R. G. No 05 / 04717
Grosse délivrée
à :
S. C. P. POUGNAND
S. E. LA. R. L. DAUPHIN & MIHAJLOVIC
COUR D' APPEL DE GRENOBLE
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU MARDI 25 SEPTEMBRE 2007
Appel d' un Jugement (No R. G. 03 / 02834)
rendu par le Tribunal de Grande Instance de VALENCE
en date du 14 septembre 2005
suivant déclaration d' appel du 17 Novembre 2005
APPELANTE :
Mademoiselle Frédérique X...
née le 06 Mars 1969 à ST GERMAIN EN LAYE (78100)
de nationalité Française
...
représentée par la SELARL DAUPHIN & MIHAJLOVIC, avoués à la Cour
assistée de la SCP JOUAN- WATELET, avocats au barreau de PARIS
INTIMES :
Madame Claudine Y... veuve X...
née le 17 Juin 1942 à CROIX (59)
de nationalité Française
...
représentée par la SCP HERVE- JEAN POUGNAND, avoués à la Cour
assistée de Me DARNOUX, avocat au barreau de l' ARDECHE
Monsieur Sébastien X...
né le 28 Septembre 1975 à ST GERMAIN EN LAYE (78100)
de nationalité Française
...
Intervenant volontaire par conclusions en date du 26 septembre 2006
représenté par la SELARL DAUPHIN & MIHAJLOVIC, avoués à la Cour
assisté de la SCP JOUAN- WATELET, avocats au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Françoise LANDOZ, Président,
Madame Claude- Françoise KUENY, Conseiller,
Madame Véronique KLAJNBERG, Conseiller,
Assistés lors des débats de Madame Hélène PAGANON, Greffier.
DEBATS :
A l' audience publique du 03 Juillet 2007, Madame LANDOZ a été entendue en son rapport en lieu et place de Madame KUENY.
Les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries.
Puis l' affaire a été mise en délibéré pour l' arrêt être rendu à l' audience de ce jour.
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FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Monsieur Patrice X... est décédé le 22 janvier 2003 en laissant pour recueillir sa succession Mademoiselle Frédérique X... et Monsieur Sébastien X..., enfants nés de son premier mariage et Madame Claudine Y... sa seconde épouse, avec laquelle il s' était marié le 31 janvier 1991 sous le régime de la séparation des biens.
Aux termes d' un testament olographe en date du 02 janvier 1996, Monsieur Patrice X... a reconnu devoir à son épouse la somme de 200. 000 F et aux termes d' un second testament olographe en date du 30 septembre 1997 il lui a légué l' usufruit de ses parts dans la SCI " 40 Pence ".
Madame Claudine Y... a accepté ces legs et a en outre réclamé un quart en pleine propriété de l' ensemble de la succession composée essentiellement de parts dans la SCI " 40 Pence " en application de l' article 757 du Code civil dans sa rédaction issue de la loi du 03 décembre 2001.
Mademoiselle Frédérique X... a contesté à Madame Y... le droit de cumuler ses droits légaux avec le bénéfice des libéralités consenties par le défunt, ce qui serait contraire à la volonté du testateur et par jugement en date du 14 septembre 2005, le Tribunal de Grande Instance de Valence :
a débouté Madame Frédérique X... de ses demandes,
a interprété le testament du 30 septembre 1997 de Monsieur Patrice X... en ce que son intention n' était pas de donner à son épouse le seul usufruit de ses parts de la SCI " 40 Pence ",
a constaté que Madame Claudine Y... peut outre les legs effectués à son profit réclamer les droits que lui confèrent l' article 757 du Code civil,
a condamné Madame Frédérique X... à payer à Madame Claudine Y... la somme de 1. 500 euros en application de l' article 700 du Nouveau code de procédure civile,
a rejeté toutes autres demandes,
et a condamné Madame Frédérique X... aux dépens.
Mademoiselle Frédérique X... a relevé appel de ce jugement le 17 novembre 2005 et Monsieur Sébastien X... est intervenu volontairement aux débats par conclusions notifiées le 26 septembre 2006, en application de l' article 554 du Nouveau code de procédure civile.
Les consorts X... demandent à la Cour :
d' infirmer le jugement déféré,
d' interpréter le testament de Monsieur Patrice X... du 30 septembre 1997 comme marquant une intention de ne donner à son épouse que l' usufruit de ses parts de la SCI " 40 Pence ",
de dire que Madame Y... en peut dès lors prétendre en sus au quart de pleine propriété de la succession de Monsieur Patrice X...,
de confirmer le jugement en ce qu' il a débouté Madame Y... de sa demande en paiement de la somme de 15. 244 euros et d' intérêts sur cette somme,
et de la condamner à leur payer 3. 000 euros en application de l' article 700 du Nouveau code de procédure civile.
Les appelants exposent :
que le testateur a pris les dispositions contenues dans le document du 30 septembre 1997 sous l' empire du droit applicable avant l' entrée en vigueur de la loi du 03 décembre 2001 fixée au 1er juillet 2002,
que cette réforme a augmenté les droits du conjoint survivant qui devient un héritier à part entière,
que l' article 757 du Code civil qui remplace l' article 767 prévoit qu' en présence d' enfants qui ne sont pas communs, le conjoint survivant recueille la propriété du quart des biens du défunt et non plus le quart en usufruit,
que Madame Y... prétend cumuler son legs et les dispositions légales alors que telle n' était manifestement pas la volonté du testateur,
que l' intention du défunt se détermine au jour où il rédige son testament,
qu' en ne reformant pas de testament après l' entrée en vigueur de la loi la volonté du testateur est restée figée à la date où ont été prises les dispositions testamentaires,
que le cumul trahirait la volonté de Patrice X...,
que de nombreux éléments prouvent que l' intéressé ne voulait concéder à son conjoint qu' un usufruit, étant observé qu' il pouvait, à la date du testament lui accorder 1 / 3 en pleine propriété ou 1 / 4 en pleine propriété et 3 / 4 en usufruit, ce qu' il n' a pas fait,
qu' il ne lui a pas alloué la quotité disponible entre époux à dessein étant donné que la SCI " 40 Pence " est familiale et qu' il entendait que seuls ses enfants en deviennent propriétaires et que divers témoins attestent des intentions de Monsieur X..., à savoir protéger financièrement son épouse et maintenir ses enfants propriétaires de la SCI.
Ils ajoutent :
que la loi 2006- 728 du 23 juin 2006 réformant à nouveau les successions et libéralités a pallié les insuffisances de l' ancienne loi puisqu' elle dispose que toutes les libéralités consenties en conjoint survivant devront s' imputer sur ses droits successoraux et qu' il appartient à la Cour de dire que Madame Y... ne peut cumuler les libéralités qu' elle a reçues avec ses droits d' héritière et que son mari n' a entendu lui consentir qu' un usufruit sur les parts qu' il possédait dans la SCI " 40 Pence " à savoir 15 %.
Ils ajoutent :
que Madame X... n' a pas apporté à son mari l' aide financière qu' elle prétend avoir fournie,
que les parents de Patrice X... ont aidé le couple,
que la somme de 15. 244, 90 euros qu' elle réclame n' est pas une créance liquide mais doit être prise sur les biens de la succession qui en fait ne comprend que les meubles meublants le domicile conjugal et les parts de la SCI,
qu' eux- mêmes ne percevront rien actuellement et qu' ils n' ont pas à régler le legs en numéraire.
Madame Y... veuve X... sollicite la confirmation du jugement déféré, excepté en ce qu' il l' a déboutée de sa demande reconventionnelle.
Elle demande que Madame Claudine X... soit condamnée à lui payer la moitié du legs qui lui a été consenti soit la somme de 15. 244, 90 euros, outre intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 22 janvier 2004 et capitalisation des intérêts, 5. 000 euros à titre de dommages et intérêts et 3. 000 euros en application de l' article 700 du Nouveau code de procédure civile.
Elle expose :
qu' aux termes de l' article 757 du Code civil le cumul n' est pas interdit par la loi,
que la réforme a voulu améliorer la situation du conjoint survivant et non l' aggraver,
qu' en faisant état de la volonté du testateur, Madame X... ajoute une condition à l' article 757 du Code civil,
que le testament litigieux est parfaitement clair et non sujet à interprétation,
que la SCI " 40 Pence " est une pure opération financière et n' a aucun caractère familial,
que Patrice X... parfaitement informé et au fait de la réforme n' a pas modifié son testament et que les prétendus témoins des intentions du défunt sont des proches de la famille X... mais non du testateur dont ils n' ont pu connaître les intentions.
MOTIFS ET DÉCISION
Sur le testament en date du 30 septembre 1997
Aux termes de ce testament Monsieur Patrice X... a légué à son épouse née Claudine Y... :
" L' usufruit des parts que je possède en pleine propriété, soit 15 % dans la SCI " 40 Pence "... ".
Le testament précise :
" Au cas de vente des parts, de dissolution de la société ou de disparition de l' immeuble social par vente ou autrement, mes héritiers seront tenus de remployer, en accord avec ma légataire le prix de cession ou produit de remplacement de façon à ce qu' elle continue de recevoir jusqu' à son décès un revenu équivalent à celui perçu au moment de cette mutation par ces 15 % de parts. "
Ce testament parfaitement clair, sans aucun terme ou disposition ambiguë n' a pas à être interprété.
D' après l' article 757 du Code civil, en présence d' enfants appelés à la succession, qui ne sont pas issus des deux époux, le conjoint survivant ne bénéficie d' aucune option successorale.
Il hérite de la propriété du quart de la succession de l' époux prédécédé.
Les appelants semblent contester le fait que les libéralités consenties au conjoint survivant ne s' imputent pas sur ses droits successoraux aux termes de la réforme du 03 décembre 2001 mais en réalité ils ne contestent que le bénéfice par Madame Y... de droits légaux en pleine propriété, sans cependant oser soutenir que les dispositions de l' article 757 du Code civil ne s' appliqueraient pas.
Si Monsieur X... avait annulé son testament, Madame Y... bénéficierait quand même d' un quart en pleine propriété sur les biens du défunt, de sorte que touts les développements sur la volonté du défunt sont sans intérêt, étant rappelé que ce que les appelants contestent sont les droits accordés par la loi et non l' usufruit résultant du testament.
Les appelants n' ayant pu contester utilement les droits d' héritière de Madame Y... seront déboutés de leur appel.
Sur le testament en date du 02 janvier 1996
Il stipule :
" Mon épouse Claudine Y... m' a prêté sur son argent personnel, provenant d' un héritage familial au cours des années 1994 et 1995 la somme totale de 200. 000 F sans avoir accepté aucun intérêt, ni reconnaissance de dette.
Cette somme correspond, d' accord avec elle et par dérogation aux dispositions de notre contrat de mariage et à celles du Code civil, à l' avance qu' elle m' a faite de ma participation aux charges de notre mariage.
J' exige que cette somme lui soit remise sur mes biens propres, dans l' année de mon décès, nette de tous frais et droits et ce, avant exécution de toute libéralité. "
Ce prêt, destiné à financer la contribution de Monsieur X... aux charges du mariage, constitue une dette du de cujus qui normalement devrait être réglée par les héritiers tenus ultra vires en application de l' ancien article 724 du Code civil.
Cependant, Monsieur X... a lui- même décidé dans l' acte du 02 janvier 1996 que cette dette devait être réglée sur ses biens propres, avant l' exécution de toute libéralité de sorte que les héritiers ne sont pas tenus indéfiniment mais seulement à concurrence de l' actif successoral qui n' est pas connu.
En conséquence, aucun condamnation ne peut intervenir et il appartient au notaire de régler Madame Y... sur l' actif dont il dispose.
Le jugement déféré sera dès lors également confirmé en ce qu' il a débouté Madame Y... de sa demande reconventionnelle.
Il n' est pas démontré que Mademoiselle X... a agit avec légèreté et dans l' intention de nuire.
Madame Y... sera dès lors déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Une indemnité de 2. 000 euros lui sera allouée en application de l' article 700 du Nouveau code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré,
DEBOUTE Madame Y... de sa demande de dommages et intérêts,
CONDAMNE Mademoiselle X... à lui payer 2. 000 euros en application de l' article 700 du Nouveau code de procédure civile,
CONDAMNE Mademoiselle Frédérique X... aux dépens d' appel, avec application au profit de la SCP POUGNAND des dispositions de l' article 699 du Nouveau code de procédure civile.
PRONONCÉ en audience publique par Madame LANDOZ, Président, qui a signé avec Madame HULOT, Greffier.