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26/10/2005 | FRANCE | N°JURITEXT000006947011

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 26 octobre 2005, JURITEXT000006947011


RG No 04/02677 J.L.B. No Minute : Grosse délivrée le : S.C.P. CALAS S.C.P. GRIMAUD Me RAMILLON S.C.P. POUGNAND S.E.LA.R.L. DAUPHIN et MIHAJLOVIC AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE GRENOBLE CHAMBRE COMMERCIALE ARRET DU MERCREDI 26 OCTOBRE 2005 Appel d'une décision (No RG 2003J150) rendue par le Tribunal de Commerce de VIENNE en date du 25 novembre 2003 suivant déclaration d'appel du 11 Mai 2004 APPELANTE : Société MARCRIST DIAMANTWERKZEUGE VERTRIEBSGESELLSCHAFT MBH poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège Lowentor S

trasse 68 D-70376 STUTTGART (ALLEMAGNE) représentée par Me...

RG No 04/02677 J.L.B. No Minute : Grosse délivrée le : S.C.P. CALAS S.C.P. GRIMAUD Me RAMILLON S.C.P. POUGNAND S.E.LA.R.L. DAUPHIN et MIHAJLOVIC AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE GRENOBLE CHAMBRE COMMERCIALE ARRET DU MERCREDI 26 OCTOBRE 2005 Appel d'une décision (No RG 2003J150) rendue par le Tribunal de Commerce de VIENNE en date du 25 novembre 2003 suivant déclaration d'appel du 11 Mai 2004 APPELANTE : Société MARCRIST DIAMANTWERKZEUGE VERTRIEBSGESELLSCHAFT MBH poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège Lowentor Strasse 68 D-70376 STUTTGART (ALLEMAGNE) représentée par Me Marie-France RAMILLON, avoué à la Cour assistée de Me Marie-Claude FABRE-BOURGEOIS, avocat au barreau de LYON INTIMEE : S.A.R.L. ACCESSA poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège Rue du Claret 38230 CHARVIEU CHAVAGNEUX représentée par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour assistée de Me Luc MENICHELLI, avocat au barreau de LYON substitué par Me FLOTARD, COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE : Monsieur Allain URAN, Président de Chambre, Monsieur Jean-Louis BERNAUD, Conseiller, Madame Françoise CUNY, Conseiller, Assistés lors des débats de Madame Eliane X..., Greffier. DEBATS : A l'audience publique du 21 Septembre 2005, Les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries, Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience publique de ce jour,

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Dans le courant du mois de juin 2001 la SARL ACCESSA a fait acheminer au siège de la société e droit Allemand MARCRIST G.M.B.H., domiciliée à STUTTGART, du matériel informatique qu'elle destinait au gérant de

cette dernière personnellement (Monsieur Y...).

Le matériel, réceptionné le 19 juin 2001, n'a jamais été remis à son destinataire qui avait fait l'objet le 15 juin 2001 d'un licenciement. Il n'a pas plus été restitué à l'expéditeur.

Après avoir facturé en vain le matériel à la société MARCRIST, qui le retenait, la société ACCESSA a saisi le Tribunal de Commerce de VIENNE à l'effet d'obtenir la condamnation du possesseur à lui payer à titre de dommages-intérêts la somme de 5 451,58 ç représentant la valeur du matériel informatique, sur le fondement d'une faute délictuelle.

Par jugement réputé contradictoire du 25 novembre 2003 le Tribunal de Commerce de VIENNE, après avoir retenu sa compétence territoriale, a condamné la société MARCRIST G.M.B.H. à payer à la SARL ACCESSA la somme de 5 451,58 ç, outre indemnité de procédure de 1 500 ç.

Appelante selon déclaration reçue le 11 mai 2004 la société MARCRIST G.M.B.H, par conclusions récapitulatives signifiées et déposées le 24 mars 2005, demande à la Cour de :

Vu le règlement CE No 1348/2000 du Conseil du 29 mai 2000,

Vu le règlement CE No 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000,

CONSTATER l'incompétence de la juridiction française pour statuer sur la demande de la Société ACCESSA et l'inviter à se pourvoir devant le Tribunal allemand compétent du lieu de son siège social situé à STUTGART.

A titre infiniment subsidiaire,

REFORMER le jugement entrepris dans toutes ses dispositions et DEBOUTER la société ACCESSA de l'ensemble de ses demandes.

Faisant droit à sa demande reconventionnelle, CONDAMNER la société ACCESSA à lui payer l'équivalent en euros au jour du paiement de la somme de 6 630,38 US DOLLARS.

En tant que de besoin, si la société ACCESSA devait aboutir

partiellement dans sa demande, ORDONNER la compensation entre les deux créances.

CONDAMNER en outre la Société ACCESSA à lui payer la somme de 1 600 ç à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article 1382 du Code civil.

REJETER toutes autres demandes de la Société ACCESSA.

CONDAMNER la Société ACCESSA à lui payer la somme de 3 500 ç sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle soutient en substance :

Sur la compétence :

- que s'agissant d'un litige international la compétence judiciaire est régie par le règlement CE du 22 décembre 2000, qui en son article 5 paragraphe 3 donne compétence en matière délictuelle au tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire,

- que la rétention du matériel ayant lieu dans ses locaux à STUTTGART, la juridiction Française est incompétente pour statuer sur le litige,

- que son exception d'incompétence est recevable, alors que s'agissant d'une demande de renvoi devant une juridiction étrangère la désignation de l'état dans lequel se trouve la juridiction compétente est suffisante au regard de l'article 75 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Sur le fond à titre subsidiaire :

- qu'elle n'a commis aucune faute alors que le bon d'expédition ne mentionnait pas le nom de Monsieur Y..., et qu'à aucun moment le transporteur ne s'est présenté pour récupérer le matériel, dont la restitution, offerte par son conseil, a été refusée par la Société ACCESSA,

Reconventionnellement

- qu'elle est créancière d'un solde de factures dû à la société

MARCRIST INTERNATIONAL, laquelle lui a régulièrement cédé sa créance par acte du 23 juillet 2004 notifié à la société ACCESSA dans les formes de l'article 1690 du Code civil,

- que cette dernière lui est redevable à ce titre de la somme de 6 630,38 U.S. DOLLARS, à compenser le cas échéant avec la créance de dommages-intérêts invoquée.

Par dernières conclusions signifiées et déposées le 11 mai 2005 la SARL ACCESSA sollicite la confirmation du jugement entrepris, le rejet de la demande de compensation et la condamnation de l'appelante à lui payer une indemnité de 3 000 ç en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile aux motifs essentiels :

Sur la compétence

- qu'au sens de l'article 5-3 du règlement C.E. du 22 décembre 2000 le lieu où le fait dommageable s'est produit s'entend également du lieu où le préjudice financier est subi,

- qu'en l'espèce la rétention abusive de son matériel lui cause une perte financière (matériel obsolète aujourd'hui sans valeur marchande) qu'elle subit en France au lieu de son siège social, ce qui justifie la compétence du Tribunal de Commerce de VIENNE,

- qu'en toute hypothèse l'exception soulevée par la Société MARCRIST est irrecevable à défaut de désignation de la juridiction qui serait compétente,

Sur le fond

- que la Société MARCRIST s'est fautivement opposée à la restitution du matériel, dont elle n'ignorait pas qu'il était destiné à son ancien dirigeant avec lequel elle était en conflit, ancien dirigeant avec lequel elle était en conflit,

- que le matériel, aujourd'hui obsolète, n'a plus aucune valeur marchande, ce qui lui cause un préjudice égal au prix d'achat qu'elle a payé,

Sur la demande reconventionnelle

- qu'aucune compensation ne saurait s'opérer dès lors que les sommes réclamées sont contestées, que le groupe MARCRIST lui est redevable de sommes bien supérieures à la créance alléguée, qu'il n'existe pas de dettes réciproques également certaines, liquides et exigibles et que la demande est nouvelle en appel.

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MOTIFS DE L'ARRET

L'exception d'incompétence soulevée par la Société appelante ne contrevient pas aux dispositions de l'article 75 du Nouveau Code de Procédure Civile, dès lors qu'a été désigné l'état dans lequel se trouve la juridiction qui serait compétente. Elle sera par conséquent déclarée recevable.

Le litige, qui oppose deux sociétés commerciales domiciliées sur le territoire de deux états membres de l'union Européenne, relève des règles de compétence instituées par le règlement (C.E.) Du conseil No 44/2001 du 22 décembre 2000.

Selon l'article 3-1 de ce texte la Société MARCRIST G.M.B.H., dont le siège social est établi en Allemagne, ne pouvait être attraite devant une juridiction Française qu'en vertu des règles énoncées aux sections 2 à 7 du chapitre II.

Dès lors qu'il est constant que l'action relève de la matière délictuelle ou quasi-délictuelle, puisqu'il n'existait aucun contrat de vente entre les parties, le matériel livré au siège de la Société MARCRIST étant destiné à un tiers, la détermination de la juridiction compétente est régie par les dispositions de l'article 5-3 du règlement, aux termes duquel le défendeur peut être attrait devant le

tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire.

Au sens de cet article, repris des dispositions de la convention de BRUXELLES du 27 septembre 1968 telle qu'interprétée par la Cour de justice des communautés Européennes, le lieu où le fait dommageable s'est produit ne vise pas le lieu où la victime prétend avoir subi un préjudice patrimonial consécutif à un dommage initial survenu et subi par elle dans un autre état contractant (arrêt C.J.C.E. du 19 septembre 1995 MARINARI contre HOYLDS BANK et autres).

Le lieu où le dommage survient ne peut donc englober tout lieu où peuvent être ressenties les conséquences préjudiciables d'un fait, ni par voie de conséquence le lieu du domicile du demandeur où serait subie la perte financière.

En l'espèce c'est à STUTTGART, où son siège social est établi, que la société MARCRIST aurait fautivement retenu le matériel livré. Le fait dommageable initial s'est donc produit en ce lieu, et non pas au domicile de la Société ACCESSA où la perte patrimoniale aurait été subie.

La Société MARCRIST ne pouvait par conséquent être attraite devant une juridiction commerciale Française en vertu de la règle de compétence spéciale édictée par l'article 5-3 du règlement, et il appartenait au Tribunal de Commerce de VIENNE, dont la décision sera infirmée, de relever d'office son incompétence en application de l'article 26-1 du règlement à défaut de comparution du défendeur.

La Cour ne peut peut pas plus connaître de la demande reconventionnelle qui, contrairement aux conditions posées par l'article 6-3 du règlement, instituant une extension de compétence au profit du Tribunal saisi, ne dérive pas du fait sur lequel est fondée la demande originaire (litige contractuel entre la société ACCESSA et les autres sociétés du groupe MARCRIST).

Ainsi les parties seront renvoyées à mieux se pourvoir sur le tout.

N'examinant pas l'affaire au fond, la Cour ne saurait en l'état déclarer l'action abusive.

------ 0 ------ PAR CES MOTIFS LA COUR Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Déclare la société MARCRIST G.M.B.H. recevable en son exception d'incompétence,

INFIRME le jugement déféré et statuant à nouveau :

- dit et juge que le litige de nature délictuelle ou quasi délictuelle relève de la compétence des juridictions Allemandes, et que par voie de conséquence la société MARCRIST G.M.B.H. ne pouvait être attraite devant le Tribunal de Commerce de VIENNE,

- Renvoie la SARL ACCESSA à mieux se pourvoir.

- Renvoie également la Société MARCRIST G.M.B.H. à mieux se pourvoir sur sa demande reconventionnelle,

- Dit n'y avoir lieu à dommages-intérêts pour procédure abusive, ni à indemnité de procédure au profit de l'une ou l'autre des parties,

CONDAMNE la SARL ACCESSA aux entiers dépens, dont distraction pour ceux d'appel au profit de Maître RAMILLON, Avoué.

PRONONCE en audience publique par Monsieur URAN, Président qui a signé avec Madame X..., Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006947011
Date de la décision : 26/10/2005
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CONFLIT DE JURIDICTIONS

CONFLIT DE JURIDICTION - Compétence internationale des juridictions françaises - Compétence territoriale- Règlement CE du 22 décembre 2000- Faute délictuelle - Tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit - Définition S'agissant d'un litige international, la compétence judiciaire est régie par le règlement CE du 22 décembre 2000 (N 44/2001) qui, en son article 5-3, prévoit en matière délictuelle que le défendeur peut être attrait devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire. Il résulte de l' interprétation de cet article (repris des dispositions de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968) par la CJCE que le lieu où le dommage survient ne peut englober tout lieu où peuvent être ressenties les conséquences préjudiciables d'un fait ni par conséquent le lieu du domicile du demandeur où serait subie la perte financière. En l'espèce, le défendeur (société de droit allemand) ne pouvait donc être attrait devant une juridiction commerciale française alors que le fait dommageable (rétention de matériel) s'est produit en Allemagne, le fait que la perte financière résultant de cet acte ait été subi en France ne rend pas compétente la juridiction française du lieu du siège social du demandeur. Il s'ensuit que l'exception d'incompétence soulevée par le défendeur doit être déclarée recevable.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.grenoble;arret;2005-10-26;juritext000006947011 ?
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