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27/06/2024 | FRANCE | N°22/01726

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Chbre sociale prud'hommes, 27 juin 2024, 22/01726


COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE











ARRÊT DU 27 JUIN 2024



N° RG 22/01726 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HC7I



[M] [Z]

C/ S.A.S. FRET SNCF





Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHAMBERY en date du 08 Septembre 2022, RG F 19/00043



Appelant



M. [M] [Z]

né le 06 Octobre 1969 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Stéphane BELLINA de la SCP LE RAY BELLINA DOYEN,

avocat au barreau de CHAMBERY



Intimée



S.A.S. FRET SNCF, demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Marie GIRARD-MADOUX de la SCP GIRARD-MADOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHAMB...

COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 27 JUIN 2024

N° RG 22/01726 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HC7I

[M] [Z]

C/ S.A.S. FRET SNCF

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHAMBERY en date du 08 Septembre 2022, RG F 19/00043

Appelant

M. [M] [Z]

né le 06 Octobre 1969 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Stéphane BELLINA de la SCP LE RAY BELLINA DOYEN, avocat au barreau de CHAMBERY

Intimée

S.A.S. FRET SNCF, demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Marie GIRARD-MADOUX de la SCP GIRARD-MADOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHAMBERY

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Mars 2024 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente,

Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHUILON, Conseillère,

qui en ont délibéré

assistés de Monsieur Bertrand ASSAILLY, Greffier à l'appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré,

********

Exposé du litige':

M. [Z] a été engagé le 22 août 1994 en qualité d'attaché technicien supérieur et titularisé le 1er août 1995. Il a ensuite été promu à plusieurs reprises et notamment aux fonctions de responsable opérationnel convoi au sein de la direction Fret Autochem chargée du transport des marchandises (auto et chimie) à compter du 1er janvier 2006 en charge de la gestion d'une équipe de 10 personnes.

Le 1er juin 2006, il a été transposé sur le Cadre Transport Mouvement.

En 2015, le pôle de production a été restructuré et M. [Z] s'est vu attribuer le poste de réserve cadre au sein du pôle de production opérationnel, chargé de remplacer notamment le responsable opérationnel lignes.

M. [Z] est titulaire de différents mandats représentatifs depuis 2011 et est délégué syndical UNSA.

M. [Z] a saisi le conseil des prud'hommes de Chambéry, den date du'18 mars 2019 aux fins de voir juger qu'il a été victime de discrimination syndicale et d'une inégalité de traitement, de reclassification et obtenir les rappels de salaires associés et obtenir les indemnités afférentes.

Par jugement du'8 septembre 2022, le conseil des prud'hommes de Chambéry a':

- Jugé que l'action de M. [Z] n'est pas prescrite

- Débouté M. [Z] de l'intégralité de ses demandes

- Jugé qu'il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamné M. [Z] aux entiers dépens de l'instance.

La décision a été notifiée aux parties et M. [Z] en a interjeté appel par le Réseau Privé Virtuel des Avocats le 3 octobre 2022.

Par conclusions du'21 juin 2023, M. [Z] demande à la cour d'appel de':

- Infirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Chambéry le 8 septembre 2022 en ce qu'il a':

* Jugé que l'action de M. [Z] n'est pas prescrite

* Débouté M. [Z] de l'intégralité de ses demandes

* Jugé qu'il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

* Condamné M. [Z] aux entiers dépens de l'instance.

Statuant à nouveau,

- Juger que M. [Z] a été victime de discrimination syndicale et d'inégalité de traitement,

- Condamner la SAS Fret SNCF à classer M. [Z]':

* Au niveau 2-Position 24 rétroactivement à compter du 1eravril 2014 pour la période du 1eravril 2014 au 31 mars 2016

* Au niveau 2-Position 25 rétroactivement à compter du 1er avril 2016 2016 pour la période du 31 mars 2016 au 31 mars 2018

* Au niveau 2-Position 26 rétroactivement à compter du 1er avril 2018 pour la période du 31 mars 2018 au 31 mars 2020

* Au niveau 2-Position 27 rétroactivement à compter du 1er avril 2020 pour la période du 31 mars 2020 au 31 mars 2022

* Au niveau 2-Position 28 rétroactivement à compter du 1er avril 2022

- Et ce sous astreinte de 100 par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir

- Condamner la SAS Fret SNCF à lui verser les sommes suivantes':

* 32196,34 € bruts à titre de rappel de salaire pour la période d'avril 204 à mai 2023 outre 3219,63 € bruts au titre des congés payés afférents

* 30000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale et inégalité de traitement

- Juger que la SAS Fret SNCF a manqué à son obligation de sécurité de résultat,

- Condamner la SAS Fret SNCF à lui verser la somme de 15000 € de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral du fait du manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité de résultat

- Assortir les condamnations des intérêts de droit

- Juger que la cour de réserver le droit de liquider l'astreinte

- Condamner la SAS Fret SNCF à lui verser la somme de 5000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile aux titre des frais exposés en première insatnce et en appel

- Condamner la SAS Fret SNCF aux dépens.

Par conclusions du 23 mai 2023, la SAS Fret SNCF demande à la cour d'appel de':

- Infirmer le jugement rendu le 8 septembre 2022 par le conseil des prud'hommes de Chambéry en ce qu'il a jugé que l'action de M. [Z] n'était pas prescrite,

- Le confirmer pour le surplus

Statuant à nouveau,

- Juger irrecevable comme prescrite l'action initiée par M. [Z] devant le conseil des prud'hommes de Chambéry

- Débouter M. [Z] de l'intégralité de ses demandes

- Condamner M. [Z] aux entiers dépens de l'instance'.

L'ordonnance de clôture a été rendue le'6 mars 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

SUR QUOI':

Sur la prescription de l'action':

Moyens des parties :

La SAS Fret SNCF soutient qu'en application des dispositions de de l'article L.1471-1 du code du travail, l'action de M. [Z] est prescrite. M. [Z] prétend qu'il n'a pu bénéficier de l'avancement de carrière auquel il aurait pu prétendre, revendiquant depuis de nombreuses années l'octroi du niveau 2 de la qualification F mais il n'a jamais subi de discrimination et il n'y a donc pas lieu d'appliquer la prescription quinquennale relative à la discrimination.'

M. [Z] fait valoir qu'ayant été victime de discrimination syndicale c'est la prescription de 5 ans de l'article L. 1134-5 du code du travail'qui s'applique et que l'action n'est donc pas prescrite. Le point de départ du délai est déconnecté de la naissance de la discrimination, peu important que les premiers agissements soient prescrits. Ses candidatures dans son unité ont été rejetées à différentes reprises.

Sur ce,

En application des dispositions de l'article L. 1134-5 du code du travail, l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination. Ce délai n'est pas susceptible d'aménagement conventionnel.

Les dommages et intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée.

Si la prescription court à compter de la révélation de la discrimination, l'écoulement du délai de prescription est néanmoins retardé tant que les faits de discrimination perdurent et n'ont pas cessé de produire leurs effets avant la période non atteinte par la prescription.

M. [Z] soutenant qu'il subit toujours une discrimination syndicale qui a pour conséquence une inégalité de traitement n'est pas prescrit dans sa demande.

Sur'l'existence d'une discrimination syndicale:

Moyens des parties :

M. [Z] soutient que malgré ses très bons états de service qui ressortent de ses entretiens annuels d'évaluation depuis 2015 et une gratification individuelle de résultats en 2019 destinée à valoriser la performance individuelle de l'agent, son évolution de carrière est restée bloquée depuis 2012. Il a postulé à 8 postes entre 2015 et 2018 pour lesquels sa candidature a été rejetée. Entre 2006 et 2020, il n'a bénéficié d'aucun avancement de niveau (aucune inscription sur les tableaux d'aptitude pour l'avancement au niveau malgré ses appréciations) alors que ses collègues évoluaient. Il n'a pas bénéficié non plus d'avancement de position. Or, il a été représentant du personnel délégué syndical UNSA et membre du CHSCT de 2011 à 2015 et en dehors de ces mandats électifs, rien ne justifie une telle différence de traitement à son préjudice. Il conteste l'appréciation moyenne de sa posture conclue par l'employeur et allègue que l'avancement en position et en niveau doit être le résultat de la maitrise de l'emploi tenu et de l'expérience acquise et indépendant de la notion de «'manager de terrain'». Ce ne saurait être non plus le résultat d'une prétendue non-mobilité.

La SAS Fret SNCF soutient pour sa part que M. [Z] a bénéficié d'une évolution de carrière conforme aux dispositions statutaires. Le 1er avril 2012, il a bénéficié d'une promotion atteignant la position de rémunération 23 soit la plus haute de la qualification F alors qu'il exerçait déjà des fonctions de représentant du personnel.

L'avancement en position de rémunération du 1er avril de chaque année est au choix «'en fonction de la qualité des services assurés et de l'expérience acquise'» alors que l'attribution d'un échelon d'ancienneté supérieur résulte de la seule ancienneté de l'agent dans l'entreprise à compter de son commissionnement. Pour l'avancement au niveau, les agents sont notés en fonction de la maitrise de l'emploi tenu et de l'expérience acquise. L'employeur étant le seul juge des qualités professionnelles de son personnel.

S'il ressort de ses entretiens professionnels que M. [Z] a une bonne performance globale sur son poste, il en ressort qu'il n'occupe pas un poste de cadre impliquant des fonctions de management sur son poste de cadre de réserve. Il mentionne d'ailleurs chaque année qu'il souhaiterait accéder à un poste de management. Or, il a été noté qu'il «'faisait juste son job'» et ne prenait «'pas d'initiatives'» par son supérieur hiérarchique. M. [Z] a une appréciation moyenne au niveau de sa posture': orientation vers les résultats, ouverture d'esprit, initiative et capacité à mettre en 'uvre son expérience dans différentes situations. Pour l'attribution d'un niveau, le choix entre les agents se fait en tenant compte de la maitrise de l'emploi et de l'expérience acquise et sont placés en priorité niveau F, les agents qui occupent et maitrisent un emploi correspondant à la qualification F, ce qui n'est pas le cas de M. [Z]. Il a de plus privilégié le fait de rester sur un poste à [Localité 3] plutôt que de s'orienter vers des fonctions de management correspondant à sa qualification de cadre. Il n'est pas un cas isolé.

Sur ce,

L'article L. 1132-1 du code du travail prévoit qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Par ailleurs, l'article L. 1134-1 du code du travail dispose que lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il incombe à M. [Z] qui se prétend lésé par un défaut de qualification et une inégalité de traitement discriminatoires du fait de ses activités syndicales de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une discrimination syndicale.

Il n'est pas contesté par les parties que M. [Z] occupe des mandats représentatifs depuis 2011.

Il ressort du tableau versé par l'employeur que la dernière promotion dont il a bénéficié date du 1er avril 2012 ( position de rémunération 23 de la qualification F).

Il est constant que sa candidature au poste de DPX SJM en février 2015 et au poste de RDO en août 2016 (responsable des opérations) au poste de manager ont été rejetées ainsi que 8 autres candidatures sur différents postes entre 2015 et décembre 2019.

Il n'est pas contesté que malgré de bonnes évaluations annuelles et sa volonté affichée et renouvelée chaque année d'accéder à un poste de manager, M. [Z] n'a pas été promu sur le niveau 2 de la qualification F sur son propre poste.

M. [Z] verse aux débats'les courriers de demandes d'explications adressés à son employeur s'agissant de son absence d'évolution de carrière et de niveau malgré sa notation en 2014, 2016, 2017, 2018 et 2019, ainsi que le courrier de demande d'explications de son conseil en 2018 et en 2019.

M. [Z] établit ainsi l'existence matérielle de faits pouvant laisser présumer l'existence d'une discrimination à son encontre.

Il incombe dès lors à l'employeur de démontrer que les comportements et faits établis sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur l'appartenance à un syndicat.

S'agissant de l'absence de promotion sur son propre poste après 2012, la SAS FRET SNCF argue que si ses évaluations montrent que M. [Z] a une bonne maitrise de son emploi, il a une appréciation moyenne au niveau de sa posture et qu'elle est limitée à 16 promotions au niveau 2 sur l'ensemble de la direction FRET AUTOCHEML, d'autres agents lui ayant été légitimement préférés.

Il ressort que l'employeur indique dans les différentes évaluations annuelles':

- Pour l'EIA 2014': M. [Z] marque sa volonté d'évoluer vers le management

- Pour l'EIA 2015 «'application sur la qualité des infos saisies, nécessaires aux plates-formes. Mise à jour des outils..., reprise des éléments calés, supervision... interlocuteur disponible pour tout intervenant'» et «'bonne performance globale, bonne maîtrise de RUS, le module « desserte » semble être maîtrisé »

- Pour l'EIA 2016': «'[M] a été moteur et son investissement a été déterminant dans la réussite du changement grande disponibilité. Bonne performance sur le poste'». M. [Z] mentionne sa volonté de développer ses compétences et de saisir une opportunité de poste de manager.

- Pour l'EIA 2017': «'passage à la réserve réussi. Disponibilité. Participation active au groupe de travail, remontée des dysfonctionnements »

- Pour l'EIA 2018': «'bonne performance globale malgré une coupure médicale de quatre mois. A su retrouver ses performances aux missions de réserve »

- Pour l'EIA 2019': «'[M] s'est investi tout au long de l'année en cherchant à augmenter ses compétences. Performance ok ». Il est précisé que le salarié demande d'approfondir ses connaissances en pratiquant et en se formant et qu'il souhaite s'orienter vers un poste de manager ou un poste au pôle prod de journée. Aucun axe de progrès n'est à signaler.

- Pour l'EIA 2021': «'Une année difficile marquée par la crise COVID, réorganisation de l'équipe opérationnelle ainsi qu'une crise sillon forte lors de la mise en place du PT 2021. [M] a su prendre toutes les mesures du plan de transport Alpes et concourir aux excellents résultats économiques de l'atelier Alpes dans cette année complexe. Il a su s'imposer comme référence en termes d'assemblage des ressources et accompagner le deuxième assembleur arrivé sur le poste en cours d'année 2020. Ses compétences concernant la lecture des graphies de circulation sont une aide précieuse pour l'obtention des sillons et la construction des journées agents. Une bonne année au vu du contexte. » Il est précisé que le salarié est attentif à la bourse de l'emploi sur le poste de DPX dans un périmètre à une heure de [Localité 3]. Sur son poste, souhaite continuer à être le référent du pôle prod. Pour atteindre cet objectif il souhaite réaliser des visites terrain.

- Pour l'EIA 2022':'«'une très belle année 2021- situation compliquée à plusieurs titres. [M] demeure un maillon essentiel du fonctionnement du pôle production Alpes. Les résultats de l'atelier Alpes ne sont pas étrangers à son travail au quotidien ». Il est précisé que le salarié souhaite être placé sur un potentiel G pour évoluer dans l'entreprise. Il veut étendre ses compétences notamment avec une habilitation à IDAP pour étendre son champ de compétences.

M. [Z] est bénéficiaire en avril 2019 d'une prime de performance 2300 € pour son application et ses compétences.

Il ressort de la fiche argumentaire sur réclamation produite aux débats à la suite de la réclamation de M. [Z] pour passer au niveau 2 de la qualification F en avril 2018, que le manager estime qu'il «'fait son job correctement mais sans plus'».

Il ressort d'un mail de M. [K], dirigeant de l'atelier, en mars 2019 à la suite de la réclamation de M. [Z] n'a «'pas pour l'instant une posture de cadre notamment par le fait qu'il assure la tenue d'un poste 3X8 QE'», sachant qu'il est admis par l'employeur qui demande des explications à l'atelier «'qu'il est le 1er et qu'ont été choisis deux autres agents après lui'». Il est également précisé que «'MrB. est DPX et Mr K tiens un poste au pôle S UFRA, le choix du DU se porte sur ces missions entrant mieux dans un cursus de cadre et leur stature et posture est celle d'un cadre, M. [Z] est resté très opérateur'»(sic)

Il ne saurait être déduit, compte tenu de la très bonne qualité de ses EIA susvisées depuis 2014, de ces deux simples remarques subjectives et laconiques en avril 2018 et mars 2019, qui n'ont pu être débattues contradictoirement avec M. [Z], non corroborées par des éléments objectifs ou des exemples concrets, ou d'autres évaluations postérieures, que M. [Z] 'aurait «'une bonne maitrise de son emploi, mais une appréciation moyenne au niveau de sa posture'». Il n'est par ailleurs pas précisé quelles sont les actions à effectuer pour adopter une posture ou une stature de cadre qui aurait pu donner lieu à promotion contrairement à celle d'un opérateur qu'adopterait M. [Z] alors même qu'il est admis qu'il est le premier à devoir normalement être promu.

S'il n'est pas contestable qu'il appartient à l'employeur dans le cadre de son pouvoir de gestion et de promotion d'opérer un choix entre les agents pour l'attribution d'un certain niveau en fonction de leur compétences et de la maitrise de leur emploi, la SAS FRET SNCF ne justifie pas des compétences que M. [Z] n'avait pas acquises, de ses lacunes sachant qu'il avait émis depuis 2014 la volonté de devenir manager et que l'employeur n'a jamais fait de commentaire sur cette demande dans ses évaluations ni ne lui a proposé de formation ou prodiguer de conseils aux fins de de pallier des lacunes.

Le seul fait que deux autres agents ont eu un délai de séjour sur le niveau 1 de la qualification F aussi long que le sien ne suffit pas à justifier des raisons objectives de cette absence de promotion.

Aucune réponse écrite n'a été donnée aux interrogations de M. [Z].

M. [Z] a néanmoins acquis le niveau souhaité en 2020 du seul fait de son ancienneté.

L'employeur ne conclut pas sur l'absence de réponse aux nombreuses candidatures de M. [Z] malgré ses évaluations annuelles favorables.

Le fait d'avoir indiqué en 2021 qu'il souhaitait un poste de DPX dans un périmètre à une heure de [Localité 3] ne pouvant à lui seul exclure M. [Z] de tout changement de poste.

Si l'employeur justifie par la production d'un tableau que deux autres salariés ont obtenu le niveau sollicité par M. [Z] à l'issue d'un délai de séjour de plus de 13 ans, il ne verse aucun élément à la cour permettant d'analyser les détails de leur situation et de leur déroulement de carrière par rapport à celle de M. [Z] et des autres salariés ayant obtenu pus rapidement le niveau litigieux.

L'employeur échoue ainsi à démontrer que les faits matériellement établis par M. [Z] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination syndicale. La discrimination est établie par voie d'infirmation du jugement déféré.

Il convient dès lors de condamner la SAS FRET SNCF à payer à M. [Z] la somme de 20 000 € pour le préjudice subi du fait de la discrimination.

M. [C] [L] doit être en revanche être débouté de sa demande de reclassification, ne démontrant pas qu'il aurait dû bénéficier du niveau 2 à partir d'une date précise, cette perte de chance de bénéficier de cette évolution étant d'ores et déjà prise en compte dans l'indemnisation susvisée au titre de la discrimination constituant la réparation du préjudice intégral subi du fait de l'évolution de carrière discriminatoire dans l'entreprise.

Sur le respect de l'obligation de sécurité':

Moyens des parties :

M. [Z] soutient que la discrimination syndicale subie a eu un retentissement sur son état de santé puisque malgré ses demandes sa carrière a stagné entrainant au fil des ans une grande frustration et une incompréhension provoquant chez lui un état dépressif (insomnies chroniques, épuisement physique et moral). Il a été déclaré inapte temporairement aux 3X8 par le médecin du travail suite à une conversation vive et agressive et très anxiogène sur le lieu de travail et a vu un psychologue SNCF et un psychiatre SNCF. La SAS Fret SNCF doit être condamnée à des dommages et intérêts pour préjudice moral pour avoir manqué à son obligation de prévention.

La SAS Fret SNCF fait valoir que le salarié ne démontre pas l'existence de la conversation qu'il allègue ni le lien de causalité entre cet événement et la dégradation de son état de santé. Il ne justifie pas non plus le quantum de dommages et intérêts demandé.

Sur ce,

L'article L.'4121-1 du code du travail prévoit que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2017, ces mesures comprennent':

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article'L. 4161-1.

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'article L.'4121-2 du même code décline les principes généraux de prévention sur la base desquels l'employeur met en 'uvre ces mesures. Enfin, il est de jurisprudence constante que respecte son obligation légale de sécurité, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

Il appartient au salarié de démontrer le préjudice qu'il invoque, dont les juges du fond apprécient souverainement l'existence et l'étendue.

M. [Z] ne justifie pas de l'existence d'une conversation «'vive et agressive'» avec son dirigeant d'unité en mai 2017 qui aurait été à l'origine de son arrêt de travail de juin à fin octobre 2017, ni du lien de ses arrêts de travail avec son activité professionnelle et «'sa frustration'» du fait de son absence d'évolution. Il ne démontre pas non plus avoir alerté son employeur de cet événement ni d'une souffrance au travail et d'un état de santé défaillant en lien avec son absence de perspectives professionnelles.

M. [Z] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre par voie de confirmation du jugement déféré

Sur les demandes accessoires':

Il convient d'infirmer la décision de première instance s'agissant des dépens et des frais irrépétibles.

La SAS FRET SNCF, partie perdante qui sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, devra payer à M. [Z] la somme de 2000 € au titre de ses frais irrépétibles pour l'instance.

PAR CES MOTIFS':

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté M. [Z] de ses demandes au titre du manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité,

STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation,

JUGE que M. [Z] a été victime de discrimination syndicale,

CONDAMNE la SAS FRET SNCF à verser à M. [Z] la somme de 20000 € de dommages et intérêts à ce titre,

DEBOUTE M. [Z] de sa demande de reclassification,

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS FRET SNCF à payer la somme de 2000 € à sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance

CONDAMNE la SAS FRET SNCF aux dépens de l'instance.

Ainsi prononcé publiquement le 27 Juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente, et Monsieur Bertrand ASSAILLY, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Chbre sociale prud'hommes
Numéro d'arrêt : 22/01726
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;22.01726 ?
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