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28/02/2002 | FRANCE | N°99/03626

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 28 février 2002, 99/03626


RG N° 99/03626 N° Minute : Grosse délivrée le : S.C.P. CALAS S.C.P. GRIMAUD Me G... S.C.P. POUGNAND S.E.LA.R.L. DAUPHIN etamp; NEYRET AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE GRENOBLE CHAMBRE COMMERCIALE ARRÊT DU JEUDI 28 FÉVRIER 2002 Appel d'une décision (N° RG 98J00180) rendue par le Tribunal de Commerce de VIENNE en date du 25 mai 1999 suivant déclaration d'appel du 26 Juillet 1999 APPELANTS : Monsieur Michel Z... né le 02 Décembre 1944 à ST MARTIN DE VALAMAS (07310) de nationalité Française ... 38460 ST ROMAIN DE JALIONAS Madame Ginette B... épouse Z... née le 02 Mai 1949

à LYON (69000) de nationalité Française ... 38460 ST ROMAIN DE...

RG N° 99/03626 N° Minute : Grosse délivrée le : S.C.P. CALAS S.C.P. GRIMAUD Me G... S.C.P. POUGNAND S.E.LA.R.L. DAUPHIN etamp; NEYRET AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE GRENOBLE CHAMBRE COMMERCIALE ARRÊT DU JEUDI 28 FÉVRIER 2002 Appel d'une décision (N° RG 98J00180) rendue par le Tribunal de Commerce de VIENNE en date du 25 mai 1999 suivant déclaration d'appel du 26 Juillet 1999 APPELANTS : Monsieur Michel Z... né le 02 Décembre 1944 à ST MARTIN DE VALAMAS (07310) de nationalité Française ... 38460 ST ROMAIN DE JALIONAS Madame Ginette B... épouse Z... née le 02 Mai 1949 à LYON (69000) de nationalité Française ... 38460 ST ROMAIN DE JALIONAS représentés par la SCP CALAS, avoués à la Cour assistés de Me A..., avocat au barreau de GRENOBLE INTIMÉES :

Madame Yvette Y... épouse X... née le 28 Février 1932 à VAULX LE MILIEU de nationalité Française ... représentée par la SELARL DAUPHIN etamp; NEYRET, avoués à la Cour assistée de Me D..., avocat au barreau de BOURGOIN-JALLIEU CRCAM SUD RHÈNE-ALPES venant aux droits et actions de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de l'Isère, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ... représentée par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour assistée de Me F... substitué par Me C..., avocat au barreau de VIENNE COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Allain URAN, Président de chambre, Madame Christiane BEROUJON, Conseiller, Monsieur Jean-Louis BERNAUD, Conseiller, Assistés lors des débats de Madame Eliane PELISSON, Greffier. DÉBATS : A l'audience publique du 24 Janvier 2002, Les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries, Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour,

Madame Yvette X... exploitait trois fonds de commerce en nom personnel :

- un fonds de vente au détail de linge de maison et d'articles ménagers à la Verpillère,

- un fonds de laverie automatique à la Verpillère,

- un fonds de laverie automatique et services dits minutes (clés, talons, imprimerie) à Pont de Chéruy.

Les deux premiers fonds ont été cédés par Madame X... les 07 et 16 octobre 1996.

Par acte notarié du 29 décembre 1997, faisant suite à une promesse synallagmatique de vente du 23 octobre 1997, Madame Yvette X... a cédé son fonds de commerce de Pont de Chéruy aux époux Michel et Ginette Z... moyennant le prix de 280.000 F, outre 18.090 F de marchandises en stock, financé en partie par un prêt du crédit agricole de 200.000 F.

Prétendant avoir été trompés par la venderesse sur la valeur économique et financière du fonds les époux Z... ont sollicité en justice l'annulation de la vente, l'indemnisation de leur préjudice et la suspension du contrat de prêt.

Par jugement du 25 mai 1999 le Tribunal de Commerce de Vienne les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes, a mis hors de cause la CRCAM Sud Rhône Alpes et les a condamnés au paiement de

dommages-intérêts pour procédure abusive (5.000 F à l'égard de Madame X..., 1.000 F à l'égard du Crédit Agricole) ainsi qu'à une indemnité de 10.000 F pour frais irrépétibles au profit de Madame X....

Appelants selon déclaration reçue le 26 juillet 1999 les époux Z..., par dernières conclusions signifiées et déposées le 20 novembre 2001, demandent à la Cour de :

- déclarer bien fondé leur appel et réformer le jugement rendu le 25 mai 1999 par le Tribunal de Commerce de Vienne,

- constater qu'ils ont bien établi la preuve qu'ils ont acquis le fonds de commerce litigieux par suite d'une tromperie imputable à Madame X... Yvette qui notamment ne les a pas tenus informés de la situation économique et financière réelle de l'exploitation lors de la vente,

- en conséquence, prononcer l'annulation de la vente du fonds de commerce signée le 29 décembre 1997 devant Maître E..., notaire,

- condamner Madame Y... à leur restituer la somme de 280.000 F, soit 42.685,72 Euros, correspondant aux valeurs incorporelles, aux agencements et mobiliers,

- au besoin, ordonner une expertise confiée à tel expert qu'il plaira à la Cour, aux fins de procéder à l'inventaire des marchandises, agencements et mobilier devant être restitués, et ceux devant être conservés par les concluants,

- condamner Madame X... à leur payer le montant des sommes versées au Crédit Agricole de l'Isère, en intérêts, frais et accessoires au titre du prêt souscrit par l'acquisition du fonds litigieux,

- la condamner encore à leur rembourser le montant des frais notariés exposés pour la réalisation de la vente,

- la condamner encore à leur payer la somme de 10.000 F, soit

1.524,49 Euros, sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile,

- réformer encore le jugement en ce qu'il les a condamnés à verser au Crédit Agricole une somme de10.000 F, soit 1.524,49 Euros, à titre de dommages-intérêts pour citation, alors qu'il n'a été rapporté aucune preuve d'un préjudice et d'une faute de leur part,

- Au contraire, déclarer l'arrêt à intervenir commun au Crédit Agricole, dans la mesure où l'annulation de la vente et la restitution du prix entraînera un remboursement anticipé de leur prêt,

- débouter en toute hypothèse, Madame Y... et le Crédit Agricole de toutes demandes, fins et conclusions,

- condamner Madame Y... aux entiers dépens.

Les appelants soutiennent notamment :

- que la venderesse les a trompés alors que le fonds était dépourvu de rentabilité,

- que contrairement aux prescriptions de la loi du 29 juin 1935 ils n'ont pas été complètement et exactement informés du chiffre d'affaires et des bénéfices de l'exercice 1997 en cours,

- que le bilan de l'année 1997 communiqué en cours de procédure révèle que l'exploitation était en réalité déficitaire de 174.843 F alors que le bénéfice apparent de 121.296 F n'était obtenu qu'après la prise en compte du prix de vente du fonds sous la rubrique "produits exceptionnels",

- qu'ils n'ont pas visé les principaux documents comptables dont ils n'ont pas pu obtenir communication,

- que la ventilation des différents postes comptables entre les trois fonds exploités par Madame X... a été effectuée arbitrairement,

- que ce n'est pas la modification de l'heure de fermeture qui a pu

avoir une incidence sur le chiffre d'affaires alors que la laverie automatique était ouverte jusqu'à 21 heures et que l'activité clés et talons minutes fonctionne sur le mode self-service,

- que la mauvaise foi de la venderesse, caractérisée par l'établissement sur ses indications d'un budget prévisionnel irréaliste, justifie sa condamnation au paiement des intérêts et frais accessoires payés au Crédit Agricole,

- qu'ils ont sans abus attrait le prêteur dans l'instance aux fins de déclaration de jugement commun alors que la nullité de la vente devra conduire à un remboursement anticipé du prêt.

Par dernières conclusions signifiées et déposées le 05 décembre 2001, Madame Yvette X... sollicite la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et la condamnation des appelants à lui payer une somme supplémentaire de 20.000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, outre une indemnité de 15.000 F en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile, aux motifs essentiels :

- que les informations comptables exigées par l'article 12 de la loi du 29 juin 1935 ont bien été fournies alors que le chiffre d'affaires estimé de l'année 1997 a été communiqué et que les éléments fournis permettaient de prévoir le bénéfice à venir,

- que l'analyse confiée par la suite à l'expert-comptable H... a confirmé l'estimation nécessairement approximative contenue dans l'acte,

- qu'en toute hypothèse l'omission d'une des mentions exigées par la loi ne suffit pas à entraîner la nullité de la vente à défaut de vice du consentement,

- que la preuve n'est nullement rapportée de l'inexactitude des mentions obligatoires alors qu'au contraire le rapport d'expertise H... confirme pleinement la sincérité des chiffres annoncés,

- que les acquéreurs ont reconnu dans l'acte avoir visé tous les livres de comptabilité dont ils n'ignoraient pas qu'ils englobaient les trois fonds,

- que les époux Z... ont fait une mauvaise analyse des comptes de résultat et des bilans alors que le bénéfice par fonds de commerce ne pouvait être déterminé qu'après élimination des opérations immobilières et des ventes de stocks à l'occasion des cessions successives,

- que la perte de clientèle alléguée résulte surtout de la réduction des horaires d'ouverture du fonds pratiquée par les acquéreurs.

Par conclusions signifiées et déposées le 06 mars 2000 la CRCAM Sud Rhône Alpes sollicite également la confirmation du jugement qui l'a mise hors de cause et la condamnation des appelants à lui payer une somme de 10.000 F pour procédure abusive outre une indemnité de 15.000 F pour frais irrépétibles au titre de l'ensemble des procédures.

Elle fait observer en substance que s'étant bornée à financer en partie l'acquisition du fonds au profit de clients de longue date elle est étrangère au contrat de vente et a donc été mise en cause de façon totalement injustifiée.

MOTIFS DE L'ARRÊT :

L'article 12 de la loi du 29 juin 1935 devenu l'article L 141-1 du nouveau code de commerce impose au vendeur d'énoncer, dans tout acte constatant une cession amiable d'un fonds de commerce, le chiffre d'affaires qu'il a réalisé au cours de chacune des trois dernières années d'exploitation ainsi que les bénéfices commerciaux réalisés pendant le même temps.

Il est de principe constant que la période de trois années mentionnée par ce texte doit être calculée de quantième en quantième en remontant dans le passé à partir du jour de la conclusion de la vente, et qu'elle ne doit pas être confondue avec les trois dernières années pour lesquelles les comptes ont été arrêtés et sont connus.

En l'espèce compte-tenu du long délai de plus de onze mois séparant la vente de la clôture du dernier exercice comptable il appartenait à la venderesse de faire établir une situation intermédiaire ou de fournir sous sa responsabilité une estimation du chiffre d'affaires et du bénéfice de l'année 1997 à partir des éléments comptables en sa possession.

C'est ce qui a été fait pour le chiffre d'affaires puisqu'en sus de celui des années 1994 - 1995 et 1996 l'acte de vente du 29 décembre 1997 mentionne un montant estimé de 235.000 F au titre de l'exercice en cours (1997).

Aucune indication chiffrée n'est toutefois fournie au titre du bénéfice attendu en 1997, l'acte se bornant à mentionner : "non connu à ce jour, en cours d'établissement".

Cette omission ne pourrait toutefois entraîner la nullité de la vente que dans l'hypothèse où elle aurait été source d'un vice du consentement pour les acquéreur.

Cependant loin de révéler un déficit de plus de 170.000 F, de nature à conduire les acquéreur à renoncer à l'opération s'il avait été

connu, les comptes annuels de l'exercice 1997 arrêtés après la vente par l'expert-comptable PEGAZ-FIORNET, font apparaître un bénéfice réel de plus de 60.000 F cohérent par rapport aux résultats antérieurs. L'expert C. H... s'est en effet livré, à la demande de Madame X..., à une analyse détaillée des comptes de l'exercice clos au 31 décembre 1997, qui n'est pas techniquement contestée, et dont il résulte qu'après application de divers correctifs, consistant à exclure logiquement du compte de résultat la plus-value de cession du fonds de commerce, la perte sur la vente du stock du commerce de la Verpillère ainsi que les charges financières exceptionnelles ne relevant pas de l'exploitation courante, la rentabilité de la "laverie services minute" de Pont de Chéruy a bien été conforme au bénéfice annoncé au titre de l'exercice antérieur.

Quant à la ventilation opérée entre les trois fonds exploités par Madame X... jusqu'en 1996 sous une comptabilité unique elle était connue des acquéreurs, puisque l'acte en fait clairement état, et n'a nullement été effectué de façon arbitraire.

Ainsi que l'a justement fait observer le Tribunal, c'est en effet sur la base des indications fournies par l'expert-comptable de la venderesse que le chiffre d'affaires propre au fonds vendu a été dégagé depuis l'exercice 1994.

Les indications comptables contenues dans l'acte de vente ont d'ailleurs pu être vérifiées par les époux Z... qui ont expressément déclaré "avoir visé tous les livres de comptabilité tenus par le vendeur et les avoir paraphés, le tout relativement aux trois dernières années d'exploitation", ce qui laisse présumer que la ventilation a été opérée sous leur contrôle.

A cet effet la Cour observe que la sincérité de cette mention n'est pas sérieusement remise en cause par la production aux débats d'un accusé de réception de lettre recommandée, postérieur à la saisine du

Tribunal, censé établir que leur demande de communication des livres de recettes journalières n'a pas été satisfaite.

Surtout la seule situation comptable intermédiaire arrêtée au 31 mai 1998, soit après cinq mois seulement d'exploitation, ne suffit pas à faire la preuve du défaut de rentabilité allégué, et donc du préjudice consécutif au prétendu défaut d'information.

Enfin les nombreuses attestations produites aux débats établissent que les époux Z... ont modifié les conditions d'exploitation du fonds en fermant une heure plus tôt le soir, ce qui a nécessairement eu une incidence sur le chiffre d'affaires du service "minute" qui suppose la présence du commerçant pour l'exécution des travaux commandés par la clientèle.

L'ensemble de ces éléments d'appréciation conduit par conséquent la Cour à considérer, avec les premiers juges, que la prétendue insuffisance ou imprécision des énonciations obligatoires n'a pas été source de préjudice pour les acquéreurs dont le consentement n'a pas été vicié ; étant observé que l'action n'est pas fondée sur la garantie des vices cachés due par le vendeur à raison de l'inexactitude des énonciations comptables.

La décision déférée, qui a rejeté l'intégralité des demandes présentées par les époux Z..., mérite donc confirmation, y compris en ce qu'elle a mis hors de cause la CRCAM Sud Rhône Alpes dont le concours n'est pas indivisiblement lié à la vente du fonds.

La confirmation s'impose également au titre des condamnations accessoires, sans qu'il soit nécessaire d'augmenter en appel les dommages-intérêts pour procédure abusive.

En revanche l'équité commande de faire application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile au profit des intimés qui ont exposé de nouveaux frais en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS LA COUR : Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE les époux Michel et Ginette Z... à payer à Madame Yvette X... une indemnité supplémentaire de 760 Euros en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile,

CONDAMNE les époux Michel et Ginette Z... à payer à la CRCAM Sud Rhône Alpes une indemnité de 760 Euros en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile,

DIT n'y avoir lieu en cause d'appel à nouveaux dommages-intérêts pour procédure abusive,

CONDAMNE les époux Michel et Ginette Z... aux entiers dépens avec pour ceux d'appel application au profit de la SELARL DAUPHIN etamp; NEYRET, avoués, et de la SCP GRIMAUD, avoués, des dispositions de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile. PRONONCE

publiquement par Monsieur BERNAUD, Conseiller, et signé par Monsieur URAN, Président, et Madame PELISSON, Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 99/03626
Date de la décision : 28/02/2002
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

FONDS DE COMMERCE - Vente - Mentions obligatoires

L'article 12 de la loi du 29 juin 1935 devenu l'article L141-1 du nouveau code de commerce impose au vendeur d'énoncer, dans tout acte constatant une cession amiable d'un fonds de commerce, le chiffre d'affaires et les bénéfices commerciaux qu'il a réalisés au cours de chacune des trois dernières années. La période de trois années mentionnée par ce texte doit être calculée de quantième à quantième en remontant dans le passé à partir du jour de la conclusion de la vente et ne doit pas être confondue avec les trois dernières années comptables


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.grenoble;arret;2002-02-28;99.03626 ?
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