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22/01/2002 | FRANCE | N°00/02626

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 22 janvier 2002, 00/02626


R.G. N° 00/02626 N° Minute : AFFAIRE : SA FRANFINANCE c/ AIMO X... Grosse délivrée le : S.C.P. CALAS S.E.LA.R.L. DAUPHIN etamp; NEYRET AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE GRENOBLE 1ERE CHAMBRE CIVILE ARRET DU MARDI 22 JANVIER 2002 Appel d'une décision (N° R.G. 199903591) rendue par le Tribunal de Grande Instance GRENOBLE en date du 15 juin 2000 suivant déclaration d'appel du 12 Juillet 2000 APPELANTE : S.A. FRANFINANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège 59 avenue de Chatou 92853 RUEIL MALMAISON CEDEX Représenté

e par la SCP CALAS, avoué associé à la Cour Assistée de Me Ar...

R.G. N° 00/02626 N° Minute : AFFAIRE : SA FRANFINANCE c/ AIMO X... Grosse délivrée le : S.C.P. CALAS S.E.LA.R.L. DAUPHIN etamp; NEYRET AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE GRENOBLE 1ERE CHAMBRE CIVILE ARRET DU MARDI 22 JANVIER 2002 Appel d'une décision (N° R.G. 199903591) rendue par le Tribunal de Grande Instance GRENOBLE en date du 15 juin 2000 suivant déclaration d'appel du 12 Juillet 2000 APPELANTE : S.A. FRANFINANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège 59 avenue de Chatou 92853 RUEIL MALMAISON CEDEX Représentée par la SCP CALAS, avoué associé à la Cour Assistée de Me Arnaud DOLLET, avocat au barreau de GRENOBLE INTIMEE :

Madame Lysiane Y... épouse AIMO X... ...; NEYRET, avoués à la Cour Assistée de Me OSTIAN, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué par Maître COOK, avocat au même barreau (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2000/005380 du 18/09/2000 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE) COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Odile FALLETTI-HAENEL, Président, Madame Claude-Françoise KUENY, Conseiller, Monsieur Jean-Pierre VIGNAL, Conseiller, Assistés lors des débats de Madame Hélène Z..., Greffier. DEBATS : A l'audience publique du 19 Novembre 2001, les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries. Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour, après prorogation du délibéré. --oOo--

Se prévalant d'une offre préalable de prêt personnel Crédissimo pour un montant de 270.000 francs payable en 48 mensualités de 6.850,61 francs souscrite le 07 Février 1997 par Monsieur Uriel AIMO X... et son épouse Madame Lysiane AIMO X... et invoquant le non-paiement des mensualités depuis le 10 Avril 1998, la SA FRANFINANCE a, par acte du

17 Juin 1999, fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de Grenoble Madame Lysiane AIMO X..., son mari étant décédé, aux fins d'obtenir principalement sa condamnation au paiement de la somme de 249.600,29 francs, outre intérêts au taux contractuel correspondant au total des sommes lui restant dues.

Par jugement contradictoire rendu le 15 Juin 2000, le Tribunal de Grande Instance de Grenoble, retenant que Madame Lysiane AIMO X... dont la signature portée sur l'offre préalable de prêt avait été imitée n'avait pas à l'égard de FRANFINANCE la qualité de co-emprunteuse et que l'emprunt contracté qui ne portait pas sur une somme modeste nécessaire aux besoins de la vie courante mais était destiné à financer l'achat d'un Coupé BMW à usage professionnel, n'avait pu engager le conjoint sur le fondement de l'article 220 du Code Civil :

- a débouté la SA FRANFINANCE de toutes ses demandes,

- a condamné la SA FRANFINANCE à payer à Madame Lysiane AIMO X... une indemnité de 3.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Suivant déclaration du 12 Juillet 2000, la SA FRANFINANCE a relevé appel de cette décision.

Elle demande à la Cour, infirmant le jugement déféré et déboutant Madame Lysiane AIMO X... de son appel incident :

de condamner Madame Lysiane AIMO X... à lui payer la somme de 249.600,29 francs outre intérêts,

d'ordonner la capitalisation des intérêts,

de condamner, enfin, Madame Lysiane AIMO X... à lui payer la somme de 10.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'appelante qui admet qu'aucun contrat ne la liait à Madame AIMO X... soutient que celle-ci a bénéficié sans cause de la somme de 270.000

francs qui lui a assuré un train de vie élevé. Elle considère ainsi que son propre appauvrissement est corrélatif à l'enrichissement de Madame AIMO X... et justifie son action à l'encontre de cette dernière.

Elle prétend, d'autre part, que l'emprunt souscrit qui a servi pour partie à l'acquisition d'un véhicule M3 Coupé BMW d'un montant de 374.000 francs, a été contracté avec le consentement de Madame Lysiane AIMO X... pour les besoins du ménage et que cette dépense ne présentait pas un caractère excessif au regard des revenus des époux. Elle estime, en conséquence, que Madame Lysiane AIMO X... est solidairement tenue envers la société prêteuse des sommes lui restant dues.

En raison de l'ancienneté de la créance, elle revendique que soit ordonnée la capitalisation des intérêts.

Elle s'oppose à la demande d'indemnisation du préjudice moral de Madame AIMO X... qui ne peut lui reprocher aucune faute, les seuls griefs qu'elle a à faire étant imputables à son mari décédé.

Madame Lysiane AIMO X... demande à la Cour :

Sur l'appel principal,

de confirmer le jugement déféré et ainsi de débouter la Société FRANFINANCE de l'ensemble de ses prétentions,

Sur l'appel incident,

de dire que la responsabilité de la Société FRANFINANCE est engagée, de condamner, en conséquence, la Société FRANFINANCE à lui verser la somme de 20.000 francs à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

En tout état de cause,

de condamner la Société FRANFINANCE à lui payer la somme de 10.764 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle rappelle avoir renoncé à la succession de son mari décédé le 26 Mai 1998 lequel avait, à son insu, en imitant sa signature, obtenu un montant considérable de crédits auprès d'organismes divers dont la Société FRANFINANCE.

Elle fait valoir que l'avis d'expertise graphologique de Madame A..., graphologue-expert, et le rapport d'expertise graphologique judiciaire de Monsieur B..., graphologue-expert, établissent de manière certaine et incontestable qu'elle n'est pas signataire de l'offre de prêt et qu'elle n'est ainsi pas engagée envers la Société FRANFINANCE.

Elle relève qu'en soulignant dans ses écritures "qu'aucun contrat ne liait les parties" pour justifier le moyen tiré de l'enrichissement sans cause, la Société FRANFINANCE qui invoque par ailleurs l'opposabilité du contrat de prêt litigieux au titre de la solidarité entre époux, adopte une argumentation incohérente et démontre le défaut de caractère subsidiaire de son action fondée sur l'enrichissement sans cause.

Elle ajoute que la Société FRANFINANCE qui a agi dans son intérêt personnel afin de réaliser une opération avantageuse et qui en n'exigeant pas la présence à l'acte du co-emprunteur a pris un risque financier pouvant s'analyser en une faute, ne peut exercer l'action de in rem verso.

Elle soutient, enfin, que l'enrichi ne doit rien à l'appauvri si l'avantage dont il a bénéficié à un moment donné a disparu avant l'exercice de l'action de in rem verso, ce qui est démontré en l'espèce, elle-même qui a renoncé à la succession n'ayant aucunement bénéficié des sommes empruntées par son époux.

Elle conteste, d'autre part, être tenue par les engagements souscrits par Monsieur AIMO X... au titre de la solidarité entre époux, faute

par la Société FRANFINANCE d'administrer la preuve du caractère ménager du contrat, s'agissant d'un prêt destiné à l'acquisition d'un véhicule particulièrement onéreux réservé à un usage professionnel et obtenu sans le consentement du conjoint.

Enfin, Madame AIMO X... soutient avoir subi un préjudice moral du fait des fautes commises par la Société FRANFINANCE caractérisées par la non-présence à l'acte et le défaut de vérification de la signature du co-emprunteur ainsi que par le défaut de conseil résultant d'une absence de vérification de la situation financière de Monsieur AIMO X... pourtant particulièrement obérée.

Elle considère que les fautes commises par la Société FRANFINANCE sont les causes directes du préjudice moral et financier qu'elle subit aujourd'hui.

MOTIFS ET DECISION

Sur l'appel principal :

La Société FRANFINANCE qui ne fonde plus sa réclamation à l'encontre de Madame Lysiane AIMO X... sur sa qualité de co-emprunteuse a implicitement admis qu'elle n'était pas signataire du contrat.

Le jugement déféré qui en a jugé ainsi sera en conséquence confirmé. C'est en effet par une motivation pertinente que la Cour adopte, non discutée par l'appelante, que le premier juge a, après avoir procédé à une comparaisons des signatures portées sur différents actes en se référant aux constantes mises en évidence par l'expert-judiciaire, considéré à bon droit que la signature apposée le 07 Février 1997 sur l'offre préalable de prêt personnel Crédissimo était une imitation de la signature de Madame Lysiane AIMO X... et que celle-ci n'avait donc pas à l'égard de la Société FRANFINANCE la qualité de co-emprunteuse. Pour autant, l'appelante qui invoque l'absence de contrat liant les parties est mal fondée à revendiquer l'application de la théorie de

l'enrichissement sans cause qui ne peut être admise qu'à défaut de toute autre action. En l'espèce, la Société FRANFINANCE ne peut se fonder sur l'action de in rem verso alors qu'elle prétend également faire reconnaître l'opposabilité du contrat de prêt litigieux à l'encontre de Madame Lysiane AIMO X... au titre de la solidarité entre époux.

L'action fondée sur l'enrichissement sans cause invoquée pour la première fois devant la Cour ne présente ainsi, aux termes mêmes des écritures de l'appelante, pas de caractère subsidiaire.

En outre, au moment où la Société FRANFINANCE a invoqué pour la première fois l'enrichissement dans cause (cf ses conclusions du 21 Novembre 2000), l'enrichissement imputé à Madame AIMO X... avait, en tout état de cause, disparu, celle-ci ayant renoncé à la succession de son mari suivant déclaration du 18 Mai 1999 en sorte que pour ce motif également les conditions de l'action de in rem verso ne sont pas réunies.

L'argumentation de l'appelante qui prétend tout à la fois "qu'aucun contrat ne la liait à Madame AIMO X..." et que "l'emprunt a été contracté avec le consentement de Madame AIMO X... et pour les besoins du ménage" est empreinte de contradiction.

Le premier juge a, suivant une motivation pertinente que la Cour adopte, justement considéré que le prêt destiné à financer l'achat d'un coupé BMW à usage professionnel n'apparaissait pas être un achat nécessaire aux besoins du ménage, Monsieur AIMO X... ayant déjà emprunté 186.162 francs pour l'achat d'un véhicule Golf et 400.000 francs pour l'achat d'un véhicule Cherokee.

L'appelante prétend à tort que le prêt aurait été souscrit avec le consentement de Madame AIMO X... alors qu'il est établi et non discuté que la signature figurant au contrat n'est pas la sienne, celle-ci ayant été imitée. Le revenu et le train de vie de Monsieur

AIMO X... ne justifient pas cette dépense à laquelle l'importance de son endettement ne permettait pas de faire face autrement que par des emprunts de cavalerie.

Le jugement déféré qui a justement écarté le moyen tiré de la solidarité entre époux et a débouté la Société FRANFINANCE de l'ensemble de ses prétentions à l'encontre de Madame AIMO X...

Sur l'appel incident :

Le défaut de vérification de la signature du co-emprunteur par l'organisme prêteur a eu pour conséquence le rejet des prétentions de la Société FRANFINANCE à l'encontre de Madame AIMO X... qui ne peut ainsi invoquer un préjudice financier de ce chef.

D'autre part, Madame AIMO X... qui a fait l'objet de nombreuses poursuites du fait du comportement de son mari ne justifie pas d'un lien direct entre le préjudice moral qu'elle invoque et l'absence de vérification de la situation financière de Monsieur AIMO X... qu'elle reproche à la Société FRANFINANCE.

Il reste que la Société FRANFINANCE dès lors qu'elle a été convaincue que la signature portée à l'acte n'était pas celle de Madame AIMO X... a fait preuve d'un acharnement inutile en relevant appel de la décision. Ce faisant, elle a contribué à l'épuisement moral et corporel de l'intimée que les pièces médicales produites au débat l'établissent. Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de condamner la Société FRANFINANCE à payer à Madame AIMO X... la somme de 750 euros en réparation du préjudice résultant de l'appel abusif.

Il sera, en outre, alloué à Madame AIMO X..., contrainte d'exposer devant la Cour des frais irrépétibles qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge, la somme supplémentaire de 750 euros. P A R C E S M O T I F S LA COUR C... publiquement, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré,

Y AJOUTANT, CONDAMNE la Société FRANFINANCE à payer à Madame AIMO X... la somme de 750 euros (sept cinquante euros) pour appel abusif et celle de 750 euros (sept cent cinquante euros) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

CONDAMNE la Société FRANFINANCE aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SELARL DAUPHIN et NEYRET, avoués, sur ses offres de droit. Rédigé et prononcé par Madame FALLETTI-HAENEL, Président, qui a signé avec le greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Numéro d'arrêt : 00/02626
Date de la décision : 22/01/2002

Analyses

QUASI-CONTRAT - Enrichissement sans cause - Action de in rem verso

L'action fondée sur l'enrichissement sans cause ne peut être admise qu'à défaut de toute autre action ouverte au demandeur. Une banque ne peut pas se fonder sur l'action de in rem verso alors qu'elle prétend également faire reconnaître l'opposabilité du contrat de prêt litigieux à l'encontre de l'intimé au titre de la solidarité entre époux


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.grenoble;arret;2002-01-22;00.02626 ?
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