RG No 06 / 01051
No Minute :
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU JEUDI 17 JANVIER 2008
Appel d'une décision (No RG 2005 / 772)
rendue par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de GRENOBLE
en date du 15 décembre 2005
suivant déclaration d'appel du 23 Février 2006
APPELANTE :
La S. A. R. L. CHAUSSURES X...
4, rue de la Poste
38000 GRENOBLE
Représentée par Me Alain GONDOUIN (avocat au barreau de GRENOBLE)
INTIMEE :
L'URSSAF DE GRENOBLE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
1 Rue des Alliés
38100 GRENOBLE
Représentée par Me CADEAU-BELLIARD substituant la SELARL CABINET RIONDET (avocats au barreau de GRENOBLE)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DELIBERE :
Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre,
Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller,
Madame Hélène COMBES, Conseiller,
DEBATS :
A l'audience publique du 13 Décembre 2007, Monsieur VIGNY, chargé du rapport, en présence de Monsieur DELPEUCH, assistés de Mme LEICKNER, Greffier, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoirie (s), conformément aux dispositions de l'article 945-1 du Nouveau Code de Procédure Civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Notifié le :
Grosse délivrée le : Puis l'affaire a été mise en délibéré au 17 Janvier 2008, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 17 Janvier 2008. RG 06 / 1051 BV
La société Chaussures X... Sarl a fait l'objet d'un contrôle de L'URSSAF de Grenoble à l'issue duquel un redressement portant sur les années 2001,2002,2003, a été effectué.
Par mise en demeure en date du 14 mars 2005, L'URSSAF de Grenoble lui a notifié la reprise de cotisations correspondante, pour un montant total de 44. 031 euros incluant les majorations de retard (cotisations : 40. 029 euros, majorations : 4. 002 euros).
La société Chaussures X... a contesté un seul chef de redressement, concernant la réintégration dans l'assiette des cotisations et contributions sociales des sommes portées en débit au compte courant de Messieurs X... Jean, Jacques et Claude (cotisations reprises : 38. 934 euros).
La commission de recours amiable de l'URSSAF en sa séance du 23 mai 2005, a confirmé le bien fondé de ce redressement et validé la mise en demeure précitée.
Le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Grenoble, par jugement du 15 décembre 2005, a rejeté le recours de la société Chaussures X... et confirmé le redressement.
La société Chaussures X... qui a relevé appel, conclut à l'infirmation de la décision et à la condamnation de L'URSSAF à lui payer 3. 000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Elle expose que :
• l'Urssaf veut soumettre à cotisations un montant de 130. 127 euros figurant sur un compte courant commun issu de la succession de M. Roger X...,
• les enfants X... étaient héritiers d'une créance de compte-courant contre la société Chaussures X... et, par voie de conséquence, une compensation s'établissait de plein droit avec des règlements effectués par la société Chaussures X... pour les prélèvements effectués par les enfants X...,
• les remboursements de compte-courant n'avaient rien à voir avec leur travail.
* * *
L'Urssaf de Grenoble conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de l'appelante à lui payer 1500 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Elle expose que :
• les sommes mises à la disposition de MM. X... par inscription à leur compte-courant commun doivent être soumises à cotisation.
• il résulte en effet des procès-verbaux d'assemblées générales que sur l'exercice 92 à 96, les abandons partiels de créances ont été consentis, sans réserve d'une clause de retour à meilleure fortune de la société.
• ce n'est pas par erreur comptable que l'inscription au compte-courant n'a pas été effectuée malgré le retour à meilleure fortune, intervenu à la clôture de l'exercice 2000. Les abandons de créance, entre 92 et 96 ne concernent que Mme X.... Dès lors, le remboursement de la créance ne concerne pas les enfants X... dont le compte est nominatif.
MOTIFS DE L'ARRET
L'article L. 242-1 du Code de la Sécurité Sociale pose le principe que sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires et gains, les indemnités de congés payés, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent.
Doivent ainsi entrer dans l'assiette des cotisations, les sommes mises à la disposition d'un dirigeant d'entreprise par inscription à son compte-courant ou les avances en compte-courant consenties par une société à son gérant.
En l'espèce, l'inspecteur de l'Urssaf a constaté l'existence, dans le grand-livre des comptes de la société Chaussures X..., d'un compte no 45500100 intitulé " compte-courant enfants X... " d'un montant de 130. 127,49 €, à la date du 30 novembre 2002, soit à la clôture de l'exercice. Ce compte-courant est un compte-courant débiteur.
Les frères X... sont tous les trois salariés de la société : M. Jean X... est gérant minoritaire salarié, M. Jacques X... est directeur commercial et M. Claude X... est responsable de l'un des magasins.
La société appelante soutient que les frères X... sont titulaires d'une créance sur la société se décomposant ainsi :
• 114. 794,12 € abandonnés par Mme Mady X... avec clause de retour à meilleure fortune,
• 71. 500,11 € compte-courant de M. Roger X..., leur père, décédé le 8 septembre 1989, tel que mentionné dans la déclaration de succession.
Pour la société appelante, la somme figurant sur le compte 45500100, n'est pas une rémunération mise à disposition d'un dirigeant et ce n'est que par suite d'une erreur comptable que l'inscription totale au compte courant n'a pas été effectuée malgré le retour à meilleure fortune.
Les abandons de créance ont été effectués par Mme Mady X..., lors des Assemblées Générales de la société le 13 janvier 1992 (300. 000 F soit 45. 734,70 €) le 15 janvier 1993 (320. 000 F soit 48. 783,68 €), le 20 décembre 1993 (30. 000 F soit 4. 573,47 €) et le 9 décembre 1996 (103. 000 F soit 15. 702,25 €).
Ces abandons de créance ont été réalisés par Mme Mady X... et les enfants X... ne sont nullement concernés.
La société appelante ne précise pas à quel titre les frères X... pouvaient être créanciers au moment du contrôle litigieux de la somme de 114. 794,12 € représentant la totalité de l'abandon de créance de leur mère.
Le remboursement à Mme Mady X... des sommes abandonnées n'est nullement établi.
En toute hypothèse, si Mme Mady X... a été remboursée des sommes abandonnées, ce remboursement ne pouvait que la concerner elle, pas ses enfants eux-mêmes salariés et titulaires d'un compte courant.
L'erreur comptable invoquée par la société appelante n'est pas démontrée. Au demeurant, elle revêtirait une particulière gravité de la part de l'expert-comptable établissant les comptes de la société.
En ce qui concerne le compte-courant créditeur dont M. Roger X... était titulaire sur la société Chaussures X..., la société appelante ne peut soutenir qu'une compensation s'est opérée, dans les conditions prévues aux articles 1289 à 1291 du Code Civil, entre leur compte-courant débiteur et celui de leur défunt père.
En effet, c'est l'ensemble des successeurs de M. Roger X... qui avait vocation à appréhender ses biens soit les trois enfants et sa veuve Mme Mady X..., bénéficiaire d'une donation, alors que le compte-courant figurant sous le numéro 45500100 a pour titulaire les trois enfants X....
Il n'y a donc pas identité des parties débitrices l'une envers l'autre.
La compensation, telle que définie aux articles 1289 à 1291 du Code Civil, ne peut jouer que si les deux obligations lient les mêmes personnes. Pour que la compensation ait lieu, il faut que le créancier de l'une des obligations soit débiteur personnel et principal de l'autre obligation, et réciproquement, que le créancier de cette dernière obligation soit débiteur direct et personnel de la première.
En outre, la succession de M. Roger X... n'était pas liquidée au jour du contrôle litigieux, la créance revendiquée n'est ni liquide, ni exigible.
Le compte-courant enfants X... numéro 45500100 est bien nominatif : il concerne MM. Jean, Jacques et Claude X... et non l'ensemble des successeurs. Les sommes inscrites au débit de ce compte-courant sont relatives à des dépenses personnelles des trois titulaires ou constituent des prélèvements individuels. Ces dépenses et prélèvements étant identifiables et individualisables par la société appelante grâce aux pièces comptables et spécialement les factures, il est erroné de soutenir comme le fait la partie appelante, que l'Urssaf aurait procédé à une taxation forfaitaire ou aurait procédé à un chiffrage par sondage.
Le montant de 130. 127 € inscrit au compte-courant Enfants X..., à la clôture de l'exercice, à la date du 30 novembre 2002, doit être soumis à cotisations.
Le fait générateur se situe au moment où les sommes rentrent dans le patrimoine des bénéficiaires : elles constituent un avantage en espèces soumis à cotisation.
Le fait qu'il y ait eu ou non régularisation postérieurement à la date du 22 novembre 2002 est indifférent, dès lors que la somme ci-dessus mentionnée a été mise à la disposition des titulaires du compte.
Le chef de redressement est fondé, de sorte que le jugement doit être confirmé.
Aucune considération d'équité ne commande l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Déboute les parties de toute autre demande.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile ;
Signé par Monsieur DELPEUCH, Président et par Madame LEICKNER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.