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30/06/2004 | FRANCE | N°JURITEXT000006945451

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 30 juin 2004, JURITEXT000006945451


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Par courrier du 26 février 1999 la société coopérative agricole "UNION DES VIGNERONS DES COTES DU RHÈNE" (U.V.C.D.R.), exerçant sous l'enseigne CELLIER DES DAUPHINS, a confié à Monsieur Philippe X..., dirigeant de la société VINS DE FRANCE (V.D.F.) soumise au droit de HONG-KONG, le développement de ses ventes sur le marché asiatique.

Aux termes de ce courrier il était notamment prévu :

[* la création d'une société "CELLIER DES DAUPHINS ASIE", domiciliée dans les locaux de la société V.D.F. à HONG KONG, chargée de développer de n

ouveaux marchés en Asie par l'intermédiaire de Monsieur X..., qui devait lui consacrer 75 % de...

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Par courrier du 26 février 1999 la société coopérative agricole "UNION DES VIGNERONS DES COTES DU RHÈNE" (U.V.C.D.R.), exerçant sous l'enseigne CELLIER DES DAUPHINS, a confié à Monsieur Philippe X..., dirigeant de la société VINS DE FRANCE (V.D.F.) soumise au droit de HONG-KONG, le développement de ses ventes sur le marché asiatique.

Aux termes de ce courrier il était notamment prévu :

[* la création d'une société "CELLIER DES DAUPHINS ASIE", domiciliée dans les locaux de la société V.D.F. à HONG KONG, chargée de développer de nouveaux marchés en Asie par l'intermédiaire de Monsieur X..., qui devait lui consacrer 75 % de son temps,

*] l'utilisation par la société "CELLIER DES DAUPHINS ASIE" des moyens (Bureaux, personnel, entrepôt) de la société V.D.F. en contrepartie du versement d'honoraires fixés annuellement à la somme de 460 000 francs,

[* la réalisation d'un chiffre d'affaires de 700 000 francs par an, avec une prévision de couverture des frais à 100 % après un délai de 5 ans,

*] un engagement ferme pour l'année 1999, le point étant fait en fin d'année.

Les relations contractuelles se sont poursuivies après le 31 décembre

1999.

Par courrier du 11 mai 2000 la société U.V.C.D.R. a notifié à Monsieur Philippe X... sa décision de ne pas renouveler l'accord de collaboration défini par la lettre-contrat du 26 février 1999, que le chiffre d'affaires prévisionnel de 1 400 000 francs pour l'année 2000 ne pourrait pas être atteint.

Ce courrier n'excluait pas toutefois la poursuite de la collaboration entre les parties selon d'autres modalités.

Prétendant avoir été victime d'une rupture abusive du contrat la société V.D.F. a fait assigner la société U.V.C.D.R. en paiement de la somme de 1 610 000 francs à titre de dommages et intérêts.

La société U.V.C.D.R. a appelé en cause Monsieur Philippe X... qui était selon elle personnellement partie au contrat. 03/2254

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Par jugement du 2 avril 2003 le tribunal de grande instance de VALENCE, statuant en matière commerciale, a fait application du droit Français, a déclaré irrecevable la demande formée à l'encontre de Monsieur Philippe X... et a condamné la société U.V.C.D.R. à payer à la société V.D.F. la somme de 24 391,84 euros à titre de dommages et intérêts, outre une indemnité de 5 000 euros en application de article 700 du nouveau code de procédure civile.

Appelante selon déclaration reçue le 5 mai 2003 la société

U.V.C.D.R., par conclusions signifiées et déposées le 9 septembre 2003, demande à la Cour, par voie d'infirmation, de :

faire application du droit de HONG-KONG,

constater que la rupture des contrats à durée déterminée conclus avec la société V.D.F. d'une part et avec Monsieur Philippe X... d'autre part était légitime,

débouter la société V.D.F. et Monsieur X... de l'ensemble de leurs demandes,

condamner la société V.D.F. à lui payer la somme de 30 489,04 euros en remboursement des honoraires perçus à tort,

condamner Monsieur Philippe X... à lui payer les sommes de 202 906,74 euros et 3 033,07 euros à titre de dommages et intérêts,

condamner in solidum la société V.D.F. et Monsieur X... à lui payer une indemnité de 5 000 euros pour frais irrépétibles.

Elle soutient en substance :

- qu'à défaut d'accord écrit contraire, il faut appliquer la loi de HONG KONG qui a les liens les plus étroits avec le contrat au sens de l'article 4-1 de la convention de Rome du 18 juin 1980,

- que les contrats de collaboration, conclus initialement pour une durée déterminée d'un an, n'ont pas été renouvelés à l'échéance, ainsi qu'il résulte notamment de ses courriers des 26 février 2000 et 11 mai 2000,

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- qu'en toute hypothèse, s'il devait être jugé que les contrats étaient à durée indéterminée, un préavis suffisant de trois mois a été octroyé à la société V.D.F.,

- que s'agissant d'un contrat de prestation de services aucune disposition légale ne prévoit un droit à indemnité correspondant à un an de commissions,

- que n'ayant effectué aucun investissement et n'ayant engagé aucuns frais, la société V.D.F. n'a subi aucun préjudice,

- qu'il existait bien deux relations contractuelles distinctes, la première avec la société V.D.F. chargée de mettre ses infrastructures à la disposition de la société CELLIER DES DAUPHINS ASIE et de procéder aux formalités d'importation et de facturation, la seconde avec Monsieur Philippe X... personnellement tenu de consacrer 75 % de son temps au développement de nouveaux marchés en Asie moyennant 300 000 francs d'honoraires par an,

- que Monsieur X... a manqué à ses obligations contractuelles en ne réalisant pas le chiffre d'affaires prévu au titre de la première année, en ne consacrant pas 75 % de son temps à CELLIER DES DAUPHINS ASIE, en commettant des fautes inexcusables à l'origine de la perte du marché important "MALAYSIANS AIRLINES", et en faisant preuve d'une grave insuffisance professionnelle dans la prospection des marchés domestiques nationaux,

- que Monsieur X... doit répondre de la perte de marge au titre marché MALAYSIANS AIRLINES (38 838,22 euros), de son défaut de diligence (38 112,25 euros à et de son refus de céder la part qu'il détient de sa filiale asiatique qui ne peut ainsi être liquidée (3 033,07 euros).

Par conclusions signifiées et déposées le 18 décembre 2003 Monsieur Philippe X... et la société V.D.F. sollicitent la confirmation du

jugement entrepris en ce qu'il a fait application du droit Français et déclaré irrecevables les demandes formées contre Monsieur Philippe X... personnellement, et son infirmation pour le surplus en ce qu'il a qualifié la relation contractuelle de contrat à durée indéterminée.

Ils demandent la condamnation de la société U.V.C.D.R. au paiement de la somme de 245 442,92 euros au titre des cinq années de commissions perdues.

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Subsidiairement au cas où il serait jugé que le contrat s'est poursuivi pour une durée indéterminée, ils sollicitent la condamnation de la société U.V.C.D.R. au paiement de la somme de 140 253,10 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive.

En tout état de cause ils prétendent obtenir une indemnité supplémentaire de 6 000 euros pour frais irrépétibles.

Ils font notamment valoir :

qu'ayant expressément accepté en première instance l'application de la loi Française, la société U.V.C.D.R. ne peut plus valablement remettre en cause ce choix,

que Monsieur Philippe X..., qui a agi en sa seule qualité de représentant légal de la société V.D.F., ne s'est pas engagé

personnellement alors que toutes les prestations ont été facturées par cette dernière,

qu'en toute hypothèse Monsieur X... n'a commis aucune faute détachable de ses fonctions de dirigeant, susceptible d'engager sa responsabilité personnelle, ni même aucune faute quelconque dans la négociation du marché MALAYSIANS AIRLINES que la société U.V.C.D.R. a perdu par sa propre faute,

qu'il n'existe qu'un contrat de prestation de services liant les société U.V.C.D.R. et V.D.F,

que les parties se sont engagées pour une durée déterminée de cinq ans ainsi qu'il résulte des précisions d'activité et d'amortissement fixées pour cette période,

que la rupture avant terme doit être sanctionnée par l'octroi de cinq années de commission,

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que dans l'hypothèse d'une relation contractuelle à durée indéterminée la rupture sera déclarée abusive alors que le chiffre d'affaires réalisé au cours de la première année a permis d'amortir, comme prévu, 15 % du budget global annuel de la société U.V.C.D.R., que dans le cadre de l'appel d'offres de la compagnie MALAYSIANS AIRLINES, traité avec diligence au début de l'année 2000, aucune

faute n'a été commise puisque dès le 19 mai 2000 une commande importante a été obtenue et que la perte de ce marché important est exclusivement due à la carence de la société U.V.C.D.R. qui n'a pas été en mesure de livrer 6000 bouteilles à la date prévue,

que le préjudice de la société V.D.F. ne saurait être inférieur à deux années de commissions comprenant la part de rémunération reversée à Monsieur X...,

que la demande d'indemnisation formée par l'appelante est totalement infondée alors notamment que des prestations ont été effectuées et que des infrastructures ont été mises à sa disposition.

MOTIFS DE L'ARRÊT :

Sur le droit applicable :

La "lettre contrat" du 26 février 1999, dont il est constant qu'elle définit le contenu et les modalités de la collaboration commerciale entre les parties, ne désigne pas la loi applicable.

Au cours de la relation contractuelle aucun choix n'a en outre été exprimé par les parties, pas même de façon implicite.

C'est par conséquent par référence aux dispositions à caractère universel de la convention de Rome du 19 juin 1980 que doit être déterminée la loi applicable.

L'article 3-2 de ladite convention prévoit que les parties peuvent convenir, à tout moment , de faire régir le contrat par un loi autre que celle qui le régissait auparavant en vertu d'un choix antérieur ou d'autres dispositions de la convention.

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Par une manifestation expresse de volonté les parties peuvent donc décider d'écarter la loi qui avait vocation à s'appliquer, y compris après la naissance du litige, voire même au cours de la procédure judiciaire.

Tel est le cas en l'espèce alors que, rejoignant son adversaire sur ce point, la société U.V.C.D.R. a expressément conclu devant le tribunal à l'application du droit Français.

Assistées de leur conseil, et spécialement invitées à conclure sur ce point, les parties ont dès lors valablement opté pour l'application de la loi Française, au détriment du droit chinois de la région de HONG KONG avec lequel le contrat présentait les liens les plus étroits au sens de l'article 4-1 de la convention du 19 juin 1980.

C'est par conséquent en toute connaissance de cause que la loi d'autonomie à été désignée conjointement par les parties, à un moment où l'ensemble des implications juridiques de ce choix étaient connues.

Il en résulte que cet accord ne pouvait unilatéralement être dénoncé à l'audience par la société U.V.C.D.R.

Adoptant les motifs pertinents des premiers juges la Cour fera donc application de la loi Française.

Sur la qualification du contrat et sur la mise en cause de Monsieur Philippe X... :

Il est admis de part et d'autre que les parties étaient liées par un

contrat de prestations de services ne répondant pas à la qualification de mandat d'agent commercial.

La lettre-contrat du 26 février 1999 a prévu que "les relations réciproques des deux sociétés" seraient les suivantes :

" - V.D.F. continue son activité d'importateur-distributeur à laquelle vous consacrez 25 % de votre temps,

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- CELLIER DES DAUPHINS ASIE, à qui vous consacrez 75 % de votre temps s'emploiera à développer de nouveaux marchés en Chine, à Taiwan, en Indonésie, et supervisera les activités du Japon. La société bénéficiera de l'infrastructure des bureaux et du personnel de V.D.F. afin d'assurer les formalités d'importation, et de facturation, ainsi que de l'entrepôt de Macao.

En contrepartie de ces services, CELLIER DES DAUPHINS ASIE paiera une somme annuelle de 160 000 francs à V.D.F., ainsi que 300 000 francs d'honoraires qui vous seront versés personnellement en rémunération de vos services".

Cette lettre, qui a fait l'objet d'une acceptation implicite de principe, mais dont chacun des termes n'a pas été expressément approuvé, formalise un accord de coopération commerciale entre les seules sociétés U.V.C.D.R. et V.D.F., malgré une rédaction imprécise.

C'est manifestement en sa qualité de dirigeant et de représentant légal de la société V.D.F. que Monsieur X... a accepté de consacrer 75 % de son temps au développement du marché asiatique par l'intermédiaire de la société "CELLIER DES DAUPHINS ASIE".

La recherche de nouveaux marchés ne peut, en effet, être artificiellement dissociée de la mise à disposition des moyens matériels et humains de la société V.D.F., sauf à permettre à Monsieur X..., en dehors de tout contrat de travail avec la société "CELLIER DES DAUPHINS ASIE" ou de tout mandat d'agent commercial, d'utiliser dans son intérêt personnel les infrastructures de sa propre entreprise, au risque de commettre un abus de biens sociaux.

Il résulte d'ailleurs des pièces du dossier que la rémunération totale prévue au contrat (160 000 francs + 300 000 francs) a été facturée par la société V.D.F., qui a seule encaissé les paiements effectués par la société U.V.C.D.R., ce qui traduit de façon certaine la volonté commune des parties de globaliser la relation contractuelle.

Comme le tribunal la Cour estime par conséquent que la société appelante prétend à tort qu'une convention distincte aurait été conclue avec Monsieur X... personnellement.

Les demandes indemnitaires dirigées contre ce dernier ont ainsi justement été déclarées irrecevables, alors qu'il n'est pas démontré, ni même allégué, que des fautes détachables des fonctions de dirigeant de la société V.D.F. auraient été commises. 03/2257

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Quant au prétendu refus abusif de Monsieur X... de céder l'unique part

Quant au prétendu refus abusif de Monsieur X... de céder l'unique part qu'il détient dans la société "CELLIER DES DAUPHINS ASIE", il n'est pas établi ; étant observé que la preuve n'est pas faite de l'impossibilité dans laquelle la société U.V.C.D.R. serait de provoquer la dissolution anticipée de sa filiale.

Sur la durée du contrat et sur les conséquences de sa rupture :

Dans sa lettre-contrat du 26 février 1999 le représentant de la société U.V.C.D.R. s'est exprimé en ces termes relativement à la durée de la relation contractuelle :

"Notre engagement est ferme pour l'année 1999. Notre collaboration commence le 1er mars. Nous ferons le point en fin d'année et prendrons d'un commun accord les décisions appropriées."

La commune intention des parties, dépourvue de toute ambigu'té, était donc de mettre en place un accord de coopération commerciale pour une durée déterminée initiale de 10 mois expirant le 31 décembre 1999, à l'issue de laquelle les modalités de la convention devaient faire l'objet d'une renégociation.

Or il est constant que la société V.D.F. a poursuivi son activité de prospection du marché asiatique au delà du 31 décembre 1999 sur les bases définies le 26 février 1999 en l'absence de tout nouvel accord. La société appelante affirme sans en apporter la preuve que les parties seraient convenues de proroger l'accord initial de deux mois afin de disposer de douze mois complets de référence. Elle ne produit pas en effet, aux débats la lettre du 26 février 2000 qu'elle aurait adressée à la société V.D.F. pour lui annoncer sa décision de ne pas

renouveler le contrat ; étant observé que la lettre de rupture du 11 mai 2000, qui n'a été précédée d'aucune mise en garde ou mise en demeure, ne contient aucune référence à ce prétendu courrier.

Pour sa part la société V.D.F. ne peut sérieusement soutenir en se fondant sur les seules précisions d'activité à 5 ans contenues dans la lettre-contrat du 26 février 1999, que les parties s'étaient engagées dès l'origine pour une durée déterminée de cinq ans.

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Rien ne permet d'affirmer, en effet, en contradiction avec les précisions spécifiques susvisées relatives à la durée de l'accord, que les parties ne sont engagées de façon ferme et définitive pour la période de cinq années, que la société U.V.C.D.R considérait comme nécessaire à la réalisation de son objectif d'amortissement à 100 % de ses frais annuels.

C'est par conséquent pour une durée indéterminée que la relation contractuelle s'est poursuivie aux conditions antérieures à compter du 1er janvier 2000.

Il en résulte que chacune des parties pouvait y mettre fin unilatéralement.

Cette faculté de résiliation appartenant à la société U.V.C.D.R. ne pouvait toutefois être exercée brutalement au mépris des dispositions de l'article L 442-6 I 5ème du code de commerce qui, sauf inexécution

par l'autre partie de ses obligations, impose à l'auteur de la rupture un préavis d'usage tenant compte de la durée de la relation commerciale.

La lettre de résiliation du 11 mai 2000, qui comme rappelé précédemment n'a été en aucune façon annoncée, a mis fin immédiatement à l'accord de collaboration défini le 26 février 1999. Il ne peut être sérieusement soutenu que la société V.D.F. a bénéficié de fait d'un délai de préavis de trois mois, alors qu'il résulte des télécopies échangées entre les parties jusqu'au début du mois de juillet 2000 qu'elle s'est bornée, en partenaire commerciale loyale, à assurer le suivi des affaires en cours.

La preuve n'est pas plus rapportée des prétendues fautes commises par la société V.D.F. dans l'exécution de ses prestations.

Si la lettre-contrat du 26 février 1999 fait état d'objectifs d'amortissement des frais commerciaux annuels engagés par la société U.V.C.D.R., qui prévoyait de ne couvrir ses dépenses à 100 % qu'après cinq années d'activité sur le marché asiatique, elle ne stipule pas à la charge de la société V.D.F. une clause impérative de résultat tout au plus fait-elle une hypothèse de pénétration du marché avec un seuil de rentabilité à moyen terme.

Outre le fait qu'il devait exécuter une prestation de service, et non pas se comporter en agent commercial tenu de réaliser un volume de ventes déterminé, Monsieur X..., représentant la société V.D.F., a donc contracté une simple obligation de moyens. 03/2257

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Or les nombreuses pièces versées au dossier (notamment télécopies et rapports d'activité) démontrent que loin de demeurer inactif, Monsieur X... a engagé de nombreuses actions commerciales et a noué divers contacts de nature à développer de nouveaux marchés pour la société U.V.C.D.R.

Surtout, il est formellement établi que le travail de prospection accompli par la société V.D.F. était sur le point de porter ses fruits au moment où les relations commerciales ont été rompues. Le 19 mai 2000 la Compagnie MALAYSIANS AIRLINES a, en effet, accepté l'offre de marché établie par Monsieur X..., qui était de nature à apporter un chiffre d'affaires annuel supérieur, à lui seul, aux prévisions fixées au titre de la 2ème année de collaboration, et dont il n'est pas techniquement démontré qu'elle aurait été économiquement déséquilibrée ; étant observé que la société U.V.C.D.R. avait elle-même fixé à 5 ans le seuil de rentabilité.

Enfin, comme le tribunal, la Cour constate que le 11 mai 2000 la société U.V.C.D.R. a expressément reconnu que la rupture de l'accord du 26 février 1999 n'entamait pas "les bonnes relations" entre les parties, et a souhaité que fût mis au point dans les prochains jours un autre type de collaboration, ce qui permet d'affirmer que la décision de rupture n'était pas fondée sur l'inexécution par le prestataire de ses obligations contractuelles.

C'est par conséquent avec brutalité que la résiliation unilatérale de la relation commerciale a été prononcée.

Compte tenu de la durée de l'accord de collaboration et des actions commerciales engagées, la Cour estime devoir fixer à six mois la durée du préavis qui aurait dû être octroyé à la société V.D.F.,

laquelle est en droit d'exiger pour cette période la totalité de la rémunération prévue au contrat (16 000 francs + 300 000 francs) pour l'ensemble des prestations matérielles et commerciales.

Par voie de réformation partielle du jugement il sera dès lors alloué à la société V.D.F. la somme de 35 063,00 euros à titre de dommages et intérêts.

Pour les mêmes motifs la société U.V.C.D.R. sera déboutée de sa demande en remboursement des honoraires versés à la société V.D.F.

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Enfin, quoique brutale, la rupture unilatérale des relations contractuelles n'est pas abusive, alors que la non réalisation du chiffre d'affaires prévisionnel au cours des douze premiers mois de collaboration ne pouvait légitimement amener la société U.V.C.D.R. à douter de la pertinence des objectifs d'amortissement qu'elle s'était fixés. Il en résulte que n'ayant pas usé fautivement de sa faculté de résiliation unilatérale elle ne saurait être condamnée à des dommages et intérêts supplémentaires.

Sur article 700 du nouveau code de procédure civile :

La société V.D.F. a exposé de nouveaux frais en cause d'appel qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a fait application du droit Français, déclaré irrecevables les demandes formées à l'encontre de Monsieur Philippe X... personnellement, consacré le caractère brutal de la rupture des relations contractuelles, débouté la société U.V.C.D.R. de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts dirigée contre la société V.D.F. et alloué à cette dernière une indemnité de procédure,

REFORMANT pour le surplus,

ET STATUANT A NOUVEAU :

CONDAMNE la société coopérative agricole U.V.C.D.R. à payer à la société VINS DE FRANCE LIMITED la somme de 35 063,00 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales, DÉBOUTE la société VINS DE FRANCE LIMITED de sa demande en réparation pour rupture abusive des relations contractuelles,

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Y AJOUTANT :

CONDAMNE la société coopérative agricole U.V.C.D.R. à payer à la société VINS DE FRANCE LIMITED une indemnité supplémentaire de 3 000 euros en application de article 700 du nouveau code de procédure

civile,

CONDAMNE la société coopérative agricole U.V.C.D.R. aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP d'avoués POUGNAND,

PRONONCE par Monsieur URAN, Président, qui a signé avec Madame Y..., Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006945451
Date de la décision : 30/06/2004
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CONFLIT DE LOIS - Contrats - Loi applicable - Convention de Rome du 19 juin 1980 - Article 3.1 - Loi choisie par les parties - Condition - /JDF

En application de l'article 3 de la Convention de ROME du 19 Juin 1980, la localisation du rapport contractuel dépend de la volonté des parties (3-1) qui peuvent convenir à tout moment de faire régir le contrat par une loi autre que celle qui le régissait auparavant en vertu d'un choix antérieur ou d'autres dispositions de la Convention (3-2). Ainsi deux sociétés en collaboration commerciale qu'un litige oppose et qui n'ont pas désigné la loi applicable dans la lettre contrat qui les lie ni au cours de la relation contractuelle, peuvent-elles procéder à ce choix après la naissance du litige et même au cours de la procédure judiciaire;et, la société appelante ne peut contester l'application du droit français dès lors qu'elle a conclu à son application en première instance (rejoignant son adversaire sur ce point ) et ainsi manifesté expressément sa volonté


Références :

Convention de Rome du 19 juin 1980 : Articles 3-1 et 3-2

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.grenoble;arret;2004-06-30;juritext000006945451 ?
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