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26/11/2003 | FRANCE | N°300030

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 26 novembre 2003, 300030


DOSSIER N 03/00030-

ARRET N° ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2003 1ère CHAMBRE CORRECTIONNELLE SIGNIFIE le

A B1 le Finances le Ecrou le Grosse délivrée le SIGNIFIE le

A B1 le Finances le Ecrou le Grosse délivrée le COUR D'APPEL DE GRENOBLE Prononcé publiquement le MERCREDI 26 NOVEMBRE 2003, par la 1ère Chambre des Appels Correctionnels, Sur appel d'un jugement du T. CORRECT. DE BOURGOIN-JALLIEU du 7 NOVEMBRE 2002. SIGNIFIE le

A B1 le Finances le Ecrou le Grosse délivrée lePARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR : LA S.A.R.L. S.O.S. ARTISTES Demeurant 40 Mail Ouest - 453

00 PITHIVIERS Prévenu, appelant, comparant, représentée par Madame X..., Assisté d...

DOSSIER N 03/00030-

ARRET N° ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2003 1ère CHAMBRE CORRECTIONNELLE SIGNIFIE le

A B1 le Finances le Ecrou le Grosse délivrée le SIGNIFIE le

A B1 le Finances le Ecrou le Grosse délivrée le COUR D'APPEL DE GRENOBLE Prononcé publiquement le MERCREDI 26 NOVEMBRE 2003, par la 1ère Chambre des Appels Correctionnels, Sur appel d'un jugement du T. CORRECT. DE BOURGOIN-JALLIEU du 7 NOVEMBRE 2002. SIGNIFIE le

A B1 le Finances le Ecrou le Grosse délivrée lePARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR : LA S.A.R.L. S.O.S. ARTISTES Demeurant 40 Mail Ouest - 45300 PITHIVIERS Prévenu, appelant, comparant, représentée par Madame X..., Assisté de Maître FAIVRE-VERNET Laurent, avocat au barreau de PARIS Y...
Z..., né le 8 Novembre 1954 à BOULOGNE BILLANCOURT (92), fils de Y... Guy et de GOURAUD Pierrette, de nationalité française, situation familiale inconnue, cascadeur Demeurant xxxxxxxxxxxxx - 93110 ROSNY SOUS BOIS Prévenu, libre, comparant, appelant Assisté de Maître MAGNIEN Michel, avocat au barreau de PARIS LE MINISTERE PUBLIC :

Appelant, Y... Frédérique, demeurant Mas des Laure, - Pte Route des Jardins - 13210 ST REMY DE PROVENCE Partie civile, non appelante, comparante, assistée de Maître SUBERBERE François, avocat au barreau de PARIS LES APPELS : Appel a été interjeté par : Monsieur Y...
Z..., le 14 Novembre 2002 LA S.A.R.L. S.O.S. ARTISTES, le 15 Novembre 2002 M. le Procureur de la République, le 15 Novembre 2002 contre Monsieur Y...
Z..., LA S.A.R.L. S.O.S. ARTISTES DEROULEMENT DES DEBATS : A l'audience publique du 22 octobre 2003, Madame ROBIN en son rapport ;

l'avocat de la partie civile et le Ministère Public entendus, la défense ayant eu la parole en dernier Le A... a ensuite déclaré que l'arrêt serait prononcé le 26 NOVEMBRE 2003. LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement,

Par jugement en date du 7 novembre 2002, le tribunal correctionnel de BOURGOIN JALLIEU statuant : - SUR L'ACTION PUBLIQUE : a déclaré S.O.S. ARTISTES coupable d'avoir AUX AVENIERES, le 29 juillet 1997, dans le cadre du travail, par maladresse, imprudence, inattention ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements en l'espèce en faisant accomplir des cascades en hauteur à Frédérique Y..., munie d'un dispositif anti-chutes non conforme aux dispositions légales et sans dispositif de réception au sol, involontairement causé des blessures entraînant une incapacité totale de travail supérieure à 3 mois sur la personne de Frédérique Y..., faits prévus et réprimés par les articles 222-19 al.1, 222-44, 222-46 du code pénal, L.263-2-1, L.263-2 al.2, al.3 du code du travail, a déclaré Z...
Y... coupable d'avoir aux AVENIERES, le 29 juillet 1997 : 1/ dans le cadre du travail, par maladresse, imprudence, inattention ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements, en l'espèce en faisant accomplir des cascades en hauteur à Frédérique Y... munie d'un dispositif anti-chutes non conforme aux dispositions légales et sans dispositif de réception au sol, involontairement causé à Frédérique Y... une atteinte à l'intégrité de sa personne, entraînant une incapacité totale de travail personnel supérieure à 3 mois, faits prévus et réprimés par les articles 222-19 al.1, 222-44, 222-46 du code pénal, L.263-2-1, L.263-2 al.2, al.3 du code du travail, 2/ omis de respecter les règles particulières des articles R.233-151 relatives aux équipements de protection individuelle, R.233-42-2 relatives aux vérifications périodiques des

équipements de protection individuelle, R.233-1 et R.233-1-3 relatives à la mise à disposition d'équipements de protection individuelle non appropriés à l'usage qui en est fait, R.233-42 et R.233-42-1 relatives aux vérifications permettant de s'assurer du bon état d'équipements de protection individuelle en fonction de la fréquence des risques de chutes, faits prévus et réprimés par les articles R.233-151, R.233-42-2, R.233-1, R.233-1-3, R.233-42, R.233-42-1 du code du travail, a déclaré Bernard CHEVREUL coupable d'avoir aux AVENIERES, le 29 juillet 1997 par maladresse, imprudence, inattention ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements, en l'espèce la mise en place d'un dispositif anti-chutes non conforme aux règles de l'art régissant la matière (normes NF en 354-362, 363-364 et NF ISO 8793) et un positionnement inadapté des matelas de réception, involontairement causé à Frédérique Y... une atteinte à l'intégrité de sa personne, suivie d'une incapacité totale de travail personnel supérieure à 3 mois, faits prévus et réprimés par les articles 222-19 al.1, 222-44, 222-46 du code pénal, en répression, les a condamnés : * la société S.O.S. ARTISTES à la peine d'amende de 15.000 euros, * Z...
Y... à la peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis, à la peine d'amende de 1.500 euros, à 150 euros d'amende pour chacune des contraventions de non respect des règles du code du travail, * Bernard CHEVREUL à la peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 1.500 euros, - SUR L'ACTION CIVILE : a reçu Frédérique Y... en sa constitution de partie civile, a déclaré la société S.O.S ARTISTES, Z...
Y... et Bernard CHEVREUL responsables de son préjudice, les a solidairement condamnés à payer à Frédérique Y... la somme de 1.500 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

Il a été formé appel de ce jugement par Z...
Y..., par la

société S.O.S. ARTISTES et par le procureur de la République contre ces deux prévenus.

Suivant conclusions auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions : [* la société S.O.S. ARTISTES demande à la Cour de la relaxer exposant que les poursuites telles que résultant de l'ordonnance de renvoi visent un texte inexistant.

À titre subsidiaire, elle demande à la Cour de constater qu'elle avait donné délégation de pouvoir à Z...
Y... et à Bernard CHEVREUL.

En tout état de cause, elle demande à la Cour de juger qu'elle ne saurait voir mises à sa charge les amendes pouvant être prononcées à l'égard de Messieurs Y... et CHEVREUL, les conditions de fond de l'article L.263-2-1 du code du travail n'étant pas reconnues. *] Z...
Y... fait également plaider sa relaxe.

Monsieur l'Avocat Général requiert la confirmation du jugement.

Frédérique Y..., partie civile non appelante, sollicite la confirmation du jugement ainsi qu'une somme de 2.500 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

MOTIFS DE L'ARRÊT :

I - L'action publique :

1/ Les faits :

La société S.O.S. ARTISTES, entrepreneur de spectacles, a pour activité essentielle la vente de spectacles clés en main. Elle embauchait à cet effet des intermittents du spectacle au lieu et place du contractant et endossait, en conséquence, toutes les responsabilités inhérentes à un employeur.

Le 13 mars 1997, la S.A. AVENIR LAND qui exploitait le parc d'attractions WALIBI des AVENIERES passait un contrat de prestation avec la société S.O.S. ARTISTES pour la réalisation d'un spectacle de cascade, type INDIANA JONES, "Le Trésor du Pharaon", moyennant un

prix de 890.000 francs H.T.

Le 3 avril 1997, la société S.O.S. ARTISTES signait un contrat d'engagement avec l'entreprise L.C.F. Action pour un montant de 518.500 francs H.T. Aux termes de ce contrat, il était prévu que les répétitions ainsi que la mise au point du scénario se feraient en étroite collaboration entre M. Y... ou son associé et les responsables de WALIBI. Il était également précisé que le scénario devrait être respecté à la lettre et que toute innovation, modification du scénario initial ne pourrait être mise en place qu'après accord entre la direction WALIBI et Z...
Y...

Dans les jours suivants, le début du spectacle étant fixé le 19 avril 1997, jour de l'ouverture du parc pour la saison 1997, la société S.O.S. ARTISTES embauchait directement les cascadeurs sélectionnés par l'entreprise L.C.F. ACTION. Parmi ces six personnes figuraient Frédérique Y..., son père Z...
Y... ainsi que Bernard CHEVREUL. Z...
Y... et Bernard CHEVREUL étaient engagés en qualité de responsables artistiques et à ce titre devait concevoir le spectacle et les cascades.

Le 29 juillet 1997, vers 15 h 55, la cascadeuse, Frédérique Y..., qui tenait le rôle de la princesse, chutait, au cours d'une cascade, d'une hauteur de 8,80 m et s'écrasait sur le sol en béton. Elle subissait de graves traumatismes crâniens et thoraciques, la rendant paralysée du bassin et des membres inférieurs, avec perte d'autonomie totale.

Au moment de l'accident, Frédérique Y... était accrochée par la main droite à une poignée fixée au décor et par un baudrier relié par un câble à une autre poignée fixée au décor lorsque sa main a lâché la poignée et que sous son poids, le câble du baudrier a lâché.

Les expertises ont établi que l'accident était le résultat de trois facteurs : - une utilisation inappropriée d'un serre-câble sur un

câble gainé de plastique, - une réalisation d'un dispositif impossible à contrôler en raison du masquage du dispositif par du scotch opaque, - l'existence d'une zone de chute non protégée par des cartons.

Ces causes objectives de l'accident sont contestées par aucun des prévenus.

Après information, les trois prévenus ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel de BOURGOIN JALLIEU sous les préventions ci-dessus rappelées. Le tribunal les déclarait coupables des faits reprochés et entrait en voie de condamnation. Seuls la société S.O.S. ARTISTES et Z...
Y... formaient appel du jugement.

2/ Z...
Y... :

Reprenant les mêmes moyens que devant le tribunal, Z...
Y... sollicite sa relaxe exposant d'une part qu'il n'était pas titulaire d'une délégation de pouvoir de sorte que la responsabilité de l'accident incombait uniquement à son employeur d'autre part qu'il n'avait pas de mission permanente lui permettant d'avoir les pouvoirs et les moyens nécessaires pour assurer la sécurité de Frédérique Y... et enfin qu'aucune disposition particulière ni usage d'un équipement de protection individuelle ne sont applicables aux cascadeurs qui exercent une profession hors du droit commun.

Il affirme également qu'il n'a pas pris part à la mise en oeuvre du dispositif de câble qui a cédé et qui était non un dispositif anti-chutes mais un dispositif anti-débattement. Enfin il estime que l'on peut s'interroger sur la responsabilité de la société exploitant le parc WALIBI, chargé de l'entretien des lieux, suite à la disparition des cartons de sécurité.

À titre préliminaire, il y a lieu de rappeler que si la profession de cascadeur est une profession particulière qui implique des prises de risques, il n'en demeure pas moins que, en défaut d'un texte

particulier d'exclusion, cette profession est soumise aux règles édictées par le code du travail au même titre que l'ensemble des professions.

- Sur la délégation de pouvoirs :

Si le chef d'entreprise, tenu de veiller personnellement à la stricte et constante exécution des dispositions édictées pour assurer la sécurité des travailleurs, est, en règle générale, responsable pénalement des infractions constatées, il peut être exonéré de cette responsabilité que si preuve est rapportée qu'il a délégué ses pouvoirs à un préposé investi par lui et pourvu de la compétence de l'autorité et des moyens nécessaires pour veiller efficacement à l'observation des dispositions en vigueur. Suivant une jurisprudence constante cette délégation doit, pour être exonératoire, certaine et exempte d'ambigu'té.

En l'espèce, il est établi que Martine X..., gérante de la SARL S.O.S. ARTISTES n'avait aucune compétence technique en matière de sécurité pour la mise au point des cascades.

Il résulte du contrat d'engagement conclu le 3 avril 1997 entre la société S.O.S. ARTISTES et l'entreprise L.C.F. ACTION que Z...
Y... était présenté comme le responsable in situ de la société S.O.S. ARTISTES.

Il est établi que Z...
Y..., cascadeur d'expérience, avait la compétence nécessaire non seulement pour concevoir les cascades mais également pour veiller à la sécurité des cascadeurs travaillant dans le spectacle. Il est d'ailleurs établi et non contesté que c'est en raison de sa notoriété et du sérieux de l'entreprise L.C.F. ACTION que Madame X... avait eu recours à ses services pour assurer la prestation "Le Trésor du Pharaon" que sa société vendait à la société gérant le parc WALIBI des AVENIERES.

Il est constant que ce spectacle nécessitait outre la mise en place

d'un cadre juridique, la mise en scène du spectacle, la mise en oeuvre de l'infrastructure et la mise en place des numéros de cascades proprement dits.

Il résulte des déclarations faites par Z...
Y... au magistrat instructeur (D.97) qu'il avait certes avec son "acolyte" Bernard CHEVREUL adapté le scénario imposé par le parc WALIBI, mis au point le spectacle, reprenant et adaptant le spectacle initialement mis au point par les américains, réglant l'ensemble des cascades. Il était par ailleurs l'unique interlocuteur de la direction de WALIBI concernant une éventuelle modification du scénario.

S'il est établi que Z...
Y... était désigné par son employeur comme le principal responsable, Bernard CHEVREUL devant être considéré comme son second, et s'il est établi qu'il avait la compétence pour élaborer les cascades et en assurer la sécurité, il est également établi qu'il disposait de l'autorité nécessaire sur les cascadeurs.

En effet, il ressort des déclarations qu'il a faites aux enquêteurs peu après l'accident, qu'il était l'un des chefs cascadeurs de la société L.C.F. ACTION.

Devant le magistrat instructeur (D.97), il reconnaissait qu'il avait un pouvoir de direction sur les cascadeurs, qu'il avait lui-même sélectionné et "imposé" à la société S.O.S. ARTISTES. Il admettait avoir un véritable pouvoir hiérarchique sur la troupe de cascadeurs embauchés pour le spectacle.

Enfin, ainsi que le relève le premier juge, il disposait d'un budget de 24.000 euros H.T. pour le matériel L.C.F., comprenant le matériel de sécurité nécessaire à la mise au point du spectacle.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, même en l'absence d'un écrit, il y a lieu de constater que Martine X..., gérante de la S.A.R.L. S.O.S. ARTISTES qui n'avait aucune compétence technique en matière de

sécurité pour la mise au point des cascades, avait délégué ses pouvoirs à Z...
Y..., cascadeur de renom, qui disposait de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires pour assurer la maîtrise du spectacle et la mise au point des cascades.

- Sur la prévention :

Il est reproché à Z...
Y... d'une part les blessures involontaires subies, dans le cadre du travail par Frédérique Y..., et d'autre part, des infractions au code du travail relatives aux équipements de protection individuelle.

Sur les blessures involontaires, il est établi que la chute de près de 9 mètres est imputable au fait que le câble gainé de plastique a progressivement glissé du serre-câble dans lequel il était serti jusqu'à s'en déloger totalement.

Il est établi que cette cascade dans laquelle la cascadeuse se trouve dans le vide, suspendue au décor en se retenant à deux poignées rivées dans le plancher de la plate-forme, avait été élaborée par Z...
Y... aidé de Bernard CHEVREUL, dans le but de rendre cette cascade encore plus spectaculaire que celle figurant au scénario américain.

Qu'outre les dispositifs de sécurité mis en place pour le spectacle (tapis sur le sol, carton sur le devant et les côtés, corde-liane et les deux poignets) avaient été rajoutés pour cette scène une longe de 80 cm environ attachée par un mousqueton à un baudrier, fixée au plancher de la plate-forme.

Z...
Y... ne peut sérieusement alléguer que ce système ne constituait pas un dispositif anti-chute mais un système anti-débattement. Dans son audition devant le magistrat instructeur, il reconnaissait que ce câble avait pour finalité d'empêcher la chute, de permettre, si la cascadeuse lâchait les poignées, à celle-ci de remonter très vite et d'empêcher le temps de latence

inhérent à une chute.

Or, il ressort des déclarations de Bernard CHEVREUL, qui a également participé à la mise en place de ce système, baudrier-longe, qu'il s'agissait bien d'un équipement de sécurité, Il indiquait notamment aux enquêteurs (DIG) que "ce câble faisait partie avec le baudrier de la cascadeuse, de matériel de sécurité", précisant un peu plus loin :

"C'est à dire que vu le mouvement de la cascade qu'elle devait effectuer, se tenir d'un seul bras puis s'ouvrir vers l'extérieur, nous avons préféré rajouter le baudrier et le câble de sécurité".

Cependant, si la mise en place de ce dispositif était indispensable au regard de la cascade, encore fallait-il que ce dispositif de sécurité fut efficace. Or, il ressort d'une part du rapport établi par la SOCOTEL (D.19) qui a vérifié le système à la demande de l'Inspection du Travail que cet équipement était totalement inadapté à l'usage qui en était fait (attaches inadéquates conjuguées à une résistance insuffisante) et d'autre part des conclusions de l'expert désigné par le magistrat instructeur que le montage du serre-câble n'était pas conforme aux règles de l'art concernant les dispositifs anti-chutes.

Par ailleurs, il convient de relever que, entendu par le Premier Juge en qualité de témoin cité par Z...
Y..., Daniel VERITE, cascadeur, déclarait que pour cette cascade, il aurait utilisé un baudrier de montagne NF et non un baudrier de spéléologue.

De plus, il ressort des constatations faites par les enquêteurs que si au sol étaient installés 3 tapis de réception, il n'existait aucune protection entre la façade de la scène et les tapis (70 cm d'espace) espace où est tombée la victime.

Il s'avérait que les cartons placés à cet endroit à la demande de Z...
Y... et de Bernard CHEVREUL, avaient été enlevés pour permettre aux membres de l'équipe ainsi qu'aux techniciens du parc

WALIBI de circuler aisément sans être vus du public.

Z...
Y... qui se rendait périodiquement sur le site, étant d'ailleurs présent le jour de l'accident, n'a pas jugé utile d'exiger la protection de cet interstice.

Dès lors, Z...
Y..., délégataire des pouvoirs de sécurité, en laissant s'accomplir la cascade sans que la cascadeuse soit munie d'un dispositif de sécurité adapté et sans que la sécurité au sol soit totale, a commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer au regard de la hauteur entre la plate-forme et le sol.

C'est donc à bon droit que le premier juge l'a déclaré coupable de l'infraction de blessures involontaires.

Il est également reproché à Z...
Y..., es qualité de délégataire de pouvoirs, les infractions au code du travail relatives aux équipements de protection individuelle, aux vérifications périodiques de ces protections, à la mise à disposition de protections individuelles inadaptées ainsi qu'aux vérifications permettant de s'assurer du bon état des équipements de protection individuelle.

Ces infractions sont établies par les constatations faites par l'Inspecteur du Travail ainsi que par le rapport de vérification établi par la SOCOTEL.

Z...
Y... affirme que ces infractions ne peuvent pas s'appliquer à la profession de cascadeur.

Or, ainsi qu'il l'a été dit précédemment, en l'absence de texte particulier d'exclusion, l'activité de cascadeur est soumise, au même titre que l'ensemble des professions, aux règles édictées par le code du travail en ce qui concerne la sécurité et notamment les protections individuelles.

En l'espèce, il ne peut être sérieusement contesté que la protection individuelle dont était munie la cascadeuse remplissant le rôle de la princesse, était insuffisante et non adaptée pour la cascade réalisée (baudrier de spéléologie non prévu pour supporter des chocs répétitifs correspondant aux chutes programmées lors du spectacle, longe de sécurité constituée par un câble gainé nylon d'une résistance insuffisante, attaches réalisées inadéquates). L'absence de vérification du matériel par un organisme agréé est avérée.

C'est donc à bon droit que le premier juge a retenu Z...
Y... dans les liens de la prévention. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

En condamnant Z...
Y... à la peine de 4 mois d'emprisonnement avec sursis et à 1.500 euros d'amende pour le délit et à quatre amendes de 150 euros chacune, le premier juge a fait une exacte application de la loi pénale. Le jugement sera confirmé sur ce point.

3/ La société S.O.S. ARTISTES :

a) la forme :

La société S.O.S. ARTISTES soulève qu'elle est renvoyée devant la juridiction pénale d'une part sur le fondement principal de l'article 229-19 al.1, texte inexistant, et d'autre part sur le fondement de l'article 222-19 al.1 qui ne lui est pas applicable en sa qualité de personne morale et enfin que les articles 222-44 et 222-46 al.1 visés au titre de la répression étaient également inapplicables aux personnes morales.

En premier lieu, il apparaît ainsi que le reconnaît la société S.O.S. ARTISTES que la mention sur l'ordonnance de renvoi de l'article 222-19 al.1 du code pénal résulte d'une erreur matérielle, corrigée d'ailleurs sur le mandement de citation établi par le Parquet puis par le jugement. Cette erreur ne peut avoir aucune incidence sur la

régularité des poursuites. En effet, elle n'a pas porté atteinte aux intérêts de la défense, la société S.O.S. ARTISTES, mise en examen du chef de blessures involontaires, ne pouvait avoir de doute sur les faits reprochés et les textes les prévoyant et les réprimant.

En second lieu, il est constant que l'article 222-19 du code pénal vise de manière générale le délit de blessures involontaires, l'article 222-21 du code pénal disposant que les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement des infractions prévues à l'article 222-19 du code pénal. Il est indéniable que mention de l'article 222-21 du code pénal a été omise dans l'ordonnance de renvoi.

Aux termes d'une jurisprudence constante, cette irrégularité ne peut entraîner la nullité que lorsqu'elle a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la personne physique ou morale qu'elle concerne.

En l'espèce, il est indéniable que l'ordonnance de renvoi était suffisamment claire pour que la société S.O.S. ARTISTES n'ait pas de doute sur l'infraction qui lui était reprochée et la mettait en mesure de préparer ses moyens de défense.

D'ailleurs, le mémoire adressé au juge d'instruction le 4 janvier 2001 (l'ordonnance de renvoi étant du 2 juillet 2001) ne peut laisser aucun doute sur l'objet et la portée de la prévention.

Ce moyen de nullité invoqué par la prévenue est donc inopérant.

De même sont inopérants les deux autres moyens allégués par la société S.O.S. ARTISTES dans la mesure où la surabondance de textes cités par l'ordonnance de renvoi ne lui portait pas grief.

Dans ces conditions, les nullités de forme invoquées par la société S.O.S. ARTISTES seront rejetées. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

b) la prévention :

Pour solliciter sa relaxe, la société S.O.S. ARTISTES allègue qu'elle a délégué ses pouvoirs de sécurité aux deux responsables de l'entreprise L.C.F. ACTION, Z...
Y... et Bernard CHEVREUL exposant qu'ils disposaient seuls de la compétence nécessaire, notamment dans la conception des cascades, et avaient entièrement la maîtrise du spectacle.

Toutefois, il convient de relever que la société S.O.S. ARTISTES opère une confusion entre personne morale et personne physique. En effet, si le dirigeant de l'entreprise, personne physique, peut déléguer à des salariés de l'entreprise tout ou partie des pouvoirs de direction qu'il détient de par ses fonctions, la société en elle-même, personne morale, ne peut s'exonérer de sa responsabilité en invoquant une délégation de pouvoir ou de compétence consentie à l'un de ses salariés.

En effet, aux termes de l'article 121-2 du code pénal, la personne morale n'est responsable que des infractions commises pour son compte par ses organes ou représentants.

En l'espèce, il est reproché à la société S.O.S. ARTISTES d'avoir manqué à son obligation de sécurité en faisant accomplir des cascades en hauteur à une de ses salariées, munie d'un dispositif anti-chute non conforme aux dispositions légales et sans dispositif de réception au sol.

Ainsi qu'il a été dit précédemment, les blessures involontaires subies par Frédérique Y... trouvent directement leur cause dans les manquements aux règles légales sur la sécurité et la protection individuelle des salariés travaillant en hauteur, manquements dont Z...
Y... a été déclaré coupable.

Dès lors, ces infractions ayant été commises pour le compte de la

société S.O.S. ARTISTES par Z...
Y... qui avait reçu de Martine X..., gérante de la société, délégation de ses pouvoirs de direction et de sécurité, c'est à bon droit que le premier juge a considéré que la S.A.R.L. S.O.S. ARTISTES, personne morale, employeur de Frédérique Y..., avait commis le délit de blessures involontaires en s'abstenant d'accomplir les diligences normales de vérification de mise en place d'un dispositif de protection adapté pour prévenir la chute lors des cascades accomplies pour le spectacle.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

En condamnant la société S.O.S. ARTISTES à la peine de 15.000 euros d'amende, le premier juge a fait une exacte application de la loi pénale. Le jugement sera également confirmé sur ce point.

c) l'application de l'article L.263-2 du code du travail :

L'article L.263-2 du code du travail donne à la juridiction pénale la possibilité de mettre à la charge de l'employeur les pénalités infligées aux salariés qui se sont rendus coupables notamment du délit de blessures involontaires.

Lorsqu'une des infractions énumérées à l'article L.263-2 al.1 du code du travail qui a provoqué notamment des blessures involontaires supérieures à trois mois a été commise par un préposé, l'article L.263-2-1 du code du travail donne à la juridiction pénale la possibilité de mettre à la charge de l'employeur en tout ou partie, le paiement des amendes prononcées.

Compte tenu des circonstances de fait, la cascade ayant été entièrement conçue par Z...
Y... et Bernard CHEVREUL, qui avaient l'un et l'autre la compétence nécessaire en tant que cascadeurs professionnels, notamment pour appliquer les mesures de sécurité adaptées et qui, notamment en raison de leur compétence, montrés particulièrement négligents, notamment en ce qui concerne

Z...
Y... en laissant libre de protection l'interstice où est tombée la cascadeuse, il n'y a pas lieu à mettre à la charge de la société S.O.S. ARTISTES le paiement des amendes.

Le jugement sera complété en ce sens.

II - L'action civile :

S'agissant d'un accident du travail, les dispositions civiles du jugement seront intégralement confirmées, y compris celle relative à l'application de l'article 475-1 du code de procédure pénale, Frédérique Y... étant fondée à se constituer partie civile.

PAR CES MOTIFS :

Recevant les appels comme réguliers en la forme,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions tant pénales que civiles,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article L.263-2-1 du code du travail ;

Constate que le présent arrêt est assujetti au droit fixe de 120 ä pour chaque prévenu résultant de l'article 1018 A du code général des impôts, et dit que la contrainte par corps s'exercera conformément aux dispositions des articles 749 à 751 du code de procédure pénale, Le tout par application des dispositions des articles susvisés,

COMPOSITION DE LA COUR : A...

:

Madame ROBIN, Conseiller, désigné à cette fonction par ordonnance de Monsieur le Premier A... en date du 7 décembre 2001 Conseillers

:

:

Monsieur B..., Substitut Général. Greffier

:

Monsieur LABUDA. Le A... et les deux assesseurs précités ont participé à l'intégralité des débats sur le fond et au délibéré. Conformément à l'article 485 dernier alinéa du code de procédure pénale, l'arrêt a été lu par Madame ROBIN, en présence du Ministère Public. LE GREFFIER, LE A...,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Numéro d'arrêt : 300030
Date de la décision : 26/11/2003
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2003-11-26;300030 ?
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