R. G. No 06 / 02697
Grosse délivrée
à :
SCP GRIMAUD
SCP CALAS
SELARL DAUPHIN & MIHAJLOVIC
SCP POUGNAND
Me RAMILLON
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU LUNDI 31 MARS 2008
Appel d'un Jugement (No R. G. 04 / 03977)
rendu par le Tribunal de Grande Instance de VALENCE
en date du 01 juin 2006
suivant déclaration d'appel du 30 Juin 2006
APPELANTE :
Madame Arlette Y... épouse Z...
née le 08 Janvier 1950 à CHATELUS (38)
de nationalité Française
...
...
représentée par la SELARL DAUPHIN & MIHAJLOVIC, avoués à la Cour
assistée de Me DURRLEMAN, avocat au barreau de VALENCE substitué par Me COLAS, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMES :
Madame Josiane Y... épouse C...
née le 14 Décembre 1948 à ST JEAN EN ROYANS (26190)
de nationalité Française
...
...
Madame Christelle D... épouse E...
née le 19 Janvier 1971 à CHAMBERY (73000)
de nationalité Française
...
...
Monsieur Francis D..., assisté de son curateur l'UDAF de Savoie dont le siège est le Forum-73009 CHAMBERY LE HAUT
né le 23 Septembre 1972 à CHAMBERY (73000)
de nationalité Française
...
...
représentée par Me Marie- France RAMILLON, avoué à la Cour
assistée de Me LONGUEBRAY, avocat au barreau de VALENCE
bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2006 / 7022 du 09 / 10 / 2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE
UNION DEPARTEMENTALE ASSOCIATIONS FAMILIALES DE SAVOIE (UDAF), curateur de Monsieur Francis D... demeurant ..., ...
Service de la Protection des Majeurs
LE FORUM- BP 948
73009 CHAMBERY CEDEX
représentés par Me Marie- France RAMILLON, avoué à la Cour
assistés de Me LONGUEBRAY, avocat au barreau de VALENCE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Françoise LANDOZ, Président,
Madame Claude- Françoise KUENY, Conseiller,
Madame Véronique KLAJNBERG, Conseiller,
Assistées lors des débats de Madame Hélène LAGIER, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique du 03 Mars 2008, Madame LANDOZ a été entendue en son rapport.
Les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries.
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.
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Exposé du litige
Odette G... veuve Y... est décédée le 13 janvier 2004, en laissant pour lui succéder ses deux filles, Arlette Y... épouse Z... et Josiane Y... épouse C..., ainsi que Christelle D... et Francis D... les enfants de sa fille, pré- décédée, France Y....
Odette G... veuve Y... avait été placée sous curatelle le 10 octobre 2001 par jugement du juge des tutelles de ROMANS, Arlette Y... épouse Z... étant désignée en qualité de curatrice.
Par acte du 28 octobre 2004, Josiane Y... épouse C..., Christelle D... et Francis D... ont fait assigner Arlette Y... épouse Z... devant le Tribunal de Grande Instance de VALENCE pour voir constater qu'elle a usé de ses fonctions de curatrice pour divertir des sommes revenant de droit à la succession, constater que ce divertissement leur a causé un préjudice important, ordonner le rapport à la succession des sommes diverties au titre de deux contrats d'assurance- vie, au total 38. 890, 91 €, outre intérêts au taux légal à compter de la date d'approbation des sommes soit le 16 février 2004, la voir exclue de toute dévolution successorale sur cette somme, et la voir condamnée à leur payer la somme de 10. 000 € à titre de dommages- intérêts.
Les consorts Y...- D... faisaient également assigner la société PREDICA en paiement de la somme de 39. 000 € à titre de dommages- intérêts, au motif qu'elle avait engagé sa responsabilité en ne vérifiant pas la capacité de sa cliente, Odette G... veuve Y..., lorsqu'elle a fait modifier le 18 octobre 2001, la clause des bénéficiaires des deux contrats d'assurance- vie.
Par jugement du 1er juin 2001, le tribunal a rejeté la demande de Josiane Y... épouse C..., Christelle D... et Francis D... tendant à obtenir le rapport à la succession de la somme de 38. 890, 91 €, dit que le divertissement successoral n'était pas caractérisé, mais a condamné Arlette Y... épouse Z..., sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil, à leur payer la somme de 27. 427, 27 € à titre de dommages- intérêts et celle de 1. 500 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Le tribunal a également rejeté la demande de dommages- intérêts dirigée contre la société PREDICA.
Arlette Y... épouse Z... a interjeté appel de cette décision le 30 juin 2006.
Elle fait valoir que le premier juge a écarté à juste titre la demande de rapport à succession au regard du régime juridique des contrats d'assurance- vie.
Elle conteste toute responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil, et prétend que c'est Madame Odette G... veuve Y... seule qui a décidé de procéder à la modification du bénéficiaire de ces contrats, que sa mère qui avait toutes ses facultés, a agi en toute connaissance de cause pour la remercier de l'attention qu'elle lui témoignait et que le changement opéré n'est pas un acte qui requiert l'assistance du curateur.
Elle rappelle que les contrats d'assurance- vie avaient été ouverts de longue date et que la faveur que lui a octroyé sa mère est compréhensible, dès lors qu'elle s'est occupée d'elle depuis le décès de son mari et a continué les démarches entreprises dès juillet 2001, avant le placement sous curatelle, pour parvenir à la vente de sa maison à SAINT- JEAN- EN- ROYANS dont les fonds devaient lui permettre de lui assurer un revenu complémentaire à sa retraite.
Elle rappelle encore qu'elle a obtenu l'admission de Madame G... veuve Y... dans un établissement à BOURGOIN- JALLIEU, et que les montants capitalisés sur les contrats d'assurance- vie ont été amputés tous les mois du complément nécessaire au paiement du prix de journée de celui- ci.
Elle maintient qu'elle n'a commis aucune faute à l'encontre de Josiane Y... épouse C..., Christelle D... et Francis D... et que ceux- ci ne démontrent aucun préjudice en lien de cause à effet avec une quelconque faute ; elle ajoute qu'ils n'établissent aucun manquement de sa part en sa qualité de curatrice, dans la gestion des comptes de sa mère.
Arlette Y... épouse Z... demande à la Cour de réformer le jugement déféré, de rejeter les prétentions des consorts Y...- D... et de les condamner à lui payer la somme de 3. 000 € à titre de dommages- intérêts et celle de 2. 500 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
- o0o-
Josiane Y... épouse C..., Christelle D... et Francis D... répondent qu'Arlette Y... épouse Z... ne peut prétendre avoir bénéficié de la volonté libérale de sa mère, donation qui lui aurait été faite en remerciement de son dévouement à son égard.
Ils soutiennent que Madame G... veuve Y... a été " enlevée " à son environnement familial et amical, déracinée d'une région où elle avait ses repères, pour être placée dans une maison de retraite où elle a terminé ses jours seule et isolée.
Ils assurent qu'Arlette Y... épouse Z... qui a fait modifier à son profit par sa mère, huit jours après la décision de curatelle, le nom des bénéficiaires des contrats d'assurance- vie, a abusé de l'autorité morale et du pouvoir qu'elle avait sur la personne protégée pour servir ses propres intérêts de façon déloyale vis- à- vis de sa soeur et de ses neveux.
Ils prétendent qu'un versement de 2. 497, 79 € a été fait un mois avant le décès du P. E. L. sur un des contrats d'assurance- vie et que des retraits en espèces pour la somme totale de 2. 500 € sur la seule année 2003 ne sont pas justifiés au regard du niveau de vie de Madame G... veuve Y... et de sa prise en charge par la maison de retraite pour ses besoins au quotidien.
Ils demandent à la Cour de constater q'Arlette Y... épouse Z... a usé de ses fonctions de curatrice pour divertir des sommes revenant de droit à la succession, de constater que ce divertissement leur a causé un important préjudice moral et financier, de réformer le jugement déféré et d'ordonner le rapport à la succession des sommes diverties au titre des deux contrats d'assurance- vie, soit la somme totale de 38. 890, 91 € outre intérêts au taux légal à compter de la date d'approbation des sommes soit le 16 février 2004, et de dire qu'Arlette Y... épouse Z... ne pourra se prévaloir de sa qualité d'héritière pour prétendre à une part des sommes recelées.
À titre subsidiaire, ils sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné Madame Z... à leur payer la somme de 27. 427, 27 € à titre de dommages- intérêts.
Ils sollicitent la somme de 3. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Motifs et décision
L'article L. 132-12 du Code des Assurances dispose que le capital ou la rente payables lors du décès de l'assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l'assuré.
L'article L. 132-13 du même code ajoute que le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé, ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant.
Les prétentions des consorts Y...- D... tendant à voir ordonner le rapport à la succession des sommes diverties par Arlette Y... épouse Z... au titre des deux contrats d'assurance- vie, n'ont aucun fondement juridique et ne peuvent qu'être rejetées.
Il convient de relever que Josiane Y... épouse C..., Christelle D... et Francis D... qui prétendent qu'Arlette Y... épouse Z... a abusé de ses fonctions de curatrice, n'ont invoqué aucun vice du consentement d'Odette G... veuve Y..., par erreur, violence ou dol par le fait des manoeuvres ou agissements imputés à l'appelante, à l'occasion de la modification des bénéficiaires des contrats d'assurance- vie souscrits les 22 septembre 1989 et 22 avril 1993.
Les consorts Y...- D... ne justifient pas qu'ils ont contesté les comptes annuels de la gestion de la curatelle d'Odette G... veuve Y....
Le jugement déféré qui a constaté le comportement fautif d'Arlette Y... épouse Z... et l'a condamnée à payer diverses sommes à Josiane Y... épouse C..., Christelle D... et Francis D... sera infirmé.
Le caractère abusif de la procédure engagée par les consorts Y...- D... a causé à Arlette Y... épouse Z... un préjudice qui sera justement réparé par l'allocation de la somme de 2. 000 €.
Il paraît en outre inéquitable de laisser à la charge d'Arlette Y... épouse Z... les frais qu'elle a dû exposer pour sa défense et non compris dans les dépens ; Josiane Y... épouse C..., Christelle D... et Francis D... devront lui payer une indemnité de 2. 500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par ces motifs
La Cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau,
Rejette les prétentions de Josiane Y... épouse C..., Christelle D... et Francis D... à l'encontre d'Arlette Y... épouse Z...,
Condamne les consorts Y...- D... à payer à Arlette Y... épouse Z... la somme de 2. 000 € à titre de dommages- intérêts et une indemnité de 2. 500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Condamne les consorts Y...- D... à tous les dépens de première instance et d'appel et autorise la S. E. L. A. R. L DAUPHIN- MIHAJLOVIC, avoués, à recouvrer directement contre eux, les frais avancés sans avoir reçu provision.
PRONONCÉ par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau code de procédure civile,
SIGNÉ par Madame LANDOZ, Président, et par Madame LAGIER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.