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19/09/2007 | FRANCE | N°06/1330

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 19 septembre 2007, 06/1330


RG No 06/01330
AU
No Minute :

Grosse délivrée

le :

S.C.P. CALAS

S.C.P. GRIMAUD

Me RAMILLON

S.C.P. POUGNAND

S.E.LA.R.L. DAUPHIN
& MIHAJLOVIC

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRET DU MERCREDI 19 SEPTEMBRE 2007

Appel d'une décision (No RG 2004J222)
rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE
en date du 10 février 2006
suivant déclaration d'appel du 30 Mars 2006



APPELANTE :

S.A.R.L. ALPES AUDIT CONSEILS EXPERTISE poursuites et

diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
14 Avenue Pierre de Coubertin
38174 SEYSSINET PARISET

représentée par ...

RG No 06/01330
AU
No Minute :

Grosse délivrée

le :

S.C.P. CALAS

S.C.P. GRIMAUD

Me RAMILLON

S.C.P. POUGNAND

S.E.LA.R.L. DAUPHIN
& MIHAJLOVIC

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRET DU MERCREDI 19 SEPTEMBRE 2007

Appel d'une décision (No RG 2004J222)
rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE
en date du 10 février 2006
suivant déclaration d'appel du 30 Mars 2006

APPELANTE :

S.A.R.L. ALPES AUDIT CONSEILS EXPERTISE poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
14 Avenue Pierre de Coubertin
38174 SEYSSINET PARISET

représentée par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour
assistée de la SCP ALAIN CHAPUIS, avocats au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

S.E.L.A.R.L. CENTRE CHIRURGICAL DU DOCTEUR Y... poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
3 rue Eugène Chavant
38400 SAINT MARTIN D'HERES

représentée par la SCP JEAN CALAS, avoués à la Cour
assistée de Me Olivier DORNE, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur Allain URAN, Président de Chambre,
Monsieur Jean-Louis BERNAUD, Conseiller,
Madame Françoise CUNY, Conseiller,

Assistés lors des débats de Madame Eliane PELISSON, Greffier.

DEBATS :

A l'audience publique du 13 Juin 2007, Monsieur URAN, Président a été entendu en son rapport

Les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience publique de ce jour,

------0------

Le 7 mars 2000, une lettre de mission, comprenant une mission de présentation des comptes annuels et incluant "la prestation sociale de deux salariés présents dans l'entreprise", le suivi mensuel de nouveaux salariés supérieurs à deux", est conclue entre la SELARL CENTRE CHIRURGICAL DU DOCTEUR Y... (la SELARL DU DOCTEUR Y...) et le cabinet d'expertise comptable, la SARL ALPES AUDIT CONSEILS EXPERTISE (la SARL AACE).

En février 2000, la SELARL DU DOCTEUR Y... a embauché Mme A..., en qualité d'aide opératoire, et la SARL AACE a transmis à l'URSSAF la déclaration d'embauche, ainsi que toutes les déclarations annuelles réglementaires et les fiches de paie de Mme A....

Par la suite, en novembre 2000, la SELARL DU DOCTEUR Y... cessait ses relations avec Mme A.... Cette dernière a saisi le Conseil des prud'hommes de GRENOBLE, lequel a requalifié le contrat de travail en contrat à durée indéterminée, et a dit que la rupture du contrat était sans cause réelle et sérieuse.

La Chambre sociale de la Cour d'appel de GRENOBLE a confirmé la décision du Conseil des prud'hommes, et a condamné la SELARL DU DOCTEUR Y... à verser à la salariée diverses sommes pour un total de 20 943,15 €, outre les intérêts au taux légal.

La SELARL CENTRE CHIRURGICAL DU DOCTEUR Y..., invoquant la défaillance de l'expert comptable dans son devoir de conseil en matière sociale, a alors assigné la SARL ALPES AUDIT CONSEILS EXPERTISE devant la juridiction commerciale, pour obtenir réparation de son préjudice résultant du paiement des sommes susvisées ainsi que celles versées en supplément à l'URSSAF, aux ASSEDIC et à PREMALLIANCE.

Par jugement en date du 10 février 2006, le Tribunal de Commerce de GRENOBLE a condamné à la SARL ALPES AUDIT CONSEILS EXPERTISE à régler à la SELARL CENTRE CHIRURGICAL DU DOCTEUR Y... les sommes suivantes :

- 20 963,93 €, outre intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2004,

- 10 918 €, outre intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,

- 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- 5 000 € au titre de l'article 700 du N.C.P.C.

La SARL ALPES AUDIT CONSEILS EXPERTISE, qui a formé appel de ce jugement, sollicite, par dernières conclusions en date du 1er septembre 2006 et par réformation :

- à titre principal, le débouté des demandes de la SELARL DU DOCTEUR Y... après avoir constaté qu'aucun manquement à son devoir de conseil ne peut lui être reproché, que la faute de la SELARL est seule à l'origine du préjudice qu'elle invoque, et qu'il n'y aucun lien de causalité entre la prétendue faute et le préjudice subi.

- à titre subsidiaire, la réduction des sommes pouvant être allouées, ainsi que le débouté de la demande portant sur la somme de 10 918 € faute pour la SELARL de justifier du lien de causalité avec la faute invoquée.

Elle sollicite également la condamnation de la SELARL DU DOCTEUR Y... à lui verser les sommes de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, et de 10 000 € par application de l'article 700 du N.C.P.C.

La SELARL CENTRE CHIRURGICAL DU DOCTEUR Y..., par ses dernières écritures en date du 9 novembre 2006, demande la confirmation du jugement déféré, ainsi que la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du N.C.P.C.

MOTIFS DE L'ARRET

1o - Sur l'existence de l'obligation de conseil en matière sociale à la charge de la SARL ALPES AUDIT CONSEILS EXPERTISE

Attendu qu'il apparaît de la lettre de mission du 7 mars 2000, que la mission de conseil en matière sociale de la SARL AACE envers la SELARL DU DOCTEUR Y... concernait "la prestation sociale de deux salariés présents dans l'entreprise", ainsi que, à la facturation au cas par cas, "toute prestation concernant le départ d'ancien salariés et l'embauche de nouveaux salariés" ;

Attendu qu'il résulte des documents annexes à la lettre de mission que cette "prestation sociale" s'entendait de l'établissement des bulletins de paye mensuels et toutes les déclarations aux organismes sociaux, inhérentes à la relation salariale, mais qu'elle ne concernait pas (sauf facturation supplémentaire) "l'établissement de toute déclaration ayant rapport aux salaires contrats de travail, reçus pour solde de tout compte, certificats de travail" ;

Attendu qu'ainsi, comme le soutient à juste titre la SARL AACE, mis à part la rédaction des feuilles de paye et les déclarations sociales pour chaque salarié, elle n'avait pas pour obligation de rédiger les contrats de travail, sauf demande et facturation supplémentaire ;

Attendu que la Cour relève, de plus, que sans être contredite, la SARL AACE explique que, au début de leurs relations, en juillet 2000, elle a rédigé gratuitement le contrat de travail d'une autre salariée de la SELARL (Mme Stéphanie B...), ce qui n'implique pas, en l'état du contrat susvisé qu'une telle prestation entrait "forfaitairement" dans sa mission pour tous les salariés, d'autant que, en avril et juin 2001, si elle a bien rédigé des CDD pour d'autre salariés, la SARL AACE a bien facturé à la SELARL des honoraires supplémentaires (cf les pièces 9 et 10 de la SELARL DU DOCTEUR Y...) ;

2o - Sur la faute de la SARL ALPES AUDIT CONSEILS EXPERTISE

Attendu que la SELARL DU DOCTEUR Y... reproche à la SARL AACE de ne pas lui avoir conseillé ni la signature d'un CDD avec Mme Anna-Christina A..., ni le recours à une procédure de licenciement à la fin de leurs relations contractuelles ;

Attendu qu'il vient d'être observé que la mission "la prestation sociale de deux salariés présents dans l'entreprise" confiée à la SARL AACE ne concerne pas "l'établissement de contrats de travail, reçus pour solde de tout compte, certificats de travail" ;

Attendu que, dans ces conditions, puisqu'il n'entrait pas dans sa mission de rédiger les contrats de travail des salariés, il n'est pas possible de reprocher à la SARL AACE de n'avoir pas conseillé à la SELARL la rédaction d'un CDD pour Mme Anna-Christina A... ;

Attendu que la Cour relève de plus que :

- lors de l'embauche de Mme A..., cette embauche ayant eu lieu en février 2000, la SARL AACE -missionnée en mars suivant- ne pouvait bien évidemment donner quelque que conseil que ce soit concernant le contrat de travail à signer avec la salariée,

- pendant la durée des relations contractuelles entre la SELARL et Mme A..., il n'est pas contesté que la SARL AACE a rédigé les bulletins de paie de la salariée conformément aux heures de présence de celle-ci dans le cabinet du Dr
Y...
, ainsi que les déclarations sociales : sur ce point il ne peut lui être reproché aucun manquement à son obligation contractuelle.

La déclaration unique d'embauche concernant Mme A... datée du 10 mai 2000 (apparemment rédigée par la SARL AACE) mentionne bien que cette salariée a fait l'objet d'un CDD du 3 avril 2000 au 13 avril 2000, et la Cour ignore si un CDD avait été effectivement rédigé (et par qui ?), et pourquoi cette pratique n'a pas été continuée.

Quoi qu'il en soit, en l'absence de mission de ce chef dévolue à la SARL AACE, et contrairement à ce qu'ont retenu les premiers Juges, il n'appartenait pas à cette dernière d'insister auprès de la SELARL DU DOCTEUR Y... pour instaurer ou continuer cette pratique du CDD, d'autant que, comme l'a également relevé le Tribunal, Mlle C... était tardivement informée des temps de travail de Mme A... (par exemple : par lettre du 9 mai 2000, pour les heures effectuées en février, mars et avril 2000).

La SARL AACE ne conteste pas qu'elle s'est effectivement préoccupée de la relation juridique du lien de travail entre la SELARL et Mme A..., puisque par fax du 17 avril 2000 elle a interrogé un conseil en matière sociale sur "l'embauche par à coups d'un aide opératoire", ce à quoi il lui a été répondu qu'il fallait rédiger "un CDD classique à chaque fois".

Cependant :

- d'une part, il résulte d'une attestation de Mme C..., ancienne salariée de la SARL ALPES AUDIT CONSEILS EXPERTISE, que "malgré le conseil d'effectuer un CDD pour chaque intervention nécessitant la présence de Mme Anna Christina A..., Monsieur Olivier Y... ne me fournissait pas les éléments à temps pour rédiger un contrat à durée déterminée",

- d'autre part, et surtout, dans la mesure où la relation de travail entre la salariée et la SELARL avait acquis, de fait et depuis février 2000, la qualification de contrat de travail à durée indéterminée, ainsi que l'a jugé le Conseil de Prud'hommes la rédaction, en avril 2000, d'un CDD était juridiquement contestable.

- à la fin des relations contractuelles entre la SELARL et Mme A... : il résulte de l'attestation de Mme C... (cf plus haut), et de la copie d'un fax adressé par la SELARL le 30 novembre 2000, que la SARL AACE a été informée après coup de ce la SARL avait décidé de se passer des services de Mme A... et qu'elle avait embauché à sa place Mme V... : ainsi, à supposer que cette obligation d'informer la SELARL de la nécessité de recourir à une procédure de licenciement incombait à la SARL AACE, hors demande (et facturation) supplémentaire, il ne peut lui être reproché aucun manquement à son obligation de conseil de ce chef.

3o - Sur les demandes de la SELARL DU DOCTEUR Y...

Attendu que, compte tenu des déclarations qui précèdent, selon lesquelles, d'une part, la SARL AACE n'était pas tenue, de par sa lettre de mission, de conseiller la SELARL DU DOCTEUR Y... sur la nature juridique de son lien de travail avec sa salariée, Mme A..., d'autre part, elle n'a commis aucune faute envers la SELARL, cette dernière sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts, y compris en réparation de son préjudice moral, par réformation de la décision déférée ;

4o - Sur les dommages et intérêts, l'application de l'article 700 du N.C.P.C. et les dépens

Attendu que la SELARL CENTRE CHIRURGICAL DU DOCTEUR Y..., qui est déboutée de l'essentiel de ses demandes, le sera également de celle par application de l'article 700 du N.C.P.C., de même qu'elle devra supporter l'intégralité des dépens de première instance et d'appel ;

Attendu que le seul rejet de l'argumentation d'une partie ne suffit pas à faire qualifier son action ou sa résistance d'abusive, en sorte que la SARL AACE sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef, d'autant qu'elle ne justifie ni de la réalité, ni du montant du préjudice causé par la présente instance, distinct de celui réparé par l'allocation de somme sur le fondement de l'article 700 du N.C.P.C. ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la SARL AACE la totalité des frais irrépétibles de procédure, en sorte qu'il lui sera alloué, la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du N.C.P.C. ;

PAR CES MOTIFS
LA COUR

Statuant en audience publique, et contradictoirement,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déclare l'appel recevable en la forme,

Au fond,

Réforme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 février 2006, par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE,

Statuant à nouveau,

Y rajoutant,

Déboute la SELARL CENTRE CHIRURGICAL DU DOCTEUR GALLAND de toutes ses demandes formées contre la SARL ALPES AUDIT CONSEILS EXPERTISE,

Condamne la SELARL CENTRE CHIRURGICAL DU DOCTEUR GALLAND à verser à la SARL ALPES AUDIT CONSEILS EXPERTISE la somme de 2 000 € par application de l'article 700 du N.C.P.C.

Déboute la SARL ALPES AUDIT CONSEILS EXPERTISE de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamne la SELARL CENTRE CHIRURGICAL DU DOCTEUR GALLAND à payer l'intégralité des dépens de première instance et d'appel, dont distraction, pour ceux d'appel, au profit de la SCP GRIMAUD, Avoué, qui pourra recourir aux dispositions de l'article 699 du N.C.P.C.

PRONONCE en audience publique par Monsieur URAN, Président qui a signé avec Madame PELISSON, Greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Numéro d'arrêt : 06/1330
Date de la décision : 19/09/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Grenoble


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-09-19;06.1330 ?
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