La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/10/2007 | FRANCE | N°05/00320

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 08 octobre 2007, 05/00320


RG No 06/02282



No Minute :























































































AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU LUNDI 08 OCTOBRE 2007





Appel d'une décision (No RG 05/00320)r>
rendue par le Conseil de Prud'hommes de VIENNE

en date du 02 mai 2006

suivant déclaration d'appel du 30 Mai 2006





APPELANTE :



LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHONE - DIRECTION REGIONALE DE VIENNE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

3 Quai Frédéric Mistral

B.P. 224

38201 VIENNE CEDEX



Représentée par Me BLUNA...

RG No 06/02282

No Minute :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU LUNDI 08 OCTOBRE 2007

Appel d'une décision (No RG 05/00320)

rendue par le Conseil de Prud'hommes de VIENNE

en date du 02 mai 2006

suivant déclaration d'appel du 30 Mai 2006

APPELANTE :

LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHONE - DIRECTION REGIONALE DE VIENNE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

3 Quai Frédéric Mistral

B.P. 224

38201 VIENNE CEDEX

Représentée par Me BLUNAT substituant Me Bruno X... (avocats au barreau de LYON)

INTIMÉE :

Madame Michèle Y...

...

38200 VIENNE

Comparante et assistée de Me Jacques Z... (avocat au barreau de VIENNE)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur Jean-François GALLICE, Conseiller, faisant fonction de Président,

Madame Hélène COMBES, Conseiller,

Monsieur Eric SEGUY, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme LEICKNER, Greffier.

DEBATS :

A l'audience publique du 10 Septembre 2007,

les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoiries,

puis l'affaire a été mise en délibéré au 08 Octobre 2007.

L'arrêt a été rendu le 08 Octobre 2007.Notifié le :

Grosse délivrée le :

RG 06/2282 ES

Michèle Y... a été engagée le 16 mai 1983 par EDF. Son contrat de travail a été transféré le 1er juin 2002 à la SA Compagnie Nationale du Rhône (CNR), dont l'activité principale est l'aménagement hydraulique du fleuve.

Elle y exerçait les fonctions de chef du pôle ressources à la direction régionale de Vienne. Ce service regroupait toutes les activités dépourvues de caractère technique. Dix-sept personnes étaient placées sous ses ordres.

A la suite de difficultés survenues dans le service, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la DR de Vienne a décidé le 25 novembre 2003 d'avoir recours à un expert pour "une mission d'écoute au niveau du pôle ressources élargie aux agents souhaitant exprimer une certaine détresse". Cette expertise a été confiée au cabinet d'audit CEFORE, qui a déposé son rapport en octobre 2004. Une restitution de cet audit sur la souffrance au travail a été présentée au CHSCT le 7 décembre 2004.

Les conclusions de ce rapport sont contestées.

Michèle Y... a été convoquée le 27 janvier 2005 à un entretien préalable à sanction, fixé au 4 février 2005 et un blâme lui a été notifié le 17 février 2005 pour "comportement managérial ayant entraîné de la souffrance au travail au sein du pôle des ressources de la direction régionale de Vienne".

L'intéressée a contesté cette sanction devant le conseil de prud'hommes de Vienne, qu'elle a saisi le 22 septembre 2005.

Par jugement du 2 mai 2006, le conseil, estimant que les accusations de harcèlement moral devaient faire l'objet de "grosses réserves", estimant que "la direction n'a pas fait preuve dans cette affaire de la responsabilité qui lui incombait " et relevant que, lors de l'entretien d'évaluation du 14 mai 2004 par son supérieur Philippe A..., il n'avait pas été reproché d'excès d'autorité à l'intéressée, a ordonné à la CNR de retirer le blâme infligé et ordonné qu'il ne figure plus à son dossier, a condamné l'employeur à verser à Michèle Y... 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour sanction abusive et 1.000 € par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société CNR a interjeté appel de cette décision le 30 mai 2006.

Elle demande à la cour de réformer le jugement et de débouter Michèle Y... de ses demandes.

Sous le visa des articles L.230-2, L. 122-49 et L. 122-51 du Code du travail et de l'obligation de sécurité de résultat à l'égard de ses salariés incombant à l'employeur, ce dernier estime que la mesure litigieuse s'imposait, au regard des conclusions du rapport CEFORE qui relevait un taux d'absentéisme pour dépression particulièrement élevé dans le service de l'intéressée, une souffrance au travail et une détresse morale ressentie par les personnes entendues et une carence d'écoute imputables à Michèle Y....

La société CNR allègue une impérieuse nécessité de prévenir une situation potentiellement dangereuse et souligne le caractère proportionné de la sanction, de niveau 2 sur une échelle de 1 à 7, en expliquant que l'employeur avait voulu sanctionner des maladresses de management commises par un cadre auquel il n'était pas reproché une volonté de nuire à ses subordonnés.

L'employeur fait observer que Michèle Y... avait reçu la formation nécessaire à l'exercice des responsabilités inhérentes à poste et qu'à l'issue de son entretien d'évaluation du 14 mai 2004, elle avait refusé de signer une lettre de mission ainsi qu'une délégation de pouvoir, qui lui auraient pourtant permis de mener à bien sa mission de management.

Il conteste que le directeur régional de Vienne se soit engagé à ne pas sanctionner Michèle Y..., contrairement à ce qu'avait retenu le conseil de prud'hommes.

L'employeur conteste également avoir voulu abattre moralement ou professionnellement cet agent, estime qu'il avait pris des précautions (débat avec l'expert, intervention du médecin du travail, saisine du CHSCT), que la procédure statutaire - celle des industries électriques et gazières - avait été respectée en ce qu'elle ne prévoyait pas d'entretien préalable à l'engagement d'une enquête et en ce que la médiation prévue à l'article L.122-54 du Code du travail était facultative.

Michèle B...
Y... demande à la cour de déclarer le blâme nul et de porter l'indemnisation de son préjudice à 30.000 euros. Elle sollicite une indemnité de 2.000 € au titre de ses frais irrépétibles.

Elle invoque, en premier lieu, la prescription des poursuites disciplinaires au sens de l'article L.122-44 en faisant valoir que l'employeur avait eu connaissance du rapport définitif d'audit dès octobre 2004 mais n'avait engagé les poursuites que le 27 janvier 2005.

En deuxième lieu, elle soutient qu'elle n'avait pas été en mesure de connaître précisément les griefs formulés contre elle dès lors qu'aucun fait précis n'était énoncé dans le blâme et que le simple renvoi au rapport CEFORE était inopérant puisque ce dernier concluait qu'il ne pouvait être caractérisé une quelconque situation de harcèlement moral, excluait toute notion de harcèlement moral et ne faisant aucun lien entre une souffrance au travail et un comportement supposé de la responsable du pôle ressources.

Elle expose que le cadre de son service, Philippe C..., qui s'était plaint en octobre 2003 de mauvais rapports avec elle, présentait déjà des problèmes de santé sans lien avec le service avant son arrivée et que, plus généralement, avant sa prise de poste, ce service était dans un état déplorable.

Elle fait observer qu'il était fait référence à ce contexte dans sa notation et qu'elle avait adressé à sa hiérarchie, dès novembre 2002, un rapport sur la situation, en proposant des mesures de rétablissement.

A propos de son préjudice, elle souligne qu'elle avait elle-même été placée en arrêt maladie depuis septembre 2004, qu'elle avait développé une dépression réactionnelle après le blâme, troubles qui s'était aggravés après le jugement puisqu'elle allait être reconnue en longue maladie et ne percevra qu'un demi-traitement. Elle ajoute que sa carrière avait été brisée, compte tenu notamment de sa perte de crédit vis-à-vis de ses subordonnés.

Sur quoi :

Attendu qu'en application de l'article L.122-44 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà du délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ;

Attendu qu'en l'espèce, s'il n'est pas contesté que l'employeur et plus précisément la direction régionale de Vienne a eu connaissance aussitôt après sa rédaction du rapport daté d'octobre 2004 établi par le cabinet CEFORE et intitulé "intervention ergonomique à la demande du CHSCT concernant les problèmes de souffrance au travail à la Direction Régionale de Vienne de la Compagnie Nationale du RHÔNE", il est également constant que ce document a été commandé par le CHSCT ;

Que cet audit a fait l'objet d'un compte rendu et d'un examen lors d'une réunion organisée le 7 décembre 2004 par le CHSCT de la DR de Vienne, où l'auteur de l'étude, M. EPP, s'est expliqué en détail sur les tenant les aboutissants de son travail, en présence du directeur de l'établissement de Vienne, Philippe A..., d'un responsable des ressources humaines, des ingénieurs et correspondants sécurité, du médecin du travail et des représentants du personnel; que certains participants, notamment M A... et M. E... (secrétaire du CHSCT) ont questionné l'enquêteur, l'amenant à apporter des précisions complémentaires très importantes sur son diagnostic ;

Que le compte rendu de cette réunion, comptant 32 pages imprimées en petits caractères, contient autant d'informations, sinon plus, que le rapport d'audit proprement dit, comportant 58 pages, dont une partie consacrée à l'analyse d'un questionnaire écrit que les salariés ont été invités à remplir et à la synthèse des entretiens individuels ; qu'il permet de mieux comprendre le diagnostic ;

Attendu que la lettre de la mission donnée le 17 mars 2004 au CEFORE prévoyait notamment une réunion de restitution ;

Que le rapport définitif et le compte rendu verbal qui a été fait au CHSCT commanditaire forment donc un tout ;

Que l'employeur n'a pu avoir une connaissance complète et exacte des faits, à la suite desquels il a décidé d'engager les poursuites disciplinaires, qu'à l'issue de cette restitution du 7 décembre 2004, d'ailleurs expressément visée dans la lettre de notification de la sanction signée par P A...: "après avoir pris connaissance du rapport présenté par le cabinet CEFORE lors de la réunion du CHSCT..." ;

Que le 27 janvier 2005, l'employeur était donc encore dans le délai pour engager cette procédure ;

Attendu que le directeur général de la C.N.R., signataire de la lettre de notification du blâme, reproche à Michèle Y... un comportement managérial ayant entraîné de la souffrance au travail au sein du pôle dont elle était responsable ;

Qu'il n'est pas reproché à Michèle Y... d'avoir harcelé moralement le personnel placé sous ordres, mais d'avoir fait preuve d'insuffisances ou d'avoir commis des fautes dans la direction de ce personnel ;

Attendu qu'il y a lieu de relever que la lettre de notification de la sanction n'énonce pas de faits ou d'actes précis ayant eu les conséquences alléguées ; que l'employeur s'est limité à faire référence à l'audit du CEFORE ;

Attendu que ce rapport d'enquête a constaté une souffrance au travail dans l'entreprise, d'ailleurs pas seulement au sein du pôle ressources mais aussi dans la catégorie professionnelle des éclusiers ;

Que l'auditeur a déterminé six facteurs qui avaient, selon lui, conduit à cette situation, à savoir : une "culture organisationnelle qui passe sous silence ce type de problème ou ne le reconnaît pas, un changement soudain d'organisation du travail, de mauvais rapports entre le personnel et la hiérarchie, de mauvais rapports entre collègues faisant suite aux mauvais rapports entre personnel et hiérarchie, une augmentation générale du niveau de stress au travail, des confusions et conflits dans les responsabilités hiérarchiques" ;

Attendu que la souffrance au travail n'avait donc pas, pour le CEFORE, pour seule cause déterminante des carences managériales du chef du pôle ressources ;

Attendu que l'enquêteur estimait que "tous ces facteurs peuvent conduire au harcèlement moral" mais que "reste à définir si dans ce service il y a eu véritablement "volonté de nuire" ou s'il s'agit de "maladresse et d'incompétence en matière de management" : "si la volonté de nuire est prouvée, le harcèlement moral ne ferait alors plus aucun doute, ce qui constituerait un délit";

Attendu qu'à l'occasion de sa restitution verbale au CHSCT, M. EPP a précisé (page 15 du compte rendu) à propos d'une personne, que le contexte de son intervention permet d'identifier comme étant Michèle Y... puisqu'il est fait allusion au chef du pôle ressources même si elle n'est pas nommément désignée, qu'il pensait plutôt que c'était de la maladresse et de l'incompétence en matière de management ;

Que la restitution de l'audit a donné lieu notamment à cet échange retranscrit page 27 du compte rendu :

- P. A... s'adressant à M. Epp : "Donc si je fais le résumé de ce que vous avez dit, c'est pas une volonté de nuire, mais c'est une maladresse managériale qui ne peut pas durer, donc ce qui veut dire que je dois prendre rapidement des décisions pour éviter que ças s'aggrave encore. Sans que ce soit ces orientations là, il va y avoir une décision à prendre d'un point de vue managérial, c'est bien ce que vous sous-entendez."

- M. Epp : "je pense, parce que ne rien faire, surtout après l'expertise, ça va amener cette personne qui aujourd'hui ne sait pas manager, le fait peut-être très mal, à encore manager plus mal et à renforcer son management un peu plus brutal."

- P A... : "si une des orientations est celle de lui retirer son management, elle va se sentir complètement dévalorisée, culpabilisée et coupable, alors qu'il n'y a pas de volonté, alors que ça ne peut être que des maladresses. Donc il va bien falloir trouver une solution, effectivement c'est bien à moi de chercher, pour faire en sorte que cette maladresse ne se transforme pas en sanction ni en culpabilisation" ;

Attendu qu'à un membre du CHSCT (page 32 du compte rendu) qui relevait qu'en fonction de son analyse M. Epp laissait entendre que c'était une maladresse ou une incapacité de manager un service et qui faisait observer à M. A... que c'était ce dernier qui était seul capable de dire si "elle" (mme Michèle Y...) "est capable de manager", P. A... a répondu qu'elle avait montré qu'elle avait des capacités mais qu'il y avait des "périodes où globalement elle n'avait pas confiance en elle, elle a perdu les repères, elle a perdu le sens de la priorité, elle a perdu tout un tas de choses, globalement sa fragilité psychologique qui font que soit c'est tout bon, soit c'est tout mauvais. Il n'y a pas d'équilibre et cet élément là je n'en disposais pas" ;

Attendu que l'auteur du rapport constate que le pôle ressources "est confronté à un management brutal, agressif, imprévisible et sans dialogue", sans identifier l'auteur de ce management, ce qui n'entrait pas dans la mission confiée au cabinet, ni sans indiquer non plus clairement si l'expression "management" recouvre une seule personne à un niveau hiérarchique précis, ou plusieurs membres d'une chaîne hiérarchique, ce que le rapport laisse aussi entendre ;

Qu'il est écrit :

"Une partie du personnel est en longue maladie pour dépression. Une autre partie du personnel est démotivée et demande sa mutation ou attend la retraite avec impatience. D'autres se plaignent également de la dureté des relations et d'incompatibilité d'humeur";

Que des salariés se sont plaints de subir des réflexions "des responsables", mais sans les identifier de façon certaine ;

Qu'il ressort aussi de cette étude :

- qu'une faible minorité des subordonnés de Michèle Y... pense que leur supérieur est attentif à leur égard et ce soucie de leur bien être,

- que 2/3 des personnes du service en cause "se plaignent de problèmes relationnels avec leur chef de pôle",

- que 41% du personnel pensent que leur supérieur prête attention à ce qu'ils disent,

- que 29% pensent que leur supérieur réussit à faire collaborer ses subordonnés,

- que des personnes entendues se sont plaintes dans les termes suivants : "notre responsable n'est jamais disponible, botte en touche, renvoie les salariés, il n'y a pas de dialogue, pas de management, l'ambiance est dégradée, difficile, il y a surcharge de travail, le travail est banalisé, ridiculisé, on est embêté sans cesse par le supérieur hiérarchique , c'est dur au niveau relationnel ",

- qu'une majorité considère qu'une personne (sans préciser s'il s'agit de leur supérieur) critique injustement leur travail ;

Attendu qu'en application des articles L. 122-41 et R.122-18 du Code du travail, toute sanction infligée par un employeur à un salarié doit reposer sur des motifs suffisamment précis ;

Qu'en l'espèce aucun acte précis, daté et circonstancié de mauvaise gestion ou de maladresse de gestion du personnel n'est décrit dans cette étude ou dans sa restitution verbale, dont ce n'était d'ailleurs pas le but ; que les documents évoqués non seulement ne concluent pas à l'existence d'une volonté de harceler mais ne contiennent pas davantage une liste d'actes clairement imputables à Michèle Y... ;

Que les subordonnés de Michèle Y... ont tous été entendus par l'enquêteur mais que la restitution de leurs propos exacts est ignorée et qu'il n'entrait d'ailleurs pas dans la mission du CEFORE de dresser des procès-verbaux d'entretien ;

Attendu que les griefs ne peuvent se limiter à des généralités ou à l'expression d'un ressentiment ou d'un mal être exprimé anonymement par le personnel ;

Qu'il est nécessaire, pour caractériser la faute ou l'insuffisance ayant fondé la sanction, que l'employeur démontre l'existence de faits précis et circonstanciés de comportement managérial fautif, maladroit ou inapproprié au contexte ;

Que ces éléments de preuve sont d'autant plus nécessaires qu'il résulte des débats que la responsable a été affectée dans un service qui se trouvait dans une situation difficile et qui exigeait des mesures de redressement, lesquelles ont parfaitement pu déplaire au personnel, indépendamment de la personnalité du responsable chargé de le mettre en oeuvre ou de la méthode employée ;

Qu'en effet, Michèle Y... avait pris le soin d'alerter à son supérieur, six mois après son affectation, dans une note établie dès la fin de l'année 2002 et dont les termes ont été analysés par les premiers juges, de difficultés liées aux vacances de postes, à l'absence d'un cadre pour 75% et au fait que le personnel était habitué depuis longtemps à fonctionner sans hiérarchie ;

Que l'employeur avait reconnu en avril 2003 lors de l'évaluation de Michèle Y... qu'elle était arrivée dans un contexte "assez délicat" et que "comme techniquement la DR ne dispose pas d'agents sur lesquels le responsable peut s'appuyer, il est indispensable d'acquérir les compléments de compétence en RH et de parfaire ses compétences en management pour être le moteur de l'équipe avec laquelle on travaille" ;

Que le représentant du personnel E... a rappelé lors de la réunion de décembre du CHSCT (page 17 du compte rendu), sans être apparemment contredit sur ce point, que depuis des années le service du pôle ressources était "bancal", qu'il avait des problèmes réguliers et que les membres de l'encadrement n'avaient pas "arrêté de défiler" ;

Attendu que par ailleurs les faits ayant motivé la sanction doivent pouvoir être appréciés au regard des compétences de la salariée ; que l'employeur avait accepté le 30 avril 2004 de faire suivre par Michèle Y... en septembre et octobre 2004 une formation au management d'équipe dont l'objectif était le développement de ses capacités; que l'employeur reconnaissait ainsi que Michèle Y... devait se perfectionner en ce domaine ; que l'imprécision sur les griefs ne permet donc pas de vérifier si des manquements ont bien été commis en fonction des capacités acquises par Michèle Y... à l'époque, étant observé que l'étude du CEFORE a été pratiquée du 23 juin à fin octobre 2004 et que Michèle Y... avait été placée en congés maladie en septembre 2004 ;

Attendu que l'employeur, en se limitant à faire référence à une étude révélant une souffrance au travail au sein de l'unité dirigée par la salariée et évoquant, parmi les causes de cette situation, une mauvaise gestion du personnel par le chef de pôle, mais sans se livrer à une recherche et à une énonciation de cas concrets de mauvaise gestion ou de gestion maladroite directement imputables à la salariée et sans fournir la démonstration de faits précis, objectifs et vérifiables, replacés dans leur contexte et susceptibles de constituer un grief, n'a pas fondé la sanction litigieuse ;

Que les premiers juges ont donc fait une exacte appréciation des circonstances qui leur étaient soumises en estimant que le blâme infligé à Michèle Y... devait être annulé et retiré du dossier de cette dernière ;

Attendu que Michèle Y... était cadre, que sa rémunération mensuelle au CNR était de l'ordre de 5.000€, qu'elle comptait une vingtaine d'année d'ancienneté ; que même si la sanction en cause était seulement du deuxième degré, elle était de nature à la déconsidérer puisque les attributions principales de la salariée comprenaient précisément la gestion du personnel et que sa compétence dans ce domaine a été mise en cause ; que la sanction a eu des répercussions sur son état de santé et que des arrêts de travail lui ont été prescrits et renouvelés à une époque contemporaine de l'engagement des poursuites disciplinaires ;

Qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, l'indemnisation de son préjudice consécutif à la notification d'un blâme injustifié sera portée à 30.000 € ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge ses nouveaux frais irrépétibles exposés en cause d'appel ; que la société CNR lui versera une indemnité de 800 euros ;

PAR CES MOTIFS

la Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi :

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf à porter à 30.000 euros les dommages et intérêts alloués à Michèle Y... et mis à la charge de la société Compagnie Nationale du Rhône ;

Condamne la société CNR aux dépens de l'appel et à verser à Michèle B...
Y... une indemnité de 800 euros au titre de ses frais irrépétibles en cause d'appel.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

Signé par Monsieur GALLICE, Président, et par Madame LEICKNER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

7


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Numéro d'arrêt : 05/00320
Date de la décision : 08/10/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Vienne


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-10-08;05.00320 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award