CHAMBRE SOCIALE
Appel d'une décision (N° RG 05 / 00456)
rendue par le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE
en date du 09 mars 2006
suivant déclaration d'appel du 07 Avril 2006
APPELANT :
Monsieur Rachid X...
...
Comparant et assisté par Me Wilfried SAMBA- SAMBELIGUE (avocat au barreau de GRENOBLE)
INTIME ET APPELANT INCIDENT :
S. A. R. L. AXINET COMMUNICATION prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège
23, rue Jean Jacques Rousseau
75001 PARIS
Représentée par Monsieur B... (Gérant) assisté par Me Antoine RICARD (avocat au barreau de PARIS)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DELIBERE :
Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre,
Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller,
Madame Hélène COMBES, Conseiller,
DEBATS :
A l'audience publique du 31 Mai 2007,
Monsieur DELPEUCH, Président, chargé du rapport, en présence de Monsieur VIGNY, Conseiller, assistés de Madame Simone VERDAN, Greffier, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du Nouveau Code de Procédure Civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 04 Juillet 2007, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 04 Juillet 2007.
La Cour statue sur l'appel interjeté le 07 / 04 / 2006 par M. Rachid X... et le 14 / 04 / 2006 par la SARL AXINET COMMUNICATION à l'encontre d'un jugement rendu le 09 / 03 / 2006 par le Conseil de Prud'hommes de Grenoble dans la procédure qui les opposait.
Ce jugement notifié le 13 / 03 / 2006 a :
- dit que le licenciement de M. Rachid X... repose sur une faute réelle et sérieuse,
- condamné la société AXINET COMMUNICATION à lui verser avec intérêts au taux légal à compter du 28 / 04 / 2005 les sommes suivantes :
* 2. 469, 52 euros au titre de rappel de salaire correspondant à la mise à pied conservatoire et 246, 95 euros au titre des congés payés afférents,
* 10. 152, 30 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 1. 015, 23 euros au titre des congés payés afférents,
*1. 762, 51 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
avec intérêts au taux légal à compter de la décision
* 1. 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
(moyenne des salaires : 3. 384, 10 euros)
- débouté M. Rachid X... du surplus de ses demandes et la société AXINET COMMUNICATION de sa demande reconventionnelle,
- condamné la société AXINET COMMUNICATION aux dépens.
Exposé des faits
Monsieur X... a été embauché par contrat à durée indéterminée le 26 novembre 1999 par la société ALPACOM en qualité d'administrateur Réseaux et systèmes. Son lieu de travail se situait au siège de la société à Meylan et sa rémunération était de 15 000 Francs bruts pour 169 heures de travail.
A compter du 1er Janvier 2001, en application de l'article L. 122-12 du code du travail, le contrat de travail de Monsieur X... a été repris par la société AXINET COMMUNICATION.
Il était convenu, contractuellement, que Monsieur X... serait désormais directeur technique.
Le 27 Janvier 2005, Monsieur X... a été convoqué à un entretien préalable qui a donné suite à un avertissement.
Le 25 Février 2005, Monsieur X... a reçu une deuxième convocation à un entretien préalable.
Le 17 Mars 2005, Monsieur X... a été licencié pour faute grave.
demandes et moyens des parties
M. Rachid X..., appelant principal, demande à la cour de :
- constater que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,
- confirmer le jugement pour les rappels de salaires et indemnités légales ou conventionnelles,
- le réformer pour le surplus et statuant à nouveau
- condamner la société AXINET COMMUNICATION à lui payer les sommes suivantes :
* 40. 603, 20 euros à titre de dommages- intérêts pour licenciement abusif,
* 10. 000 euros à titre de dommages- intérêts pour préjudice moral,
* 1. 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamner la société AXINET COMMUNICATION à lui délivrer un certificat de travail conforme sous astreinte de 50 euros par jour de retard, la cour se réservant la liquidation de l'astreinte,
- dire que les condamnations à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2006.
M. X... expose en ses conclusions régulièrement déposées, visées et développées oralement à l'audience que :
1) il a été sanctionné deux fois pour des faits identiques : aucun reproche précis postérieur au 18 / 02 n'est mentionné dans la lettre de licenciement et les attestations produites sont vagues et émanent de salariés sous lien de subordination,
1-2) en rédigeant un courriel sur les conditions de travail, il n'a pas outrepassé ses fonctions ni sa liberté d'expression,
1-3) l'attitude de la société AXINET COMMUNICATION participe d'une mauvaise foi et d'une véritable intention de lui nuire :
- retrait du véhicule de fonction,
- entrave à ses fonctions de direction par sa mise à l'écart au point de constituer une modification de son contrat de travail (départ sans remplacement de 3 salariés sur 4 sous ses ordres)
- absence de tri préalable sur la boîte support lui rendant impossible matériellement de prendre en charge les réponses en plus de ses tâches,
- remplacement anticipé par M. B... (directeur technique à sa place !) alors que la taille de la structure ne justifiait pas deux directeurs techniques (ce qu'il était selon son contrat de travail),
2) il n'y a aucune faute à lui reprocher, notamment au regard de la lettre de licenciement : il n'a jamais refusé de répondre aux e-mails du support technique, mais le support technique ne pouvait être traité que lorsque l'assistance par la hot line était achevé et il ne pouvait donc le faire de façon permanente (manque de personnel),
2-2) le vrai motif du licenciement est la volonté de l'employeur de se séparer à moindre coût d'un salarié.
La société AXINET COMMUNICATION, intimée et appelante incidente, demande à la cour de :
- infirmer le jugement en retenant l'existence d'une faute grave,
en conséquence
- débouter M. X... de ses demandes,
- le condamner à lui payer la somme de 3. 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à payer les dépens.
La société AXINET COMMUNICATION expose en ses conclusions régulièrement déposées, visées et développées oralement à l'audience que :
la faute grave est justifiée dans la mesure où le salarié a refusé de prendre en charge de manière réitérée le support technique qui entrait dans ses attributions.
MOTIFS DE LA DECISION :
Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ;
Attendu que suite à la reprise de la SARL ALPACOM par la société AXINET COMMUNICATION, le contrat de travail de M. X... a été repris, conformément au projet de plan de cession homologué par le jugement rendu le 18 / 12 / 2001 par le tribunal de grande instance d'Annecy statuant en matière commerciale ; que M. X... a été repris aux fonctions de directeur technique (contrat de travail sans date) ; que par un avenant du 6 / 10 / 2003, il a été précisé qu'il exerce les fonctions de directeur technique, niveau VII, coefficient 300 indice 755 de la convention collective des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire ;
Sur les demandes au titre du licenciement :
Attendu que l'article L. 122-14-2 du Code du travail dispose que l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs de licenciement dans la lettre de licenciement ; qu'en l'absence d'énonciation des motifs, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ; que l'énoncé d'un motif imprécis équivaut à l'absence de motif ;
Attendu que l'article L. 122-14-3 du Code du travail dispose qu'en cas de litige sur le licenciement, le juge, auquel il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que si un doute subsiste, il profite au salarié ;
Attendu que la faute grave peut être définie comme " résultant d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis " ;
Attendu sur le premier grief lié à une absence de 15 minutes, qu'outre le fait que les fonctions de directeur technique nécessitent une certaine autonomie dont il n'est pas démontré que M. X... ait abusé, n'apparaît pas sérieux au regard du témoignage de M. C... ;
Attendu que la faute grave reprochée à M. X..., aux termes de la lettre de licenciement du 17 / 02 / 2005, est motivée dans les termes suivants :
« Le 17 janvier 2005, vous avez refusé de répondre aux e-mails adressés par les clients sur la boîte support @ axinet. com en prétextant que cette tâche ne vous incombait pas.
Le 18 janvier 2005 vous nous avez adressé un mail de reproches comportant des contre-vérités flagrantes, des critiques et des accusations inacceptables. Par la suite, nous vous avons à plusieurs reprises oralement mis en demeure de traiter ces e-mails et vous avez systématiquement refusé de le faire. » ;
Attendu qu'il convient d'examiner ce second grief qui concerne le refus exprimé et maintenu par le salarié de prendre en charge les e-mails adressés à la boîte support Axinet ;
Attendu que ce fait n'est pas contesté et qu'il convient donc de rechercher si les conditions de travail de M. X..., outre son niveau de fonction, lui permettaient de prendre en charge cette tâche au regard de l'ensemble des tâches qui lui étaient confiées ;
Attendu que M. X... explique dans le courriel qu'il a adressé le 18 janvier 2005 les raisons de son refus et prolonge cette explication par le constat des actions menées par la société AXINET COMMUNICATION en vue de vider son poste de directeur technique des responsabilités qui y sont attachées, et du comportement de l'employeur à son égard ;
Attendu qu'il n'a pas été contesté à l'audience que les salariés partants n'ont pas été remplacés ; que le matériel qui lui avait été confié par la société lui a été retiré ; qu'il était écarté des décisions techniques dont il était pourtant contractuellement responsable ;
Attendu que, outre le fait que les attestations produites par la société AXINET COMMUNICATION relativement aux refus de M. X... de prendre en charge certains e-mails sont particulièrement imprécises, au regard notamment de la fonction qui était la sienne, il n'a pas été répondu par la société AXINET COMMUNICATION à son interrogation sur les conséquences du départ du technicien hot line au regard de l'ensemble des tâches à remplir ; qu'en outre deux autres salariés étaient déjà partis ;
Attendu que la société AXINET COMMUNICATION n'indique pas en quoi le bon fonctionnement de l'assistance technique aurait été perturbé (ce qui correspond à la fonction de directeur) alors que s'agissant d'un licenciement pour faute grave la preuve de la réalité mais aussi du sérieux des reproches adressés incombe à l'employeur ;
Attendu, s'agissant d'un cadre, que l'employeur ne peut se contenter d'affirmer que les critiques adressées par le salarié sont des contre-vérités flagrantes ou des critiques inacceptables alors que les éléments produits par le salarié démontrent la réalité des critiques portant notamment sur le manque de loyauté dans l'exécution de son contrat de travail du fait de la suppression progressive de son contenu ; qu'il est bien établi que le matériel qui lui avait été confié lui a été retiré ; qu'il n'est même pas contesté qu'il n'était plus consulté dans son domaine contractuel de compétence ;
Attendu qu'il apparaît en conséquence qu'au regard des circonstances entourant le refus exprimé et justifié par M. X... de prendre en charge une activité dont il n'est pas établi par l'employeur qu'il disposait du temps nécessaire pour la traiter au moment où les demandes lui ont été adressées, le grief s'il est réel n'est pas suffisamment sérieux pour justifier le licenciement ;
Que le jugement sera donc réformé de ce chef et confirmé pour le surplus ; qu'il n'est pas rapporté la preuve d'un préjudice moral distinct du préjudice indemnisé par les dommages- intérêts alloués du chef du licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'il doit être alloué à M. X... la somme de 27 072 euros à ce titre ;
Attendu que le licenciement ne résultant pas d'une faute grave, il y a lieu en application de l'article L. 122-14-4 deuxième alinéa in fine du Code du travail d'ordonner la transmission d'une copie certifiée conforme du présent arrêt à l'UNEDIC ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,
Et statuant à nouveau de ce chef,
Dit que le licenciement de M. X... est sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence, condamne la société AXINET COMMUNICATION à lui payer la somme de 27 072 euros à titre de dommages- intérêts,
Ordonne la remise d'un certificat de travail conforme, sous astreinte de 15 euros par jour de retard à défaut de remise dans les 15 jours de la signification de la présente décision,
Réserve à la Cour la liquidation de l'astreinte,
Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la date du jugement du Conseil de Prud'hommes,
Ordonne en application de l'article L. 122-14-4 deuxième alinéa in fine du Code du travail la transmission d'une copie certifiée conforme du présent arrêt à l'UNEDIC, 80 rue de Reuilly, 75012 PARIS,
Condamne la société AXINET COMMUNICATION à payer à M. X... la somme de 1. 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en cause d'appel,
Déboute la société AXINET COMMUNICATION de sa demande faite en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Condamne la société AXINET COMMUNICATION aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
Signé par Monsieur DELPEUCH, Président, et par Madame VERDAN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.