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26/10/2005 | FRANCE | N°04/00879

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre correctionnelle, 26 octobre 2005, 04/00879


DOSSIER N 04 / 00879
ARRÊT No ARRÊT DU 26 OCTOBRE 2005 1ère CHAMBRE CORRECTIONNELLE COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Prononcé publiquement le MERCREDI 26 OCTOBRE 2005, par la 1ère Chambre des Appels Correctionnels, Appel d'un jugement du tribunal correctionnel de VIENNE du 21 mai 2004 par M. le Procureur de la République, le 01 juin 2004 contre Guy C..., Fleury D..., Jacques E....
Guy C..., le 01 juin 2004, son appel portant tant sur les dispositions pénales que civiles,
Fleury D..., le 01 juin 2004, son appel portant tant sur les dispositions pénales que civiles,
Jacques E

..., le 01 juin 2004, son appel portant tant sur les dispositions péna...

DOSSIER N 04 / 00879
ARRÊT No ARRÊT DU 26 OCTOBRE 2005 1ère CHAMBRE CORRECTIONNELLE COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Prononcé publiquement le MERCREDI 26 OCTOBRE 2005, par la 1ère Chambre des Appels Correctionnels, Appel d'un jugement du tribunal correctionnel de VIENNE du 21 mai 2004 par M. le Procureur de la République, le 01 juin 2004 contre Guy C..., Fleury D..., Jacques E....
Guy C..., le 01 juin 2004, son appel portant tant sur les dispositions pénales que civiles,
Fleury D..., le 01 juin 2004, son appel portant tant sur les dispositions pénales que civiles,
Jacques E..., le 01 juin 2004, son appel portant tant sur les dispositions pénales que civiles,
LA SOCIETE MONSANTO AGRICULTURE FRANCE SAS, le 03 juin 2004, son appel étant limité aux dispositions civiles
ENTRE : Monsieur le Procureur Général, intimé et poursuivant l'appel émis par Monsieur le procureur de la République du tribunal correctionnel de VIENNE et :
1o / C... Guy né le 18 Décembre 1943 à VIENNE, ISERE (038) Fils de C... Albert et de F... Hélène, de nationalité française, marié, agriculteur Demeurant...-38540 ST JUST CHALEYSSIN Prévenu, appelant, libre Coomparant, assisté de Maître ETELIN Marie-Christine, avocat au barreau de TOULOUSE et Maître TATIGUIAN Philippe, avocat au barreau de VALENCE
2o / D... Fleury né le 10 Juillet 1938 à ST JEAN DE BOURNAY, ISERE (038) Fils de D... Jules et de G... Lucie, de nationalité française, marié, retraité Demeurant...-38440 VILLENEUVE DE MARC Prévenu, appelant, libre Comparant, assisté de Maîtres ETELIN Marie-Christine, avocat au barreau de TOULOUSE et de Maître TATIGUIAN Philippe, avocat au barreau de VALENCE
3o / E... Jacques né le 05 Avril 1960 à BEAUREPAIRE, ISERE (038) Fils de E... Camil et de G... Micheline, de nationalité française, marié, agriculteur Demeurant...-38270 REVEL Tourdan Prévenu, appelant, libre Comparant, assisté de Maîtres ETELIN Marie-Christine, avocat au barreau de TOULOUSE et Maître TATIGUIAN Philippe, avocat au barreau de VALENCE
ET ENCORE : LA SOCIETE MONSANTO AGRICULTURE FRANCE SAS, Domicile élu chez Me PAILLARET, avocat-59, Cours Romestang-38200 VIENNE Partie civile, appelante, représentée par Maître DELSART Jean-Philippe, avocat au barreau de LYON.
LE JUGEMENT : Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré :
Guy C..., Fleury D... et Jacques E..., coupables d'avoir à ST GEORGES D'ESPERANCHE (38), le 7 juin 1997, détruit ou tenté de détruire un bien appartenant à autrui, en l'espèce fauché du colza transgénique ensemencé par la Société MONSANTO sur la parcelle de Mr X... ; infraction prévue par l'article 322-1 AL. 1 du Code pénal et réprimée par les articles 322-1 AL. 1, 322-15 1, 2, 3, 5 du Code pénal et, en application de ces articles, les a condamnés chacun à 1 amende de 600 çuros ; et a statué sur l'action civile :- en les déclarant responsables du préjudice causé à la Société MONSANTO Agriculture France SAS, représentée par J. P. PRINCEN :- en les condamnant in solidum à payer à celle-ci la somme de 4. 000 çuros à titre de dommages-intérêts,- en rejetant la demande fondée sur l'article 475-1 du code de procédure pénale ;
DÉROULEMENT DES DÉBATS : La cause appelée à l'audience publique du 28 SEPTEMBRE 2005, Monsieur Jean-Yves CHAUVIN, Président a fait le rapport et a interrogé les prévenus qui ont fourni leurs réponses, Monsieur Gérard Y..., Retraité / Eleveur, demeurant...-38650 ST GUILLAUME, a été entendu en qualité de témoin, après avoir prêté serment conformément à la loi, Monsieur Claude Z..., Biologiste, demeurant...-94400 VITRY SUR SEINE, a été entendu en qualité de témoin, après avoir prêté serment conformément à la loi, Monsieur Pierre-André A..., Agriculteur, demeurant...-42800 TARTARAS, a été entendu en qualité de témoin, après avoir prêté serment conformément à la loi, Monsieur Daniel B..., Agriculteur Biologique, demeurant...-91510 LARDY, a été entendu en qualité de témoin, après avoir prêté serment conformément à la loi, Maître DELSART Philippe, Avocat, a déposé des conclusions pour la partie civile et les a développées dans sa plaidoirie, Madame PAVAN-DUBOIS, Substitut Général, a résumé l'affaire et a été entendu en ses réquisitions, Guy C..., Fleury D... et Jacques E... ont été entendus en leurs moyens de défense, Maître ETELIN Marie-Christine et Maître TATIGUIAN Philippe, Avocats, ont été entendus en leurs plaidoiries, pour la défense de Guy C..., Fleury D... et Jacques E....
Guy C..., Fleury D... et Jacques E... ont eu la parole en dernier,
Sur quoi la Cour a mis l'affaire en délibéré, après en avoir avisé les parties présentes, elle a renvoyé le prononcé de son arrêt à l'audience publique de ce jour en laquelle, la cause à nouveau appelée, elle a rendu l'arrêt suivant ;
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure et des débats les faits suivants :
M. X... est agriculteur installé sur la commune de Charantonnay, mais exploite également des parcelles situées sur la commune voisine de Saint Georges d'Espéranche.
La Société MONSANTO qui a pour objet la fabrication, la recherche la préparation et la distribution de produits pharmaceutiques, chimiques ou biochimiques procède à des essais de Colza " transgénique " dont la particularité est de résister au glyphosate, principe actif d'un herbicide commercialisé sous le nom de " Round Up ".
Cette résistance permet donc d'utiliser cet herbicide pour détruire les autres plantes dans les parcelles semées en colza.
En application de la loi du 13 juillet 1992 et de son décret d'application du 18 octobre 1993, elle a sollicité et obtenu l'autorisation du ministère de l'Agriculture, après avis favorable de la Commission du Génie Biomoléculaire compétente selon la loi visée, pour la mise en culture d'une parcelle de colza " transgénique " ce qui a été réalisé sur une parcelle de M. X... (...), située sur la commune de Saint Georges d'Espéranche.
Une fiche d'information du public a été transmise à la préfecture de l'Isère aux fins d'affichage dans la commune du lieu d'expérimentation.
Selon la Direction Départementale de l'Agriculture de L'Isère, cette information a été transmise le 1er octobre 1996 à la mairie de Charantonnay où il n'en a pas été retrouvé trace ultérieurement au cours de l'enquête. Un nouvel avis a été transmis ensuite le 3 avril 1997 à la mairie de Saint Georges d'Espéranche, après alerte du maire de cette commune, à l'occasion d'une réunion d'information sur une autre expérimentation courant février 1997.
Entre temps M. X... a ensemencé sa parcelle début septembre 1996, à raison de vingt ares, en prenant soin, selon lui, de s'assurer que les voisins ne mettaient pas en place une culture semblable et en cultivant entre deux une bande de terre en colza non transgénique. Il est à relever que dans sa demande d'autorisation, la Société MONSANTO précisait que la culture de colza transgénique se ferait sans distance d'isolement par rapport à d'autres cultures de colza, les essais étant entourés toutefois par six rangs de colza non transgéniques. Il était prévu en revanche une distance d'isolement de 400 mètres par rapport à d'autres essais de cultures transgéniques.
Le 7 juin 1997, des opposants à cette culture, évalués à plusieurs centaines de personnes, se sont retrouvés sur la parcelle litigieuse et ont détruit par fauchage à l'aide d'engins agricoles et de tracteurs, ainsi que manuellement à la faux une surface d'environ 35 ares de colza (transgénique ou non).
Cette récolte de colza a été transportée en direction de Bron (Rhône) en vue d'être déposée aux portes d'un établissement de la Société MONSANTO. La présence de CRS a conduit les auteurs du transport à décharger leur remorque un peu plus loin.
Parmi les auteurs des faits, les trois prévenus, tous trois agriculteurs, ont participé avec leur matériel et véhicules (tracteurs agricoles, remorque, faucheuse, ensileuse).
Le parquet de Vienne a estimé classer sans suite le procès verbal de constatations de la gendarmerie mettant en évidence la réalisation de l'infraction de destruction volontaire de bien appartenant à autrui. La Société MONSANTO a déposé plainte avec constitution de partie civile parvenue au juge d'instruction le 27 septembre 1999.
Après consignation, le parquet a requis l'ouverture d'une information sous la qualification de destruction ou détérioration grave d'un bien appartenant à autrui prévu et réprimé par l'article 322-1 du code pénal, qualification également retenue dans l'ordonnance de renvoi du 18 mars 2003, envers les trois prévenus qui ont reconnu leur participation aux faits.
Le tribunal de Vienne rejetant les moyens de défense des prévenus les a déclarés coupables et a prononcé envers chacun d'eux une amende de 600 ç..
Sur l'action civile, ils ont été condamnés solidairement à payer une somme de 4 000 ç à la Société MONSANTO à titre de dommages et intérêts.
Les prévenus sont appelants principaux, le ministère public est appelant incident ainsi que la Société MONSANTO. Prétentions des parties devant la cour
La Société MONSANTO, partie civile, conclut à la confirmation du jugement quant à la déclaration de culpabilité, à la condamnation des prévenus à lui payer la somme de 9 751, 16 ç à titre de dommages et intérêts, outre 6 000 ç pour frais de procès.
Elle conclut au rejet des divers moyens soulevés par les prévenus quant au bénéfice de la loi d'amnistie du 6 août 2002, à la disqualification en simple contravention et au bénéfice de l'état de nécessité.
Le ministère public requiert l'application de la loi pénale et la confirmation du jugement.
Les prévenus font plaider l'amnistie que ce soit sur le fondement de l'article 2, après disqualification des faits en contravention, ou sur l'article 3 en ce que les faits ont été commis en relation avec un conflit agricole et rural. Ils invoquent également l'état de nécessité. Sur quoi la cour
Il est constant que les prévenus ont bien matériellement commis les faits reprochés, ce qu'ils reconnaissent et même revendiquent.
Ces faits poursuivis sous la prévention de destruction, dégradation ou détérioration de bien appartenant à autrui sont de nature contraventionnelle s'il n'en est résulté qu'un dommage léger et réprimés alors par l'article R 635-1 du code pénal et de nature délictuelle dans les autres cas, prévus et réprimés par l'article 322-1 du même code.
En l'espèce, la destruction d'un champ d'environ 35 ares, avec utilisation de moyens mécaniques (tracteurs, faucheuse, ensileuse), puis transport de la culture récoltée avant de la jeter ne s'analysent pas en un dommage léger, de sorte que la qualification délictuelle visée à la prévention et retenue par le tribunal est justifiée.
Il s'ensuit que l'article 2 de la loi d'amnistie du 6 août 2002 selon lequel sont amnistiées en raison de leur nature les contraventions ne peut trouver à s'appliquer en l'espèce.
L'article 3 de la même loi dispose que sont amnistiés les délits commis en relation avec des conflits de caractère agricole ou rural, y compris à l'occasion de manifestations sur la voie publique, étant cependant exclus de ce bénéfice, selon l'article 13 OE 34, les destructions dégradations ou détériorations aggravées, notamment lorsqu'est relevée la circonstance aggravante de commission par plusieurs auteurs visée à l'article 322-3 du code pénal.
En l'espèce, le délit est bien en relation avec un conflit agricole ou rural, même s'il déborde ce cadre strict, puisqu'il a été commis à la suite de mise en culture d'une parcelle de colza, qu'il a donné lieu à une réunion en février à la mairie de Saint Georges d'Esperanche entre des représentants de la Société MONSANTO et des agriculteurs riverains de parcelles ensemencées en cultures transgéniques révélant des oppositions à cette expérience, que les autorisations de mise en cultures de telles parcelles sont données par le Ministère de l'Agriculture, que les actions ont été conduites, certes avec d'autres personnes ou associations, mais en premier lieu par des agriculteurs mécontents, relayés par un syndicat d'agriculteurs dont l'un des prévenus est membre dirigeant, que seuls en définitive trois agriculteurs ont été poursuivis.
Il s'ensuit que le caractère agricole et rural du conflit permet de faire bénéficier les auteurs du délit de la loi d'amnistie dès lors que la circonstance aggravante de commission par plusieurs auteurs, quoique patente en l'espèce, n'a pas été visée dans la poursuite, ni retenue en fin d'information survenue après la publication de la loi, interdisant dès lors à la juridiction de jugement de l'envisager pour faire échapper le délit au bénéfice de l'amnistie.
Le jugement doit être réformé en ce sens. Sur l'action civile
L'article 133-10 du code pénal et l'article 21 de la loi d'amnistie du 9 août 2002 disposent que l'amnistie ne préjudicie pas aux droits des tiers.
Ce dernier texte précise que si la juridiction de jugement a été saisie de l'action publique avant la publication de la loi d'amnistie, elle reste compétente pour statuer sur l'action civile.
En l'espèce, la juridiction de jugement a été saisie par l'ordonnance de renvoi des prévenus le 18 mars 2003, soit après la publication de la loi d'amnistie de sorte que la juridiction pénale est incompétente pour connaître de l'action civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Constate l'extinction de l'action publique par l'effet de l'amnistie prévue à l'article 3 de la loi d'amnistie du 6 août 2002.
Constate la saisine de la juridiction de jugement postérieurement à la publication de cette loi d'amnistie
Dit que la juridiction pénale est incompétente pour connaître de l'action civile exercée par la société MONSANTO.
Ainsi fait par Monsieur Jean-Yves CHAUVIN, Président, Monsieur Michel DOUYSSET, président de chambre maintenu en activité en qualité de conseiller, et Monsieur Yann CATTIN, Conseillers présents lors des débats et du délibéré, et prononcé par Monsieur Jean-Yves CHAUVIN, Président, en présence de Madame PAVAN-DUBOIS, Substitut Général, En foi de quoi, la présente minute a été signée par Monsieur Jean-Yves CHAUVIN, Président, et par Monsieur Laurent LABUDA, Greffier présent lors des débats et du prononcé de l'arrêt.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre correctionnelle
Numéro d'arrêt : 04/00879
Date de la décision : 26/10/2005

Analyses

DESTRUCTIONS - DEGRADATIONS ET DETERIORATIONS - Destruction - dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui.

Constitue le délit de destruction, dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui, prévu et réprimé par l'article 322-1 du Code pénal, la destruction d'un champ d'environ 35 ares, avec utilisation de moyens mécaniques, puis transport de la culture récoltée avant de la jeter, dès lors qu'il n'est pas résulté de ces faits un dommage léger

AMNISTIE - Textes spéciaux - Loi du 6 août 2002 - Amnistie de droit - Amnistie à raison de l'infraction.

Se trouve amnistiée de droit, en application de l'article 3 de la loi d'amnistie du 6 août 2002, l'infraction de destruction de biens appartenant à autrui commise en relation avec un conflit à caractère agricole ou rural. Tel est le cas de faits de destruction d'un champ de colza transgénique, dès lors que ce délit a été commis, à la suite de la mise en culture d'une parcelle de colza autorisée par le Ministère de l'agriculture, en premier lieu par des agriculteurs mécontents relayés par un syndicat d'agriculteurs dont l'un des prévenus est membre dirigeant


Références :

N1 Code pénal, article 322-1, N2 Loi n°2002-1062 du 6 août 2002, article 3

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.grenoble;arret;2005-10-26;04.00879 ?
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