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05/03/2002 | FRANCE | N°00/0958

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 05 mars 2002, 00/0958


R.G. N° 00/01958 N° Minute : AFFAIRE :

X... c/ Y... Grosse délivrée le : Me RAMILLON S.C.P. POUGNAND AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE GRENOBLE 1ERE CHAMBRE CIVILE ARRET DU MARDI 05 MARS 2002 Appel d'une décision (N° R.G. 11-99-2326) rendue par le Tribunal d'Instance GRENOBLE en date du 13 avril 2000 suivant déclaration d'appel du 07 Juin 2000 APPELANT : Monsieur Guy X... né le 19 Juillet 1949 à LA TRONCHE (38700) de nationalité Française demeurant 77 avenue de la Galochère 38400 SAINT MARTIN D'HERES Représenté par Me Marie-France RAMILLON, avoué à la Cour Assist

é de Me EYDOUX, avocat au barreau de GRENOBLE INTIMEE : Madame Leila ...

R.G. N° 00/01958 N° Minute : AFFAIRE :

X... c/ Y... Grosse délivrée le : Me RAMILLON S.C.P. POUGNAND AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE GRENOBLE 1ERE CHAMBRE CIVILE ARRET DU MARDI 05 MARS 2002 Appel d'une décision (N° R.G. 11-99-2326) rendue par le Tribunal d'Instance GRENOBLE en date du 13 avril 2000 suivant déclaration d'appel du 07 Juin 2000 APPELANT : Monsieur Guy X... né le 19 Juillet 1949 à LA TRONCHE (38700) de nationalité Française demeurant 77 avenue de la Galochère 38400 SAINT MARTIN D'HERES Représenté par Me Marie-France RAMILLON, avoué à la Cour Assisté de Me EYDOUX, avocat au barreau de GRENOBLE INTIMEE : Madame Leila Z... épouse Y... née le 01 Mai 1967 à CASABLANCA (MAROC) de nationalité Française demeurant 11 rue Garcia Lorca 38400 SAINT MARTIN D'HERES Représentée par la SCP HERVE JEAN POUGNAND, avoué associé à la Cour Assistée de Me Pierre-Jean CHAPUIS, avocat au barreau de GRENOBLE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2000/004224 du 14/09/2000 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE) COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE : Madame Odile FALLETTI-HAENEL, Président, Madame Claude-Françoise KUENY, Conseiller, Monsieur Jean-Pierre VIGNAL, Conseiller, Assistés lors des débats de Madame Hélène A..., Greffier. DEBATS : A l'audience publique du 22 Janvier 2002, les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries. Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour. --oOo--

FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Madame Leila Y... a été soignée par le Docteur X... chirurgien dentiste à Saint Martin d'Hères, lequel est notamment intervenu sur la dent 15 du maxillaire supérieur au mois de Novembre 1992. En présence d'une lésion carieuse, il a pratiqué une dépulpation de cette dent. Lors de la préparation endodontique, un instruction fin

(racleur) s'est brisé dans la racine palatine et une couronne prothétique a été réalisée le 15 Juillet 1998 sans que la patiente soit informée de la présence de ce corps étranger qui paraît irrécupérable à cause de sa situation, dans la moitié apicale de la racine.

Désigné par le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Grenoble selon ordonnance en date du 30 Avril 1999, le Docteur B... a déposé son rapport daté du 05 Août 1999 qu'il conclut en ces termes :

"Les soins conservateurs et prothétiques ont été réalisés correctement sur cette dent (dent 15), hormis un aléa thérapeutique survenu lors de la préparation endodontique (sous la forme du bris d'un instrument dans la racine palatine de la dent 15). Il est regrettable en la circonstance que le praticien traitant n'ait pas informé sa patiente de cet incident et de ses éventuelles conséquences. Aujourd'hui il est impossible d'établir une relation directe et certaine entre les doléances de Madame Y... et le traitement appliqué à cette dent. Il convient, semble-t-il, de soigner d'abord la dent voisine 16 (suspecte lors de l'examen clinique) avant de réintervenir en second lieu, si nécessaire, sur la dent 15. Aucun coût financier n'est à prévoir dans la mesure où ces soins classiques sont justifiables d'un remboursement de la part de la CPAM. En conséquence,

ITT = 0

IPP = 0

PA = 0

PP = 0,5/7 dans la mesure où une réintervention est nécessaire sur la dent 15. Une nouvelle expertise pourrait être nécessaire au regard des éléments nouveaux ou d'aggravation mettant en cause la pérennité de la dent 15 dans le futur".

C... au vu de ce rapport, le Tribunal d'Instance de Grenoble, par jugement en date du 13 Avril 2000 :

- a condamné Monsieur Guy X... à payer à Madame Leila Y... la somme de 15.000 francs (2.286,74 euros) à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter du jugement et celle de 3.000 francs (457,34 euros) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- a débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- et a condamné Monsieur Guy X... aux dépens.

Monsieur Guy X... a relevé appel de ce jugement le 07 Juin 2000 demandant à la Cour :

- de le réformer,

- de constater l'absence de faute et de lien de causalité entre l'incident thérapeutique et les douleurs alléguées par Madame Y...,

- de dire et juger que le défaut d'information n'a fait subir à Madame Y... aucun préjudice,

- de débouter Madame Y... de l'ensemble de ses demandes,

- et de la condamner à lui payer la somme de 10.000 francs à titre de

dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 5.000 francs en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Il expose que le chirurgien dentiste n'a qu'une obligation de moyens, que sa responsabilité ne peut être reconnue qu'en cas de violation de cette obligation, qu'il appartient au malade de prouver la faute, qu'en l'espèce l'expert indique qu'il n'a commis aucune faute et que le bris de l'instrument constitue seulement un aléa thérapeutique, qu'il s'agit d'un incident imprévisible, qu'en outre Madame Y... n'établit pas l'existence d'un préjudice, que l'expert souligne "il est difficile d'établir une relation directe et certaine, entre cet incident et la symptomatologie décrite par la patiente qui se plaint surtout de douleur provoquée par le froid", qu'un tel préjudice n'est pas concevable dans la mesure où la dent est dévitalisée, que l'origine des douleurs alléguées reste incertaine et que le premier juge a écarté à tort les conclusions de l'expert.

Il ajoute que le défaut d'information n'est pas indemnisable en soi, que seul le préjudice résultant de ce manquement est indemnisable, qu'en l'espèce le corps étranger présent dans la dent 15 a été toléré sans aucune protestation pendant six ans, que ce bris est certainement irrécupérable d'après l'expert et que l'information de la patiente n'était d'aucune utilité puisqu'elle n'aurait pas permis de modifier cet état de fait.

Madame Y... sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a retenu la responsabilité de Monsieur X... mais demande que son dommage soit fixé à la somme de 30.000 francs.

Elle réclame en outre une indemnité du même montant en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle conteste l'existence d'un aléa thérapeutique et soutient que le

bris d'un instrument caractérise une faute, que la persistance de douleurs à compter de la nouvelle intervention sur la dent et de la pose d'une couronne au mois de Juillet 1998 est constitutive d'un préjudice, que le Docteur X... n'a reconnu les faits qu'au stade de l'expertise judiciaire, qu'il devait l'informer de la survenance de l'accident afin qu'elle puisse décider de la poursuite ou de l'interruption des soins et que cette faute indéniable, qui a d'ailleurs été admise par l'expert, engage la responsabilité de l'appelant et justifie une indemnisation.

MOTIFS ET DECISION

Il est constant que pèse sur le chirurgien dentiste une obligation de moyens mais qu'en ce qui concerne les choses qu'il utilise, les juridictions font peser sur lui une obligation de sécurité résultat. Il y a dès lors une présomption de faute du médecin, lequel pour se libérer doit prouver l'existence d'une cause étrangère, telle par exemple que le défaut intrinsèque du matériau utilisé.

En l'espèce, Monsieur X... n'a fait état d'aucune cause étrangère, se bornant à invoquer l'aléa de sorte que le Tribunal a décidé à bon droit qu'il y avait eu manquement à l'obligation de sécurité résultat.

Il est acquis aux débats que Madame Y... n'a formulé aucune plainte à la suite des soins qui lui ont été dispensés au mois de Novembre 1992 et que ce n'est qu'après la mise en place d'une couronne prothétique le 15 Juillet 1998 qu'elle a fait état de douleurs provoquées notamment par le froid.

L'expert indique que l'incident dont s'agit n'est pas nécessairement générateur d'une symptomatologie et d'une pathologie secondaires, qu'il est difficile d'établir une relation directe et certaine entre le bris de l'instrument, indéniable et reconnu par le praticien et les douleurs dont se plaint Madame Y..., qu'en effet la patiente

allègue surtout des douleurs causées par le froid qui ne peuvent être imputées à la dent 15 dans la mesure où cette dent est dévitalisée et qu'il subsiste un doute quant à l'origine de ces douleurs.

Au vu de ces éléments, il apparaît qu'aucun lien de causalité ne peut être établi entre la faute de Monsieur X... et les douleurs alléguées.

Le Docteur X... auquel l'incident n'avait pas échappé n'a rien dit à la patiente ni au moment des faits, au mois de Novembre 1992, ni au mois de Juillet 1998 lorsqu'il a posé une couronne prothétique, ni après cette date lorsque Madame Y... a fait état de douleurs, étant observé que la dernière consultation a eu lieu le 08 Janvier 1999.

Madame Y... a consulté le Docteur D... le 29 Janvier 1999 et c'est ce praticien qui lui a révélé la présence d'un instrument canalaire cassé, d'une longueur d'environ 4 mm, dans le canal vestibulaire de la dent 15.

Malgré cet avis, donné par un spécialiste, le Docteur X... n'a pas reconnu les faits et il ne les a admis que devant l'expert judiciaire, le 15 Juin 1999.

L'expert reconnaît que le Docteur X... avait l'obligation d'informer sa cliente d'une part de l'existence de l'incident et d'autre part de ses éventuelles conséquences et cette réticence volontaire est incontestablement fautive.

Madame Y... a été privée de la possibilité de décider de la poursuite ou de l'arrêt des soins sur la dent concernée, de la possibilité de choisir un autre praticien et de solliciter des avis éclairés pour déterminer si le bris d'instrument pouvait ou non être récupéré. En effet, le Docteur D... indique qu'une résection apicale est peu probable et l'expert souligne que "cet instrument fin (racleur) est certainement irrécupérable à cause de sa situation, dans la moitié

apicale de la racine...", mais ces avis ne sont pas totalement et définitivement affirmatifs en ce qui concerne le caractère pérenne du bris d'instrument dans la racine, de sorte que Madame Y... aurait dû pouvoir être en mesure de solliciter des avis éclairés, immédiatement après les faits.

En outre, la réticence du Docteur X... est dolosive. Ce praticien a en effet trahi la confiance de sa patiente et ce comportement a engendré un préjudice moral.

Au vu de ces éléments, le préjudice résultant pour Madame Y... de la réticence du Docteur X... peut être justement indemnisé par l'allocation d'une indemnité de 2.286,74 euros.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé par substitution de motifs.

Il convient en équité d'allouer à Madame Y... une indemnité de 700 euros en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur X... qui succombe sera débouté de ses demandes de dommages et intérêts et d'indemnité pour frais irrépétibles. P A R C E S M O T I F S LA COUR C... publiquement, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE Monsieur X... à payer à Madame Y... la somme de 700 euros (sept cents euros) en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

DEBOUTE Monsieur X... de ses demandes de dommages et intérêts et d'indemnité pour frais irrépétibles,

LE CONDAMNE aux dépens d'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle. Rédigé par Madame KUENY, Conseiller, et prononcé par Madame FALLETTI-HAENEL, Président, qui a signé avec le

greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Numéro d'arrêt : 00/0958
Date de la décision : 05/03/2002

Analyses

PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Chirurgien-dentiste - Responsabilité contractuelle - Obligation de résultat

Il est constant que pèse sur le chirurgien-dentiste une obligation de moyens mais qu'en ce qui concerne les choses qu'il utilise, les juridictions font peser sur lui une obligation de sécurité de résultat. Il y a dès lors une présomption de faute du praticien, lequel pour se libérer doit prouver l'existence d'une cause étrangère, telle que le défaut intrinsèque du matériau utilisé


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.grenoble;arret;2002-03-05;00.0958 ?
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