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17/12/2007 | FRANCE | N°06/00060

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 17 décembre 2007, 06/00060


RG No 07 / 01608



COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU LUNDI 17 DECEMBRE 2007



Appel d'une décision (No RG 06 / 00060)
rendue par le Conseil de Prud'hommes de VIENNE
en date du 05 avril 2007
suivant déclaration d'appel du 23 Avril 2007



APPELANTE :

La Société S. P. G. O. prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
1 Avenue de la Vallée
B. P. 22300
14800 ST ARNOULT (DEAUVILLE)

Représentée par Me Bernard LADEVEZE (avoc

at au barreau de LISIEUX)



INTIMES :

Monsieur Christian X...


...

38370 ST ALBAN DU RHONE

Représenté par Me Pierre MASANOVIC (a...

RG No 07 / 01608

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU LUNDI 17 DECEMBRE 2007

Appel d'une décision (No RG 06 / 00060)
rendue par le Conseil de Prud'hommes de VIENNE
en date du 05 avril 2007
suivant déclaration d'appel du 23 Avril 2007

APPELANTE :

La Société S. P. G. O. prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
1 Avenue de la Vallée
B. P. 22300
14800 ST ARNOULT (DEAUVILLE)

Représentée par Me Bernard LADEVEZE (avocat au barreau de LISIEUX)

INTIMES :

Monsieur Christian X...

...

38370 ST ALBAN DU RHONE

Représenté par Me Pierre MASANOVIC (avocat au barreau de LYON)

La Société C. B. S. (CHRISTIAN BARD SECURITE) prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
305 Rue Aristide Bergès
38330 MONTBONNOT ST MARTIN

Représentée par Me Sébastien CELLIER (avocat au barreau de LYON)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur Jean-François GALLICE, Conseiller, faisant fonction de Président,
Madame Hélène COMBES, Conseiller,
Monsieur Eric SEGUY, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme LEICKNER, Greffier.

DEBATS :

A l'audience publique du 19 Novembre 2007,
Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie (s).

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 17 Décembre 2007.

L'arrêt a été rendu le 17 Décembre 2007.

RG 07 / 1608 ES

Christian X... a été engagé en qualité d'agent de prévention et de sécurité par la société anonyme PROTECTAS, qui était chargée du gardiennage du Centre National de Production d'Electricité SAINT ALBAN-SAINT MAURICE exploité par EDF à Saint-Alban-du-Rhône et Saint-Maurice l'Exil (Isère), où cette société avait succédé à une entreprise SEVIP, en place depuis la construction de la centrale en 1980.

Par la suite de la perte par la société PROTECTAS de ce marché de surveillance, son contrat de travail a été transféré le ler janvier 1995 à la société entrante, la SA Société de Protection Grand Ouest (SPGO).

En décembre 2004, ce marché a été repris par une autre entreprise, la société Christian Bard Sécurité (société CBS).

C'est ainsi que le 14 octobre 2004, la société CBS a informé individuellement Christian X..., comme l'ensemble du personnel affecté sur ce site, que le marché de surveillance lui serait confié à compter du 1er décembre 2004 et qu'il figurait sur la liste du personnel transférable, comprenant 34 salariés, telle que communiquée par SPGO suite à une demande du 1er octobre 2004 de la société CBS.

Mais le 19 novembre 2004, la société SPGO, qui estimait que ses salariés de ce site appartenaient à un établissement constituant une entité économique autonome, informait individuellement chacun d'eux qu'en vertu des dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail leur contrat de travail serait transféré de plein droit vers la société CBS et qu'à compter du 1er décembre 2004 ils ne feraient plus partie des effectifs de la société SPGO.

La société CBS, se fondant sur l'accord de branche du 5 mars 2002 des entreprises de prévention et de sécurité, estimant que les dispositions de l'article L. 122-12 n'avaient pas vocation à s'appliquer, a finalement repris 85 % du personnel soit 29 personnes et, à l'issue d'entretiens préalables, a exclu 7 salariés, parmi lesquels Christian X....

Sur les 29 salariés que CBS avait décidé de reprendre seul Christian X... a refusé son transfert.

Aucun travail n'a plus été fourni à ce groupe de 7 salariés, ni par la société SPGO ni par la société CBS et ils ne pouvaient plus accéder au lieu de travail, ce qu'ils ont fait constater par huissier le 1er décembre 2004.

C'est dans ce contexte que Christian X... ainsi que les six autres salariés ont saisi le conseil de prud'hommes de Vienne, le 27 décembre 2004, de demandes dirigées contre les deux sociétés SPGO et CBS pour voir constater la rupture de leur contrat de travail au 1er décembre 2004 et obtenir le versement de provisions à valoir sur les indemnités de rupture et des dommages et intérêts qu'ils estimaient devoir leur revenir au motif que leur situation constituait un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par ordonnance du 18 janvier 2005, la formation des référés de ce conseil, faisant droit à leur requête, a constaté la rupture de leur contrat de travail au 1er décembre 2004 aux torts de la société SPGO, a jugé que leur licenciement s'analysait en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, a condamné la société SPGO à leur verser les indemnités de rupture et des dommages et intérêts et a mis hors de cause la société CBS.
Par arrêt du 21 septembre 2005, la cour d'appel de ce siège a confirmé cette ordonnance en toutes ses dispositions et, ajoutant, condamné la société SGPO à payer aux salariés requérants diverses provisions, dont à Christian X... 101,40 € correspondant au solde du 13ème mois.

Christian X... et ses collègues de travail ont introduit des instances au fond le 6 février 2006 et, par jugement du 5 avril 2007, le conseil de prud'hommes de Vienne a :
-mis hors de cause la société CBS,
-dit et jugé sous le visa de l'article L. 122-14-4 que la rupture du contrat de travail de Christian X... intervenue le 1er décembre 2004 s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
-condamné la société SPGO, en vertu de l'accord collectif du 5 mars 2002, à verser Christian X... les sommes de :
35. 552,08 € (soit deux ans de salaire) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en prévoyant que seront déduits les 7. 888,02 € versés suite à l'arrêt de la cour d'appel,
1. 500,00 € à titre d'indemnité pour frais irrépétibles,
-dit que ces condamnations sont assorties des intérêts légaux courant à compter du jugement,
-ordonné l'exécution provisoire de l'entier jugement,
-débouté les sociétés SPGO et CBS de leurs demandes reconventionnelles mais les a condamnées solidairement aux dépens de l'instance.
La société SPGO a interjeté appel le 23 avril 2007.

Elle demande à la cour de dire et juger que :

* le marché de surveillance de la centrale de St Alban dont elle était titulaire et qui avait été attribué à CBS constituait une entité économique autonome impliquant l'application des dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail,
* que les contrats de travail des intéressés s'étaient trouvés transférés de plein droit à la société CBS, qui devait dès lors en assumer toutes les obligations,
* de la mettre hors de cause et de débouter le salarié des demandes qu'il dirigeait contre elle mais de le condamner à lui restituer les sommes versées en exécution des trois précédentes décisions judiciaires,
* de condamner au besoin la société CBS, véritable employeur, à lui rembourser le montant des condamnations mises à sa charge et à lui verser une indemnité en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir pour l'essentiel :

-qu'elle avait créé cet établissement en 1995 lorsqu'elle avait repris ce marché détenu par la société PROTECTAS, que cet établissement avait disposé de sa propre immatriculation au registre du commerce et des sociétés de Vienne, qu'il avait une activité spécifique, que le CNPE était son unique client, que ses salariés n'étaient pas polyvalents et qu'après la perte du marché, cet établissement avait été radié du RCS,
-que cet établissement était géographiquement isolé et éloigné de son propre centre d'activité, situé dans ouest de la France, où elle avait son siège social et l'essentiel de sa clientèle,
-que l'absence de transfert de biens incorporels était indifférent.

Elle souligne que les critères d'autonomie de gestion et d'exploitation, qui caractérisent toute entité économique autonome, étaient réunis au cas présent puisque le site avait à sa tête un agent de maîtrise, Roger A..., qui avait d'ailleurs été repris par la société CBS, qui était l'interlocuteur du client, procédait aux embauches, disposait d'une délégation de pouvoirs et du pouvoir disciplinaire.

Elle invoque également la compétence et l'expérience spécifique des salariés de cet établissement, personnel ancien et expérimenté qui avait reçu une formation spécifique et des habilitations particulières pour intervenir dans les zones " protégées " et " renforcées " de la centrale, à l'exclusion de la zone " contrôlée " (zone affectée par des travaux rayonnants où se trouvent les trois réacteurs) exclusivement contrôlée par les agents d'EDF, pour laquelle les agents SPGO contrôlaient seulement les entrées des sas, lors des arrêts de tranche.

Elle invoque également l'absence de modification substantielle du marché par EDF, qui avait seulement cherché à réduire les coûts et le volume horaire de la prestation.

La société SPGO conteste le bien fondé des réclamations relatives à une prime et à l'accord de modulation.

Pour sa part, la société CBS demande à la cour de constater que les dispositions de l'article L. 122-12 n'étaient pas applicables, de confirmer en conséquence le jugement déféré sauf sur les frais irrépétibles, de la mettre hors de cause, de débouter la société SPGO des demandes dirigées contre elle.

Elle sollicite également que soit constatée la rupture par la société SPGO du contrat de travail de Christian X....

Elle demande à la cour de statuer ce que de droit sur les demandes de l'intéressé et de condamner la société SPGO à lui verser une indemnité au titre des frais irrépétibles.

Cette partie expose que la perte d'un marché au profit d'un concurrent et la poursuite des contrats de travail par l'entreprise entrante, en application de l'accord collectif qui organise cette situation, étaient insuffisants pour caractériser le transfert d'une entité économique autonome.
Elle en déduit que seul l'accord collectif était applicable et estime que ses dispositions (en particulier le taux de reprise minimal de 85 % du personnel) avaient bien été respectées en l'espèce, ce qui n'était d'ailleurs contesté par aucune des parties.
Elle considère que les précédents invoqués par la société SPGO n'étaient pas transposables au cas présent, pour des raisons de droit et de fait.
La société CBS ajoute que l'établissement de St Alban ne constituait pas une entité économique autonome mais une coquille vide en ce que :
-aucun élément corporel ou incorporel n'avait été transféré alors qu'il s'agissait d'un des critères cumulatifs nécessaires à la reconnaissance d'une entité économique autonome,
-ce site de la société SPGO n'avait aucune autonomie de gestion : tout était décidé depuis le siège à Deauville où étaient faites les payes, l'existence d'un délégué du personnel était indifférent, sur son site internet SPGO désignait ce site comme une simple antenne, SPGO avait de nombreux autres marchés de cette nature,
-il n'y avait sur place aucun cadre et aucun chef de site n'avait été nécessaire, après le départ en retraite de M. A...,
-aucune autorisation administrative particulière n'était nécessaire pour exploiter ce site, où les missions confiées étaient dépourvues de spécificité,
-aucune identité n'avait été conservée : il s'agissait d'un nouveau marché, le périmètre d'activité avait été modifié notamment par le retrait des missions en zone " contrôlée " et remplacé par du gardiennage classique.

Elle rappelle qu'à l'occasion de l'entrée de la société SPGO sur le site, en 1995, il y avait eu un litige entre la société PROTECTAS et la société SPGO, que cette dernière avait fait valoir que l'article L. 122-12 ne s'appliquait pas et avait obtenu gain de cause. Elle rappelle également que sa concurrente avait écrit le 21 avril 2004 à EDF que le nouveau marché la contraindrait à licencier six personnes.
La société CBS déduit du tout que son adversaire tenait un double langage et était de mauvaise foi.
Christian X... demande à la cour :
-de juger que la rupture de son contrat de travail intervenue le 1er décembre 2004 s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
-de juger que la rupture incombe principalement à la société SPGO, subsidiairement à la société CBS,
-de confirmer le jugement en toutes ses dispositions indemnitaires, subsidiairement de faire supporter les mêmes montants par la société CBS, de condamner la société SPGO à titre principal, la société CBS à titre subsidiaire, à indemniser ses frais irrépétibles à concurrence de la somme de 1. 500 €.

Il fait valoir que l'absence de fourniture d'un travail avait constitué un manquement de l'employeur à l'une de ses obligations contractuelles essentielles et donc une cause de rupture, l'opposition entre les deux sociétés sur l'application de l'article L. 122-12 et l'accord de branche du 2 mars 2002 lui étant indifférente à cet égard.

Il détaille le préjudice qui en résulté pour lui.

Sur quoi :

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées par les plaideurs et soutenues à l'audience ;

1o) la reprise du contrat de travail :

Attendu que l'accord de branche du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel dans le secteur " prévention et sécurité ", accord étendu par arrêté du 10 décembre 2002 et applicable à l'ensemble des salariés affectés sur le site d'une entreprise relevant de la convention collective nationale des entreprises de prévention et sécurité (le site étant défini comme l'ensemble des missions de sécurité effectuées pour le compte d'un client dans le cadre d'un périmètre défini par un marché), prévoit que l'entreprise entrante doit proposer de reprendre au minimum 85 % de la liste du personnel transférable dans la limite du nombre de personnes nécessaires à l'exécution du marché y compris dans sa nouvelle configuration éventuelle ;

Que la société CBS s'est placée dans le cadre de cet accord dont elle a observé en pratique les dispositions, ce qui n'est pas contesté ;

Attendu que si l'ancien accord de branche du 18 octobre 1995, auquel celui de 2002 s'est substitué, excluait de son champ d'application le cadre ou l'agent de maîtrise ayant la responsabilité du site, tel n'est pas le cas du nouvel accord ;

Attendu qu'en droit, dans le cas où la perte du marché s'accompagne du transfert d'une activité qui correspond à une entité économique autonome, cet accord est sans incidence sur le fait que le transfert porte sur une entité économique autonome ; que dans cette hypothèse, ce sont alors les dispositions d'ordre public prévues à l'article L. 122-12 alinéa deux du Code du travail qui doivent recevoir application ;

Attendu que la directive 2001 / 23 / CE du 12 mars 2001 de la Communauté économique européenne définit l'entité économique comme un ensemble organisé de moyens en vue de la poursuite d'une activité économique, que celle-ci soit essentielle ou accessoire ;

Attendu que la seule cession d'une activité ne constitue pas, par elle-même, le transfert d'une entité économique autonome ;

Attendu que, certes, l'établissement exploité par la société SPGO à Saint Alban a fait l'objet :
-en 1995, d'une immatriculation au registre du commerce et des sociétés au titre d'un fonds de " sécurité prévention SPGO exploité au CNPE de Saint-Alban / Saint-Maurice l'Exil ",
-le 4 octobre 1995, d'une autorisation de fonctionnement délivrée par le préfet de l'Isère,

Mais que la société SPGO ne démontre pas qu'elle devait nécessairement créer un établissement secondaire pour obtenir une autorisation administrative et qu'elle ne pouvait pas affecter ses salariés sur le site de la centrale de St Alban sous le couvert de l'autorisation préfectorale dont elle disposait nécessairement pour son siège, dans le cadre de la loi du 12 juillet 1983 mais qu'il lui fallait aussi une autorisation particulière du préfet du département de l'Isère ;

Attendu qu'il est justifié de déclarations envoyées à l'Urssaf à Vienne mais que les accusés de réception émis par cet organisme pour les déclarations préalables à l'embauche concernant les salariés de cet établissement ont été retournées non pas à l'établissement de St Alban mais au siège de la société à Deauville ;

Attendu que lors de la reprise du marché par la SA SPGO au 1er janvier 1995, un litige avait opposé des salariés de la SA PROTECTAS à leur ancien employeur et le conseil de prud'hommes de Vienne avait jugé le 19 octobre 1995 qu'il ne pouvait être fait application de l'article L. 122-12 du Code du travail et avait alloué diverses indemnités de rupture aux demandeurs ;

Attendu que dans le cadre de cette instance, la société SPGO avait sollicité la confirmation de cette décision devant la cour de ce siège, saisie de l'appel interjeté par la société PROTECTAS contre ce jugement, cette société soutenant que l'article L. 122-12 s'appliquait dès lors qu'il y avait transfert d'une entité économique ;

Que par arrêt du 6 mai 1996, la cour d'appel de Grenoble, statuant dans le sens de la société SPGO, a confirmé le jugement sur ce point particulier et estimé qu'il ne pouvait s'agir d'une entité économique autonome mais d'un simple marché de prestation de service, en ayant relevé que le marché avec EDF sur le site de Saint Alban où étaient occupés 39 salariés, n'était pas l'unique marché de la société PROTECTAS qui occupait en tout 2000 salariés, qu'il n'existait sur le site aucun moyen technique spécifique ou organisation administrative particulière, s'agissant de fourniture d'agent de surveillance et de maître-chien, que pour la représentation syndicale, le personnel était rattaché à l'établissement de Lyon ;

Que la cour a également relevé dans le même arrêt, en se fondant sur des lettres de cette entreprise, que la société SPGO avait refusé une application volontaire de l'article L. 122-12 ;

Attendu que dans ce contexte, l'immatriculation au RCS, en 1995, ne pouvait donc être considérée comme une preuve de l'existence d'une entité économique autonome puisque l'auteur de cette immatriculation ne revendiquait nullement cette qualification à l'époque mais au contraire contestait que le marché repris ait été exploité par une telle entité ;

Qu'il n'apparaît pas non plus que la situation ait évolué, depuis, dans le sens d'une plus grande technicité de la mission, mais que c'est le contraire qui s'est produit à l'occasion du nouvel appel d'offre émis par EDF ;

Attendu qu'à l'examen de l'annexe du cahier des charges techniques particulières du marché confié par EDF à SPGO, les attributions comprenaient une mission d'encadrement dévolue au chef de poste, des missions de surveillance hors zone contrôlée 7 jours sur 7 ou les jours ouvrés selon les locaux, à savoir des contrôles piétons et bagages, des rondes de surveillance et des rondes cynophiles, l'ouverture de portails, les accès aux tranches d'exploitation, le contrôle des véhicules accédant au site, la police des parkings, l'accompagnement des livreurs et des visiteurs auprès d'un correspondant, le contrôle et le transfert de matériel, l'accès au parking EDF P2 ;

Qu'elle comprenait aussi, mais selon une fréquence aléatoire, des missions de surveillance en zone dite " contrôlée ", c'est à dire la zone présentant des risques de radioprotection, à savoir la surveillance et le contrôle des accès des locaux, la surveillance et le contrôle des accès à la zone " surprotégée " du BK dans le cadre de la protection des matières nucléaires, la société SPGO expliquant que ces missions n'avaient lieu que lors des arrêts de tranche, tous les deux ou trois ans, étant relevé que le CNPE de St Alban comprend trois réacteurs ;

Attendu, que selon ce même marché EDF / SPGO, les agents devaient être assermentés auprès de la préfecture du site et devaient disposer, outre la formation de base, notamment une formation aux sites nucléaires élaborée avec EDF, une formation radioprotection, une formation sauveteur secouriste du travail et une formation complémentaire incendie ;

Attendu que le marché EDF / CBS ne contient plus, dans la liste des locaux placés sous surveillance de l'attributaire, les bâtiments d'exploitation, ni, dans la liste des missions, la " conduite d'équipe couvrant l'ensemble des missions confiées au titulaire et la restitution d'éléments statistiques des activités contenues dans les missions " et ne comprenait pas, non plus, les " missions de natures diverses qui s'inscrivent dans le prolongement de la protection du site EDF et qui répondent à des exigences particulières de sécurité " contenues dans le marché SPGO ;

Attendu que le nouveau marché ne prévoit pas non plus de mission de surveillance, même à fréquence aléatoire, en zone contrôlée ;

Attendu que ces modifications ont eu pour corollaire en particulier la disparition, dans le CCTP du nouveau marché, de l'exigence de la formation complémentaire incendie liée à une participation éventuelle des salariés dans le cadre de l'équipe de deuxième intervention incendie ;

Attendu que les premiers juges ont donc relevé avec pertinence la modification du périmètre d'activité depuis la passation du marché entre EDF et SPGO ;

Attendu que le marché ne s'adressait pas à une équipe d'agents ayant une formation très spécifique et bénéficiant d'une habilitation particulière ; que le délai d'acquisition, par un agent, de la formation aux sites nucléaires élaborée avec EDF est ignorée ; qu'il n'est en tout cas pas démontré par la société SPGO, au vu des missions effectivement exercées listées dans le CCTP du marché, que cette formation était notablement plus complexe que celle dispensée par tout exploitant sur les particularités de son site, au profit des agents chargés de missions de surveillance de l'environnement d'une installation industrielle classée, ni qu'elle exigeait de l'agent un niveau de connaissance et des aptitudes particulières à l'acquisition des connaissances ;

Attendu que la société SPGO ne démontre pas que son établissement mettait en oeuvre des moyens propres, corporels ou incorporels, pour poursuivre une activité spécifique ni que ce site était géré de manière indépendante et qu'il disposait d'un encadrement propre ;

Attendu que cette activité ne constituait pas une branche d'activité autonome et distincte des autres activités de la société, malgré l'éloignement géographique du siège, dans la mesure où la société SPGO emploie 1300 personnes, selon les éléments au dossier et assure entre autres des missions de surveillance sur quatre autres centrales nucléaires notamment dans les régions de Cherbourg et de Dunkerque ;

Attendu que dans une lettre du 7 décembre 2004 à CBS, la société SPGO soutenait que le site bénéficiait d'une autonomie totale de gestion ;

Mais attendu qu'il est produit aux débats une attestation rédigée le 11 mai 2005 par Roger A..., chef de ce site de 1997 jusqu'à son départ à la retraite au 1er mai 2005, et qui n'a pas été remplacé par CBS ;

Que Roger A... certifie :

-qu'il assurait la gestion de la mise en oeuvre des prestations de service effectuées pour le site,

-que sa fonction principale était la gestion de l'effectif des agents affectés mais qu'il n'avait aucune responsabilité et autonomie commerciale, qu'il se limitait à donner son avis sur des questions de stricte exploitation mais pas sur les salaires et les prix,

-que les volumes horaires du marché et les répartitions des vacations étaient négociés entre le client EDF et la direction SPGO en son absence,

-qu'il n'avait aucune autonomie dans les ressources humaines (recrutement, discipline, et licenciement),

-qu'en cas de besoin d'effectifs supplémentaires, par exemple en cas d'absence pour maladie de salariés, il devait exprimer et justifier ce besoin auprès de la direction SPGO pour l'autorisation de recrutement,

-que l'ensemble des dispositions concernant la discipline et les licenciements étaient soumises à l'approbation du directeur d'exploitation et du directeur des ressources humaines,

-que sa seule intervention dans les payes, qui étaient traitées par le siège, était la distribution de celles-ci,

-que la négociation du 13ème mois s'était déroulée sans lui mais directement entre le DRH et le délégué du personnel,

-qu'il n'avait aucune autonomie financière, ce qui était stipulé dans son contrat de travail, mais que les dépenses étaient soumises à l'autorisation du directeur financier ou du directeur d'exploitation,

-qu'il ne percevait pas de prime de gestion et était payé sur la base du coefficient 200, contrairement aux chefs de centre SPGO qui recevaient des primes en fonction des résultats et qui étaient payés au minimum sur la base du coefficient 240 ;

Attendu qu'il cite plusieurs exemples circonstanciés ;

Que la société ne produit pas d'éléments de nature à contredire ses affirmations sur ces exemples et de nature à démontrer qu'en réalité il était autonome dans la gestion du personnel du site ;

Que l'éloignement géographique n'apparaît pas avoir constitué un obstacle, à la lecture de cette attestation, et ne constitue en tous cas pas un argument pertinent au regard des moyens modernes de communication et de la dimension économique de la société ;

Que celle-ci ne démontre pas que Roger A... percevait une rémunération particulière tenant compte des responsabilités que la société SPGO lui attribue ; qu'elle ne démontre pas non plus que M. A... avait trouvé des contrats commerciaux ;

Attendu qu'en revanche, le fait pour l'employeur d'avoir demandé à ce chef de site de chercher de nouveaux contrats commerciaux démontre que les agents du site pouvaient être employés à d'autres tâches de surveillance que celles qu'ils effectuaient sur le site du CNPE et qu'ils étaient donc polyvalents ;

Attendu que si dans une lettre signée par R. A... le 11 juin 2004, produite par SPGO, il s'expliquait sur les conditions d'une conciliation qu'il avait acceptée lors d'un litige prud'homal et s'il indiquait qu'il avait décidé " seul " le licenciement de l'agent concerné (M. C...) en février 2004 pour récidives de manquement et insolence à son égard, il ajoutait aussi : " tout en ayant préalablement téléphoné le 24 février 2004 au siège pour avoir l'avis et l'autorisation de cette sanction ", ce qui montre bien les limites de ses attributions ;

Qu'il n'est pas justifié par SPGO, en dehors de cette affaire, d'exemples d'un exercice par le chef de site d'un prétendu pouvoir disciplinaire sur le personnel ;

Que le protocole de fin de conflit du 30 novembre 2003, qui avait suivi le mouvement social auquel avaient participé certains salariés de la société SPGO, n'a pas été rédigé par Maurice A..., même si son nom figure sur ce protocole comme chef de site, mais par la directrice des ressources humaines de SPGO, Mme D... ;

Attendu que lors d'une réunion des délégués du personnel du site de St Alban, d'ailleurs tenue le 25 juin 2003 à Caen et non pas sur place, consacrée à l'avenir après la fin du contrat en 2004 et à l'appel d'offre d'EDF comprenant une modification des heures de prestation, la société SPGO exprimait sa volonté de licencier le moins possible, de faire appel aux départs volontaires et d'éviter tout licenciement ; qu'elle ne faisait pas référence à la notion d'entité économique autonome ni à ses conséquences en termes d'emploi ;

Attendu que dans une lettre du 21 avril 2004 à EDF, le directeur commercial de la société SPGO indiquait qu'après vérification des effectifs, il s'avérait qu'elle se trouvait face à une situation nécessitant une réduction d'effectifs et qu'elle serait contrainte de licencier six agents ;

Attendu qu'il est soutenu que les agents avaient une qualification particulière et spécifique mais que la société SPGO ne démontre pas que cette circonstance s'était traduite effectivement en terme de rémunérations, alors qu'au cours de la réunion des délégués du personnel le 25 juin 2003, il avait été relevé que les agents d'exploitation étaient au coefficient 130 alors que certains avaient suivi des formations professionnelles ;

Attendu qu'il ne peut donc pas être considéré que le site était organisé sous forme d'entité économique autonome ;

Que le marché perdu par la société SPGO ne portait pas sur une entité de cette nature ;

Attendu qu'il n'est pas soutenu et encore moins établi qu'il y avait eu transfert conventionnel des contrats de travail ;

Attendu que c'est donc abusivement que la société SPGO a considéré que le salarié intéressé, qui avait refusé son transfert, ne faisait plus partie de ses effectifs au 1er décembre 2004 et ne lui a plus fourni de travail à partir de cette date ; qu'elle a rompu son contrat de travail et que cette situation s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que le salarié était en droit de demander la réparation du préjudice qui est résulté de la perte de son contrat de travail alors qu'il comptait plus de dix ans d'ancienneté ; qu'il était âgé de 56 ans et fait valoir qu'il est toujours chômeur indemnisé en octobre 2007 ; que l'indemnité devant lui revenir a été exactement évaluée à une somme égale à deux ans de salaire ;

2o) la prime équivalent 13ème mois :

Attendu que pour s'opposer à la réclamation sur la prime équivalent 13ème mois, la société SPGO fait valoir qu'aucune disposition conventionnelle ou aucun usage dans l'entreprise ne prévoyaient qu'elle était due même lorsque le salarié n'était plus présent au 31 décembre de l'année considérée ;

Mais attendu que Christian X... n'a été placé dans cette situation qu'en raison d'une rupture abusive de son contrat et de la privation de tout préavis ; que la somme de 101,40 € est bien due ;

Attendu que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;

Attendu que la société SPGO sera déboutée de ses demandes ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge du salarié et de la société CBS leurs frais irrépétibles ; que par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile la société SPGO leur versera à chacun la somme de 500 euros par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

la Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi :

Confirme en tout ses dispositions le jugement prononcé le 05 avril 2007 par le conseil de prud'hommes de Vienne ;

Déboute la société anonyme S. P. G. O. de ses prétentions ;

La condamne aux dépens de l'appel ;

La condamne à verser à Christian X... et à la société CBS à chacun la somme de 500 euros par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

Signé par Monsieur GALLICE, Président, et par Madame LEICKNER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Numéro d'arrêt : 06/00060
Date de la décision : 17/12/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Vienne


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-12-17;06.00060 ?
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