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02/10/2007 | FRANCE | N°06/02887

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre civile 3, 02 octobre 2007, 06/02887


RG No 06 / 02887 B. D.

S. C. P. CALAS
S. C. P. GRIMAUD
Me RAMILLON
S. C. P. POUGNAND
S. E. LA. R. L. DAUPHIN et MIHAJLOVIC

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE DES URGENCES
ARRET DU MARDI 02 OCTOBRE 2007

Appel d'une décision (No RG 06 / 00270) rendue par le Tribunal de Grande Instance de VALENCE en date du 28 juin 2006 suivant déclaration d'appel du 13 Juillet 2006

APPELANTE :
S. A. CLINIQUE KENNEDY prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège A

venue Président Kennedy 26200 MONTELIMAR

représentée par la SCP Jean CALAS, avoué à la Cour assistée de ...

RG No 06 / 02887 B. D.

S. C. P. CALAS
S. C. P. GRIMAUD
Me RAMILLON
S. C. P. POUGNAND
S. E. LA. R. L. DAUPHIN et MIHAJLOVIC

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE DES URGENCES
ARRET DU MARDI 02 OCTOBRE 2007

Appel d'une décision (No RG 06 / 00270) rendue par le Tribunal de Grande Instance de VALENCE en date du 28 juin 2006 suivant déclaration d'appel du 13 Juillet 2006

APPELANTE :
S. A. CLINIQUE KENNEDY prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège Avenue Président Kennedy 26200 MONTELIMAR

représentée par la SCP Jean CALAS, avoué à la Cour assistée de Me Laurence LOPEZ, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée par Me JONQUET, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEES :
Madame Rose A...... 84220 GORDES

défaillante
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAUCLUSE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège Service Contentieux 7 rue François 1er 84043 AVIGNON CEDEX 9

représentée par la SCP Jean CALAS, avoué à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DELIBERE :
Madame Arlette GAILLARD-MAUNIER, Conseiller faisant fonction de Président, Madame Brigitte DEMARCHE, Conseiller, Madame Catherine BRUN, Conseiller,

DEBATS :
A l'audience publique du 04 Septembre 2007, Madame Arlette GAILLARD-MAUNIER, Conseiller faisant fonction de Président, et Madame Brigitte DEMARCHE, Conseiller, assistées de Madame Laure PERTUISOT, Greffier, ont entendu les avoués en leurs conclusions et la plaidoirie de l'avocat, les parties ne s'y étant pas opposées, conformément aux dispositions des articles 786 et 910 du Nouveau Code de Procédure Civile. Elles en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.

Le 27 octobre 2003, Madame A..., qui souffrait de lombalgies, a subi une intervention chirurgicale consistant en un recalibrage L4-L5 et L5- S1 droit, qui a été réalisée à MONTELIMAR à la Clinique KENNEDY par le Docteur B....

Se plaignant de la persistance de lombalgies et de difficultés d'ordre mictionnel, Madame A... a saisi la Commission Régionale de Conciliation et d'Indemnisation des accidents médicaux (CRCI) de RHONE-ALPES le 30 août 2005, mettant en cause la Clinique KENNEDY et le Docteur B....
La CRCI a, par décision du 10 octobre 2005, désigné le Docteur Pierre-Jacques C..., neurochirurgien inscrit sur la liste des experts de la Cour d'Appel de NIMES, afin d'obtenir un avis médical.
Le 16 décembre 2005, le Docteur C... a déposé son rapport, concluant à l'absence de lien entre l'intervention réalisée par le Docteur B... et les doléances de Madame A....
Par avis du 12 avril 2006, la CRCI a dit que les doléances de Madame A... n'étaient pas en lien avec un quelconque acte médical, une infection iatrogène, ou une infection nosocomiale, de telle sorte que la demande d'indemnisation ne pouvait être accueillie.
C'est dans ces conditions que, par acte du 9 mai 2006, Madame A... a fait assigner en référé expertise la Clinique KENNEDY et la CPAM du VAUCLUSE.
Aux termes d'une ordonnance du 28 juin 2006, le Juge des référés du Tribunal de Grande Instance de VALENCE a désigné Monsieur le Professeur F... en qualité d'expert, et débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration du 13 juillet 2006, la SA Clinique KENNEDY a interjeté appel de cette décision.
Par actes des 20 et 22 novembre 2006, elle a fait assigner devant la présente Cour la CPAM du VAUCLUSE et Madame Rose A..., afin qu'au vu des dispositions de l'article 145 du Nouveau Code de Procédure Civile, des articles L. 1142-1 et suivants du Code de la Santé Publique, et de la loi no 2002-303 du 4 mars 2002, l'ordonnance de référé du 28 juin 2006 soit réformée.
La Clinique KENNEDY conclut à titre principal à l'irrecevabilité de la demande d'expertise, faisant état de la jurisprudence sur l'impossibilité pour un Juge des référés de faire droit à une demande de contre-expertise, et du fait que, selon elle, cette jurisprudence doit s'appliquer au cas d'espèce, l'expert ayant été désigné par un organisme qui présente toutes garanties d'indépendance et d'impartialité, et ayant procédé de manière contradictoire à ses opérations.
La Clinique KENNEDY ajoute que, contrairement à ce qu'a indiqué le Juge des référés, l'absence de contre-expertise n'est pas de nature à priver Madame A... du droit fondamental de recourir à son Juge naturel, l'article L. 1142-8 du Code de la Santé Publique lui laissant la possibilité d'introduire une action en indemnisation devant le Juge du fond et de demander devant ce Juge une nouvelle expertise.
Enfin, elle considère que permettre une contre-expertise serait contraire à la loi du 4 mars 2002 relative aux accidents médicaux qui a entendu favoriser le règlement amiable des litiges afin de désencombrer les tribunaux.
A titre subsidiaire, la Clinique KENNEDY estime que le rapport de Monsieur C... ayant été établi dans le respect du principe du contradictoire et étant parfaitement circonstancié et complet, la demande formée par Madame A... ne présente aucun caractère d'utilité et doit être rejetée.
Enfin, la Clinique KENNEDY réclame la condamnation de Madame A... à lui payer 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La CPAM du VAUCLUSE a constitué avoué mais n'a pas conclu.
Madame Rose A... n'a pas constitué avoué ; l'assignation n'ayant pas été délivrée à sa personne, il sera statué par arrêt de défaut.
SUR QUOI, LA COUR,
SUR LA DEMANDE PRINCIPALE :
Il résulte d'une jurisprudence constante que le Juge des référés ne peut pas désigner un contre-expert au vu des conclusions de l'expert qu'il a précédemment nommé, la remise en cause du rapport d'expertise revenant à trancher une question de fond.
La Clinique KENNEDY considère que cette jurisprudence doit recevoir application dès lors que l'autorité qui a ordonné l'expertise est une autorité parfaitement indépendante, même s'il ne s'agit pas d'une autorité judiciaire.
En réalité, bien que la CRCI soit une instance indépendante instituée par le Code de la Santé Publique et présidée par un magistrat en exercice ou honoraire, la procédure devant cette commission est une procédure extra-judiciaire qui a pour but de rechercher un règlement amiable des litiges relatifs aux accidents médicaux afin de faciliter et accélérer l'indemnisation des victimes de tels accidents.
Si ce règlement amiable n'aboutit pas, celui qui se prétend victime d'un accident médical conserve la possibilité de saisir l'autorité judiciaire et de réclamer une expertise judiciaire.

Affirmer, comme le fait la Clinique KENNEDY, que cette expertise ne pouvait être demandée que devant le Juge du fond, revient à faire une analyse erronée des dispositions de l'article L. 1142-8 du Code de la Santé Publique.

En effet, si cet article stipule dans son alinéa 3 que l'avis de la commission régionale ne peut être contesté qu'à l'occasion de l'action en indemnisation introduite devant la juridiction compétente, il n'interdit en aucune façon une action préalable en référé expertise.
Madame A... ne saurait être privée de son droit d'obtenir, en application des dispositions de l'article 145 du Nouveau Code de Procédure Civile, et avant tout procès, une expertise judiciaire de nature à lui permettre de faire la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige.
La demande d'expertise de Madame A... était dès lors parfaitement recevable, et c'est à bon droit que le Juge des référés a indiqué que l'expertise réalisée par le Docteur C... ne liait pas les parties et ne pouvait les priver de leur droit fondamental de recourir à leur Juge naturel.
SUR LA DEMANDE SUBSIDIAIRE :
Aux termes de l'article 145 du Nouveau Code de Procédure Civile, le Juge des référés peut ordonner les mesures d'instruction légalement admissibles, s'il existe pour celui qui les demande un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige.
Le problème se pose donc de savoir si, du fait de l'existence du rapport d'expertise du Docteur C..., Madame A... a un intérêt légitime à réclamer une expertise judiciaire ou si, comme l'affirme la Clinique KENNEDY, elle dispose d'ores et déjà de tous les éléments pour agir.
Il n'est pas contestable que Monsieur C... a établi un rapport en toute indépendance et en respectant le principe du contradictoire.
Il a été désigné par la CRCI, il s'agit d'un expert inscrit sur la liste des experts judiciaires de la Cour d'Appel de NIMES, et il a accompli sa mission après avoir convoqué les parties et leurs conseils, Madame A... étant elle-même assistée d'un médecin.
Ce rapport est par ailleurs précis et détaillé.
Cependant, les troubles dont souffre Madame A... sont réels et importants ; elle a d'ailleurs été classée en invalidité de deuxième catégorie par la COTOREP le 2 mai 2005 pour une durée de cinq ans.
Par ailleurs, son cas n'est pas simple : elle souffre de douleurs lombaires et sciatiques évaluées par le Docteur C... à 3 / 7, que l'expert attribue exclusivement à un état antérieur, et l'on sait qu'il n'est jamais évident pour un expert de faire la part entre l'état antérieur et les éventuelles séquelles d'une intervention chirurgicale.
Dès lors, même si le Docteur C... a accompli un travail complet et sérieux, Madame A... a un intérêt légitime à solliciter la désignation judiciaire d'un expert chargé de se prononcer sur l'imputabilité ou non des lésions dont elle se plaint à l'acte chirurgical effectué le 27 octobre 2003, et seul à même de dire s'il est d'un avis identique à celui de l'expert amiablement désigné.
La désignation par le Juge des référés du Docteur F... était donc parfaitement fondée.
Dans la mesure où la demande d'expertise judiciaire était à la fois recevable et fondée, l'ordonnance de référé du 28 juin 2006 sera confirmée en toutes ses dispositions.
L'équité ne commande pas de faire une application positive à l'espèce des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Les dépens seront réservés.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR :
Statuant en audience publique et par arrêt de défaut, Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Dit que la demande d'expertise de Madame A... était recevable et fondée ;
En conséquence, confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 28 juin 2006 par le Juge des référés du Tribunal de Grande Instance de VALENCE ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Réserve les dépens.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Signé par Madame Arlette GAILLARD-MAUNIER, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Laure PERTUISOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 06/02887
Date de la décision : 02/10/2007
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Valence, 28 juin 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.grenoble;arret;2007-10-02;06.02887 ?
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