisionnement.
La juridiction arbitrale constituée à PARIS a rendu une sentence le 25 Juillet 2002, exequaturée le 12 Septembre 2002, aux termes de laquelle la Société LARODIS a été condamnée en dernier ressort à payer à la Société PRODIM la somme de 30 490 € à titre de dommages et intérêts pour violation du pacte de préférence et trouble commercial causé au réseau de franchise "8 à huit".
Postérieurement à cette sentence, les Sociétés PRODIM et C.S.F. ont fait assigner la Société D.C.F. en paiement de dommages et intérêts pour tierce complicité dans la violation du pacte de préférence, trouble commercial et atteinte au réseau.
Sur renvoi d'incompétence du Tribunal de commerce de CAEN, le Tribunal de commerce de ROMANS a statué en ces termes :
Donne acte aux Sociétés PRODIM et C.S.F. qu'elles établissent leur intérêt à agir au lieu et place des Sociétés PRODIM GRAND EST et LOGIDIS.
Les déclare recevables dans leur action à l'encontre de la Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE.
Dit que la sentence arbitrale rendue le 25 Juillet 2002 est régulière et opposable à la Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE sauf à justifier que la décision contestée a été réformée ou rétractée sur tierce opposition de la défenderesse.
Dit que faute de justifier de la saisine régulière de la juridiction appelée à connaître de la tierce opposition, et faisant application de l'article 589 du Nouveau Code de Procédure Civile, il y a lieu de passer outre et de procéder à l'examen au fond des demandes des Sociétés PRODIM et C.S.F.
Constate que la Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a engagé sa responsabilité délictuelle à l'égard de la Société PRODIM et de la Société C.S.F.
En conséquence,
Condamne la Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à titre de dommages et intérêts au paiement de la somme de :
- DEUX MILLE DEUX CENT CINQUANTE SIX EUROS (2 256,00 €) à la Société PRODIM, en réparation de son préjudice découlant du non renouvellement du contrat de franchise par l'acquéreur du fonds de commerce de la Société LARODIS,
- CENT CINQUANTE HUIT MILLE QUATRE CENT QUATRE VINGT QUINZE EUROS (158 495,00 €) à la Société C.S.F. en réparation de son préjudice découlant de la perte de son contrat d'approvisionnement.
Déboute la Société PRODIM de sa demande de dommages et intérêts en réparation du trouble commercial et atteinte au réseau à défaut de justifier d'un préjudice distinct de celui précédemment indemnisé.
Dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire de la présente décision.
Condamne la Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à la Société PRODIM et à la Société C.S.F. la somme de MILLE CENTS EUROS (1 000,00 €) chacune au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Laisse les entiers dépens de l'instance à la charge de la Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE.
La SAS D.C.F. a relevé appel de cette décision selon déclaration reçue le 09 Octobre 2006.
Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 28 Janvier 2008 par la Société D.C.F. qui demande à la Cour, par voie de réformation, de déclarer irrecevable et subsidiairement infondée l'action indemnitaire formée par les Sociétés PRODIM et C.S.F, dont elle sollicite la condamnation à lui payer la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre une indemnité de 15 000 € en application de l'article 700 du NCPC, aux motifs qu'il n'est pas justifié d'un intérêt à agir alors que les Sociétés PRODIM et C.S.F. n'établissent pas qu'elles viennent aux droits de la Société PRODIM GRAND EST, ni qu'elles auraient repris le contrat de franchise conclu le 10 Mai 1996 avec la Société LARODIS, dont il n'est pas établi, en outre, qu'elle aurait consenti au transfert allégué, que la sentence arbitrale sur laquelle la demande est fondée est frappée de nullité puisque l'arbitre désigné par la Société PRODIM n'était ni indépendant ni impartial comme ayant été désigné à plusieurs reprises par cette dernière, ou par le Groupe CARREFOUR, dans des litiges l'opposant à ses franchisés, que la sentence, ayant caractérisé la faute de la Société LARODIS, ne s'impose pas en toute hypothèse à elle en raison de l'effet relatif de la chose jugée, ce qui lui ouvre la voie de la tierce opposition incidente, que les sociétés intimées ne peuvent lui reprocher un comportement qui correspond à leurs propres pratiques alors que le Groupe CARREFOUR adopte une stratégie, qu'il juge conforme au libre jeu de la concurrence, en débauchant les franchisés des autres enseignes et en empêchant le départ de ses propres franchisés, que ne fixant aucun prix déterminé ou déterminable la clause de préférence alléguée est frappée de nullité, que le pacte de préférence n'a pas été transmis à la Société PRODIM puisqu'à compter de l'année 2000 c'est un nouveau contrat de franchise qui a pris naissance, que n'ayant pas manifesté son intention d'acquérir le fonds dans le délai contractuel de 3 mois, qui a couru dès le 06 Novembre 2000 avec la lettre de la Société LARODIS l'informant de sa décision de vendre au prix de 500 000 F, la Société PRODIM est réputée avoir renoncé à son droit de préférence, étant observé que ni la présentation du candidat acquéreur, ni la rédaction d'un projet d'acte, ne caractérisent l'exercice du droit de préemption supposant une notification par lettre recommandée avec accusé de réception, que l'acquéreur était libre, une fois le fonds acheté, de conclure ou non un contrat de franchise avec la Société PRODIM, qu'aucune tierce complicité fautive ne peut lui être reprochée alors que dans l'ignorance des pourparlers engagés avec la Société PRODIM elle a contracté en toute bonne foi avec la Société LARODIS postérieurement à l'expiration du contrat de franchise et que n'ayant pas exercé son droit sur l'offre de vente initiale la Société PRODIM ne pouvait plus l'exercer à nouveau pour un prix supérieur, qu'enfin seule la perte de chance de conclure des contrats de franchise et d'approvisionnement avec l'acquéreur du fonds serait indemnisable, tandis que la Société C.S.F. ne souffre pas de la violation éventuelle du droit de préférence non stipulé au contrat d'approvisionnement.
Vu les conclusions récapitulatives signifiées et déposées le 28 Février 2008 par les Sociétés PRODIM et C.S.F. qui demandent à la Cour de déclarer la Société D.C.F. irrecevable en sa demande d'annulation de la sentence arbitrale du 25 Juillet 2002 ainsi qu'en sa tierce opposition à ladite sentence, de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la Société D.C.F. à payer à la Société C.S.F. la somme de 158 495,00 € à titre de dommages et intérêts, par voie d'appel incident de condamner la Société D.C.F. à payer à la Société PRODIM les sommes de 32 746,05 € à titre de dommages et intérêts pour violation du pacte de préférence et de 76 224,51 € au titre du trouble commercial et de l'atteinte au réseau et de condamner la société appelante à payer à chacune des sociétés intimées une indemnité de 15 000 € pour frais irrépétibles aux motifs qu'elles viennent aux droits de la Société PRODIM GRAND EST, franchiseur et fournisseur de la Société LARODIS, selon traités d'apport partiel d'actif des 30/08/99 (LOGIDIS) et 26/03/02 (C.S.F.) et traité de fusion absorption (PRODIM) du 27/04/2000 entraînant transmission universelle du patrimoine de la société absorbée, que le contrat de franchise du 10 Mai 1996 a été transmis à la Société PRODIM sans opposition du franchisé, qui n'aurait pu en toute hypothèse s'y opposer alors que "l'intuitu personae" n'était stipulé qu'en faveur du franchiseur, que la régularité de la sentence arbitrale prononcée le 25 Juillet 2002 ne peut plus être remise en cause alors d'une part qu'il s'agit d'une décision définitive, assortie de l'autorité de la chose jugée et exécutoire, et d'autre part que la Société LARODIS, pourtant informée des précédentes désignations d'un arbitre par la Société PRODIM, n'a pas sollicité sa récusation avant la clôture des débats, que la sentence arbitrale, opposable erga omnes, s'impose à la Société D.C.F. en tant que fait juridique, que cette dernière n'est pas recevable en sa tierce opposition à défaut de justifier d'un intérêt personnel à agir, la décision arbitrale ne lui causant pas un préjudice propre et ne pouvant être contestée par un tiers sur la base de moyens n'appartenant qu'à la Société LARODIS, que la prédétermination du prix de cession n'est pas une condition de validité du pacte de préférence, que la Société PRODIM a clairement manifesté son intention de faire jouer la clause de préférence au profit d'un bénéficiaire substitué en faisant rédiger par son conseil un projet de compromis à régulariser le 21 Mai 2001, que le droit de préférence a été exercé dans les délais contractuels puisque d'un commun accord le contrat de franchise s'est poursuivi au-delà de l'échéance du 10 Mai 2001, que la Société D.C.F, qui n'ignorait rien de l'existence du droit de préférence dont la purge faisait l'objet d'une condition suspensive insérée dans le compromis de vente du 20 Juin 2001, a pleinement engagé sa responsabilité délictuelle en participant en toute connaissance de cause à l'acquisition d'un fonds sans s'assurer au préalable qu'il n'existait plus d'obstacle contractuel, que le comportement qui leur est prêté dans "la guerre" que se livrent les grandes enseignes ne peut en aucun cas excuser la faute commise au cas d'espèce par la Société D.C.F, que la violation du pacte de préférence leur a fait perdre une chance certaine de conclure avec les acquéreurs des contrats de franchise et d'approvisionnement, que la totalité de leur manque à gagner, pour la durée habituelle de 5 ans d'un contrat de franchise, est indemnisable, que la perte d'un point de vente au profit d'un concurrent, dans des circonstances à l'origine d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle, a causé à la Société PRODIM un trouble commercial pour atteinte à son réseau.
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MOTIFS DE L'ARRET
Sur la recevabilité de l'action :
Ainsi qu'il en est justifié par la production aux débats du traité régularisé le 27 Avril 2000, la Société PRODIM vient aux droits de la Société PRODIM GRAND EST, dont elle était l'unique associée, par voie de fusion-absorption dans le cadre de l'opération globale de restructuration du Groupe PROMODES initiée en 1999.
Elle a ainsi repris l'intégralité de l'activité de loueur de fonds et de franchiseur de la Société PRODIM GRAND EST.
En sa qualité de société absorbante, elle a reçu l'intégralité du patrimoine de la société absorbée par voie de transmission universelle, et s'est engagée à exécuter tous traités, marchés et conventions intervenus avec les tiers.
Elle s'est donc substituée activement et passivement à la Société PRODIM GRAND EST dans l'exécution du contrat de franchise conclu le 10 Mai 1996 avec la Société LARODIS, laquelle a nécessairement accepté cette substitution en poursuivant l'exécution du contrat sans protestation ni réserve à compter du 01/01/2000 (date d'effet de la fusion), et n'aurait pu en toute hypothèse s'y opposer alors que le contrat n'a été conclu qu'en considération de la personne du franchisé (article 10).
La Société PRODIM a par conséquent qualité et intérêt à agir, ainsi qu'en a justement décidé le tribunal.
Il en est de même de la Société C.S.F. qui vient aux droits de la Société LOGIDIS par traité d'apport partiel d'actif du 26 Mars 2002, portant sur la branche complète d'activité correspondant à la chaîne commerciale d'approvisionnement des magasins du Groupe CARREFOUR, traité approuvé le 30 Avril 2002 par décision de son associée unique.
La Société LOGIDIS venait elle-même aux droits de la Société PRODIM GRAND EST, signataire du contrat d'approvisionnement conclu accessoirement au contrat de franchise, selon traité d'apport partiel d'actif du 30 Août 1999 portant sur la branche d'activité négoce en gros, approvisionnement et logistique.

Sur l'opposabilité et la validité de la sentence arbitrale et sur la recevabilité de la tierce opposition incidente :
La sentence arbitrale rendue le 25 Juillet 2002 entre les Sociétés LOGIDIS, PRODIM et LARODIS n'est revêtue de l'autorité relative de la chose jugée qu'entre ces parties.
Comme toute décision juridictionnelle elle est opposable aux tiers à l'égard desquels elle constitue un fait juridique, mais ne s'impose à eux qu'autant qu'elle ne leur fait pas grief.
Il est reproché en substance à la Société D.C.F. d'avoir participé en toute connaissance de cause à la violation par la Société LARODIS du pacte de préférence stipulé le 10 Mai 1996 au profit du franchiseur.
Dès lors que pour fonder leur accusation de tierce-complicité les Sociétés PRODIM et C.S.F. doivent caractériser l'existence d'un fait principal fautif imputable à la Société LARODIS, la sentence arbitrale litigieuse, qui a consacré la responsabilité contractuelle de cette dernière, est nécessairement préjudiciable à la Société D.C.F.
N'ayant été ni partie ni représentée à la procédure d'arbitrage, et sauf à la priver de toute possibilité de discuter le fait générateur de sa propre responsabilité, la Société D.C.F. justifie donc d'un intérêt direct et personnel à contester le principe même de la faute qui a été consacrée par la juridiction arbitrale.
Conformément aux dispositions des articles 1481 alinéa 2 et 588 alinéa 1 du CPC, elle est par conséquent recevable à former devant la présente Cour tierce opposition incidente à la sentence arbitrale rendue le 25 Juillet 2002.
Tiers à la procédure d'arbitrage elle n'a pas cependant qualité pour faire constater à son seul profit la nullité de la sentence qui, selon elle, aurait été prononcée par une juridiction irrégulièrement composée, en ce que l'arbitre désigné par la Société PRODIM n'aurait pas été indépendant et impartial comme étant l'arbitre habituel de cette partie. Un tel moyen de nullité n'appartenait, en effet, qu'aux parties à la procédure d'arbitrage, lesquelles n'ont pas jugé utile de le soulever à l'ouverture des débats comme l'exige l'article 430 du CPC, alors pourtant que l'irrégularité prétendue était connue, puisque dans l'acte de mission du 28 Juin 2002 l'arbitre Nicolas Z... avait pris soin d'indiquer qu'il avait été préalablement désigné par la Société PRODIM pour trancher des litiges comparables.
La nullité de la sentence arbitrale ne saurait par conséquent être constatée.
Sur la violation du pacte de préférence :
En son article 4 le contrat de franchise conclu le 10 Mai 1996 entre les Sociétés PRODIM GRAND EST et LARODIS institue un droit de préférence au profit du franchiseur dans les termes suivants :
"Le franchisé reconnaît au franchiseur ou à toute autre personne physique ou morale qu'il lui plaira de se substituer, un droit de préférence à prix et conditions égales dans les cas suivants :
- vente ou mise en location-gérance du fonds de commerce objet des présentes,
- cession des actions ou parts détenues dans la société exploitant ledit fonds,
- apport partiel d'actif,
- augmentation de capital,
- et plus généralement toute opération mettant en cause la caractère personnel du présent contrat.
Le franchisé devra alors informer le franchiseur par lettre recommandée avec accusé de réception du projet de la vente du fonds ou de parts sociales ou de la mise en location gérance ou d'apport partiel d'actif ou tout autre changement de nature à remettre en cause le caractère personnel du présent contrat.
Cette notification devra comporter l'état-civil et la qualité du successeur, les conditions dans lesquelles cette vente, la mise en location, la cession des actions ou parts, l'apport partiel d'actif ou l'augmentation du capital, doit intervenir (prix, délai de paiement et généralement tout acte matérialisant le projet du client).
Le franchiseur disposera d'un délai de trois mois pour faire jouer ou non son pacte de préférence. Passé ce délai, le franchiseur n'ayant pas fait connaître sa décision par lettre recommandée avec accusé de réception, le franchisé aura la faculté de procéder à la vente ou mise en location gérance et plus généralement à toute opération visée dans l'article 41, dans les conditions soumises au franchiseur dans le cadre du pacte de préférence, le franchisé s'engage alors à faire parvenir au franchiseur une copie de l'acte définitif dans les quinze jours de sa régularisation".
Il doit tout d'abord être observé que cette clause n'encourt aucune nullité pour indétermination du prix, dès lors qu'elle a pour unique objet de conférer à son bénéficiaire un droit de préemption dans le cadre d'une vente future éventuelle, dont les conditions ne peuvent être connues à l'avance.
Quant à la transmission du contrat de franchise à la Société PRODIM elle résulte de la transmission universelle du patrimoine de la Société PRODIM GRAND EST à la société absorbante, laquelle n'a pas donné naissance à un nouveau contrat.
En vertu de la clause susvisée le droit de préférence reconnu au franchiseur doit être exercé selon un mécanisme contractuel précis, destiné à préserver les intérêts du franchisé qui subit une atteinte à son droit de libre disposition du fonds.
C'est ainsi que les notifications doivent être faites par lettre recommandée avec accusé de réception, et, surtout, que le franchiseur dispose d'un délai de trois mois pour faire connaître sa décision à compter de la notification du projet de cession.
Dans son courrier recommandé du 06 Novembre 2000, la Société LARODIS n'a, certes, pas respecté à la lettre la procédure prévue, puisque, si le prix de vente attendu était mentionné, elle laissait au franchiseur le soin de lui présenter un acquéreur.
Il ne peut toutefois être déduit de cette liberté prise avec le mécanisme contractuel prévu à l'article 4 que le franchisé a renoncé à tout délai.
Il a au contraire écrit, tant le 30 Octobre 2000 que le 06 Novembre 2000, à cette dernière date dans la forme recommandée exigée par la clause, qu'il "(n'omettait) pas non plus la notion de pacte de préférence applicable jusqu'au 10/05/01 à tous les projets (qu'il) pourrait retenir" et que "cependant si aucun compromis de vente ne se dessinait à l'arrivée de l'échéance (il souhaitait) bien sûr pouvoir bénéficier d'une prolongation temporaire de (son) contrat d'approvisionnement jusqu'à la réalisation de ce dernier". Il a ainsi exprimé sans équivoque son intention d'accepter une prorogation du délai de réponse du franchiseur, expirant normalement trois mois après la réception de la lettre du 06 Novembre 2000, jusqu'à l'échéance du 10 Mai 2001. C'est au demeurant exactement la thèse qu'il a défendue devant la juridiction arbitrale.
Or, aucune preuve n'est apportée de la présentation des époux Y..., valant exercice du droit de préemption dans la commune intention des parties, antérieurement au 10 Mai 2001.
Le cabinet d'avocats GROUPE JURIS, qui atteste avoir été chargé le 30 Avril 2001 par la Société PRODIM de la rédaction d'un projet de compromis de vente, fait état, en effet, d'un acte adressé aux parties les 14 et 15 Mai 2001 seulement et d'une date de signature arrêtée au 21 Mai 2001 ; toutes formalités, à les supposer effectivement accomplies (aucun des courriers visés n'est produit aux débats), postérieures à l'expiration du délai de préemption prorogé jusqu'au 10 Mai 2001.
La Société PRODIM, qui ne peut déduire de la poursuite de la relation contractuelle au-delà de cette date qu'une nouvelle prorogation du délai de 3 mois lui a été consentie, alors que la Société LARODIS n'avait sollicité que le maintien des approvisionnements, ne démontre donc pas avoir régulièrement exercé son droit de préférence, tandis que la Société LARODIS a pu sans déloyauté considérer qu'elle avait recouvré son entière liberté après le 10 Mai 2001.
A défaut d'établir que sa cocontractante a violé le pacte de préférence stipulé à son profit, elle n'est par conséquent pas fondée à rechercher la responsabilité délictuelle de la Société D.C.F. pour tierce complicité.
Par voie d'infirmation du jugement déféré, les Sociétés PRODIM et C.S.F. seront dès lors déboutées de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires.
Ni particulièrement téméraire, ni inspirée par la malveillance, l'action ne saurait toutefois être qualifiée d'abusive.

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* *
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré les Sociétés PRODIM et C.S.F. recevables en leur action,
L'infirme en toutes ses autres dispositions et statuant à nouveau :
Reçoit les Sociétés PRODIM et C.S.F. en leur tierce opposition incidente à la sentence arbitrale rendue le 25 Juillet 2002 entre les Sociétés LOGIDIS, PRODIM et LARODIS,
Déclare la Société D.C.F. irrecevable en son moyen de nullité de ladite sentence,
Déboute les Sociétés PRODIM et C.S.F. de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires,
Dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts pour procédure abusive ni à application de l'article 700 du NCPC au profit de l'une quelconque des parties,
Condamne les Sociétés PRODIM et C.S.F. aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP d'avoués GRIMAUD.
Signé par Monsieur URAN, Président, et par Madame Sandrine ABATE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 248
Date de la décision : 07/05/2008
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Romans-sur-Isère, 27 septembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.grenoble;arret;2008-05-07;248 ?
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