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26/02/2002 | FRANCE | N°98/364

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 26 février 2002, 98/364


R.G. N° 00/01263 N° Minute : AFFAIRE :

X... c/ Cabinet LYE et associés Grosse délivrée le : S.C.P. CALAS Me RAMILLON AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE GRENOBLE 1ERE CHAMBRE CIVILE ARRET DU MARDI 26 FEVRIER 2002 Appel d'une décision (N° R.G. 98/364) rendue par le Tribunal de Grande Instance GAP en date du 12 janvier 2000 suivant déclaration d'appel du 24 Février 2000 APPELANTE : Madame Janie X... née le xxxxxxxxxxxx à TARBES (65000) de nationalité Française demeurant Marigot 29 Coin de la Mairie 97150 ST MARTIN (GUADELOUPE) Représentée par Me Marie-France RAMILLON,

avoué à la Cour Assistée de Me PARA, avocat au barreau de GRENOBLE ...

R.G. N° 00/01263 N° Minute : AFFAIRE :

X... c/ Cabinet LYE et associés Grosse délivrée le : S.C.P. CALAS Me RAMILLON AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE GRENOBLE 1ERE CHAMBRE CIVILE ARRET DU MARDI 26 FEVRIER 2002 Appel d'une décision (N° R.G. 98/364) rendue par le Tribunal de Grande Instance GAP en date du 12 janvier 2000 suivant déclaration d'appel du 24 Février 2000 APPELANTE : Madame Janie X... née le xxxxxxxxxxxx à TARBES (65000) de nationalité Française demeurant Marigot 29 Coin de la Mairie 97150 ST MARTIN (GUADELOUPE) Représentée par Me Marie-France RAMILLON, avoué à la Cour Assistée de Me PARA, avocat au barreau de GRENOBLE INTIMEES : S.A. EXPERTISE COMPTABLE CABINET LYE ET ASSOCIES, prise en la personne de son représentant légal en exercice 3 rue Valentin Chabrand BP 165 05005 GAP CEDEX Société LES MUTUELLES DU MANS, prise en la personne de son représentant légal en exercice 19-21 Rue Chanzy 72030 LE MANS CEDEX 9 Représentées par la SCP CALAS, avoué associé à la Cour Assistées de Me RAFFIN, avocat au barreau de PARIS, substitué par Maître GRANDGERARD, avocat au même barreau COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE : Madame Odile FALLETTI-HAENEL, Président, Madame Claude-Françoise KUENY, Conseiller, Monsieur Jean-Pierre VIGNAL, Conseiller, Assistés lors des débats de Madame Hélène Y..., Greffier. DEBATS : A l'audience publique du 10 Décembre 2001, les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries. Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour, après prorogation du délibéré. --oOo--

De 1988 à 1995, la SA d'expertise comptable "Cabinet Lye et associés" a tenu la comptabilité de Maître Janie X..., alors huissier de justice à La Mure.

Ayant admis qu'en raison d'une erreur de comptabilité, les débours payés pour le compte des clients n'avaient à tort pas été déduits du

chiffre d'affaires de l'Etude ce qui avait entraîné des déclarations de revenus majorés, la Direction des Services Fiscaux de l'Isère a fait droit à une demande de dégrèvement de Maître X... dans la limite de la prescription de manière suivante :

- Année 1991 :

36.976 francs

- Année 1992 :

38.193 francs

- Année 1993 :

75.959 francs

- Année 1994 :

53.040 francs

-------------------

Total

204.168 francs

Le dégrèvement s'avérant impossible pour les années 1988, 1989 et 1990 en raison de la prescription, Madame X... qui impute au Cabinet d'expertise comptable la responsabilité de l'erreur commise a, par acte du 31 Mars 1998, fait assigner la SA "Cabinet Lye et associés" devant le Tribunal de Grande Instance de Gap aux fins d'obtenir réparation de l'entier préjudice résultant de la majoration erronée de ses revenus déclarés.

Par jugement rendu le 12 Janvier 2000, le Tribunal de Grande Instance de Gap :

- a dit que la SA d'expertise comptable "Cabinet Lye et associés" est civilement responsable envers Maître Janie X..., alors huissiers de justice à La Mure pour avoir omis d'effectuer les déclarations

nécessaires auprès des administrations ou organismes compétents en matière de prélèvements fiscaux ou sociaux obligatoires, au cours des années 1988 à 1994 en vertu du contrat de collaboration établi entre les parties le 31 Mars 1989 à La Mure,

- a condamné solidairement la SA d'expertise comptable "Cabinet Lye et associés" et la Société d'assurance "Mutuelles du Mans Assurances" à payer au profit de Maître Janie X... la somme totale de 242.670 francs à titre de dommages-intérêts,

- a ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- a condamné, en outre, solidairement la SA d'expertise comptable Cabinet Lye et associés et la Société d'assurance Mutuelles du Mans Assurances à payer à Maître X... la somme de 10.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- a débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Madame Janie X... a relevé appel de cette décision.

Elle demande à la Cour :

- de confirmer le jugement déféré sur la responsabilité du Cabinet Lye,

- de l'infirmer sur le montant du préjudice,

- en conséquence, de condamner le Cabinet Lye in solidum avec son assureur Les Mutuelles du Mans à lui payer la somme de 1.100.000 francs en réparation de son préjudice ainsi que celle de 30.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Elle expose qu'ayant fait appel en Avril 1995 au Cabinet Gap Conseil pour vérifier sa comptabilité jusqu'alors confiée au Cabinet Lye, celui-ci s'est aperçu que pendant toutes les années durant lesquelles le Cabinet Lye avait été chargé de la comptabilité de l'office, soit de 1987 à 1995, il avait omis de déduire de la déclaration de revenus les débours effectués pour le compte des clients en sorte que ses

revenus avaient été artificiellement majorés pendant plusieurs années avec pour conséquence le paiement d'une imposition indue et le calcul de cotisations sociales effectués sur la base de revenus erronés.

Elle précise que le Cabinet Lye ayant refusé de rectifier les déclarations des années 89, 90, 91, 92 et 93, elle a dû y procéder elle-même et que la prescription lui a été opposée par l'administration fiscale pour les années 88, 89 et 90, qu'il en a été de même pour les cotisations de l'URSSAF, de la CAVOM et de la taxe professionnelle.

Elle rappelle que la mission confiée au Cabinet Lye comprenait l'établissement de l'ensemble des déclarations destinées à l'administration fiscale et aux organismes sociaux.

Elle soutient que la faute commise est grossière et que le Cabinet Lye, pour les motifs retenus par le premier juge, ne peut se retrancher derrière le système informatique de sa cliente.

Elle fait valoir qu'elle a subi 4 chefs de préjudice :

- les sommes réclamées au titre des dégrèvements fiscaux non retenues par l'administration fiscale du fait de la prescription représentant un total de 146.446,12 francs intérêts moratoires inclus, outre les années 87 et 88 pour lesquelles elle n'a pas de pièce, l'ensemble étant évalué à 250.000 francs,

- le préjudice résultant des cotisations indûment payées au titre de l'assurance vieillesse ou de l'assurance maladie évalué à 250.000 francs,

- le remboursement des honoraires pour les travaux mal exécutés à concurrence de 100.000 francs,

- le préjudice matériel et moral caractérisé par de nombreuses démarches et négociations avec l'administration fiscale et les divers organismes évalué à 500.000 francs.

La Société Cabinet Lye et associés et la Société Mutuelles du Mans

demandent à la Cour :

- de rejeter l'appel de Madame X...,

- de les recevoir en leur appel incident et de juger celui-ci fondé, - de prononcer leur mise hors de cause,

- de leur allouer la somme de 30.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elles répliquent que le Cabinet Lye n'avait qu'une mission de présentation des comptes et d'établissement du bilan enfin d'exercice ainsi que de la liasse fiscale correspondante à partir des écritures et vérifications comptables faites par le service comptable de l'Etude.

Elles soulignent que la difficulté provient du fait que le logiciel SIS utilisé par l'appelante comportait une anomalie de programmation comptable informatique dont le Cabinet Lye n'avait pas été avisé par sa cliente, que le successeur du Cabinet Lye a découvert cette particularité et constaté l'anomalie sur le compte de charges parce qu'il s'était vu confier une mission de réorganisation de l'Etude.

Elles prétendent que faute par Madame X... de rapporter la preuve qu'elle a informé son expert-comptable de la particularité de son système informatique, celle-ci doit assumer les conséquences de ses manquements, à l'origine du dommage dont elle se plaint.

Elles soulignent l'augmentation des demandes de Madame X... entre la première instance et l'appel sans aucune justification.

Elles estiment qu'à défaut de justifier du préjudice qu'elle allègue, Madame X... doit être déboutée de l'ensemble de ses prétentions.

Elles contestent formellement qu'il y ait un lien entre l'erreur commise et l'absence de rentabilité de l'Etude laquelle trouve son origine dans des dépenses à caractère privé qui ont attiré l'attention de la Chambre des Huissiers.

A titre reconventionnel, elles invoquent le caractère abusif de l'appel et les frais irrépétibles que celui-ci génèrent.

MOTIFS ET DECISION

Aux termes du "contrat de collaboration" conclu le 31 Mars 1989 entre Maître X..., huissier de justice et la Société Cabinet Lye, la Société d'expertise comptable s'était engagée à remplir notamment les obligations suivantes :

- assistance à personnes pour déclarations IRPP (3101)

- établissement déclaration annuelle de taxe professionnelle (3109)

- examen des déclarations fiscales liées aux salaires et de la taxe sur les salaires (3111)

- examen et établissement des déclarations annuelles en matière de fiscalité indirecte (321 et 325)

- contrôle des déclarations URSSAF, retraite cadre, retraite salariée, ASSEDIC et congés payés (503)

- examen des déclarations sociales annuelles de l'exploitant (505)

- honoraires de conseil (610).

Il est constant et non discuté que pendant toutes les années durant lesquelles la Société Cabinet Lye a travaillé pour Maître X... soit de 1987 à 1995, les débours avancés pour le compte des clients par l'Etude ne figuraient pas en charges, ce qui a eu pour conséquence de gonfler l'assiette de calcul des impôts sur le revenu et des cotisations personnelles de Maître X...

La Société Cabinet Lye ayant aux termes des stipulations contractuelles reçu mission de procéder à l'ensemble des formalités de déclarations nécessaires aux divers prélèvements fiscaux et sociaux obligatoires a, par l'erreur commise, engagé sa responsabilité civile professionnelle.

Comme l'a retenu à juste titre le premier juge, elle ne saurait se retrancher derrière le système informatique de Maître X..., en

raison d'une part du fait que les différents postes de débours litigieux avaient été saisis et se trouvaient à la disposition du prestataire comptable et d'autre part, du fait que le contrat de collaboration du 31 Mars 1989 impose au Cabinet comptable une totale maîtrise du système informatique en demandant même au client de se conformer à la procédure informatique préconisée par le cabinet comptable (BVII).

Devant la Cour, les intimées ne discutent pas la motivation du premier juge mais se contentent de dire qu'il s'agissait d'une particularité du système informatique de Maître X... dont celle-ci n'aurait pas avisé l'expert-comptable.

Outre le fait que cet argument n'apparaît pas dirimant, il est justifié par les pièces produites (extrait du manuel de vérification de comptabilité d'un office d'huissier de justice), que le logiciel comptable de Maître X... est conforme à ce qui est pratiqué en la matière et ne constitue pas une exception. Dès lors, l'absence d'information que les intimées imputent à Maître X... apparaît dénuée de portée, la comptabilisation des débours faite de manière conforme à la pratique (en classe 4 en l'espèce) ne pouvant échapper à un professionnel de l'expertise comptable.

La Société Cabinet Lye a ainsi indéniablement engagé sa responsabilité en ne faisant pas figurer en charges les débours avancés pour le compte des clients.

Le jugement qui en a justement décidé ainsi sera confirmé.

La faute ainsi commise a eu pour conséquence de majorer artificiellement les revenus de Mademoiselle X... pendant plusieurs années.

Si l'appelante a pu bénéficier de dégrèvements fiscaux pour les années les plus récentes, les conséquences de la faute commise n'ont pas été entièrement réparées en raison de la prescription.

Madame X... n'a donc pas été indemnisée de son entier préjudice.

Cependant, la Cour compte tenu de leur caractère technique, ne dispose pas des éléments suffisants pour apprécier les documents chiffrés produits aux débats. Il convient, en conséquence, d'ordonner une expertise aux fins de déterminer les exactes conséquences de la faute commise par le Cabinet Lye. P A R C E S M O T I F S LA COUR Z... publiquement, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré sur la responsabilité,

Avant-dire droit sur le préjudice,

ORDONNE une expertise et désigne pour l'effectuer : Monsieur Jean-Claude LEMOINE INGE A... 2 Avenue de Vignate 38610 GIERES qui reçoit mission de :

[* d'entendre les parties, se faire remettre tous documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission,

*] établir les conséquences chiffrées de la faute commise par le Cabinet Lye sur le plan fiscal, social (URSSAF, CAVOM et assurance maladie) et sur la rentabilité de l'étude,

[* déterminer les démarches effectivement effectuée par Maître X..., *] recueillir tous éléments de nature à établir le préjudice de Madame X... en lien avec la faute commise,

ORDONNE la consignation par Madame X... de la somme de 900 euros (neuf cents euros) à titre d'avance sur frais d'expertise avant le 15 AVRIL 2002 faute de quoi la désignation deviendra caduque,

DIT que l'expert devra accomplir sa mission dans les quatre mois suivant la consignation de la provision au greffe et qu'en cas d'empêchement il pourra être remplacé par ordonnance de Madame le Conseiller de la mise en état,

SURSOIT à statuer sur les autres demandes,

RESERVE les dépens. Rédigé et prononcé par Madame FALLETTI-HAENEL, Président, qui a signé avec le greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Numéro d'arrêt : 98/364
Date de la décision : 26/02/2002
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2002-02-26;98.364 ?
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