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16/05/2002 | FRANCE | N°99/03235

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 16 mai 2002, 99/03235


RG N° 99/03235 N° Minute : Grosse délivrée le : S.C.P. CALAS S.C.P. GRIMAUD Me RAMILLON S.C.P. POUGNAND S.E.LA.R.L. DAUPHIN etamp; NEYRET AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE GRENOBLE CHAMBRE COMMERCIALE ARRÊT DU JEUDI 16 MAI 2002 Appel d'une décision (N° RG 98J00890 - troisième chambre) rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE en date du 11 juin 1999 suivant déclaration d'appel du 15 Juillet 1999 APPELANTE : SA LLOYD CONTINENTAL prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège 1 Ter rue du Maréchal de Lattre de Tassi

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RG N° 99/03235 N° Minute : Grosse délivrée le : S.C.P. CALAS S.C.P. GRIMAUD Me RAMILLON S.C.P. POUGNAND S.E.LA.R.L. DAUPHIN etamp; NEYRET AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE GRENOBLE CHAMBRE COMMERCIALE ARRÊT DU JEUDI 16 MAI 2002 Appel d'une décision (N° RG 98J00890 - troisième chambre) rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE en date du 11 juin 1999 suivant déclaration d'appel du 15 Juillet 1999 APPELANTE : SA LLOYD CONTINENTAL prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège 1 Ter rue du Maréchal de Lattre de Tassigny 59671 ROUBAIX CEDEX 1 représentée par la SCP HERVE JEAN POUGNAND, avoués à la Cour assistée de Me Pierre Jean CHAPUIS, avocat au barreau de GRENOBLE INTIMÉE : S.A. PORTALP INTERNATIONAL poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège 30 rue du Commandant LENOIR 38600 FONTAINE représentée par la SCP CALAS, avoués à la Cour assistée de Me DELAFON substitué par Me FAVET, avocat au barreau de GRENOBLE COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Allain URAN, Président de chambre, Madame Christiane BEROUJON, Conseiller, Monsieur Jean-Louis BERNAUD, Conseiller, Assistés lors des débats de Madame Eliane X..., Greffier. DÉBATS : A l'audience publique du 21 Mars 2002, Les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries, Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour,

Le 18 novembre 1991 Monsieur Joseph Y..., âgé de 81 ans, qui s'apprêtait à pénétrer dans le supermarché UNICO de Colombe, a fait une chute, lui ayant causé de graves blessures, provoqué par les portes coulissantes du magasin qui se sont refermées sur lui.

Par jugement du 12 octobre 1994 le Tribunal de Grande Instance de Bourgoin-Jallieu, devant lequel la société PORTALP INTERNATIONAL, ayant fourni et installé la porte coulissante incriminée, a été appelée en garantie par la société DISCOLOMBE SUPER U, a fixé à la somme de 485.241,90 F le préjudice global subi par Monsieur Y... après avoir déclaré la société DISCOLOMBE responsable de l'accident, et a ordonné une expertise technique, relativement au fonctionnement du système d'ouverture automatique de la porte, avant dire droit sur l'appel en garantie.

Après dépôt du rapport d'expertise la Compagnie d'assurances LLOYD CONTINENTAL, subrogée dans les droits de son assurée, la société DISCOLOMBE SUPER U, a fait assigner la société PORTALP INTERNATIONAL en paiement de la somme principale de 632.046,32 F sur le fondement de la violation par le fournisseur de son obligation contractuelle de sécurité.

Par jugement du 11 juin 1999 le Tribunal de Commerce de Grenoble a débouté la Compagnie LLOYD CONTINENTAL de toutes ses demandes et l'a condamnée au paiement d'une indemnité de 6.000 F pour frais irrépétibles.

Appelante selon déclaration reçue le 15 juillet 1999 la Compagnie LLOYD CONTINENTAL, par conclusions signifiées et déposées le 02 novembre 1999, sollicite la condamnation de la société PORTALP INTERNATIONAL à lui payer la somme de 619.964,74 outre intérêts à compter de l'assignation et indemnité de 20.000 F sur le fondement de

l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Elle soutient en substance :

- que son action récursoire est fondée sur le manquement du vendeur à son obligation contractuelle de sécurité, ce qui implique qu'elle n'est pas soumise au bref délai de l'article 1648 du Code civil,

- que dans les deux hypothèses retenues par l'expert (défaut de réglage ou immobilisation de la victime plus de six secondes en dehors du faisceau de la cellule) le fonctionnement de la porte automatique s'est révélé dangereux pour une personne à mobilité très réduite (âgée et handicapée),

- que si la loi de transposition du 19 mai 1998 n'est pas applicable aux faits litigieux, la directive européenne du 24 juillet 1985, relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, qui a instauré une obligation de résultat à la charge du fabricant, doit fonder la condamnation.

Par conclusions signifiées et déposées le 05 mai 2000 la SA PORTALP INTERNATIONAL sollicite la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de la compagnie appelante à lui payer une indemnité de 20.000 F en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile aux motifs essentiels :

- que l'obligation pour tout vendeur professionnel de livrer des produits exempts de tout vice ou de tout défaut de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens est une obligation de moyens, supposant la preuve rapportée d'une faute,

- que l'expertise a démontré en l'espèce que la porte coulissante fabriquée et installée par elle n'était affectée d'aucun vice,

- que la porte n'a pas été conçue pour le stationnement des usagers dans la zone de fermeture,

- que son contrat de maintenance a été correctement exécuté, ce qui permet d'exclure tout mauvais réglage,

- que la loi du 19 mai 1998 n'est pas rétroactive, tandis que la directive CEE du 24 juillet 1985 ne peut trouver application en l'espèce à défaut de toute défectuosité dans la conception ou le fonctionnement de la porte.

MOTIFS DE L'ARRÊT :

Le fabricant, comme le vendeur professionnel, est tenu de livrer un produit exempt de tout défaut de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens, c'est-à-dire un produit qui offre la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.

Il s'agit d'une obligation contractuelle de sécurité à l'égard de l'acquéreur, ne se confondant pas avec la garantie des vices cachés des articles 1641 et suivants du Code civil, qui n'implique pas la preuve rapportée d'une faute du fabricant ou du vendeur, mais qui n'emporte pas garantie de plein droit de tous les dommages résultant de l'usage de la chose livrée.

Il faut et il suffit en effet que soit caractérisé le défaut du produit rendant la chose dangereuse.

Dès lors, en l'espèce, sans qu'il soit fait application de la responsabilité spécifique du fait des produits défectueux instituée

par la loi de transposition du 19 mai 1998 qui n'est applicable qu'aux produits dont la mise en circulation est postérieure à son entrée en vigueur, la compagnie LLOYD CONTINENTAL doit démontrer que la porte à ouverture automatique du magasin UNICO à COLOMBE était affectée d'un défaut de conception ou de fonctionnement la rendant dangereuse pour une personne à mobilité réduite.

L'expert judiciaire DELABORDE a constaté que la porte coulissante à deux vantaux du magasin était équipée de deux radars hyperfréquences de part et d'autre, détectant les mouvements, permettant l'ouverture et empêchant la fermeture, ainsi que d'une cellule photoélectrique de sécurité fixée à 15 mm de la porte et empêchant sa fermeture en cas de coupure du faisceau.

Ses investigations ont permis d'établir qu'il existait, en dehors des lobes de détection des radars, une zone de 60 cm à l'intérieur de laquelle il n'y a pas de détection de présence, cette zone étant protégée normalement par la cellule.

L'expert a toutefois montré qu'un homme pouvait se déplacer très faiblement dans cette zone sans couper le faisceau de la cellule, ce qui provoquait la fermeture de la porte après la période de temporisation.

Il a expliqué que cette zone de non détection était une nécessité technique afin d'éviter que les radars ne détectent les mouvements des portes, qui ne pourraient ainsi jamais se refermer, et a estimé qu'il n'existait donc aucun dysfonctionnement dangereux.

Analysant précisément les circonstances de l'accident l'expert a mis en évidence qu'une personne pouvait être touchée par la porte lorsqu'une partie de son corps se trouvait dans le plan de fermeture en dehors de toute détection.

Il a néanmoins considéré que, compte tenu de la très faible vitesse de déplacement nécessaire pour éviter tout choc avec la porte, les

temps d'ouverture et de fermeture, observés lors des opérations d'expertise, étaient suffisants pour permettre à une personne à mobilité réduite de passer sans encombre.

Pour expliquer l'accident il a enfin émis la double hypothèse soit que les réglages de la porte étaient très différents de ceux observés par lui, soit que la victime avait stationné plus de six secondes en dehors du faisceau de la cellule.

En l'absence de tout élément de preuve laissant supposer que les réglages auraient été différents au jour de l'accident, il ne peut être présumé que la chute de la victime est consécutive à un fonctionnement défectueux de la porte coulissante à l'époque des faits ; la circonstance que la société DISCOLOMBE ait pu elle-même avoir accès aux réglages étant insuffisante.

Les investigations techniques très précises effectuées par l'expert démontrent cependant de façon indiscutable que la porte peut se refermer sur une personne qui demeure immobile plus de six secondes dans la zone de non détection des radars.

Or il est constant que c'est bien la fermeture de la porte coulissante qui a provoqué la chute de Monsieur Y..., ainsi qu'il résulte du jugement du Tribunal de Grande Instance de Bourgoin-Jallieu en date du 12 octobre 1994 qui fait état du témoignage de Madame Josianne Z..., employée du magasin, laquelle parle de "fermeture intempestive des portes automatiques".

Nonobstant les conclusions techniques de l'expert, qui conservent toute leur valeur dans l'optique d'une utilisation dynamique de la porte coulissante du magasin, force est par conséquent de constater que le système de fermeture automatique de la porte n'offre pas la sécurité attendue dans l'hypothèse, nullement improbable, d'une personne effectuant une station de quelques secondes dans la zone de non détection.

Quant aux commentaires de l'expert relatifs aux très faibles forces qui s'exercent en phase de fermeture ils sont inopérants dès lors que l'impact a suffi à déséquilibrer la victime qui se déplaçait appuyée sur des cannes.

La preuve est dès lors rapportée d'une défaillance dans le système de fermeture automatique, rendant la porte coulissante du magasin dangereuse pour une personne âgée à mobilité réduite ayant, sans faute, marqué un temps d'arrêt avant de poursuivre sa progression à l'intérieur du magasin.

Ce défaut engage donc la responsabilité du fournisseur installateur qui a manqué à son obligation contractuelle de sécurité.

Par voie de réformation du jugement déféré la SA PORTALP INTERNATIONAL sera par conséquent condamnée à payer à la Compagnie LLOYD CONTINENTAL, subrogée dans les droits de son assurée, la SA DISCOLOMBE, la somme de 94.513,02 Euros, non contestée dans son quantum, payée à la victime et à la CPAM.

Enfin l'appelante a exposé des frais irrépétibles tant en première instance qu'en appel qu'il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.

PAR CES MOTIFS LA COUR : Statuant publiquement et par arrêt

contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

REFORME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

STATUANT à nouveau,

DIT et JUGE que le manquement de la SA PORTALP INTERNATIONAL à son obligation contractuelle de sécurité est à l'origine de l'accident dont a été victime Monsieur Y... le 18 novembre 1991,

CONDAMNE la SA PORTALP INTERNATIONAL à payer à la Compagnie d'assurances LLOYD CONTINENTAL la somme de 94.513,02 Euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance, outre une indemnité de 1.500 Euros en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile,

CONDAMNE la SA PORTALP INTERNATIONAL aux entiers dépens de première instance et d'appel. PRONONCE publiquement par Monsieur BERNAUD, Conseiller, et signé par Monsieur URAN, Président, et Madame X..., Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 99/03235
Date de la décision : 16/05/2002
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - Obligation de sécurité - Fabricant - Produit susceptible de créer un danger pour les personnes ou les biens - /

Le fabricant, comme le vendeur professionnel, est tenu de livrer un produit exempt de tout défaut de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens, c'est-à-dire un produit qui offre la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre. Il s'agit d'une obligation contractuelle de sécurité à l'égard de l'acquéreur, ne se confondant pas avec la garantie des vices cachés des articles 1641 et suivants du Code civil, qui n'implique pas la preuve rapportée d'une faute du fabricant ou du vendeur, mais qui n'emporte pas garantie de plein droit de tous les dommages résultant de l'usage de la chose livrée. Il faut et il suffit en effet que soit caractérisé le défaut du produit rendant la chose dangereuse


Références :

Code civil, articles 1641 et suivants

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.grenoble;arret;2002-05-16;99.03235 ?
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