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27/06/2024 | FRANCE | N°22/00591

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Chbre sociale prud'hommes, 27 juin 2024, 22/00591


COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE











ARRÊT DU 27 JUIN 2024



N° RG 22/00591 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G6WH



Association SERENITY DOM

C/ [O] [S]





Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANNECY en date du 16 Mars 2022, RG F 21/00011



Appelante



Association SERENITY DOM, demeurant [Adresse 1]



Représentée par Me Philippe TRUCHE, avocat au barreau de LYON



Intimée
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Mme [O] [S]

née le 21 Juillet 1964 à [Localité 3], demeurant [Adresse 2]



Représentée par Me Virginie VABOIS, avocat au barreau d'ANNECY



PARTIES INTERVENANTES :



COMPOSITION DE LA COUR :



L...

COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 27 JUIN 2024

N° RG 22/00591 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G6WH

Association SERENITY DOM

C/ [O] [S]

Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANNECY en date du 16 Mars 2022, RG F 21/00011

Appelante

Association SERENITY DOM, demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Philippe TRUCHE, avocat au barreau de LYON

Intimée

Mme [O] [S]

née le 21 Juillet 1964 à [Localité 3], demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Virginie VABOIS, avocat au barreau d'ANNECY

PARTIES INTERVENANTES :

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Mars 2024 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente,

Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHUILON, Conseillère,

qui en ont délibéré

Assistés de Monsieur Bertrand ASSAILLY, Greffier à l'appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré,

********

EXPOSE DU LITIGE

Mme [O] [S] a été embauchée par l'association d'aide-ménagère aux personnes âgées de [Localité 4] à domicile, canton de [Localité 4],'en qualité d'agent polyvalent à compter du 25 février 2002 pour une durée minimale de trois mois en contrat à durée déterminée à temps partiel de 10 heures hebdomadaires de travail. La durée de travail de Mme [S] a été augmentée à hauteur de 18 heures de travail hebdomadaires le 28 mai 2003. La relation contractuelle s'est ensuite poursuivie en contrat à durée indéterminée.

L'association d'aide-ménagère aux personnes âgées de [Localité 4] a fusionné en 2004 avec l'association ADAR pour former l'ADCR (Aide à domicile canton de [Localité 4]).

Le contrat de travail de Mme [S] a été transféré et par avenant du 1er mai 2004, elle a pris les fonctions de comptable à temps partiel. A compter de septembre 2005, son temps de travail a augmenté pour atteindre 20 heures par semaine puis 24 heures à partir du 1er novembre 2006. Elle a occupé les fonctions de conseillère technique.

A compter du 1er novembre 2010, Mme [S] a été promue au poste d'assistante de direction, statut cadre et au dernier état de la relation de travail, elle occupait le poste de chef de service en contrat à durée indéterminée à temps complet.

Le 1er janvier 2018, a eu lieu la fusion entre l'ADCR et la structure d'[Localité 3] «'A votre service'» qui sont devenues l'association Serenity Dom et il a été décidé que Mme [S] et son homologue Mme [N] occuperaient toutes les deux un poste de chef de service statut cadre.

Le 14 novembre 2019, le bureau de l'association annonçait la réorganisation du service administratif et la suppression des deux postes de direction compte tenu du poids financier sur la structure ainsi que la création d'un poste de cade «'responsable opérationnelle, chargée du développement'» (Sic) pour venir au soutien aux équipes sur le terrain et assurer la coordination.

Le 22 novembre 2019, Mme [S] et Mme [N] ont été convoquées par mail par les co-présidentes et se sont vues remettre le profil du poste «'responsable opérationnel, chargé de développement'» et il leur a été demandé de se positionner sur cette proposition avant le 16 décembre 2019.

Un courrier du 27 novembre 2019 confirme la situation à Mme [S] lui précisant que le poste est ouvert par priorité aux deux adjointes de direction et qu'il leur est demandé de proposer un nouveau projet d'organisation et qu'en fonction des projets proposés, un choix sera fait. Dans le cas contraire une candidature externe sera ouverte. Mme [S] était invitée par courrier du 5 décembre 2019 à présenter sa candidature et à déposer son CV, une lettre de motivation et un document écrit sur sa vision du poste et les axes prioritaires de la mission.

Le 11 décembre 2019, Mme [S] a demandé à son employeur par lettre recommandée avec accusé de réception de préciser le profil du poste à pourvoir et le 16 décembre, l'employeur lui a répondu qu'elle avait dépassé la date limite de candidature et lui a précisé que pour des raisons économique il n'était pas possible de maintenir l'encadrement dans la configuration actuelle.

Le 30 décembre 2019, Mme [S] a été convoquée à un entretien fixé le 7 janvier 2020 par l'association SERENITY DOM pour lui demander des explications sur son absence de candidature.

Le 18 janvier 2020, Mme [S] a reçu un courrier de convocation à un entretien préalable à un licenciement économique fixé le 24 janvier 2020 par l'association Serenity Dom.

Le 23 janvier 2020, le CSE a été consulté sur le projet de licenciement économique et le 7 février 2020, Mme [S] a été licenciée pour motif économique par courrier recommandé.

Mme [S] a saisi le conseil des prud'hommes d'Annecy en date du'8 janvier 2021 aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement et obtenir les indemnités afférentes.

Par jugement du'16 mars 2022, le conseil des prud'hommes d'Annecy'a':

- Dit et Jugé que le licenciement de Madame [O][S] pour motif économique est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse.

- Dit et Jugé que le licenciement de Madame [O][S] pour motif économique est irrégulier en la forme

- Condamné l'association Serenity Dom à payer à Mme [S] les sommes suivantes':

36.711 29 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

6.638 51 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

663,85 € bruts au titre des congés payés sur préavis

1.500,00 € nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Débouté Mme [S] de sa demande de paiement de dommages-intérêts pour travail dissimulé

- Débouté Mme [S] de sa demande d'heures supplémentaires

- Dit que le jugement est de droit exécutoire pour les rémunérations et indemnités mentionnées au 2/ de l' article R.1454-14, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculé sur la moyenne des trois derniers mois de salaire

- Fixé le salaire moyen de Mme [S] à 3.337,39 €

- Dit que les sommes auxquelles l'association Serenity Dom est condamnée à payer à Mme [S] porteront intérêt au taux légal avec capitalisation par année entière, à compter de la convocation du défendeur au bureau de conciliation et d'orientation, soit le 3 mars 2021 , concernant les créances déclaratives et à compter du jour du prononcé du jugement pour les créances indemnitaires

- Débouté madame [O] [S] du surplus de ses demandes

- Débouté l'association Serenity Dom de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Débouté l'association Serenity Dom aux entiers dépens.

La décision a été notifiée aux parties et l'association Serenity Dom en a interjeté appel par le Réseau Privé Virtuel des Avocats le'7 avril 2022 et Mme [S] en a fait appel incident par voie de conclusions.

Par conclusions en réponse du12 janvier 2023 , l'association Serenity Dom demande à la cour d'appel de':

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Débouté Mme [S] de sa demande de paiement de dommages-intérêts pour travail dissimulé.

- Débouté Mme [S] de sa demande de rappel de salaire au titre de prétendues heures supplémentaires.

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Dit et Jugé que le licenciement de Mme [S] pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse

- Dit et Jugé que le licenciement de Mme [S] pour motif économique est irrégulier en la forme

- Condamné l'Association SERENITY DOM à payer à Mme [S] les sommes suivantes':

36.711 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

6.638,51 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

663,85 € bruts au titre des congés payés sur préavis ;

1.500,00 € nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Débouté l'association Serenity Dom de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Et statuant de nouveau sur ce point':

- Dire et Juger que le licenciement pour motif économique de Mme [S] repose sur une cause réelle et sérieuse

- Dire et Juger que Mme [S] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice lié à l'irrégularité de la procédure de licenciement ;

Par conséquent,

- Débouter Mme [S] de l'intégralité de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

- Dire et Juger que le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être fixé au minimum légal soit trois mois de salaire et débouter Mme [S] du surplus de ses demandes ;

En tout état de cause,

- Condamner Mme [S] à verser à l'association Serenity Dom la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ,

- Condamner la même aux entiers dépens.

Par conclusions du'28 septembre 2022, Mme [S] demande à la cour d'appel de':

- Fixer la moyenne de ses salaires bruts à la somme de 3.337,39 euros.

- Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'Annecy le 16 mars 2022 en ce qu'il l'a débouté de sa demande de rappels de salaire sur les heures supplémentaires effectuées.

Statuant à nouveau,

- Condamner l'association Serenity Dom à lui payer la somme de 28.226,47 euros bruts au titre des heures supplémentaires effectuées, outre la somme de 2.822,64 euros bruts au titre des congés payés afférents.

- Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'Annecy le 16 mars 2022 en ce qu'il l'a débouté de sa demande remise d'un bulletin de paie rectificatif mentionnant ces rappels de salaire.

Statuant à nouveau,

- Ordonner la remise d'un tel bulletin de paie rectificatif, sous astreinte journalière de 100 euros, dans un délai de 10 dans un délai de 10 jours à compter de la notification de la décision à intervenir.

- Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'Annecy le 16 mars 2022 en ce qu'il l'a débouté de sa demande de condamnation au titre de l'indemnité forfaitaire de travail dissimulé chiffrée à hauteur de 20.024,34 euros nets de CSG CRDS.

Statuant à nouveau,

- Juger que l'association Serenity Dom s'est rendue coupable de l'infraction de travail dissimulé et la Condamner à payer à Mme [S] la somme de 20.024,34 euros nets de CSG CRDS au titre de l'indemnité forfaitaire de travail dissimulé.

- Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'Annecy le 16 mars 2022 en ce qu'il a dit et jugé que le licenciement pour motif économique de Madame [S] est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse.

- Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'Annecy le 16 mars 2022 en ce qu'il a dit et jugé que le licenciement pour motif économique de Madame [S] est irrégulier en la forme.

- Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'Annecy le 16 mars 2022 en ce qu'il lui a, dans son principe, alloué une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés sur préavis.

- Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'Annecy le 16 mars 2022 sur le quantum de ces indemnités.

Statuant a nouveau,

à titre principal sur les indemnités de rupture,

- Condamner l'association Serenity Dom à lui payer les sommes suivantes :

46,723,46 euros nets de CSG CRDS à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

10.012,17 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

1.001,22 euros bruts au titre des congés payés sur préavis.

À titre subsidiaire sur les indemnités de rupture, si par extraordinaire la Cour considérait que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse,

- Condamner l'association Serenity Dom à lui payer la somme de 3.337,39 euros nets de CSG CRDS à titre d'indemnité de licenciement irrégulier.

- Confirmer le jugement rendu par la Conseil de prud'hommes d'Annecy le 16 mars 2022 en ce qu'il a condamné l'ASSOCIATION SERENITY DOM à lui payer la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Y ajouter la somme de 2.500 euros pour les frais irrépétibles engagés en cause d'appel, toujours au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Condamner l'association Serenity Dom aux entiers dépens de procédure.

- Juger que les sommes allouées à Mme [S] porteront intérêt au taux légal en application des articles 1231-6 et -7 du Code civil.

L'ordonnance de clôture a été rendue le'5 mai 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

SUR QUOI':

Sur la demande au titre des heures supplémentaires :

Moyens des parties :

Mme [S] sollicite le paiement d'heures supplémentaires. Mme [S] expose qu'elle n'était soumise à aucun système particulier d'aménagement de son temps de travail de type convention de forfait en jours sur l'année et qu'à compter de la 2ème fusion, elle travaillait de 7h30 à 17h30, les lundis / mardis / jeudis et vendredis et de 7h30 à 13h le mercredi, soit 45,5 heures hebdomadaires de travail au lieu des 151,67 heures prévues et qu'elle envoyait des mails tôt le matin et tard le soir sans que ses bulletins de paie ne mentionnent la moindre heure supplémentaire. Elle fait valoir qu'eu égard à ses fonctions de chef de service, il n'était pas concevable qu'elle quitte son poste avant la fermeture des locaux de l'association. L'employeur ne produisant aucun élément de contrôle fiable de ses heures de travail et ne justifiant pas d'avoir mis en place un horaire collectif de travail.

L'association Serenity Dom conteste la demande d'heures supplémentaires. Elle expose que la salariée sollicite un rappel de salaire calculé forfaitairement et ne verse pas suffisamment d'éléments prouvant les horaires de travail invoqués. (Attestations sans pièce d'identité de leur auteur, dactylographiées sur le même modèle et imprécises), que les mails produits le matin ou tard le soir sont des mails automatiques de «'réception d'un avis de paiement'» envoyé par le groupe de protection sociale Humanis. Mme [S] n'a jamais eu l'obligation d'être présente pendant les plages d'ouverture de l'agence. Elle n'explique pas l'ampleur des tâches confiées «'à compter de la deuxième fusion'» qui aurait justifié l'accomplissement systématique de plus de 10 heures supplémentaires par semaine. Mme [S] ne s'est jamais plainte d'une surcharge de travail alors qu'elle a été amenée à faire de ses tâches devant le COPIL du 18 juin 2019. Elle exerçait les fonctions de maire adjointe qui la sollicitaient pendant son temps de travail.

Sur ce,

S'agissant des heures supplémentaires, conformément à l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; la durée légale du travail, constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article L. 3121-22 du code du travail, les heures supplémentaires devant se décompter par semaine civile.

Par application de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, le juge formant sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre'd'heures'de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux'heures'non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des'heures'de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où elle retient l'existence'd'heures'supplémentaires, la juridiction prud'homale évalue souverainement, sans être tenue de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Par ailleurs, il doit être rappelé que l'absence d'autorisation donnée par l'employeur au salarié pour effectuer des heures supplémentaires est indifférente dès lors que les heures supplémentaires ont été rendues nécessaires par les tâches confiées au salarié.

Il est de principe que n'est pas suffisant un calcul basé sur une durée moyenne hebdomadaire théorique.

En l'espèce, Mme [S] verse aux débats les éléments suivants quant aux heures non rémunérées dont elle réclame le paiement':

Son bulletin de paie du mois de janvier 2020 qui fait état d'une durée du travail de 151,67 heures par mois

L'attestation de Mme [B] [G] (sans pièce d'identité et dont on ne connait pas son emploi ou son lien avec Mme [S] ) qui fait état d'un accrochage et de l'aide d'une dénommée «'[W]'», attestation qui n'est par conséquent pas pertinente

L'attestation de Mme [F] [E], infirmière du centre de soins qui témoigne que Mme [S] était à son poste le matin dès 7H30

L'attestation de Mme [D] [M], infirmière du centre de soins qui témoigne que Mme [S] arrivait à son poste dès 7H30 du matin'

25 mails envoyés entre 7H30 et 7H49 par Mme [S] entre mai 2019 et janvier 2020

5 mails envoyés par Mme [S] entre 18H30 et 21H35 entre juillet 2018 et le 6 février 2020

Si le fait pour Mme [S] d'adresser un mail peut attester de sa présence à un moment défini devant son ordinateur ou son smartphone, il ne peut suffire à témoigner d'une durée effective de travail effectif sur le reste de la journée et démontrer en conséquence l'amplitude de travail et l'accomplissement d'heures supplémentaires, d'autant que l'envoi de 5 mails en 8 mois le soir ne peut être jugé significatif d'un travail régulièrement tardif. Mme [S] ne démontre pas non plus qu'elle était dans l'obligation d'adresser ces mails à ces horaires et ne justifie d'aucun courriel de l'employeur hors des heures de travail ou lui exigeant une réponse hors des heures de travail. Il doit également être noté que les éléments reçus sont uniquement des mails automatiques de réception d'un avis de paiement tous identiques que Mme [S] transfère sans autre message à des salariés de l'association.

Le seul fait conclu qu'il n'était pas concevable qu'elle quitte son poste avant la fermeture des locaux n'est corroboré par aucun élément objectif. De plus, Mme [S] produit uniquement dans ses conclusions un calcul forfaitaire de 10,5 heures supplémentaires par semaine, sans autre précision de jour et de semaine, un calcul basé sur une durée moyenne hebdomadaire théorique n'étant par principe pas suffisant pour permettre à l'employeur d'y répondre par ses propres éléments.

Les éléments ainsi produits par Mme [S], ne constituent pas une présentation d'éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies de nature à permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Elle doit donc être déboutée de sa demande de rappel de salaires à ce titre par voie de confirmation du jugement déféré.

Sur le travail dissimulé':

Moyens des parties :

Mme [S] soutient qu'en lui confiant des tâches de travail et des responsabilités qui ne pouvaient pas être réalisées en 35 heures hebdomadaires de travail seulement, et sans pour autant la soumettre à une convention de forfait en jours sur l'année, ni aux garanties qu'elle engendre, l'association Serenity Dom a organisé la dissimulation d'une partie des heures supplémentaires réalisées et a volontairement mentionné sur les bulletins de paie un nombre d'heures supplémentaires inférieur à celui réalisé.

L'association Serenity Dom fait valoir que non seulement la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires de la salariée est infondée mais qu'elle n'établit pas l'élément intentionnel constitutifs de l'infraction de travail dissimulé.

Sur ce,

Il résulte des dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur':

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche';

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie';

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité en application des dispositions de l'article L.'8221-3 du code du travail', l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations :

1° Soit n'a pas demandé son immatriculation au registre national des entreprises en tant qu'entreprise du secteur des métiers et de l'artisanat ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire, ou a poursuivi son activité après refus d'immatriculation, ou postérieurement à une radiation ;

2° Soit n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur. Cette situation peut notamment résulter de la non-déclaration d'une partie de son chiffre d'affaires ou de ses revenus ou de la continuation d'activité après avoir été radié par les organismes de protection sociale en application de l'article'L. 613-4'du code de la sécurité sociale ;

3° Soit s'est prévalue des dispositions applicables au détachement de salariés lorsque l'employeur de ces derniers exerce dans l'Etat sur le territoire duquel il est établi des activités relevant uniquement de la gestion interne ou administrative, ou lorsque son activité est réalisée sur le territoire national de façon habituelle, stable et continue.

L'article L. 8223-1 du code du travail dispose qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L.'8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Le paiement de cette indemnité suppose de rapporter la preuve, outre de la violation des formalités visées à l'article L.8223-1 du code du travail, de la volonté de l'employeur de se soustraire intentionnellement à leur accomplissement. Ce caractère intentionnel ne peut résulter du seul défaut de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie ni se déduire de la seule application d'une convention de forfait illicite.

Cette indemnité forfaitaire n'est exigible qu'en cas de rupture de la relation de travail. Elle est due quelle que soit la qualification de la rupture, y compris en cas de rupture d'un commun accord.

Cette indemnité est cumulable avec les indemnités de toute nature auxquelles le salarié a droit en cas de rupture du contrat de travail, y compris l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ou l'indemnité de mise à la retraite.

En l'espèce, Mme [S] doit être déboutée de sa demande au titre du travail dissimulé car fondée uniquement sur l'existence d'heures supplémentaires non rémunérées qui n'a pas été démontrée par voie de confirmation du jugement déféré.

Sur la régularité et le bien fondé du licenciement économique :

Mme [S] a été licenciée le 7 février 2020 pour motif économique.

Moyens des parties':

Mme [S] soutient d'une part au visa de l'article L. 1232-1 du code du travail que le délai de 5 jours ouvrables devant obligatoirement séparer la réception de la lettre de convocation à l'entretien préalable de la tenue dudit entretien, n'a pas été respecté.

D'autre part, s'agissant du bienfondé du licenciement, elle conteste que les difficultés économiques de l'employeur aient abouti à la suppression effective des deux postes de directrices adjointes et donc de son poste, Mme [N] ayant été ensuite un mois après son licenciement. Mme [S] dénonce un montage juridique qui consistait en la création d'une nouvelle association pour les fonctions supports revenait à

« externaliser » le poste de Directrice adjointe de Mme[S] et non à le supprimer.

Mme [S] fait également valoir que son licenciement est intervenu sans qu'aucune proposition de reclassement ne lui ait été faite et qu'en tout état de cause, il résulte de la formulation utilisée dans la lettre de licenciement que l'association Serenity Dom a limité ses recherches de reclassement au sein de sa seule association sans l'étendre aux trois autres structures d'aide à domicile de l'association Serenity Dom dont le siège social est situé à la même adresse et aux nombreuses associations de services d'aides à la personne auxquelles la Fédération à laquelle l'association Serenity Dom appartient, est affiliée.

L'association Serenity Dom fait valoir pour sa part qu'elle a subi de réelles difficultés économiques et que la suppression des deux postes de directrices adjointes est bien réelle et qu'il ne saurait lui être reproché d'avoir, en raison de ces suppressions, réparti les tâches de ses différentes salariées entre le directeur de Serenity Dom et l'Association Dom Avenir Service, à qui elle sous-traite désormais ses services support (paie, facturation, comptabilité, RH), ni le fait qu'après son licenciement, Mme [N] ait été recrutée par l'Association Dom Avenir Services en qualité de consultante paie-comptabilité.

S'agissant du reclassement, elle conclut que dès lors que ni Mme [N] ni Mme [S] n'ont candidaté au poste de responsable opérationnel qu'elle envisageait de créer, l'association a renoncé à la création de ce poste, ce dont elle justifie ; elle ne pouvait donc le proposer comme poste de reclassement à Mme [S]. Les recherches de reclassement sont désormais dans la jurisprudence, cantonnées à l'entreprise dominante et aux entreprises qu'elle contrôle, avec lesquelles la permutation de tout ou partie du personnel est envisageable, sur le territoire national.

Or, quand bien même l'association Serenity Dom est membre d'une fédération d'Associations, elle en est totalement indépendante d'un point de vue juridique, économique et/ou de gouvernance.

L'association Serenity Dom ne conteste pas que seuls quatre jours ouvrables se sont écoulés entre la réception de la lettre de convocation par Mme [S] et la tenue de l'entretien préalable mais soutient que la sanction de cette irrégularité est une indemnité maximale d'un mois de salaire à condition pour la salariée de démontrer l'existence d'un préjudice, ce que Mme [S] ne fait pas. De plus cette indemnité ne peut se cumuler avec d'éventuels dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur ce,

L'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er avril 2018 énonce que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité;

4° A la cessation d'activité de l'entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article'L. 233-3'et à l'article L. 233-16'du code de commerce.

Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

Sur la réalité des difficultés économiques de l'association Serenity Dom':

Il ressort des éléments versés aux débats devant la cour (comptes de résultat simplifié de 2017 à 2019, dossiers de gestion pour les exercices 2018 /2019 et 2019 / 2020, comptes annuel du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019 et du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2020), et n'est pas contesté par Mme [S] que l'association Serenity Dom a subi une baisse importante de son activité entre 2017 et 2018 qui s'est poursuivie en 2019. Son chiffre d'affaires est passé de 3,2 millions en 2017 à 3 millions en 2018 puis 2,8 millions en 2019. Son résultat en 2017 de 21676 € ayant chuté jusqu'à 136349 € en 2019.

Sur la réalité de la suppression du poste de Mme [S]':

L'association Serenity Dom justifie du licenciement pour motifs économiques de Mme [S] à la suite de la suppression de son poste de directrice adjointe de l'association Serenity Dom et de son défaut de candidature au poste dont la création était envisagée de'«'responsable opérationnel, chargé de développement'».

Il est également justifié, contrairement à ce que la juridiction prud'homale a indiqué en première instance que Mme [N], son homologue, a été ensuite embauchée en qualité de consultante paie comptabilité et non de directrice adjointe en contrat à durée déterminée à temps plein le 9 mars 2020, non par l'association Serenity Dom mais par l'association Dom Avenir Services.

Il ne peut être déduit du compte-rendu du CA de l'association Serenity Dom du 22 janvier 2020 et du mail du 11 mars 2020 adressé par l'association Dom Avenir Services à Mme [J], dont au surplus on ignore la qualité et à quelle structure elle appartient, que Mme [N] serait destinée à occuper des fonctions de chef de service ou de directeur à la fois pour l'association Dom Avenir Services et l'association Serenity Dom en fraude de son licenciement économique et de la suppression du poste de Mme [S].

Faute de démontrer comme conclu que Mme [N] exerçait en réalité les fonctions de chef de service de l'association Serenity Dom et de l'association Dom Avenir Service, il ne peut être déduit de ce recrutement de cette salariée par une autre entité juridique que l'association Serenity Dom et en contrat à durée déterminée en qualité de consultante paie comptabilité, que le poste de Mme [S] au sein de l'association Serenity Dom n'aurait pas été réellement supprimé.

Il ne peut par ailleurs être reproché à l'association Serenity Dom de sous-traiter désormais ses services support (paie, facturation, comptabilité...), l'employeur ayant le pouvoir de gestion de sa structure et le juge prud'homal n'ayant pas vocation à contrôler ses choix de gestion sauf à retenir une légèreté blâmable de sa part qui n'est pas invoquée en l'espèce.

L'association Serenity Dom justifie également par la production de son registre unique du personnel qu'aucun salarié n'a été recruté pour exercer les fonctions que Mme [S] et Mme [N] exerçaient avant leur licenciement économique.

Sur le respect de l'obligation de reclassement':

En application des dispositions de l'article L.1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts d'adaptation et de formation ont été réalisé et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurant la permutation de tout ou partie. Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L.233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 du code du travail' et à l'article L.233-16 du code de commerce.

Le reclassement s'effectue prioritairement sur un poste relevant de la même catégorie d'emploi avec une rémunération équivalente et, à défaut, sous réserve de l'accord du salarié, il peut s'effectuer sur une catégorie d'emploi inférieure ; les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. L'employeur doit rechercher à reclasser individuellement les salariés quelques soit le nombre de salariés concernés par le licenciement et même si l'entreprise a fait l'objet d'une procédure collective. La recherche doit être effective et sérieuse.

Le manquement par l'employeur à son obligation de reclassement préalable au licenciement prive celui-ci de cause réelle et sérieuse et ouvre droit au profit du salarié au paiement de dommages-intérêts. Il appartient à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens.

Il est de principe que la proposition d'une modification du contrat de travail que le salarié peut toujours refuser ne dispense pas l'employeur de son obligation de reclassement et l'employeur qui propose au salarié une modification de son contrat de travail pour motif économique est tenu de l'informer de ses nouvelles conditions d'emploi comme des éventuelles mesures accompagnant cette modification afin de lui permettre de prendre position sur l'offre qui lui est faite en mesurant les conséquences de son choix. A défaut d'information suffisante, le licenciement suite à un refus du salarié est privé de cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, il ressort de la chronologie des faits susvisée que le 22 novembre 2019, Mme [S] et Mme [N] ont été convoquées par mail par les co-présidentes et se sont vues remettre le profil du poste «'responsable opérationnel, chargé de développement'» et il leur a été demandé de se positionner toutes les deux en concurrence sur cette proposition avant le 16 décembre 2019.

Il a été rappelé à Mme [S] par courrier du 5 décembre 2019 qu'elle avait jusqu'au 16 décembre 2019 à 12 heures pour se positionner et qu'elle devait fournir certains éléments pour apprécier sa candidature sans mention de l'éventuel licenciement pour motif économique qui suivrait en l'absence de réponse. Il ne peut dès lors être considéré que le poste de «'responsable opérationnel, chargé de développement'» non encore créé et pour lequel elle était directement mise en concurrence avec une autre salariée,'constituait une proposition de reclassement en bonne et due forme, celui-ci n'ayant par ailleurs finalement jamais été créé.

Pour délimiter le périmètre à prendre en considération pour l'exécution de l'obligation de reclassement, seul compte le critère de la permutation du personnel entre les entreprises du groupe, peu important qu'elles appartiennent ou non à un même secteur d'activité.

Il est de principe que la seule affiliation de plusieurs associations sportives à une Fédération n'entraîne pas en soi la constitution d'un groupe au sens de l'article L.1233-4 du code du travail'et est insuffisant à caractériser le fait que les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation des différentes associations affiliées leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personne (Cass. 31 janvier 2024).

S'il n'est pas contesté que l'association Serenity Dom fait partie de la Fédération ADEDOM qui comprend d'autres associations d'aide à la personne, aucun élément versé aux débats ne permet de démontrer que les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation des différentes associations affiliées, qui ne sont par ailleurs pas énumérées, permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel. L'association Serenity Dom justifie toutefois d'avoir adressé à la Fédération un courrier aux fins de reclassement de Mme [S] en date du 6 janvier 2020.

Il n'est en revanche pas contesté que l'association Serenity Dom est un des membres fondateurs de l'association Dom'Avenir Service (dont le siège social est sis à la même adresse). Les associations membres versent annuellement une cotisation dont le montant est fixé par l'AG. L'association Dom'Avenir Service ayant pour objet la mise en commun de moyens techniques et humains et financiers dans le but d'optimiser quantitativement et qualitativement l'offre de service auprès des publics servis par chacune des dites associations adhérentes.

Il y a ainsi lieu d'en déduire que les activités, l'organisation et le lieu d'exercice de l'association Dom'Avenir Service et des autres associations permettaient d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, peu important que comme conclu l'association Serenity Dom ne désigne qu'un tiers des membres du la CA de Dom'Avenir Service.

Si l'association Serenity Dom justifie par ailleurs avoir adressé un courrier le 6 janvier 2020 à l'association Dom'Avenir Service, l'association SEVE et à ADS Peronnas aux fins de reclassement de Mme [S], il n'est pas contesté que Mme [N] a été embauchée en contrat à durée déterminée au sein de l'association Dom Avenir Service, un mois après le licenciement de Mme [S], emploi qui n'a pas été proposé à cette dernière dans le cadre de l'obligation de reclassement.

Par conséquent, l'association Serenity Dom a manqué à son obligation de reclassement et le licenciement de Mme [S] est dénué de cause réelle et sérieuse par voie de confirmation du jugement déféré.

En application des dispositions de l'article L.'1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis'; et, si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par ce texte.

Or, Mme [S] qui disposait d'une ancienneté au service de son employeur de plus de 17 années (17 ans et 11 mois), peut par application des dispositions précitées, prétendre à une indemnisation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi comprise entre 3 et 14 mois de salaire.

Mme [S] avait 56 ans au moment de son licenciement et justifie percevoir l'ARE au 16 juillet 2021. Il convient de condamner l'association Serenity Dom à lui verser la somme de 43386,07 € (13 mois de salaire) au titre de l'indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse par voie de réformation du jugement déféré.

Si le licenciement économique est jugé sans cause réelle et sérieuse, le contrat de sécurisation professionnelle (CSP) devient également sans cause réelle et sérieuse, de sorte que'l'employeur est tenu de payer à la salariée l'indemnité compensatrice de préavis déduction faite des éventuelles sommes déjà versées à ce titre uniquement. Il convient dès lors d'infirmer la décision déférée et de condamner l'association Serenity Dom à verser à Mme [S] à ce titre la somme de 10012,17 € outre 1001,21 € au titre des congés payés afférents

Sur la demande au titre de l'irrégularité de procédure':

En application de l'article L. 1232-2 du code du travail, l'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.

Il résulte des dispositions de l'article L. 1235-2 alinéa 5 du code du travail que dans sa rédaction applicable au litige dispose que si le licenciement d'un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose à l'employeur d'accomplir la procédure prévue et accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

Il est de principe que le non-respect du délai constitue une irrégularité entrainant nécessairement un préjudice pour le salarié.

Il n'est pas contesté en l'espèce par les parties que le délai de 5 jours ouvrables susvisé n'a pas été respecté. Toutefois, le licenciement de Mme [S] ayant été jugé non fondé sur une cause réelle et sérieuse, la salariée n'est pas fondée à cumuler l'indemnité susvisée pour irrégularité de la procédure de licenciement avec une indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Sa demande à ce titre doit donc être rejetée par voie de confirmation du jugement déféré.

Sur les demandes accessoires':

Il convient de confirmer la décision de première instance s'agissant des dépens et des frais irrépétibles.

L'association Serenity Dom partie perdante qui sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, devra payer à Mme [S] la somme de 1500 € au titre de ses frais irrépétibles en cause d'appel.

En application de l'article 1231-7 du code civil, en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement. En cas de confirmation pure et simple par le juge d'appel d'une décision allouant une indemnité en réparation d'un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l'indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d'appel.

Il convient dès lors de juger, compte tenu de la réformation de la décision déférée, que la condamnation à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en cause d'appel portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, et à compter de la convocation de l'association Serenity Dom devant la juridiction prud'homale pour les sommes à caractère salariale.

PAR CES MOTIFS':

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a':

Dit et Jugé que le licenciement de Madame [O][S] pour motif économique est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse.

Dit et Jugé que le licenciement de Madame [O][S] pour motif économique est irrégulier en la forme

Condamné l'association SERENITY DOM à payer à Mme [S] de1.500 00 € nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Débouté Mme [S] de sa demande de paiement de dommages-intérêts pour travail dissimulé

Débouté Mme [S] de sa demande d'heures supplémentaires

Dit que le jugement est de droit exécutoire pour les rémunérations et indemnités mentionnées au 2/ de l'article R.1454-14, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculé sur la moyenne des trois derniers mois de salaire

Fixé le salaire moyen de Mme [S] à 3.337,39 €

Débouté madame [O] [S] du surplus de ses demandes

Débouté l'association Serenity Dom de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamné l'association Serenity Dom aux entiers dépens.

L'INFIRME, pour le surplus

STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation,

CONDAMNE l'association Serenity Dom à payer à Mme [S] les sommes suivantes':

43 386,07 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

10 012,17 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 1001,21 € de congés payés afférents

Y ajoutant,

DIT que la condamnation à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en cause d'appel portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, et à compter de la convocation de l'association Serenity Dom devant la juridiction prud'homale pour les sommes à caractère salariale,

CONDAMNE l'association Serenity Dom à payer la somme de 1 500 € à sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

CONDAMNE l'association Serenity Dom aux dépens en cause d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au Greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Ainsi prononcé publiquement le 27 Juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente, et Monsieur Bertrand ASSAILLY, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Chbre sociale prud'hommes
Numéro d'arrêt : 22/00591
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;22.00591 ?
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