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04/01/2005 | FRANCE | N°98/424

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 04 janvier 2005, 98/424


R.G. N° 02/03668 OFH N° Minute : Grosse délivrée le : S.C.P. CALAS S.C.P. GRIMAUD Me RAMILLON S.C.P. POUGNAND S.E.LA.R.L. DAUPHIN & MIHAJLOVIC AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE GRENOBLE 1ERE CHAMBRE CIVILE ARRET DU MARDI 04 JANVIER 2005 Appel d'une décision (N° R.G. 98/424) rendue par le Tribunal de Grande Instance de GAP en date du 26 juin 2002 suivant déclaration d'appel du 18 Septembre 2002 APPELANTE : Société CESKA ZBROJOVKA A.S. prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège Svatopluka Cecha, 1283 CZ 68827 UHERSKY B

ROD REPULIQUE TCHEQUE représentée par Me Marie-France RAMILLO...

R.G. N° 02/03668 OFH N° Minute : Grosse délivrée le : S.C.P. CALAS S.C.P. GRIMAUD Me RAMILLON S.C.P. POUGNAND S.E.LA.R.L. DAUPHIN & MIHAJLOVIC AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE GRENOBLE 1ERE CHAMBRE CIVILE ARRET DU MARDI 04 JANVIER 2005 Appel d'une décision (N° R.G. 98/424) rendue par le Tribunal de Grande Instance de GAP en date du 26 juin 2002 suivant déclaration d'appel du 18 Septembre 2002 APPELANTE : Société CESKA ZBROJOVKA A.S. prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège Svatopluka Cecha, 1283 CZ 68827 UHERSKY BROD REPULIQUE TCHEQUE représentée par Me Marie-France RAMILLON, avoué à la Cour assistée de Me CHALOUPECKY, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me GUEZ, avocat au même barreau INTIMES : CAISSE NATIONALE MILITAIRE DE SECURITE SOCIALE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège 247 avenue Jacques Cartier 83090 TOULON CEDEX 9 défaillante Société BRNO FOX A.S. prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège Svatopluka Cecha, 1283 CZ 68827 UHERSKY BROD REPUBLIQUE TCHEQUE défaillante Monsieur Patrick X... né le 02 Septembre 1959 à INGWILLER (BAS-RHIN) de nationalité Française Les Cros Bâtiment A Logement 21 05100 BRIANCON représenté par la SELARL DAUPHIN & MIHAJLOVIC, avoués à la Cour assisté de Me DETROYAT, avocats au barreau de GRENOBLE Monsieur Jean Y... La Z... 05100 VAL DES PRES représenté par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour assisté de la SCP TOMASI - GARCIA, avocats au barreau de GAP Société AXA ASSURANCES devenue AXA FRANCE IARD prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège 370 rue Saint Honoré 75001 PARIS représentée par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour assistée de la SCP TOMASI - GARCIA, avocats au barreau de GAP S.A. NEMROD FRANKONIA prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

rticle 700 du Nouveau code de procédure civile,

a dit que la société de droit tchèque CESKA ZBROJOVKA AS doit garantir Monsieur Y... et la société AXA ASSURANCES de l'ensemble des condamnations pécuniaires prononcées,

a rejeté l'appel en garantie formé par la société de droit tchèque CESKA ZBROJOVKA AS à l'encontre de la société de droit tchèque CESKA POJISTOVNA AS,

a prononcé la mise hors de cause de la SA NEMROD FRANKONIA et de la société de droit tchèque BRNO FOX AS,

a condamné la société CESKA ZBROJOVKA AS à payer au profit de la société NEMROD FRANKONIA et de la société CESKA POJISTOVNA AS une indemnité de 1.200 Euros chacun, sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile,

et a dit que la société CESKA ZBROJOVKA AS devra supporter les entiers dépens,

La sociétéemnité de 1.200 Euros chacun, sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile,

et a dit que la société CESKA ZBROJOVKA AS devra supporter les entiers dépens,

La société

La société CESKA ZBROJOVKA AS a relevé appel de ce jugement le 18 septembre 2002.

L'appelante demande à la Cour :

de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a fixé à 10.000 Euros le montant de la réparation du préjudice de Monsieur Patrick X... et condamné solidairement Monsieur Jean-Roch Y... et son assureur la compagnie AXA ASSURANCES à lui payer cette somme,

pour le surplus, d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau :

18 Rue du Château 68190 ENSISHEIM représentée par la SCP HERVE JEAN POUGNAND, avoués à la Cour assistée de Me BOUSQUET, avocat au barreau de GRENOBLE Compagnie d'assurances CESKA POJISTOVNA A.S. prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège Purkynova 2 Praha 1 à 113 06 REPUBLIQUE TCHEQUE représentée par la SCP JEAN CALAS, avoués à la Cour assistée de Me METTETAL, avocat au barreau de PARIS COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE : Madame Odile FALLETTI-HAENEL, Président, Madame Claude-Françoise KUENY, Conseiller, Monsieur Jean-Pierre VIGNAL, Conseiller, Assistés lors des débats de Monsieur Richard A..., Greffier. DEBATS : A l'audience publique du 23 Novembre 2004, Les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries. Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.

------ 0 ------

Le 02 octobre 1996, alors qu'il participait à une action de chasse sur le territoire de l'association communale de chasse agréée de Val

des Prés (hautes-Alpes) Monsieur Patrick X... a, en effectuant un tir à l'aide d'un carabine à répétition de marque BRNO, calibre 22 Remington appartenant à Monsieur Jean-Roch Y..., été victime d'un accident, la culasse de l'arme ayant projeté dans son oeil une partie métallique lui provoquant une blessure importante.

En avril et mai 1998, Monsieur Patrick X... a assigné devant le Tribunal de Grande Instance de Gap Monsieur Jean-Roch Y... et son assureur la compagnie AXA ASSURANCES aux fins d'obtenir réparation de son préjudice sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1 du Code civil.

[* d'annuler la clause de "claims made" figurant dans le contrat d'assurance souscrit auprès de la compagnie CESKA POJISTOVNA,

*] de condamner solidairement la société CESKA ZBROJOVKA et la compagnie CESKA POJISTOVNA à garantir Monsieur Jean-Roch Y... et son assureur la compagnie AXA ASSURANCES , de l'ensemble des sommes qu'ils ont été condamnées à payer en réparation du préjudice de Monsieur X...,

[* de condamner la société CESKA POJISTOVNA à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre,

*] de condamner la société CESKA POJISTOVNA à lui payer la somme de 7.622,45 Euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile,

de dire que la compagnie CESKA POJITOVNA devra supporter les entiers dépens de première instance et d'appel, incluant les frais d'expertise avancés par la société NEMROD FRANKONIA.

L'appelante indique qu'elle ne conteste pas le principe de sa responsabilité en tant que fabricant de l'arme litigieuse ni les conclusions de l'expertise technique, et pas davantage l'évaluation du préjudice de Monsieur X... telle qu'elle a été retenue par le Tribunal.

Elle dit critiquer le jugement uniquement en ce qu'il a rejeté son appel en garantie à l'encontre de la compagnie CESKA POJISTOVNA ainsi

que l'action directe de la victime et de Monsieur Y... contre cette même compagnie.

Elle soutient que la clause limitant à trois ans à compter de la date d'expiration de la police la validité des réparations fondées sur le l a également appelé en cause les organismes sociaux.

Monsieur Y... et la société AXA ASSURANCES ont assigné en garantie des condamnations pouvant être prononcées à leur encontre la SA NEMROD FRANKONIA, importateur et vendeur de l'arme litigieuse.

Après avoir dans un premier temps, assigné la société de droit Tchèque BRNOFOX AS, la SA NEMROD FRANKONIA a appelé en garantie la société de droit tchèque CESKA ZBROJOVKA AS en sa qualité de fabricant de l'arme litigieuse.

Cette dernière a appelé dans la cause la société de droit tchèque CESKA POJIVTOSNA AS, son assureur aux fins de garantie.

Une mesure d'expertise médicale confiée au Docteur B..., spécialiste en ophtalmologie et une mesure d'expertise technique de l'arme confiée à Monsieur Jacques

C..., expert en armes et munitions ont été ordonnées par le juge de la mise en état.

Les différentes procédures ayant été jointes et les experts commis ayant déposé leurs rapports le Tribunal de Grande Instance de Gap, par jugement rendu le 26 juin 2002 :

a dit que Monsieur Jean Roch Y... est entièrement responsable envers Monsieur X... des conséquences dommageables de l'accident de chasse dont celui-ci a été victime le 02 octobre 1996 sur le territoire de la commune de Val des Prés (Hautes-Alpes),

a dit que Monsieur Jean Roch Y... et la société d'assurances AXA ASSURANCES doivent payer à Monsieur Patrick X..., en réparation de son préjudice :

* IPP 5 %

défaut du produit était illicite en droit français au moment où elle a déclaré le sinistre auprès de son assureur, soit le 02 novembre 1999, étant précisé que l'accident a eu lieu le 02 octobre 1996 et que la police d'assurance a été souscrite pour une période allant du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1988.

Elle conteste toute rétroactivité à la loi du 1er août 2003 mettant fin à la prohibition des clauses de "claims made", les dispositions de cette loi ne s'appliquant qu'aux sinistres survenus après son entrée en vigueur.

Elle rappelle la position de la Cour de Cassation qui considère que la clause selon laquelle la réclamation doit intervenir pendant la durée du contrat est inopposable à la victime exerçant l'action directe et que cette clause est nulle dans les rapports entre l'assuré et l'assureur, comme étant dépourvue de cause.

Elle fait valoir que la prohibition de la clause de "claims made" en droit français relevant d'une loi de police, il n'y a pas lieu de s'interroger sur son application en droit tchèque.

Elle affirme qu'en raison de la nullité de la clause, le contrat d'assurance souscrit auprès de la compagnie CESKA POJISTOVNA doit recevoir application non seulement en raison de sa mise en cause par son assurée mais aussi en raison de l'action directe engagée par Monsieur Y... et son assureur la

compagnie AXA ASSURANCES.

Elle prétend que la question de savoir si l'action directe est possible est soumise à la loi du délit et non à la loi du contrat parce qu'elle concerne par hypothèse un tiers au contrat.

Elle considère, ainsi, que l'action directe qui est régie par les dispositions d'ordre public de l'article L 124-3 du Code des assurances ne peut être écartée par une loi étrangère et que l'action directe de Messieurs Y... et X... est ainsi recevable.

3.800,00 Euros

* Préjudice d'agrément

2.000,00 Euros

* Préjudice esthétique

1.200,00 Euros

* Souffrances endurées

3.000,00 Euros

-------------------

10.000,00 Euros

Monsieur X... conclut au principal à la confirmation du jugement déféré.

A titre subsidiaire, il demande que la société NEMROD FRANKONIA en sa qualité de vendeur et d'importateur de l'arme ainsi que la société CESKA ZBROJOVKA en sa qualité de constructeur de l'arme et son assureur la Compagnie CESKA PJISTOVNA et la société BRNO soient condamnées à l'indemniser de son préjudice.

En tout état de cause, il conclut à la condamnation de la société CESKA ZBROJOVKA au paiement de la somme de 2.000 Euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 2.000 Euros au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Il fait observer que Monsieur Y... qui lui a prêté son arme et qui était à ses côtés au moment du tir avait conservé la garde de la chose dont il était propriétaire et qu'il avait lui-même approvisionnée.

Il ajoute que l'accident étant dû à un vice de la chose, Monsieur Y... est resté le gardien de son arme.

A titre subsidiaire, il soutient que Monsieur

Y... est gardien de la structure de son arme.

A titre infiniment subsidiaire, il indique que la société NEMROD FRANKONIA en qualité de vendeur et d'importateur de l'arme doit être considérée comme gardien de la structure de l'arme litigieuse et que la responsabilité du constructeur de l'arme est engagée.

Monsieur Jean Y... et la société AXA ASSURANCES demandent à la Cour :

à titre principal, de débouter Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes à leur encontre,

à titre subsidiaire, de confirmer le montant de l'indemnisation allouée à Monsieur X...,

de dire qu'ils devront être relevés et garantis des condamnations

prononcées par la société CESKA ZBROJOVKA, son assureur, la société CESKA POJISTOVNA, la société BRNO FOX AS ensemble la société NEMROD FRANKONIA,

en tout état de cause, de condamner solidairement Monsieur X..., la société CESKA ZBROJOVKA et la société CESKA POJISTOVNA à leur payer la somme de 1.500 Euros au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Ils soutiennent que le vice caché de l'arme étant établi par les conclusions non discutées de l'expert judiciaire, le constructeur est réputé avoir conservé la garde de sa structure en sorte que Monsieur X... devait agir à l'encontre de la société CESKA ZBROJOVKA gardienne de l'arme viciée au moment du dommage.

Ils ajoutent qu'aux termes des articles 1386-1 et suivants du Code civil, la victime dispose d'une action directe contre le fabricant de l'arme viciée.

A titre subsidiaire, ils font valoir qu'ils devront être relevés et garantis des condamnations prononcées à leur encontre par la société CESKA ZBROJOVKA et son assureur.

Concernant la limitation de garantie opposée par la compagnie d'assurance tchèque, ils reprennent les moyens développés par la société ZBROJOVKA pour la contester.

La société CESKA POJISTOVNA AS conclut à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de l'appelante au paiement de la somme de 5.000 Euros au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Elle réplique que la police d'assurance conclue pour une période allant du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1988 et couvrant les réclamations amiables ou judiciaires formulées au cours de la garantie laquelle a été souscrite en république tchèque par une société tchèque est soumise au droit tchèque qui admet la validité des clauses dites "claims made".

Elle relève que les parties reconnaissent que la loi étrangère applicable est le droit tchèque.

Elle conteste que l'application de la loi étrangère puisse, comme le demande l'appelante, être écartée sur le principe de l'ordre public français, la règle posée par la loi étrangère n'étant pas de celles qui heurtent une conception fondamentale dans l'ordre public français.

Elle ajoute que la loi du 1er août 2003 a reconnu la validité des

clauses "claims made", que cette loi est d'application rétroactive aux sinistres déjà survenus pour lesquels aucune décision définitive n'a été rendue.

Elle observe enfin que depuis la loi du 1er août 2003, il ne peut plus être sérieusement soutenu qu'une clause "claims made" serait contraire à l'ordre public interne.

Par conclusions signifiées le 23 juillet 2003, la société CESKA ZBROJOVKA demande à la Cour de lui donner acte de ce qu'elle se désiste de son appel dirigé à l'encontre de la société NEMROD FRANKONIA.

La société NEMROD FRANKONIA conclut à la confirmation du jugement déféré sauf à ajouter que la somme de 43.092,30 Euros, correspondant aux frais d'expertise dont elle a fait l'avance lui sera remboursée avec intérêts au taux légal à compter des règlements adressés à l'expert judiciaire ou à tout le moins à compter du 26 juin 2002, et à la condamnation de la société CESKA ZBROJOVKA AS au paiement de la somme de 16.000 Euros au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Elle précise qu'elle n'accepte pas le désistement partiel de l'appelante et que l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 20 mai 2003 condamnant la société CESKA ZBROJOVKA AS à lui rembourser la somme de 43.092,30 Euros n'a pas été exécutée en sorte qu'elle est bien fondée à obtenir les intérêts qu'elle sollicite.

Elle fait valoir, d'autre part, que la somme allouée au titre des frais irrépétibles est nettement insuffisante.

La Caisse Nationale Militaire de Sécurité Sociale (CNMSS) assignée par acte remis à personne habilitée le 17 mars 2003 n'a pas constitué avoué mais a fait connaître le montant de ses débours s'élevant à la somme de 7.257,46 Euros.

La société BRNO FOX AS assignée par acte remis le 05 mars 2004 au Parquet Général de la Cour d'Appel de Grenoble pour signification en pays étranger n'a pas constitué avoué.

Conformément aux dispositions de l'article 474 du Nouveau code de procédure civile, il sera statué par arrêt réputé contradictoire. MOTIFS ET DÉCISION

Sur l'appel incident de Monsieur Y... et

de la société AXA ASSURANCES

Les parties ne discutent pas les conclusions de Monsieur Jacques C..., expert judiciaire, aux termes desquelles "l'arme, dans l'état où elle est sortie des ateliers de CESKA ZBROJOVNA était d'une morphologie non conforme aux plans de fabrication et susceptible de la rupture d'une pièce essentielle, à savoir la cuvette de tir du corp de la culasse mobile".

Le premier juge a justement retenu que la responsabilité de Monsieur Y..., propriétaire de la carabine qu'il avait approvisionnée et dont il avait manoeuvré la culasse avant de la remettre à Monsieur X... pour que celui-ci aux côtés duquel il se trouvait effectue son tir, était engagée sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1 du Code civil en sa qualité de gardien de la chose ayant causé le

dommage et qu'ainsi, Monsieur Y... et son assureur, la compagnie AXA ASSURANCES devaient indemniser Monsieur X... de son entier préjudice.

Monsieur Y... et la compagnie AXA soutiennent vainement que leur responsabilité ne saurait être mise en cause, la société CESKA ZBROJOVKA qui avait fabriqué l'arme viciée en ayant seule conservé la garde alors que la carabine acquise par Monsieur Y... en octobre 1989 n'avait jusqu'à l'accident d'octobre 1996, été à l'origine d'aucun incident et que le fabricant avait perdu tout pouvoir de contrôle sur la chose, dont le vice de construction a été révélé après l'accident.

D'autre part, les dispositions des articles 1386-1 et suivant du Code civil résultant de la loi du 19 mai 1998 applicables aux produits dont la mise en circulation est postérieure à la date d'entrée en vigueur de ladite loi (21 mai 1998) sont sans portée, en l'espèce, l'arme défectueuse ayant été mise en circulation à tout le moins en octobre 1989.

En tout état de cause, ces dispositions comme le précise expressément l'article 1386-16 du Code civil ne portent pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extra-contractuelle.

Monsieur X... ayant été victime du fait

d'une arme à feu dont il a eu l'usage dans le cadre d'un prêt occasionnel, limité dans le temps et dans un simple but d'essai était, en conséquence, fondé à mettre en cause la responsabilité de Monsieur Y... propriétaire de l'arme sur laquelle celui-ci exerçait les pouvoirs de direction, de contrôle et d'usage sans que le vice inhérent à cette chose ne constitue un cas fortuit ou de force majeure de nature à l'exonérer de sa responsabilité envers les tiers.

Monsieur Y... et la compagnie AXA ASSURANCES seront ainsi déboutés de leur appel incident.

Ceux-ci, comme l'a jugé le Tribunal dans des dispositions non remises en cause devant la Cour, sont, en revanche, fondés à être relevés et garantis des condamnations prononcées à leur encontre par la société CESKA ZBROJOVKA.

Ni l'évaluation du préjudice de Monsieur X... telle qu'elle a été retenue par le Tribunal, ni la responsabilité de la CESKA ZBROJOVKA, fabricant de

l'arme défectueuse n'étant discutées devant la Cour, le jugement déféré sera confirmé sur tous ces points.

Sur l'appel principal

La discussion devant la Cour porte exclusivement sur la garantie que doit ou non la société CESKA POJISTOVNA à la société CESKA ZBROJOVKA sur le fondement d'une police d'assurance conclue pour la période allant du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1988 et stipulant notamment que "l'assurance s'applique pendant l'année d'assurance à tous les produits visés exportés à compter du 1er janvier 1986 avec une limitation de validité par produits à une période de trois ans à compter de la date d'exportation".

Il est constant que la société CESKA ZBROJOVKA a déclaré le 02 novembre 1999 à la compagnie d'assurance CESKA POJISTOVNA le sinistre lié à l'accident dont a été victime Monsieur Patrick X... le 02 octobre 1996 et que cette déclaration a ainsi été faite bien après l'expiration du délai de garantie.

Le premier juge a justement déduit de ces éléments que la société

CESKA POJISTOVNA ne devait pas sa garantie.

L'appelante remet en cause cette décision au motif que les clauses dites "claims made" seraient contraires à l'ordre public français.

Ni la société CESKA ZBROJOVKA, ni la société CESKA POJISTOVNA ne discutent le fait que le contrat d'assurance conclu en pays tchèque entre deux sociétés tchèques soit régi par la loi tchèque.

Au

Au vu des pièces produites par chacune des parties (certificat de coutume du cabinet d'avocats ZALOUDEK, BROZ, KOCOUREK et partner du 08 janvier 2002 produit à la demande de la société CESKA ZBROJOVKA et certificat de coutume du cabinet d'avocats JABLONSKY en date du 04 décembre 2000 produit par la société CESKA POJISTOVNA) le droit tchèque ne prévoit pas d'interdiction des clauses "claims made" et la jurisprudence ne s'est pas non plus prononcée sur leur validité, le principe étant la liberté contractuelle des parties.

L'appelante ne discute pas ce point mais elle invoque l'exception de l'ordre public français pour faire écarter l'application de la loi tchèque et soutient que la prohibition de la clause de "claims made"

constituait une loi de police au moment où le dommage est survenu ainsi qu'au moment où celui-ci a été déclaré, cette interdiction qui a pour finalité la protection de la victime et de l'assuré ayant un caractère impérieux en droit français.

Il convient d'observer, cependant, que la prohibition des clauses dites de "claims made" ne procède pas d'un texte mais résulte d'une jurisprudence affirmée par différents arrêts de la Cour de Cassation rendus en 1990, considérant que ces clauses n'étaient pas valables.

Depuis lors, une loi du 1er août 2003 a mis fin à cette jurisprudence, ce texte disposant expressément que "la garantie est, selon le choix des parties, déclenchée soit par le fait dommageable, soit par la réclamation".

Sans qu'il soit nécessaire de rechercher si cette loi nouvelle est applicable à un sinistre déjà survenu pour lequel aucune décision définitive n'a été rendue, comme c'est le cas en l'espèce, il apparaît que l'annulation des clauses dites de "claims made" par la jurisprudence, fût-elle systématique depuis 1990, ne peut être assimilée à une loi de police au sens de la Convention de Rome du 19

juin 1980, celle-ci supposant un texte législatif présentant un caractère d'application nécessaire au regard de conceptions fondamentales dans l'ordre public français.

En l'espèce, le seul fait qu'il ait été possible de légiférer dans un sens différent de la finalité avancée par l'appelant suffit à démontrer que l'ordre public français n'est pas en jeu.

C'est donc, à bon droit, que le premier juge a rejeté l'action en garantie de la société CESKA ZBROJOVKA à l'encontre de la société CESKA POJISTOVNA.

Sur la demande de la société NEMROD FRANKONIA

La société CESKA ZBROJOVKA n'ayant pas exécuté l'ordonnance rendue le 20 mai 2003 par le conseiller de la mise en état l'ayant condamnée à payer à la société NEMROD FRANKONIA la somme de 43.092,30 Euros correspondant aux frais d'expertise dont celle-ci a fait l'avance, il y a lieu de dire que cette somme sera assortie de l'intérêt au taux légal à compter du jugement déféré.

Sur les demandes en dommages et intérêts et au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile

Monsieur X... ne justifiant pas du caractère abusif de la procédure sera débouté de sa demande en dommages et intérêts.

Au titre des frais irrépétibles exposés devant la Cour du fait de l'appel, la société CESKA ZBROJOVKA sera condamnée à payer à :

- Monsieur Patrick X... la somme de 1.500 Euros,

- Monsieur Y... et la société AXA ASSURANCES, la somme de 1.000 Euros,

- la SA NEMROD FRANKONIA la somme de 1.500 Euros,

- la société CESKA POJISTOVNA la somme de 1.500 Euros. PAR CES MOTIFS LA COUR Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

DONNE ACTE à la société CESKA ZBROJOVKA de ce qu'elle se désiste de

son appel dirigé contre la SA NEMROD FRANKONIA,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE la société CESKA ZBROJOVKA à payer à la SA NEMROD FRANKONIA la somme de 43.092,30 Euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 26 juin 2002,

CONDAMNE la société CESKA ZBROJOVKA à payer au titre des frais irrépétibles exposés devant la Cour les sommes suivantes :

- 1.500 Euros à Monsieur Patrick X...,

- 1.000 Euros à Monsieur Y... et la société AXA ASSURANCES,

- 1.500 Euros à la SA NEMROD FRANKONIA,

- 1.500 Euros à la société CESKA POJISTOVNA,

CONDAMNE la société CESKA ZBROJOVKA aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SELARL DAUPHIN & MIHAJLOVIC, de la SCP GRIMAUD, de la SCP POUGNAND et de la SCP CALAS, avoués, sur leurs offres de droit. PRONONCE par Madame FALLETTI-HAENEL, Président, qui a signé avec Madame D..., Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Numéro d'arrêt : 98/424
Date de la décision : 04/01/2005
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2005-01-04;98.424 ?
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