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04/07/2024 | FRANCE | N°23/00248

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Chbre sociale prud'hommes, 04 juillet 2024, 23/00248


COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE







ARRÊT DU 04 JUILLET 2024



N° RG 23/00248 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HFWS



[M] [K]

C/ S.A.S. DGC INDUSTRIES

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BONNEVILLE en date du 30 Janvier 2023, RG F 21/00144







APPELANT :



Monsieur [M] [K]

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représentant : Me François philippe GARNIER, avocat au barreau de BONNEVILLE

assis

té de Me François philippe GARNIER, avocat au barreau de BONNEVILLE



INTIMEE :



S.A.S. DGC INDUSTRIES

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentant : Me Nadine MOINE-PICARD, avocat au barrea...

COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 04 JUILLET 2024

N° RG 23/00248 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HFWS

[M] [K]

C/ S.A.S. DGC INDUSTRIES

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BONNEVILLE en date du 30 Janvier 2023, RG F 21/00144

APPELANT :

Monsieur [M] [K]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentant : Me François philippe GARNIER, avocat au barreau de BONNEVILLE

assisté de Me François philippe GARNIER, avocat au barreau de BONNEVILLE

INTIMEE :

S.A.S. DGC INDUSTRIES

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Nadine MOINE-PICARD, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS

assistée de Me Nadine MOINE-PICARD, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS

PARTIES INTERVENANTES :

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue en audience publique le 30 Avril 2024, devant Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente, qui s'est chargé(e) du rapport, les parties ne s'y étant pas opposées, avec l'assistance de Madame Sophie MESSA, Greffière à l'appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré,

et lors du délibéré :

Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente,

Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHUILON, Conseillère,

********

Exposé du litige':

M. [K] a été engagé par la SAS DGC Industries le 19 septembre 2016 en qualité d'apprenti. Puis la relation contractuelle s'est poursuivie en contrat à durée indéterminée le 7 juillet 2018 le salarié occupant désormais les fonctions de d'aide-décolleteur. A compter du 30 mars 2020, M. [K] a été soumis à une durée de travail de 35 heures par semaine.

M. [K] a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 1er avril 2021.

M. [K] a saisi le conseil des prud'hommes de Bonneville en date du'19 septembre 2022 aux fins de juger que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produisait les effets d'un licenciement nul et obtenir les indemnités afférentes outre des rappels de salaires et une indemnité au titre du travail dissimulé.

Par jugement du'30 janvier 2023, le conseil des prud'hommes de Bonneville a':

Jugé que la lettre de prise d'acte de Monsieur [M] [K] est claire, et non équivoque, et s'analyse en une démission.

Débouté Monsieur [M] [K] de l'ensemble de ses demandes.

Condamné Monsieur [M] [K] au paiement de 4.706,00 € (QUATRE MILLE SEPT CENT SIX EUROS) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, pour inexécution de préavis, au profit de la SAS DGC Industries.

Débouté la SAS DGC Industries de sa demande de condamnation de Monsieur [K] au paiement de 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Débouté les parties du surplus de leurs demandes comme inutiles et mal fondées.

Dit que les dépens sont à la charge de la partie qui succombe

La décision a été notifiée aux parties et M. [K] en a interjeté appel par le Réseau Privé Virtuel des Avocats le 13 février 2023.

Par conclusions du'24 octobre 2023, M. [K] demande à la cour d'appel de':

Confirmer la décision en ce qu'elle :

- « 4/Débouté la SAS DGC Industries de sa demande de condamnation de Monsieur [K] au paiement de 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile. »

Réformer la décision en ce qu'elle :

« 1/ Dit et jugé que la lettre de prise d'acte de Monsieur [M] [K] est claire, et non équivoque, et s'analyse en une démission.

« 2/ Débouté Monsieur [M] [K] de l'ensemble de ses demandes.

« 3/ Condamné Monsieur [M] [K] au paiement de 4.706,00 € (QUATRE MILLE SEPT CENT SIX EUROS) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, pour inexécution de préavis, au profit de la SAS DGC Industries. »

« 5/ Débouté les parties du surplus de leurs demandes comme inutiles et mal fondées

« 6/ Dit que les dépens sont à la charge de la partie qui succombe. »

En conséquence,

Condamner la société DGC INDUSTRIES à verser à M. [K] les sommes de :

* 11.720,00 € au titre des heures supplémentaires.

* 210,00 € au titre des heures normales.

*1.193,00 € au titre des indemnités compensatrices de congés payés sur heures supplémentaires et heures normales impayées.

* 3.559,00 € à titre d'indemnité de licenciement.

* 4.706,00 € au titre d'indemnité compensatrice de préavis.

* 470,00 € au titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.

* 20.000,00 € à titre de dommages et intérêts au titre de la nullité du licenciement.

* 72.230,70 € au titre de la violation du statut protecteur.

* 14.118,00 € au titre de l'indemnité pour travail dissimulé.

Dire que les sommes porteront intérêts à compter de la saisine.

Dire que les intérêts dus pour une année entière porteront eux-mêmes intérêts par application des règles sur l'anatocisme.

Ordonner la remise des bulletins de paie rectifiés faisant apparaître les heures supplémentaires effectués par la société DGC INDUSTRIES à M. [K] sous les huit jours de la décision à intervenir.

Condamner la société DGC INDUSTRIES à verser à M. [K] à titre d'astreinte la somme de 50,00 € par jour de retard à compter du 9ème jour suivant la décision à intervenir.

Et, y ajoutant,

Dire et juger irrecevable et à défaut mal fondées toutes fins ou demandes de la société DGC INDUSTRIES contraires à celles de Monsieur [K].

En tant que de besoin, Ordonner la production par la société DGC INDUSTRIES des relevés de pointage de Monsieur [K] pendant toute la période de la relation contractuelle.

Condamner la société DGC INDUSTRIES à verser à M. [K] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

Condamner la société DGC INDUSTRIES aux dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de Maître Garnier, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

Par conclusions en réponse du 25 juillet 2023 , la SAS DGC Industries demande à la cour d'appel de':

Confirmer la décision rendue le 30 janvier 2023 par le Conseil de Prud'hommes de Bonneville en ce qu'elle :

- 1/ Dite et jugé que la lettre de prise d'acte de Monsieur [M] [K] est claire, et non équivoque, et s'analyse en une démission.

- 2/ Débouté Monsieur [M] [K] de l'ensemble de ses demandes.

- 3/ Condamné Monsieur [M] [K] au paiement de 4.706,00 € (QUATRE MILLE SEPT CENT SIX EUROS) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, pour inexécution de préavis, au profit de la SAS DGC Industries.

- 5/ Débouté les parties du surplus de leurs demandes comme inutiles et mal fondées.

- 6/ Dit que les dépens sont à la charge de la partie qui succombe.

Réformer la décision en ce qu'elle :

- 4/ Débouté la SAS DGC Industries de sa demande de condamnation de Monsieur [K] au paiement de 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- Condamner M. [K] au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Condamner M. [K] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le'28 mars 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

SUR QUOI'

Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail':

Moyens des parties :

M. [K] soutient qu'il a pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier du 1er avril 2021 en raison de la violation de son statut protecteur de salarié protégé depuis décembre 2019 et que cette rupture doit produire les effets d'un licenciement nul.

Il expose qu'il a effectué des heures supplémentaires non intégralement réglées et payées à la discrétion de l'employeur sous forme de primes, que les réunions du CSE n'ont plus eu lieu après sa nomination, que les 4 élus ont tous quitté l'entreprise et que des représailles sont rapidement intervenues, qu'il a été victime de pressions l'invitant à quitter l'entreprise quand il est devenu salarié protégé à compter du mois de décembre 2019, victime d'intimidation et de violences verbales (surnommé «'le syndiqué communiste'»), que l'assurance maladie lui a demandé le remboursement d'indemnités journalières suite à de fausses attestations de salaire de l'employeur pour le mois de mai 2020 et qu'un mail a été adressé aux salariés avec une menace sous-jacente pour leur emploi. Il a aussi été menacé d'être expulsé de son logement et ses affaires jetées par la fenêtre, le contraignant à prendre acte de la rupture de son contrat de travail.

La SAS DGC Industries soutient que M. [K] a fondé sa prise d'acte uniquement sur le non-paiement d'heures supplémentaires pour lequel il n'apporte pas d'éléments suffisants lui permettant de répondre, les éléments versés étant par ailleurs contradictoires. Le salarié n'ayant jamais émis de réclamation à ce titre durant la relation contractuelle. Cette prise d'acte devant s'analyser comme une démission d'autant que le courrier de prise d'acte n'a été posté que le 15 avril et réceptionné par l'employeur le 16 avril 2021 et qu'il a passé un entretien d'embauche dès le 7 avril 2021 pour une société dans le même secteur d'activité.

Sur ce,

Il est constant que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail. Il appartient au salarié de rapporter la preuve des manquements invoqués à l'encontre de son employeur.

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture, qui entraîne la cessation immédiate du contrat de travail, produit les effets soit d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

La prise d'acte n'est soumise à aucun formalisme.

En l'espèce, il ressort du courrier du 1er avril 2021 adressé par M. [K] à la SAS DGC Industries qu'il prend acte de la rupture de son contrat de travail et expose «' depuis le début d'année 2018, j'ai constaté que de nombreuses heures supplémentaires effectuées n'étaient pas rémunérés avec la majoration ou payées sous forme de « prime exceptionnelle » ou «'prime de production'». À ce titre j'ai procédé au décompte des plannings, photographier les pointeuses et établit un calendrier mensuel des dépassements d'horaires. D'après le décompte de l'année 2018, il s'agit de 280,75 heures majorées non payées. En 2019 n'avait pas réglé 306 heures supplémentaires majorées et neuf heures majorée de week-end. Pour l'année 2020 et de façon provisoire je décompte 69,25 heures majorées non payées, 15 heures sans majoration non payée, quatre jours non payés en mai et une absence de versement de la prime d'ancienneté. Pour l'année 2021, il s'agit de 4h45 majorées non payées. Ces heures représentent un total minimal de 669,75 heures et a minima 11'700 € d'impayés au titre des heures supplémentaires et 210 € au titre des heures au taux normal non réglées. De plus, d'après mes renseignements certaines heures payées sous forme de primes correspond à du travail dissimulé représentant six mois de salaire brut reconstitué et nous avons dépassé le contingent maximum horaire à de nombreuses reprises. J'estime que l'absence de paiement intégral de mes salaires cause un réel préjudice et empêche toute poursuite de mon contrat de travail. C'est la raison pour laquelle je prends l'initiative de la rupture de mon contrat de travail à la date de réception de la présente dont je vous impute la responsabilité'».(sic)

Il en ressort clairement et de manière non équivoque que M. [K] rompt son contrat de travail en arguant de manquements de son employeur qu'il juge suffisamment graves pour empêcher la poursuite des relations contractuelles.

S'il doit être noté que M. [K] ne formule dans son courrier de prise d'acte, aucun reproche à son employeur s'agissant de la violation de son statut protecteur de salarié protégé depuis décembre 2019 ou d'autres manquements que le défaut de paiement de ses heures supplémentaires comme conclu, il est de principe que le salarié, ayant pris acte de la rupture de son contrat de travail, peut formuler de nouveaux reproches devant le juge que celui-ci doit examiner. L'écrit par lequel il prend acte de la rupture de son contrat de travail ne fixant pas les limites du litige (contrairement à une lettre de licenciement).

En outre, il est également de principe qu'en cas de prise d'acte, le salarié bénéficie des effets d'un licenciement nul même si son statut protecteur n'a démarré qu'après le(s) manquement(s) de l'employeur justifiant la prise d'acte.

Ainsi M. [K] qui ne formule pas expressément dans le dispositif de ses conclusions la prétention selon laquelle sa prise d'acte produirait les effets d'un licenciement nul, sollicite néanmoins des dommages et intérêts au titre de la nullité du licenciement et des dommages et intérêts pour «'violation du statut protecteur'», la cour en déduisant qu'il demande que sa prise d'acte produise les effets d'un licenciement nul du fait de sa seule qualité de salarié protégé, l'employeur quant à lui sollicitant que cette prise d'acte produise les effets d'une démission sans conclure sur la violation du statut protecteur.

S'agissant des manquements relatifs aux heures supplémentaires':

S'agissant des heures supplémentaires, conformément à l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; la durée légale du travail, constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article L. 3121-22 du code du travail, les heures supplémentaires devant se décompter par semaine civile.

Par application de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, le juge formant sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre'd'heures'de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux'heures'non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des'heures'de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où elle retient l'existence'd'heures'supplémentaires, la juridiction prud'homale évalue souverainement, sans être tenue de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Par ailleurs, il doit être rappelé que l'absence d'autorisation donnée par l'employeur au salarié pour effectuer des heures supplémentaires est indifférente dès lors que les heures supplémentaires ont été rendues nécessaires par les tâches confiées au salarié.

Il est de jurisprudence constante que n'est pas suffisant un calcul basé sur une durée moyenne hebdomadaire théorique.

En l'espèce, M. [K] verse aux débats les éléments suivants quant aux heures non rémunérées dont il réclame le paiement':

- Les calendriers 2018, 2019, 2020 et 2021qui portent les mentions manuscrites du nombre d'heures de travail par semaines et par mois, précisent les vacances et arrêts maladies et les périodes de confinement en 2020.

- Son planning de la semaine du 24 août 2020 dont il ressort une durée du travail de 39 heures par semaine.

- Une photographie d'un appareil pointeuse Kelio qui mentionne un «'total jour'» de plus de 12 heures et un «'total semaine'» de plus de 43 heures.

- Un échange de SMS entre M. [K] et M. [S] du 30 août 2019 à 16H45 par lequel l'employeur lui demande de revenir couper la machine.

- La note de la SAS DGC Industries qui sollicite des volontaires pour travailler en production et faire tourner les CN les samedi 22, 29 juin et 6 juillet 2019 en raison de la hausse temporaire de la charge de travail.

- Un tableau réalisé par M. [K] des reconductions des primes perçues pour les heures supplémentaires effectuées.

- Des bulletins de paie avec des post-it mentionnant le paiement d'une prime et «'les heures compte payées'» et «'les heures supplémentaires effectuées majorées ou non.

- L'attestation de M. [X], ancien salarié de la SAS DGC Industries du 29 mai 2017 au 22 mai 2019, qui expose que durant cette période il a fait 652 heures supplémentaires payées en heures normales en formulant prime de production dur le bulletin de salaire.

- L'attestation de M. [P], ancien salarié, qui confirme qu'il a consté à de multiples reprises des défauts sur ses fiches de payes en ce qui concerne les heures réalisés et les heures payées et comme c'est le cas chez la SAS DGC Industries, ses heures supplémentaires ont été payées sous forme de prime de production exceptionnelle.

- L'attestation de M. [H] qui confirme que ses heures supplémentaires étaient rémunérées sous la forme de primes diverses et absence de majoration.

- Un tableau récapitulatif des heures effectuées dues du 10 juin 2019 au 16 avril 2021

Les éléments ainsi produits par M. [K], constituent une présentation d'éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies de nature à permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

La SAS DGC Industries qui conteste devoir des heures supplémentaires, ne produit aucun document permettant de manière objective ou contradictoire (signature du salarié) de justifier des heures de travail effectivement réalisées par le salarié comme prévu aux dispositions légales susvisées.

Le seul fait que des salariés attestent au profit de leur employeur de leurs bonnes relations avec la SAS DGC Industries et de ne «'jamais avoir vu d'incohérences ou défaillance en ce qui concerne les heures rémunérées'» ou anciens salariés ont attesté «'n'avoir jamais eu à se plaindre de la rémunération des heures travaillées'», ou que la direction était «'arrangeante'» au sujet des heures supplémentaires, que les heures supplémentaires ont toujours été payées «'correctement'», l'entreprise étant «'arrangeante et souple'», ne permet pas de garantir que M. [K] n'a pas effectué d'heures supplémentaires impayées ou que les heures supplémentaires ont été effectivement payées avec les majorations et non sous forme de prime comme il le fait valoir.

Il ressort toutefois des constatations, l'existence d'incohérences dans les plannings horaires versés par le salarié s'agissant notamment de la période de scolarité en alternance en BTS CPRP de septembre 2017 à juillet 2018, M. [K] alléguant des heures supplémentaires sur plusieurs semaines de janvier, février et mars 2018 en périodes de cours et sur une période d'arrêt maladie sur lesquelles M. [K] ne justifie pas comme allégué ,que l'employeur lui aurait refusé de préparer son dossier de fin d'année pendant ses heures de travail l'obligeant à faire des heures supplémentaires en plus de ses heures de cours. Il existe également de nombreuses contradictions entre le tableau d'heures présenté par le salarié en P16 et les heures supplémentaires sur les calendriers par années (19 au moins)

S'il incombe ainsi à l'employeur conformément aux dispositions susvisées de contrôler les'heures'de travail effectuées par son salarié et de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par celui-ci, compte tenu des nombreuses incohérences et contradictions dans les heures supplémentaires prétendument effectuées par le salarié, M. [K] ne justifie pas avoir réalisé la totalité des heures supplémentaires revendiquées. Il convient dès lors de condamner la SAS DGC Industries à lui verser la somme de 5 880 € au titre de heures supplémentaires outre 588 € de congés payés afférents.

Ce seul manquement au paiement de la rémunération du salarié par l'employeur constitue un manquement suffisamment grave empêchant la poursuite des relations contractuelles et fondant la prise d'acte de M. [K] qui produira, compte tenu de statut de salarié protégé au moment de la prise d'acte, les effets d'un licenciement nul par voie d'infirmation du jugement déféré. Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner les autres manquements allégués par le salarié.

M. [K] avait 43 ans au moment de la prise d'acte et plus de deux années d'ancienneté dans l'entreprise. Il convient de condamner la SAS DGC Industries à lui payer les sommes suivantes':

* 10 677 € de dommages et intérêts pour prise d'acte produisant les effets d'un licenciement nul

* 3 559 € d'indemnité de licenciement

*4 706 € d'indemnité compensatrice de préavis outre 470 € de congés payés afférents

Sur la violation du statut protecteur':

Le statut protecteur consiste en une protection des salariés protégés (représentants du personnel, conseiller du salarié conseiller prudhommal...) dans leur emploi imposant à l'employeur le respect d'une procédure spéciale (lorsque celui-ci souhaite rompre le contrat de travail autorisation de l'inspection du travail) ou modifier celui-ci, changer les conditions de travail sans son accord permettant de s'assurer que la modification n'est pas en lien avec son mandat. Le statut protecteur s'apprécie au jour de la prise d'acte.

En l'espèce, il ne résulte pas des éléments de faits que l'employeur ait tenté de porter atteinte au statut de salarié protégé de M. [K] dans le cadre d'une procédure de licenciement, puisque c'est le salarié qui a acte de la rupture de son contrat de travail, ni que l'employeur ait entendu modifier le contrat de travail ou ses conditions de travail sans l'accord du salarié.

M. [K] doit donc être débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre par voie de confirmation du jugement déféré.

Sur le travail dissimulé:

Moyens des parties :

M. [K] sollicite la condamnation de son employeur au titre du travail dissimulé, l'intégralité de ses heures supplémentaires ne lui ayant pas été payées ou aléatoirement payées sous forme de primes de production ou de primes exceptionnelles.

La SAS DGC Industries conteste l'existence d'heures supplémentaires non payées et expose qu'il n'est pas illégal de verser des primes, les primes de rendement, de productivité ou d'objectifs ayant gééralement pour objet de récompenser la performance individuelle même si certaines d'entre elles sont calculées en fonction d'un rendement collectif ou par équipe. En fonction de la satisfaction de l'employeur sur le travail accompli, une prime de production était versée mais pas chaque mois et pas de même montant si le rendement était présent.

Sur ce,

Il résulte des dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur':

-1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche';

-2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie';

-3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité en application des dispositions de l'article L.'8221-3 du code du travail', l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations :

- 1° Soit n'a pas demandé son immatriculation au registre national des entreprises en tant qu'entreprise du secteur des métiers et de l'artisanat ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire, ou a poursuivi son activité après refus d'immatriculation, ou postérieurement à une radiation ;

- 2° Soit n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur. Cette situation peut notamment résulter de la non-déclaration d'une partie de son chiffre d'affaires ou de ses revenus ou de la continuation d'activité après avoir été radié par les organismes de protection sociale en application de l'article'L. 613-4'du code de la sécurité sociale ;

-3° Soit s'est prévalue des dispositions applicables au détachement de salariés lorsque l'employeur de ces derniers exerce dans l'Etat sur le territoire duquel il est établi des activités relevant uniquement de la gestion interne ou administrative, ou lorsque son activité est réalisée sur le territoire national de façon habituelle, stable et continue.

L'article L. 8223-1 du code du travail dispose qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L.'8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Le paiement de cette indemnité suppose de rapporter la preuve, outre de la violation des formalités visées à l'article L.8223-1 du code du travail, de la volonté de l'employeur de se soustraire intentionnellement à leur accomplissement. Ce caractère intentionnel ne peut résulter du seul défaut de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie ni se déduire de la seule application d'une convention de forfait illicite.

Cette indemnité forfaitaire n'est exigible qu'en cas de rupture de la relation de travail. Elle est due quelle que soit la qualification de la rupture, y compris en cas de rupture d'un commun accord.

Cette indemnité est cumulable avec les indemnités de toute nature auxquelles le salarié a droit en cas de rupture du contrat de travail, y compris l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ou l'indemnité de mise à la retraite.

En l'espèce, il n'est pas contesté que certains bulletins de paie de M. [K] comportent le paiement d'une prime (de production) d'un montant variable et que dans le cadre de son pouvoir de gestion, il est loisible à l'employeur d'octroyer une gratification bénévole à ses salariés, l'opportunité de son versement et son montant lui appartenant à condition que ce versement ne devienne pas un usage.

M. [K] qui allègue que ces primes constituaient en réalité la contrepartie d'une partie des heures supplémentaires effectuées, produit pour en justifier':

- Un tableau dit de conversion peu compréhensible et qui ne reprend pas le même nombre d'heures supplémentaires que celles prétendument effectuées

- L'attestation de M. [X] ancien salarié de la SAS DGC Industries qui atteste qu'il a fait «'des heures supplémentaires payées en heures normales en formulant prime de production sur les bulletins de salaires'».

- L'attestation de M. [H], ancien salarié de la SAS DGC Industries qui atteste': «'heures supplémentaires rémunérer sous forme de prime divers + absence de majoration'» (SIC)

-L'attestation de M. [P], ancien salarié de la SAS DGC Industries qui atteste que durant sa période d'activité dans l'entreprise, il a constaté «'à de multiples reprises des défaults sur mes fiches de paie en ce qui concerne les heures supplémentaires. Comme c'est le cas chez M. [K] , les heures supplémentaires ont été payées sous formes de primes de production/exceptionnelle.'»(SIC)

- Des petites notes sur les bulletins de paie peu explicites

Ces éléments, dont les attestations imprécises, et parmi elles, celle de M. [P] qui a ensuite attesté pour l'employeur le 14 juin 2023 en indiquant avoir attesté en faveur de

M. [K] «'sous le coup de la colère'contre son employeur », sont insuffisants à démontrer que l'employeur rémunérait une partie des heures supplémentaires ou des majorations afférentes sous forme de primes.

Par conséquent, faute de démontrer le caractère intentionnel du travail dissimulé qui ne peut résulter du seul défaut de paiement des heures supplémentaires, M. [K] doit être débouté de sa demande à ce titre par voie de confirmation du jugement déféré.

Sur la remise d'une attestation Pôle Emploi et d'un bulletin de salaire rectifiés:

Il convient d'ordonner à la SAS DGC Industries de remettre à M. [K] un bulletin de salaire conforme au présent arrêt dans le mois de la notification ou de l'éventuel acquiescement à la présente décision et passé ce délai, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard pendant 3 mois.

Sur les demandes accessoires':

Il convient d'infirmer la décision de première instance s'agissant des dépens et des frais irrépétibles.

La SAS DGC Industries, partie perdante qui sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, devra payer à M. [K] la somme de 2000 € au titre de ses frais irrépétibles engagés en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS':

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement déféré excepté en ce qu'il a':

-Débouté M. [K] de sa demande de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur

- Débouté M. [K] de sa demande au titre du travail dissimulé

- Débouté la SAS DGC Industries de sa demande de condamnation de Monsieur [K] au paiement de 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation,

CONDAMNE la SAS DGC Industries à payer à M. [K] les sommes suivantes':

DIT que la prise d'acte de la rupturé du contrat de travail par M. [K] produit les effets d'un licenciement nul,

- 5880 € au titre de heures supplémentaires outre 588 € de congés payés afférents

- 3559 € à titre d'indemnité de licenciement

- 4706 € à tire d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 470 € de congés payés afférents

- 10677 € de dommages et intérêts pour prise d'acte produisant les effets d'un licenciement nul

DIT que les sommes auxquelles la SAS DGC Industries a été condamnée qui constituent des créances de salaires et accessoires produiront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil des prud'hommes et que celles qui constituent des sommes accordées à titre d'indemnisation produiront intérêts à compter présent arrêt,

ORDONNE la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1343 -2 du Code civil,

ORDONNE à la SAS DGC Industries de remettre à M. [K], un bulletin de salaire conforme au présent arrêt dans le mois de la signification ou de l'éventuel acquiescement à la présente décision et passé ce délai, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard pendant 3 mois,

CONDAMNE la SAS DGC Industries à payer la somme de 2 000 € à M. [K] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance,

CONDAMNE la SAS DGC Industries aux dépens de l'instance.

Ainsi prononcé publiquement le 04 Juillet 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente, et Monsieur Bertrand ASSAILLY,Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Chbre sociale prud'hommes
Numéro d'arrêt : 23/00248
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;23.00248 ?
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