La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/05/2002 | FRANCE | N°00/03271

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 16 mai 2002, 00/03271


RG N° 00/03271 N° Minute : Grosse délivrée le : S.C.P. CALAS S.C.P. GRIMAUD Me RAMILLON S.C.P. POUGNAND S.E.LA.R.L. DAUPHIN etamp; NEYRET AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE GRENOBLE CHAMBRE COMMERCIALE ARRÊT DU JEUDI 16 MAI 2002 Appel d'une décision (N° RG 99J00498 - troisième chambre) rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE en date du 03 juillet 2000 suivant déclaration d'appel du 20 Juillet 2000 APPELANTE : SARL ALPES COURSES poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège51 Rue Thiers 38000 GRENOBLE représe

ntée par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour assistée de Me RAMBA...

RG N° 00/03271 N° Minute : Grosse délivrée le : S.C.P. CALAS S.C.P. GRIMAUD Me RAMILLON S.C.P. POUGNAND S.E.LA.R.L. DAUPHIN etamp; NEYRET AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE GRENOBLE CHAMBRE COMMERCIALE ARRÊT DU JEUDI 16 MAI 2002 Appel d'une décision (N° RG 99J00498 - troisième chambre) rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE en date du 03 juillet 2000 suivant déclaration d'appel du 20 Juillet 2000 APPELANTE : SARL ALPES COURSES poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège51 Rue Thiers 38000 GRENOBLE représentée par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour assistée de Me RAMBAUD, avocat au barreau de LYON INTIMÉE : S.A. MICHEL FERRIER ENGINEERING dont le siège social est SOCIÉTÉ DE MAINTENANCE TECHNOLOGIQUE (SMT), prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège 1 place du Verseau 38130 ECHIROLLES représentée par la SCP CALAS, avoués à la Cour assistée de Me Michel BENICHOU, avocat au barreau de GRENOBLE COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Allain URAN, Président de chambre, Madame Christiane BEROUJON, Conseiller, Monsieur Jean-Louis BERNAUD, Conseiller, Assistés lors des débats de Madame Eliane X..., Greffier. DÉBATS : A l'audience publique du 28 Mars 2002, Les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries, Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour,

La société Michel FERRIER ENGINEERING (MFE) a confié le 23 décembre 1998 à la société ALPES COURSES un pli contenant dépôt de sa candidature à l'appel d'offre restreint organisé par la société d'Aménagement de la Savoie en vue de la construction d'un bâtiment à usage industriel.

Le délai de dépôt des candidatures expirant le 24 décembre 1998 à 16 heures, il a été stipulé au bon de commande que le pli devait être remis avant le 24 décembre 1998 à 12 heures.

Intervenant en qualité de commissionnaire de transport la société ALPES COURSES s'est substituée la société CHRONOPOST en qualité de voiturier.

Le pli n'est toutefois pas parvenu en temps utile à son destinataire et la société MFE a été écartée du marché sans examen de sa candidature.

Prétendant avoir subi un préjudice du fait de cette éviction la société MFE a fait assigner la SARL ALPES COURSES en paiement de la somme de 2.380.000 F à titre de dommages-intérêts.

Par jugement du 03 juillet 2000 le Tribunal de Commerce de Grenoble, faisant partiellement droit à cette demande, a condamné la société ALPES COURSES à payer à la société MFE la somme de 500.000 F à titre de dommages-intérêts outre une indemnité de 3.000 F pour frais irrépétibles.

Appelante, selon déclaration reçue le 20 juillet 2000, la SARL ALPES COURSES, par deuxièmes conclusions signifiées et déposées le 25 septembre 2001, s'oppose aux demandes formées par la société MFE, offrant de payer à cette dernière le prix du transport, soit la somme de 120 F.

Elle prétend obtenir en outre une indemnité de 5.000 F en application

de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Elle soutient en substance :

- qu'en sa qualité de commissionnaire de transport elle n'a commis aucune faute personnelle en confiant l'acheminement du pli à la société CHRONOPOST, connue pour son sérieux, et dont le service était adapté à la mission compte tenu du délai de livraison,

- qu'elle n'a pas manqué à son obligation de conseil alors que la société MFE ne l'a pas clairement renseignée sur la nature de la mission confiée, le bon de commande ne faisant état ni d'un appel d'offre, ni d'un délai impératif de livraison, et n'exigeant pas la remise d'un récépissé signé,

- qu'au contraire c'est la société MFE qui est fautive pour n'avoir pas sollicité, comme elle l'avait fait un mois plus tôt, le service spécifique qui est offert pour la remise des candidatures à un appel d'offre,

- que cette négligence exonère le transporteur de toute responsabilité,

- qu'en toute hypothèse le contrat était soumis aux dispositions du contrat type "Messagerie" tel que résultant de la loi d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982,

- qu'en vertu de ce contrat-type, dont les clauses sont applicables de plein droit, le dépassement du délai d'acheminement, du fait du transporteur, ne peut donner lieu qu'à une indemnité n'excédant pas le prix du transport, soit en l'espèce 120 F,

- que pour écarter cette limitation légale de responsabilité la société MFE doit prouver la faute lourde du transporteur,

- que toutefois en l'espèce le retard de livraison dû à des mauvaises conditions atmosphériques (neige) est exclusif de la faute lourde,

- que le seul préjudice direct subi par la société MFE est constitué par le coût du dossier de candidature (52.000 F),

- qu'il n'est apporté aucun élément de preuve relatif à la perte de chance alléguée qui ne pourrait en toute hypothèse être constituée que par une perte de marge.

Par conclusions signifiées et déposées le 09 mars 2001 la société MFE devenue SMT, qui sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a consacré la responsabilité de la société ALPES COURSES, demande par voie d'appel incident que cette dernière soit condamnée à lui payer la somme de 2.380.000 F HT à titre de dommages-intérêts, outre une indemnité de 20.000 F pour frais irrépétibles, aux motifs essentiels :

- que tenue à une obligation de résultat, en sa qualité de commissionnaire de transport, la société ALPES COURSES est présumée responsable de son fait personnel et de celui de son substitué,

- que travaillant habituellement pour son compte la société ALPES COURSES ne pouvait ignorer la nature des documents remis ave la mention expresse "remise de candidature", et devait donc lui conseiller un service plus sûr que le régional express nuit de CHRONOPOST,

- que le non respect du délai impératif de livraison engage également la responsabilité du commissionnaire,

- que le fait de ne pas l'avoir informée du non respect de l'heure de livraison constitue également une faute à la charge du commissionnaire,

- que les conditions générales de vente, qui exonèrent la société ALPES COURSES de toute responsabilité, ne lui sont pas opposables dès lors qu'elle n'en a pas eu connaissance au moment de la conclusion du contrat,

- que les faibles chutes de neige du 24 décembre 1998 ne constituent nullement un cas de force majeure exonératoire,

- qu'il appartenait à la société ALPES COURSES d'attirer son

attention sur la limitation légale de responsabilité résultant du contrat type messagerie, qui doit en toute hypothèse être écartée en raison de la faute lourde commise par le commissionnaire alors que les conditions atmosphériques ne peuvent en aucun cas justifier le retard de livraison,

- que la faute personnelle du commissionnaire a également pour effet d'écarter la limitation légale de responsabilité résultant du contrat type messagerie,

- qu'ayant perdu une chance de se voir attribuer un marché très important, portant sur des travaux estimés à 20.000.000 F, elle a été privée de 2.328.000 F d'honoraires outre frais de constitution du dossier de candidature,

- que ses chances de succès étaient très sérieuses alors qu'elle n'était en concurrence qu'avec trois autres entreprises et que l'opération relevait de ses compétences habituelles.

MOTIFS DE L'ARRÊT :

Chargée sous sa responsabilité, par les voies et moyens de son choix, de remettre au destinataire le dossier de candidature de la société MFE, la société ALPES COURSES, qui ne le conteste pas, est intervenue en qualité de commissionnaire de transport.

Garant de l'arrivée des marchandises et effets dans le délai déterminé par la lettre de voiture, conformément à la règle posée par l'article L 132-4 du Code de commerce, le commissionnaire répond, non seulement de ses propres fautes, mais également de celles des transporteurs qu'il s'est substitués (article L 132-6 du Code de commerce).

Il est tenu d'une obligation de résultat, faisant présumer de sa responsabilité en cas de retard de livraison, dont il ne peut s'exonérer que par la force majeure, par la faute du commettant ou par la preuve de son absence de faute.

La société ALPES COURSES a renoncé en cause d'appel à sa prévaloir des faibles chutes de neige, survenues dans la région d'Albertville les 23 et 24 décembre 1998, dont elle reconnaît aujourd'hui qu'elles ne caractérisent pas la force majeure exonératoire.

Elle ne saurait par ailleurs invoquer la prétendue négligence de la société MFE qui, n'ayant pas exigé de récépissé signé, aurait fautivement omis d'attirer son attention sur la nature particulière des documents remis et sur la nécessité de faire appel à un service plus sûr que le régional express de nuit de CHRONOPOST, comme elle l'avait fait un mois plus tôt à l'occasion de l'envoi d'une précédente candidature à un appel d'offre émanant d'EDF-GDF.

Débitrice d'une obligation accessoire de conseil et d'information, en sa qualité de commissionnaire de transport, la société ALPES COURSES, qui entretenait des relations d'affaires avec la société MFE depuis 1992, et qui n'ignorait pas que des soumissions lui étaient habituellement confiées, se devait au contraire de proposer elle-même à sa cliente le service le plus performant.

Chargée de façon très explicite de la "remise (d'une) candidature avant le 24 décembre 1998 à 12 heures", elle devait en effet nécessairement considérer que le délai d'acheminement imparti était

impératif, et avait ainsi l'obligation de tout mettre en oeuvre pour parvenir au résultat, au besoin en proposant un service plus onéreux auquel la société MFE avait d'ailleurs déjà eu recours.

Comme en a justement décidé le Tribunal la société ALPES COURSES a donc manqué à ses obligations, et elle ne peut invoquer aucune clause contractuelle d'irresponsabilité en cas de retard de livraison alors d'une part que le contrat-cadre de prestations de services conclu le 24 avril 1992 entre les parties pour une année renouvelable a été résilié par lettre du 12 mai 1993 à effet du 15 juin 1993, et d'autre part que ses "conditions générales de vente" ne sont pas opposables à la société MFE qui ne les a approuvées en aucune façon à l'occasion de la conclusion du contrat litigieux.

En revanche en vertu de l'article 8 II de la loi d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982 à défaut, comme en l'espèce, de convention écrite, définissant les rapports entre les parties au contrat et notamment leurs obligations respectives, les clauses de contrats types établis par décret s'appliquent de plein droit sans qu'il soit nécessaire pour le commissionnaire d'y faire référence ou d'attirer l'attention de l'expéditeur sur leur existence.

Or l'article 15 du contrat type "messagerie", applicable au transport litigieux, devenu l'article 22 du contrat type "général", prévoit que l'indemnisation pour retard de livraison ne peut excéder le prix du transport sauf déclaration d'intérêt spécial à la livraison émanant du donneur d'ordre.

En sa qualité de commissionnaire responsable du fait de son substitué la société ALPES COURSES peut opposer à la société MFE cette limitation légale de responsabilité dès lors qu'elle ne peut être tenue à plus que ceux dont elle répond.

Toutefois, en ce qu'elle est recherchée sur le fondement de sa faute personnelle, elle ne peut exciper des clauses du contrat type "messagerie" qui ne régissent, par défaut, que le contrat de transport proprement dit.

Or, il résulte des développements précédents qu'elle a manqué à son obligation de conseil en ne proposant pas au donneur d'ordre le service le plus performant moyennant un surcoût que ce dernier avait accepté de payer à l'occasion d'un précédent envoi de même nature.

En outre, en ne prévenant pas immédiatement l'expéditeur de la défaillance du service CHRONOPOST, elle a manqué à son devoir de surveillance alors qu'elle a privé sa cliente de la possibilité de faire acheminer son dossier de candidature par porteur spécial avant la date limite de dépôt fixée à 16 heures.

Ces fautes personnelles obligent par conséquent la société ALPES COURSES à réparer l'entier préjudice subi par la société MFE.

N'ayant pas participé au concours, cette dernière a incontestablement perdu une chance de voir sa candidature retenue ; étant observé que cette chance n'était pas négligeable puisqu'il s'agissait d'un appel d'offre restreint sur performances ouvert au maximum à quatre candidats.

Cependant ni l'avis d'appel public à la concurrence ni la lettre de candidature ne contiennent d'indications chiffrées sur le coût de l'opération de construction dont la société MFE affirme, sans en justifier donc, qu'il était de l'ordre de 20.000.000 F.

De même, en l'absence de toute pièce comptable, il n'est pas possible de déterminer la marge brute d'exploitation qui aurait pu être retirée de l'opération ; étant observé que la somme exorbitante réclamée de 2.380.000 F HT correspond d'une perte de chiffre d'affaires sans prise en compte aucune de l'aléa résultant de la présence de trois autres candidats.

Dès lors, à défaut de toute base de calcul fiable, seul le préjudice consécutif à la constitution en pure perte du dossier de candidature apparaît indemnisable, ce qui conduit la Cour, par voie de réformation partielle du jugement, à ramener la condamnation à la somme de 7.927,35 Euros (52.000 F) correspondant au coût justifié du dossier.

L'équité commande enfin de faire application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile au profit de l'intimée.

PAR CES MOTIFS LA COUR : Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a consacré l'entière responsabilité de la société ALPES COURSES,

LE REFORME toutefois sur le quantum de la condamnation,

STATUANT à nouveau,

CONDAMNE la SARL ALPES COURSES à payer à la SA MFE la somme de 7.927,35 Euros à titre de dommages-intérêts,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE la SARL ALPES COURSES à payer à la SA MFE une indemnité supplémentaire de 1.500 Euros en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile,

CONDAMNE la SARL ALPES COURSES aux entiers dépens avec application pour ceux d'appel au profit de la SCP d'avoués CALAS des dispositions de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile. PRONONCE publiquement par Monsieur BERNAUD, Conseiller, et signé par Monsieur URAN, Président, et Madame X..., Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 00/03271
Date de la décision : 16/05/2002
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - Obligation de résultat

Garant de l'arrivée des marchandises et effets dans le délai déterminé par la lettre de voiture, conformément à la règle posée par l'article L 132-4 du code de commerce, le commissionnaire répond, non seulement de ses propres fautes, mais également de celles des transporteurs qu'il s'est substitués (article L 132-6 du Code de commerce). Il est tenu d'une obligation de résultat, faisant présumer sa responsabilité en cas de retard de livraison, dont il ne peut s'exonérer que par la force majeure, par la faute du commettant ou par la preuve de son absence de faute


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.grenoble;arret;2002-05-16;00.03271 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award