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19/11/2007 | FRANCE | N°02/04354

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 19 novembre 2007, 02/04354


R. G. No 06 / 00484
V. K.
No Minute : Grosse délivrée

le :

à :

SCP GRIMAUD

SCP CALAS

SELARL DAUPHIN & MIHAJLOVIC

SCP POUGNAND

Me RAMILLON

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU LUNDI 19 NOVEMBRE 2007

Appel d'un Jugement (No R. G. 02 / 04354)
rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE
en date du 08 décembre 2005
suivant déclaration d'appel du 31 Janvier 2006

APPELANT :

Monsieur Abdel-Basset D...

né le 02 Janvier 1966 à DEAL (SYRIE) <

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Chez M. Yassar Y...


...

94800 VILLEJUIF

représenté par la SELARL DAUPHIN & MIHAJLOVIC, avoués à la Cour
assisté de la SC...

R. G. No 06 / 00484
V. K.
No Minute : Grosse délivrée

le :

à :

SCP GRIMAUD

SCP CALAS

SELARL DAUPHIN & MIHAJLOVIC

SCP POUGNAND

Me RAMILLON

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU LUNDI 19 NOVEMBRE 2007

Appel d'un Jugement (No R. G. 02 / 04354)
rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE
en date du 08 décembre 2005
suivant déclaration d'appel du 31 Janvier 2006

APPELANT :

Monsieur Abdel-Basset D...

né le 02 Janvier 1966 à DEAL (SYRIE)
de nationalité Française
Chez M. Yassar Y...

...

94800 VILLEJUIF

représenté par la SELARL DAUPHIN & MIHAJLOVIC, avoués à la Cour
assisté de la SCP BRASSEUR-M'BAREK, avocats au barreau de GRENOBLE et plaidant par la Me BRASSEUR

INTIME :

Monsieur Philippe A...

né le 30 Octobre 1950 à LA TRONCHE (38700)
de nationalité Française

...

...

38000 GRENOBLE

représenté par la SCP HERVE-JEAN POUGNAND, avoués à la Cour
assisté de Me GALLIZIA, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Françoise LANDOZ, Président,
Madame Claude Françoise KUENY, Conseiller,
Madame Véronique KLAJNBERG, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme Hélène LAGIER, Greffier.

DEBATS :

A l'audience publique du 22 Octobre 2007, Madame KLAJNBERG a été entendue en son rapport.

Les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries.

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 26 août 1999 le docteur Philippe A... a opéré Abdel Basset D... d'une hernie inguinale.

Tenant Philippe A... pour responsable de l'atrophie testiculaire dont il souffre depuis cette opération, Abdel-Basset D... l'a assigné le 10 septembre 2002 devant le tribunal de grande instance de Grenoble en réparation de ses préjudices, lequel par jugement du 8 décembre 2005 a :

" Déclaré le docteur A... responsable du préjudice corporel subi par Abdel-Basset D... consécutivement à l'intervention chirurgicale du 26 août 1999 ;

Condamné le docteur A... à payer à Abdel-Basset D... ;

* une indemnité de 30. 000 € en réparation de son préjudice corporel ;

* une indemnité de 1. 500 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

Condamné le docteur A... aux dépens. "

Le 31 janvier Abdel-Basset D... a relevé appel de cette décision et demande par voie d'infirmation à la cour de :

" Dire que Philippe A... est responsable des conséquences dommageables de son intervention

Le condamne à payer les sommes suivantes :

-au titre du pretium doloris, la somme de 6. 000 €,
-au titre du préjudice esthétique, la somme 10. 000 €,
-au titre du préjudice d'agrément, la somme de 10. 000 €,
-au titre du préjudice sexuel, la somme de 80. 000 €,
-au fifre du préjudice professionnel, la somme de 43. 200 €,
-au titre du préjudice psychologique, la somme de 80. 000 €,
-au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile la somme de 3 000 €. "

Au soutien de son recours il fait valoir en substance que :

-Philippe A... n'a pas rempli son obligation d'information,

en ne l'avertissant pas qu'il encourait un risque d'atrophie testiculaire,

-il a commis une faute technique en réduisant la largeur du canal inguinal,

-il a fait preuve d'un défaut de vigilance médicale en le renvoyant chez lui après l'opération, sans vérifier qu'un anti-inflammatoire lui avait été prescrit,

-le rapport d'expertise médicale est incomplet et le tribunal n'a pas tenu compte de son préjudice esthétique, de son préjudice sexuel, de son préjudice d'agrément,

-sept ans après les faits il est toujours suivi par un psychiatre.

Philippe A... fait appel incident en demandant à la cour de débouter Abdel-Basset D... de toutes ses demandes et de le condamner à lui payer 1. 500 € au titre de ses frais irrépétibles.

Il conclut pour l'essentiel que :

-en présence d'un risque de complication rarissime, il n'avait pas à inquiéter son malade en l'avisant de celui-ci,

-aucune faute n'est établie à son encontre et le fait que des médicaments anti-inflammatoires n'aient finalement pas été prescrits, est sans conséquence sur l'atrophie invoquée par Abdel-Basset D...,

-l'expert judiciaire a retenu que, tant le diagnostic que le geste opératoire étaient conformes aux données acquises de la science à l'époque des faits,

-les indemnités réclamées par Abdel-Basset D... sont disproportionnées,

-Abdel Basset D... peut procréer et avoir une vie affective et sexuelle normale,

-son licenciement semble tenir à une incompétence professionnelle (manque de productivité) et à un état psychologique dépressif existant depuis de nombreuses années.

MOTIFS ET DÉCISION

Sur la responsabilité du docteur Philippe A...

Attendu qu'il convient de rappeler qu'Abdel-Basset D... a subi une intervention " en ambulatoire " le 29 août 1999, consistant en la cure d'une hernie inguinale par le procédé classique dit de " Schouldice " et qu'il est rentré le soir même chez lui avec une prescription d'antalgique, alors qu'il est normalement prescrit de façon complémentaire la prise d'anti-inflammatoires ;

Que le rapport d'expertise judiciaire retient que l'atrophie du testicule droit d'Abdel-Basset D... subvenue postérieurement à cette opération, est en relation de causalité directe avec l'intervention pratiquée par le docteur Philippe A... ;

Attendu tout d'abord sur le devoir d'information, que si cette complication est très rare et affecte moins d'un pour cent des patients, il n'en demeure pas moins que le docteur Philippe A... devait compte tenu de sa gravité, même antérieurement à l'application des dispositions de la loi du 4 mars 2002, en avertir Abdel-Basset D..., ce qu'il n'a pas fait comme il le reconnaît ;

Que néanmoins, Abdel-Basset D... ne tire aucune conséquence du non respect de cette obligation, et que cette opération étant absolument nécessaire, il n'est pas établi que cette révélation eût modifié le consentement d'Abdel-Basset D... ;

Que tout au plus, aurait il éventuellement pu se préparer à ce risque ;

Attendu sur les causes de cette atrophie, que l'expert judiciaire souligne d'une part que ".... vraisemblablement.... le canal inguinal reconstitué est devenu peut être trop étroit après les sutures réalisées, gênant ainsi la circulation sanguine de retour " et ajoute d'autre part que " vraisemblablement mais de façon non certaine, tout aurait pu, par traitement médical, repos et anti-inflammatoires, rentrer dans l'ordre sans avoir les conséquences présentes " ;

Que l'expert explique également que la technique adoptée par le docteur Philippe A... " a répondu à un soucis de perfection dans la reconstitution du canal inguinal " ;

Or attendu que si rien ne permet de dire que le canal inguinal est devenu trop étroit, il est en revanche établi que d'une part le 26 août 1999 Abdel-Basset D... est sorti de clinique sans prescription d'anti inflammatoire, que d'autre part il présentait le 29 août 1999, un oedème important des bourses nécessitant de le ré-hospitaliser le 30 août soit quatre jours après l'intervention ;

Que les examens échographiques révélant un testicule sans signal doppler ont confirmé que l'ischémie vasculaire consécutive à l'intervention, a provoqué l'atrophie du testicule droit ;

Attendu que l'oedème est donc à l'origine de la compression du canal, que la largeur de celui-ci ait été ou non réduite par l'opération, étant précisé que la prescription d'anti inflammatoire a pour finalité d'empêcher ou de réduire l'oedème et ses effets mais non pas de modifier la largeur du canal reconstitué ;

Que l'efficacité du traitement par anti inflammatoire n'étant d'après l'expert pas totalement garantie, il en résulte qu'Abdel-Basset D... a par l'absence de celui-ci perdu 80 % de chance de recouvrer un testicule droit qui ne soit pas atrophié ;

Sur l'indemnisation des préjudices

Attendu que l'expert a conclu que les dosages hormonaux et les spermogrammes étaient normaux, attestant que la fertilité d'Abdel-Basset D... n'était pas atteinte ;

Attendu qu'il n'a cependant pas fourni tous éléments utiles pour déterminer les préjudices de tous ordres résultant pour Abdel-Basset D... de l'atrophie de son testicule droit ;

Qu'il convient dans ces conditions d'allouer à Abdel-Basset D... une provision de 20. 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices et de compléter la mission de l'expert comme précisé au dispositif ci-après ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Dit que le docteur Philippe A... est responsable d'une perte de 80 % de chance pour Abdel-Basset D... de recouvrer un testicule droit normal,

Avant dire droit sur l'indemnisation des préjudices et les dépens,

Condamne le docteur Philippe A... à payer à Abdel-Basset D... une provision de 20. 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices,

Désigne à nouveau le professeur Georges E... en qualité d'expert,

Dit qu'en complément de son rapport il devra :

1o examiner Abdel-Basset D... et décrire l'évolution et l'état actuel des lésions et sequelles dont il est atteint suite à l'intervention du 26 août 1999,

2o en cas d'état antérieur notamment en ce qui concerne l'état dépressif d'Abdel-Basset D..., le décrire en ne retenant que les antécédents pouvant avoir une incidence sur les lésions ou séquelles, dire son incidence sur l'état de la victime,

4o dire les souffrances endurées (SE) en les évaluant dans une échelle de 1 à 7,

5o dire le cas échéant s'il y a eu préjudice esthétique temporaire (PET) différent du préjudice esthétique permanent ci-dessous,

6o dire en cas de préjudice scolaire, universitaire ou de formation (PSU) allégué si la perte invoquée est médicalement admissible,

7o dire en quoi les lésions diminuent l'agrément de la vie de la victime (PA), dire s'il y a préjudice esthétique permanent (PEP), dire en quoi sa sexualité est atteinte (PS),

8o donner tous autres éléments de préjudice extrapatrimonial,

9o dire si l'état de la victime est susceptible d'amélioration ou d'aggravation, donner son avis sur les préjudices liés à des pathologies évolutives (PEV),

Dit qu'Abdel-Basset D... devra consigner au secrétariat greffe de la cour, une provision de 425 € à valoir sur les honoraires de l'expert avant le 20 décembre 2007,

Dit que l'expert accomplira sa mission dans le respect de la contradiction en prenant en considération les observations qui lui seront faites dans le délai qu'il aura imparti, lorsqu'elles seront écrites en les joignant à son rapport si les parties le demandent, en disant si elles appellent une réponse technique et en ce cas en la donnant,

Dit que l'expert déposera l'original de son rapport au greffe de la cour avant le 1er mars 2008 sauf prorogation accordée sur sa demande par le conseiller chargé du contrôle,

Dit qu'au cas où la consignation s'avérerait insuffisante compte tenu des données de l'affaire et de la mission donnée l'expert en annoncera la prévision par note aux parties, après le premier examen et sollicitera le complément correspondant,

Dit qu'il en sera référé au conseiller de la mise en état chargé du contrôle en cas de difficultés.

PRONONCÉ en audience publique par Madame LANDOZ, Président, qui a signé avec Madame LAGIER, Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Numéro d'arrêt : 02/04354
Date de la décision : 19/11/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Grenoble


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-11-19;02.04354 ?
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