RG No 06 / 00125
TC / B
No Minute :
Grosse délivrée le :
à :
SCP POUGNAND
Me RAMILLON
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
2ÈME CHAMBRE CIVILE
ARRET DULUNDI 12 NOVEMBRE 2007
DECLARATIONS DE SAISINE DES 03 et 31 Janvier 2006
sur un arrêt de cassation du 18 octobre 2005
Recours contre un Jugement rendu par
le Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN le 24 mai 1985
ayant fait l'objet d'un arrêt rendu le 27 mars 1996 par la Cour d'Appel D'AIX EN PROVENCE,
cassé par arrêt du 13 octobre 1998 renvoyant l'affaire devant la Cour d'Appel de GRENOBLE qui a rendu son arrêt le 11 septembre 2001,
lui-même cassé partiellement par arrêt de cassation du 18 octobre 2005
APPELANT :
Monsieur Jean X...
né le 25 Novembre 1942 à GONFARON (83890)
de nationalité Française
...83890 GONFARON
représenté par la SCP HERVE-JEAN POUGNAND, avoués à la Cour
assisté de Me Laurent COUTELIER, avocat au barreau de TOULON
INTIME :
Monsieur Michel Joseph, Charles Z...
né le 28 Juin 1946 à PIGNANS (83790)
de nationalité Française
...83190 OLLIOULES
représenté par Me Marie-France RAMILLON, avoué à la Cour
assisté de Me Michèle NERON, avocat au barreau D'AIX EN PROVENCE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame BRENNEUR, Président
Monsieur ALLAIS, Conseiller
Monsieur PIERRE, Conseiller
Assistés lors des débats de Madame M. C. OLLIEROU, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique de renvoi de cassation tenue le 15 OCTOBRE 2007, les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries.
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience du LUNDI 12 NOVEMBRE 2007.
La Cour statue sur renvoi, après cassation d'un arrêt, rendu le 11 septembre 2001 par la Cour d'Appel de GRENOBLE, qui, statuant sur renvoi après cassation d'un arrêt rendu, le 27 mars 1996, par la Cour d'Appel de AIX EN PROVENCE, a ordonné la restitution du trop-perçu d'une provision sur soulte versée à certains des cohéritiers de M. Jean X..., avec intérêts au taux légal à compter de la signification de sa décision.
Exposé des faits et des moyens des parties
Des immeubles dépendant des successions de Léopold Z...et de son épouse Amélie B...ont été licités aux enchères publiques les 19 février 1982 et 10 février 1983.
Lors de ces ventes d'immeubles, composés de 23 lots, les co-licitants se sont portés adjudicataires.
Me C..., notaire, désigné pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage, a rédigé le 9 mai 1984, un état liquidatif que Jean X...et Mme Nicole X...ont refusé de signer.
Par jugement du 24 mai 1985, le Tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN a, notamment, homologué l'état liquidatif des successions de Léopold Z...et Amélie B...et a ordonné, avec exécution provisoire, le versement par M. Jean X...d'une provision sur soulte à certains de ses cohéritiers, et notamment,620 000 F à M. Michel Z..., en raison des biens immobiliers qui lui ont été attribués par adjudication, dans le cadre des opérations de licitation.
Par arrêt du 27 mars 1996, la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence a homologué l'état liquidatif des successions, notamment en ce qu'il a ordonné le versement par Jean X...d'une provision sur soulte.
Sur pourvois formés par Messieurs Jean X...et Michel Z..., la Cour de cassation a, par arrêt du 13 octobre 1998, cassé et annulé la décision de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, mais seulement en ce qu'elle a ordonné à M. Jean X...de verser une provision sur soulte.
Par arrêt du 11 septembre 2001, la Cour d'appel de GRENOBLE a notamment, infirmé le jugement du 24 mai 1985 en ce qu'il a condamné M. Jean X...au versement d'une provision sur soulte et en conséquence a condamné, notamment, M. Michel Z...à payer à M. Jean X...au titre du remboursement du trop-perçu sur soulte la somme de 821 046,74 F, soit 105 167,76 € et a dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision.
Sur pourvoi en cassation, formé par M. Michel Z..., la Cour de cassation, par arrêt du 18 octobre 2005 a :
« cassé l'arrêt, mais seulement en ce qu'il a condamné M. Michel Z...à restituer le montant des intérêts moratoires qui lui ont été alloués sur les sommes versées en exécution du jugement de première instance ».
L'arrêt a été cassé au visa de l'article 1153 du Code civil. La Cour de cassation a relevé que « pour condamner M. Michel Z...à restituer à M. Jean X...le montant des intérêts moratoires que ce dernier a été condamné à lui payer en raison du retard apporté dans l'exécution du jugement de première instance, l'arrêt retient que du fait de l'infirmation à intervenir, ces intérêts sont « privés du fondement de la condamnation prononcée à titre principal » ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les intérêts ainsi alloués à M. Michel Z...étaient destinés à compenser la privation de la jouissance de la somme d'argent à laquelle la décision de première instance, fût-ce de façon temporaire, lui ouvrait droit, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».
Devant la cour d'appel, M. Jean X...expose en substance que les intérêts, payés au titre de l'exécution provisoire, dans le cadre d'une décision ultérieurement infirmée, ne pouvaient être conservés par le bénéficiaire du jugement infirmé qui en a poursuivi l'exécution à ses risques et périls et que l'on ne peut considérer que des intérêts puissent être dus sur un principal qui ne l'est pas et qu'il est victime d'une mauvaise décision de justice.
Il réclame, en conséquence, la restitution intégrale des sommes versées en exécution du jugement du Tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN infirmé par la Cour d'Appel de GRENOBLE, en application de l'article 561 du nouveau code de procédure civile. Il estime que l'obligation de rembourser résulte de plein droit de la réformation de la décision de première instance.
Il estime, par ailleurs, que l'article 1153 du Code civil était inapplicable. De surcroît la Cour d'Appel n'avait alloué à M. X...aucun intérêt sur les sommes qu'il avait déboursées, mais s'était contenté d'ordonner la restitution des sommes perçues par M. Z..., en exécution d'une décision réformée. Il en déduit que la Cour d'Appel n'avait alloué aucun intérêt moratoire, ce qui rend sans objet le visa de l'article 1153 du Code civil par la Cour de cassation.
M. X...indique qu'en application de l'article 1131 du Code civil, l'obligation sans cause ou sur une cause illicite ne peut avoir aucun effet et que du fait de l'infirmation du jugement, la cause du paiement avait disparue.
Il rappelle que la répétition de l'indu doit être ordonnée sur le fondement de l'article 1235 du code civil.
Il précise qu'en tout état de cause, les dommages-intérêts sont dus par M. Z...qui a fait exécuter à ses risques et périls un jugement assorti de l'exécution provisoire par la suite infirmé.
M. X...sollicite donc le remboursement de la somme de 125 167,77 € au titre du remboursement du trop-perçu sur soulte, avec intérêts au taux légal depuis l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de Grenoble le 11 septembre 2001 et, subsidiairement, la condamnation de M. Z...à lui rembourser cette somme à titre de dommages-intérêts. Il demande la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du Code civil.
M. Michel Z...réplique que, entre le 24 mai 1985, date du jugement, et le 6 novembre 2001, date de la signification de l'arrêt de la Cour d'Appel, il avait la jouissance légale de la somme de 94 518,39 € et que le droit de jouir d'une somme d'argent emporte le bénéfice des intérêts procurés par cette jouissance. Or M. X...n'a pas spontanément exécuté le jugement du 24 mai 1985, pourtant exécutoire. Il s'ensuit que les intérêts de retard recouvrés par M. Z...à la suite des exécutions forcées, ne sont que la contrepartie de son défaut de jouissance. Si M. X...avait exécuté spontanément, M. Z...n'aurait eu à rembourser que le principal.
M. Z...sollicite la condamnation de M. X...à lui restituer la somme de 136 053,21 €, avec intérêts légaux à compter du 20 décembre 2005, date de la signification de l'arrêt de la cour de cassation.
M. Z...demande de 10 000 € à titre de dommages-intérêts et 9 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
SUR QUOI, LA COUR,
Attendu que pour un plus ample exposé des faits, des moyens et des prétentions des parties, la Cour se réfère aux conclusions déposées et régulièrement communiquées, le 3 mai 2005, pour M. X...et le 16 juin 2005, pour M. Z....
Attendu que la Cour regrette que les parties n'aient pas cru devoir recourir à une médiation, mesure de pacification du conflit, pour mettre un terme définitivement au conflit qui les oppose depuis plus de 20 ans ;
Attendu que, selon l'article 1153 du Code civil : « dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal...
Ils ne sont dus que du jour de la sommation de payer ou d'un autre acte équivalent..., excepté dans le cas où la loi les fait courir de plein droit ».
Attendu que le jugement, qui était assorti de l'exécution provisoire, a été exécuté le 8 avril 1994 en ce qui concerne le versement de la provision sur soulte et postérieurement, à différentes dates, en ce qui concerne les intérêts moratoires calculés depuis la signification du jugement.
Attendu que, contrairement à ce qu'indique M. X..., la Cour d'Appel de Grenoble a bien estimé que « la demande en restitution des intérêts moratoires versés au titre du retard apporté à l'exécution d'une décision de justice qui est infirmée est justifiée, ceux-ci étant privés du fondement de la condamnation prononcée à titre principal » (p. 14 de l'arrêt) et a bien ordonné, notamment à M. Z...de restituer, à M. X..., les sommes qu'il a reçues de lui en exécution de la décision réformée, y compris les intérêts moratoires ; que M. Z...a exécuté la décision de la Cour d'Appel ;
Attendu que le retard à exécuter une décision de justice doit être réparé par le paiement d'intérêts légaux conformément aux dispositions de l'article 1153 du Code civil, indépendamment de la réformation par la Cour d'Appel de la décision concernant la provision sur soulte ; que les intérêts courus sont des intérêts moratoires ; qu'ils devaient rester acquis à M. Z..., à titre de dommages-intérêts, sanction de la non exécution du jugement ;
Attendu que M. X...doit donc restituer à M. Z...les intérêts moratoires, soit la somme de 136 053,21 €, avec intérêts légaux à compter de la notification de la présente décision ;
Attendu que la Cour d'appel est saisie dans la limite de l'arrêt de cassation qui ne porte que sur la restitution du montant des intérêts moratoires ; qu'il ne lui appartient pas de statuer sur les autres demandes dont a été saisie la Cour d'Appel de Grenoble en 2001 ;
Attendu que l'arrêt de la Cour d'Appel de Grenoble de 2001 a rejeté les demandes de dommages-intérêts des deux parties ; que les dispositions de l'arrêt étant définitives sur ce point, les demandes sont irrecevables ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant sur renvoi de cassation, en audience publique, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONDAMNE M. Jean X...à restituer à M. Michel Z...la somme de 136 053,21 €, avec intérêts légaux à compter de la notification de la présente décision,
ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil,
DÉCLARE IRRECEVABLES les demandes de dommages-intérêts des parties ;
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
CONDAMNE M. Jean X...aux dépens et autorise Maître RAMILLON, Avoué, à les recouvrer directement.
PRONONCE par mise à disposition de l'arrêt au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile,
SIGNE par Mme BRENNEUR, Président, et par M. C. OLLIEROU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.